Aux abords de Diantra [PV Loù Scalim]

Une fois son monastère quitté, il restait à Val Noret un long parcours avant d’arriver à Diantra. Il ne possédait pas de monture et la marche intensive avait beau lui rappeler de bon souvenirs, elle ne lui plaisait point. Ses jambes étaient endoloris, son dos l’élançait et sa besace lui faisait mal à l’épaule. Même sa canne semblait souffrir tant le bois crissait…
Il ne pouvait que regretter son excursion, le confort de sa chambre de prêtre et les repas tout faits qu’on lui servait. Pourquoi vouloir vivre des aventures comme celles qu’il a vécu dans sa jeunesse au lieu de se contenter de partager son savoir et son expérience ?

Il avait marché quatre heures aujourd’hui, bien plus que ce qu’il faisait d’habitude et le souffle lui manquait. Le froid de Verimios perçait sous ses vêtements et ses membres ankylosés exigèrent qu’il s’arrêtât sur le champ, au bord d’un petit ruisseau dont l’eau glaciale constitua son unique breuvage. " Pas l’idéal pour se réchauffer, pensa-t-il avec sarcasme. Et même pas un bout de pain à me mettre sous la dent, c’est temps que j’arrive a Diantra. " En effet, on apercevait déjà la ville à l’horizon et le désir d’un bon lit douillet se faisait grandissant pour Val.

Sept minutes sans bouger suffirent pour qu’il sombre dans un semi sommeil. Il percevait encore ce qui l’entourait sans en avoir conscience. Le froid ne le gênait plus, le sol dur n’était plus inconfortable, l’odeur de sale qui émanait de son corps n’était plus dérangeante et les bruits de sabots derrière lui n’indiquaient plus la présence de quelqu’un dans les parages…

Toujours à demi conscient, Val se sentait mieux sans pouvoir dire pourquoi. Ses jambes ne lui avaient plus obéit et l’avaient déplacé au bord d’un arbre où il sentait une douce chaleur lui caresser le visage. Il était bien et une forme de léthargie l’envahit. C’était comme si il était cajolé à la manière dont une mère s’occupe de son enfant, comme si enfin depuis de longues années passés à réconforter les autres, quelqu’un s’occupait de lui.

Il n’avait pas conscience de ce qui se passait réellement mais il aurait voulu que cet instant eusse duré plus longtemps car des bribes de réalité lui revenaient comme lorsqu’on émerge d’un doux rêve qu’on ne veut pas quitter pour la froideur d’un lit défait.

La vision lui revint et il vu un feu. Son premier mouvement fut un sursaut car il n’avait pas réalisé que ce feu était contrôlé et pensait à un incendie mais il réalisa vite son erreur et sourit de sa bêtise. Il n’avait pas conscience de la jeune femme qui lui avait apporté tout ce confort et il tendit les mains vers le foyer avant de les retirer brusquement : le contraste entre sa température corporelle et le feu était trop important pour s’en approcher.

Petit à petit, ses autres sens lui revinrent : il sentit l’odeur qu’il aimait du bois brûlé, il entendit un cheval s’ébrouer non loin de lui et son raisonnement ne se fit plus attendre. Il comprit vite qu’une personne à cheval l’avait transporté près d’un feu et eu l’impression de se souvenir d’avoir entendu un cheval, d’avoir senti des mains chaudes et douces prendre les siennes, froides et rugueuses. La pensée d’une mère s’occupant de son enfant lui revint et il aurait sourit si ses lèvres gercés ne lui interdisait pas ce geste.

Alors enfin, après un temps indéfini, il se demanda où pouvait être la personne qui l’avait secouru. La réponse vint avec la question et il prit soudait conscience d’une présence agenouillée derrière lui, une personne qui lui frottait le dos. Après s’être humecté les lèvres, il s’autorisa enfin à sourire de bon cœur. Sans même se retourner, il dit d’une voix rauque car il n’avait pas parlé depuis longtemps : " Bonjour. " et ce simple mot suffit pour stopper la main qui lui réchauffait le dos.

Il se retourna alors lentement, toujours un sourire en coin, les yeux de nouveau pétillants de bienveillance pour voir qui était la charmante personne qui avait eu la bonté de s’occuper d’un vieux prêtre. Lorsqu’il croisa le regard d’une jeune et belle femme, sa surprise fut telle qu’il demeura interdit quelques secondes, se demandant quelle était la raison qu’avait eu cette demoiselle de lui venir en aide. Sa réaction sembla l’amuser car elle lui afficha un sourire de réelle plaisir innocent que Val n’avait encore jamais vu. Il fut aussi tôt prit de sympathie pour elle et reprit ses esprits pour ne pas avoir l’aire complètement idiot.
Se refusant à laisser transparaître l’amitié qu’il éprouvait déjà envers cette personne qui venait, elle ne le savait pas, d’entretenir la relation la plus intime et proche avec lui depuis bien des années, Val lui dit simplement d’un ton reconnaissant : " Je pense que je vous dois d’amples remerciements. "

Loù frottait toujours le dos de l'inconnu, pour le réchauffer, tout en pensant à autre chose. Cette matinée de liberté lui avait fait beaucoup de bien, comme si elle reprenait son souffle, après une longue période d'opressement. Tzigane broutait toujours, à quelques pas du feu. Loù quant à elle, avec les évènements, en avait oublié la raison de son arrêt. Elle décida de partager ces quelques vivres qu'elle avait emportés pour la journée, avec le vieil homme quand il reviendrait à lui. Cela lui ferait le plus grand bien, elle en était certaine.

Bonjour. C'était une voix rauque et bienveillante. Loù stoppa son geste, alors que l'homme se retournait lentement vers elle. Ses yeux avaient retrouvé leur éclat. Leurs regards se croisèrent tandis qu'il arborait un sourire en coin. À voir son expression étonnée, il ne s'attendait pas à découvrir une jeune femme. Sans doute s'attendait-il à un soldat accomplissant son devoir de protéger le peuple de Miradelphia. La jeune femme sourit de la réaction de l'homme et ce geste inconscient fit briller de plus belle le regard de l'homme. C'est avec un respect non feint qu'il déclara : Je pense que je vous dois d’amples remerciements.

En es-tu certain ? Comme à son habitude, Loù utilisa le tutoiement. Son père l'avait éduqué convenablement, lui apprenant tout ce que dois savoir une enfant, de la politesse à la lecture, en passant par la bienséance. Mais jamais la jeune femme ne s'était fait à l'idée de vouvoyer les gens. Elle en faisant pourtant l'effort quand elle était obligée, mais préférait garder ce ton chaleureux, et aimait voir la réaction des gens lorsqu'elle l'employait. Elle avait prononcé cette phrase avec douceur, gentillesse et malice à la fois, en regardant le vieil homme et en lui souriant. Elle se déplaça un peu pour se tenir face à lui, puis se courba légèrement pour se présenter. Je me nomme Loù Scalim, pour vous servir, cher inconnu, annonça t - elle, avec une pointe d'amusement et un sourire jusqu'au oreilles. Il me semble que ceci est à toi, ajouta t-elle après un petit temps d'arrêt, en lui tendant une cane cernée d'un pierre rouge, qu'elle avait ramassé un peu plus tôt et qu'elle avait ramené près de l'homme.

Il semble en effet que c'est à moi. Dit le vieil homme en s'emparant de la canne. Elle l'avait tutoyé et pour une raison inconnue, il n'aurait pu imaginer qu'il en fut autrement bien qu'il l'ai vouvoyé. J'en suis plus que certain mademoiselle. Très peu de personnes se seraient arrêtés pour venir en aide à un vieil homme. Vous si. Val aurait aimé la tutoyer aussi mais il ne voulait pas paraître trop proche et comme à son habitude, se sentait déjà investit d'une mission d'éducation envers son prochain. Votre bonté doit être récompensée. Ainsi, je suis votre obligé jusqu'à ce que nous soyons à égalité. C'est avec douceur qu'il avait dit ça, en souriant.

Val prit appui sur la canne que lui avait tendu la jeune femme et entreprit non sans difficultés de se relever. Il fut aidé par sa sauveuse qui craignait de le voir tomber puis, quand il fut enfin stable, il dit d'une voix gaie, d'une voix d'homme qui vient de réchapper à une mort certaine: Je me nomme Val Noret, je suis prêtre. Enchanté de faire votre connaissance. Il la regarda droit dans les yeux et rit de bon cœur. Il n'avait pas de raisons de rire ainsi, c'était nerveux surement mais elle rit avec lui et il fut soulagé de tous les tourments qui agitaient son esprit depuis quelques jours.

La femme se présenta à son tour. Elle se nommait Loù. Joli nom pensa le prêtre. Elle n'en dit pas beaucoup plus sur elle mais il aurait aimé qu'elle se présente longuement. Ce n'était hélas ni le lieu ni le moment.
Je me rendais à Diantra lui dit-il mais j'irais où vous irez Loù. Elle se défendit qu'il ne lui était redevant de rien et que rien ne l'obligeait à la suivre mais Val eu raison de ses arguments puis après s'être assuré qu'il ne la gênerait pas, il s'enquit tout de même de ce qu'elle comptait faire à présent.

Loù aida l'homme, qu'elle considérait peut-être comme un nouvel ami à se relever. Une fois debout, il se présenta d'une voix enjouée et amicale. Je me nomme Val Noret, je suis prêtre. Enchanté de faire votre connaissance. Loù se présenta à son tour puis Val éclata soudain de rire, peut-être par le ridicule de la situation, étant donné qu'ils se présentaient comme s'ils se croisaient autour d'une table, tout en pudeur, alors que l'un deux avait sauvé l'autre. Loù rit de bon coeur avec lui, et c'est ainsi qu'elle compris que c'était le début d'une nouvelle histoire, et qu'elle n'avait pas fini de rire !

Une fois calmé, Val repris : Je me rendais à Diantra mais j'irais où vous irez, Loù.
Oh, mais tu sais, tu ne me dois rien ! Non pas que ta compagnie me déplaise, car je serais ravie de mieux te connaître, mais je ne voudrais pas que tu te crois m'être redevable !
Elle ne voulait pas que Val ait de "dette" à payer envers elle. Mais Val insista gentiment, et Loù finit par se laisser faire. Après tout, l'homme semblait très amical. Elle était certaine qu'ils noueraient rapidement des liens d'amitié. Après plusieurs sourirs complices, Val demanda quels étaient les projets de Loù.
Pour le moment je propose de nous restaurer un peu, je n'ai pas mangé depuis l'aube, et ça nous redonnera des forces, tout en nous rechauffant, répondit-elle en se levant. Elle alla chercher les quelques vivres (composées de viande séchée et des derniers fruits avant les gelées d'hiver) qu'elle avait emporté dans les fontes de la selle de Tzigane, posée près d'un tronc. Oui car, alors que Val somnolait encore, elle avait dessélé sa monture, pour le libérer avant de rentrer en ville. L'animal broutait docilement à leurs côtés. Et puis, nous retournerons à Diantra avant la tombée de la nuit. Elle se rassit près du feu, rajouta une branche, partagea les vivres, puis se tourna vers son compagnon et lui demanda, une pointe de curiosité dans sa voix : Qu'est-ce qui vous ammène ici Val ?