Plaisir simple.

Cellen avait couru deux bonnes heures quand il décida de faire une pause. Il marcha quelques minutes afin de récupérer son souffle et de permettre à son coeur de retrouver un rythme calme. La journée était déjà bien avancée et le soleil brillait haut dans le ciel. Marcher sous le couvert des arbres, dans une fraicheur toute relative, à proximité de ce magnifique lac était un moment de plénitude absolue. Ici, le drow pouvait oublier ses préoccupations et s'adonner à la contemplation des lieux. Drow ne signifiait pas nécessairement être insensible aux beautés de la nature. Evidemment, beaucoup de sa race ne voyait pas quel plaisir on pouvait retirer d'une simple vision, mais ceux-là, Cellen prenait grand soin de les éviter.
Après sa marche, il se trouva une petite place près de l'eau, toujours sous la frondaison des arbres. Le léger clapoti des vaguelettes qui venaient mourir sur les bords reposait l'esprit. Cellen retira sa tunique, humide de sa sueur et plongea celle-ci dans l'eau claire. Elle ne serait pas propre, mais plus agréable à porter. Il ôta également ses bottines pour laisser ses pieds au contact de l'herbe. Un léger courant d'air vint lui rafraichir le visage, et il ferma les yeux pour laisser ses sens profiter pleinement de l'instant.
Il les rouvrit doucement, et fixa l'eau en se demandant s'il allait plonger maintenant ou faire quelques étirements suivis de plusieurs passes martiales avant.

[ J'espère que la place n'est pas déjà réservée =/ ]

La journée s'était avérée bien douce et agréable pour le jeune héritier d'Alenya. Il s'était plut à s'égarer au beau milieu de Dame Nature, jouissant de cette nature morte qu'elle offrait à contempler ainsi que de la délicate mélodie des volatiles. Il avait comme à son habitude chevauché Djerkal sans prendre en compte le temps qui s'écoulait, ne se souciant guère d'autre chose que de son propre bien être. Seulement, ne connaissant que très peu les lieux qu'il découvrait à peine, il ne parvînt pas à rebrousser chemin, se retrouvant perdu au beau milieu d'une immense forêt bordant une étendue d'eau d'où s'échappait quelques fumées chaudes. Le coin semblait tout bônement désert, ne lui offrant point la possibilité de se faire guider. Fort heureusement, le décor était bien loin d'être hostile et s'en retrouvait par conséquent rassurant. Milo ne pouvait en avoir la certitude mais il se sentait en sécurité, loin de toute civilisation donc loin de tout danger.

Il ne connaissait pas encore ce monde où demeurait la magie. On lui avait conter l'existence d'elfes partisans de la prospérité et de créatures maléfiques à la peau sombre. Le jeune voyageur avait eu l'occasion de rencontrer une des êtres elfiques bien que celle si n'était aucunement dévouée à la bonne cause. Cependant, il ne s'était encore jamais dressé face aux Drows, se contentant jusqu'à maintenant de laisser son esprit vagabonder dans l'imaginaire. Il les voyait comme de simples elfes, ne différant que par la couleur de leur teint. On les qualifiait de monstres subsistant de haine et de cruauté mais Milo n'en croyait rien. Pour ce jeune paysan, chaque être était doté d'un bon fond et d'une sensibilité qu'il ne pouvait se forçer de renier. Pour sûr, on pouvait toujours tenter de la dissimuler sous une coquille de gros dur que rien ne pouvait atteindre mais elle n'en restait pas moins présente. Après tout, leurs coeurs, mis à part leur tenacité, n'avait rien de bien différent de ceux des elfes ou ceux des hommes, seule leur doctrine se différenciait.

Le soleil siégait sur le trône, contraignant le cavalier à rechercher de quoi abreuver sa monture. Il mit pieds à terre puis s'approcha de l'eau d'une attitude circonspecte, repensant à ses elfes noirs malgré le néant qui l'embrassait. Ame solitaire et sans grande expérience du combat, la situation se retrouvait quelque peu périlleuse malgré sa quiétude, ce qui s'avérait paradoxal. C'est alors qu'il ne se trouvait plus qu'à quelques mètres du lac en feu qu'il apperçut une obscure sihlouette, le regard sillonant les eaux. Vêtu de haillons noirs, l'inconnu paraissait extrèmement antipathique. Cependant, il s'avérait être le seul homme pouvant disperser le néant dans lequel il était plongé et il lui fallait absolument une route à suivre. Il remit le pied à l'étrier puis se hissa sur le dos de son étalon avant de venir à la rencontre de ce mystérieux personnage :

- Veuillez m'excuser mais je me vois dans l'obligation de vous importuner. Voyez-vous je...

C'est alors que la sombre créature révéla son visage que Djerkal se cabra, ressentant sans nul doute l'aura maléfique de cet elfe noir. Le jeune homme calma la bête puis se munit de sa dague en argent, suivant l'instinct de l'étalon noir, le regard pantois...

- Veuillez m'excuser mais je me vois dans l'obligation de vous importuner. Voyez-vous je...

Cellen se retourna et vit un cheval se cabrer, avec sur son dos un jeune homme. A en juger par ses vêtements, ce n'était qu'un simple fermier. Un fermier qui détenait une monture trop chère pour sa petite bourse. Le jeune homme calma la bête et parut surpris, subitement habité par une peur inattendue. Le drow vit le paysan porté la main à sa dague et l'empoigner, pour la retirer de son fourreau. Cellen savait pertinemment pourquoi l'individu avait une telle réaction.

*Encore un idéaliste, un combattant de la liberté. Diantre, ils sont comme les fourmis, nombreux et insignifiants.*

Cellen se releva doucement en étirant les muscles de son cou. L'homme qui lui faisait face était armé et semblait prêt à en découdre, mais le drow ne l'entendait pas ainsi. Il était venu loin de toute civilisation pour être tranquille, et ertainement pas pour se battre.

- Avant que tu ne commettes une erreur, je te propose quelque chose.

Ne laissant pas le temps de répondre à son interlocuteur, Cellen poursuivit :

- Tu range ton arme et finis ta question, je répondrais si je le peux. Sinon, tu t'obstines et tu termines au fond de ce lac, ta monture devenant mienne si elle se montre docile. Personnellement, je suis d'humeur à préférer la première option.

Cellen croisa les bras en attandant la réponse. Alors que le paysan semblait dans l'expectative, le drow le fixa de ses yeux bleu intense, derrière ses méches.

[Désolé du retard]

La créature de l'ombre se dressa de tout son long, laissant découvrir au voyageur toute l'étendue de son odieuse et sinistre apparence. Une peau aussi noir qu'un morceau de bois que l'on aurait laissé dépérir dans un jet de flammes mise en valeur par une chevelure de neige immaculée. Loin d'être en toute quiétude, Milo referma peu à peu son poing sur le manche de son arme, l'étranglant de toutes ses forces. Si cet elfe noir était envieux de livrer bataille, le jeune cavalier tenait à se savoir prêt à porter le premier coup.

C'est alors que le Drow laissa s'échapper quelques mots qui eurent vite fait d'atteindre le jeune homme plongé dans une parfaite attention. D'humeur pacifiste, il lui proposa d'abdiquer en échange d'une réponse à cette question qu'il n'avait pas terminé de poser. Voilà une suggestion que le voyageur ne pouvait se permettre de refuser, à moins de subir la colère de cet être menaçant. Milo en était conscient, ce Drow n'avait nullement l'intention de plaisanter et face à un tel adversaire, la mort le berçerait promptement. Seulement, désabusé d'un pareil comportement, il ne put s'empêcher d'exprimer sa pensée :

- Voilà une réaction bien prétentieuse. En quoi le fait d'être ce que vous êtes vous donne t-il le droit de vie ou de mort ? Nous sommes tous deux conscients que je ne peux rien face à vous, m'envoyer au fond de ce lac serait donc un meurtre que vous commetriez sans grande difficulté, vous n'en retirerez aucun mérite, bien au contraire. Et ma monture est exclusive, vous n'en ferez rien.

* pitoyable *

Il rangea sa dague dans son fourreau, le regard hautain :

- Cependant, même si je n'ai jamais envisagé de céder à la menace, je sais combien la vie est précieuse et je ne tient pas à ce qu'elle me soit retirée par la main d'un être cruel et vaniteux. Je me contenterais de vous demander de m'indiquer mon chemin afin de rejoindre la ville la plus proche.

-Voilà une réaction bien prétentieuse. En quoi le fait d'être ce que
vous êtes vous donne t-il le droit de vie ou de mort ? Nous sommes tous
deux conscients que je ne peux rien face à vous, m'envoyer au fond de
ce lac serait donc un meurtre que vous commetriez sans grande
difficulté, vous n'en retirerez aucun mérite, bien au contraire. Et ma
monture est exclusive, vous n'en ferez rien.

A ces mots, le Cellen ne pu réprimer un sourire, le fou rire n'étant pas si loin que ça. Le paysan rangea sa dague et demanda son chemin au drow.

- Il est évident que c'est la première fois que tu rencontres un drow. Je vais t'apprendre 2 ou 3 choses avant que tu ne reprennes ton chemin. Tout d'abord, sache que les drows retirent de la satisfaction à partir du moment où ils tuent, que ce soit un meurtre commis dans le dos, ou un combat remporté à la loyale. Ensuite, je suis peut-être prétentieux, mais je suis certainement le seul de ma race qui te donne une chance de t'en sortir. Si tu connaissais les drows, tu aurais accepté sans en rajouter.

Cellen se sentit soudainement agacé. Que cet humain continue son chemin, et il se rendrait compte tôt ou tard que les drows n'étaient pas tous comme celui qu'il avait présentement en face de lui. Le drow lui tourna le dos tout en poursuivant :

- Dirige-toi vers le nord, d'ici 5 heures tu devrais apercevoir une ville. Une dernière chose, ne parle pas de cruauté ou de vanité quand tu ne connais pas les motivations de ceux qui te font face. A coup sûr, tu ne connais pas notre histoire, donc ne juge pas.

Cellen ramassa sa tunique et la déposa sur une branche. Il rangea ses bottes juste en-dessous. Tout en ignorant l'humain, il s'avança en direction du lac. Il avait bien besoin de se rafraichir les idées.

En effet, le jeune paysan n'avait jamais eu à faire à de pareils êtres. Il venait à peine d'attérir dans ce monde guidé par la guerre et la magie et ne connaissant donc pas son histoire. Le drow lui offrit une rapide description de ce à quoi ceux de sa race se livraient puis fit quelques éloges de sa propre personne. Milo était-il réellement tombé sur un elfe noir emplit d'assez de générosité pour lui laisser la vie sauve où avait-il seulement eu la chance de rencontrer un Drow qui n'avait guère envie de se fouler à écraser ce qu'il considérait comme une vulgaire et insignifiante vermine ? Quoi qu'il en soit, ceux de son espèce n'était pas difficilement qualifiables d'êtres cruels et perfides, d'autant plus que ce Drow se contre disait malgré son bon vouloir.

La créature elfique ramassa sa tunique sous le regard hésitant du voyageur. Milo savait pertinement qu'elle était dangeureuse mais n'en restait pas moins désireux de lui donner réponse. Il avait toujours apprécié le fait de pouvoir faire part de son propre opinion, aussi humble soit-il. Non pas qu'il était persuadé d'être en possession des versions justes, il aimait simplement s'exprimer. Il reprit convenablement ses rênes puis serra légèrement les jambes avant de se rapprocher quelque peu du Drow qui ramassait sa tunique :

-Je n'ai pas besoin de connaître votre histoire, vos paroles me suffisent amplement. Le simple fait que vous ôtiez la vie par pur contentement révèle nettement toute la cruauté dont ceux de votre rang sont pouvus. Je doute donc très fortement de la justesse de vos motivations. Mis à part la vengeance ou le désir de conquête au détriment des populations, je ne connais aucune autre finalité qui puisse vous mener à de pareilles atrocités et elles sont détestables. Quant à la vanité, il suffit de vous entendre me tutoyer pour que cet aspect de votre personnalité prenne tout son sens. A vos yeux, je suis insignifiant et bien indigne d'un quelconque respect. Pourquoi croyez-vous donc en être plus digne que moi ? Parceque vous vous faites menaçant ? A moins que ce soit parceque vous vous sortiez du lot de votre race en pensant faire preuve de générosité vis à vis d'un humain...

- A
moins que ce soit parceque vous vous sortiez du lot de votre race en
pensant faire preuve de générosité vis à vis d'un humain...

Cellen le coupa, aggressif et se retourna avec un rictus sur les lèvres :

- Qui es-tu pour nous juger ?! Sais-tu seulement pourquoi nous menons ce combat et pourquoi nous y mettons tant de rage ?! Je me permets de te tutoyer car à mon âge, les humains sont considérés comme des sages, des anciens. A te voir ici, perdu dans ce magnifique paysage, je me dis que c'est la parfaite métaphore de ton insignifiante vie. Tu vis dans un monde où tout est joli, où tout le monde devrait être gentil avec tout le monde. Mais tu es perdu car tu fais fausse route.

Cellen se calma. Il n'était plus étonné de voir son peuple s'adonner à des massacres quand il rencontrait de telles personnes.

*On les laisse en paix, et ils viennent nous provoquer*

Le drow fixa le jeune paysan. Il avait repris la maîtrise de son comportement.

- Quel est ton nom ?

Il était vrai que le jeune homme avait tendance à aller outre les limites, ne pouvant s'empêcher de dévoiler ses pensées. Seulement, entendre de telles paroles l'exhaspérait, il ne pouvait accepter le fait que l'on puisse ôter la vie aussi facilement et ce, quelque soit le combat que l'on pouvait bien mener. Personne ne pouvait prétendre avoir le droit de vie ou de mort sur quiconque et en particulier sur des êtres plus faibles que soit. Juger, une action ancrée dans les gênes de chacune des espèces. Si l'on ne pouvait juger, comment parvenir à faire la disctinction entre le bien et le mal ? Se livrer à ce genre d'activités révoltantes démunies d'humanité n'inspirait que du mépris, pour Milo, cela s'arrêtait là, il n'y avait aucune justification possible. Aucunement impressionné par la démonstration d'agressivité dont venait de lui faire part ce Drow, il répondit :

- Je me fiche bien de la raison, ce qui m'importe n'est que le résultat. Vous me dites ôter la vie pour éprouver quelques onces de satisfaction, il n'y a nullement besoin d'aller plus loin.

* Si tu savais à quel point il me ravirait de te perçer de ma lame à l'entente de telles paroles ! *

- Mon nom vous importe peu, il est comme moi, insignifiant. Et si l'insignifiance rime avec bonté d'âme alors cette vie me convient parfaitement et je n'ai que faire de votre avis. Puis je vous prierais de ne pas confondre le fait de faire fausse route avec celui d'être juste bien que pour vous il n'y ait peut être point de grandes différences. De mon point de vue, c'est le meurtrier qui n'est pas dans le droit chemin et non ses victimes.

Le jeune homme ressentait de plus en plus de mépris vis à vis de son interlocuteur et ne pouvait aucunement continuer de lui faire face:

- Sur ce, je vous fais mes adieux, en espérant ne plus avoir à croiser votre route.

Il donna quelques coups de talons sur les flancs de son étalon puis lui tourna le dos, s'éloignant de quelques pas avant de se retourner :

- J'oubliais, tu es peut-être plus âgé que moi mais tu n'as rien d'un sage.

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