* Tempête? [PV silencieux]

Le vent soufflait fort. Très fort. Il s’engouffrait dans les ruelles sombres de Diantra dans un bruit tonitruant. Les passants, emmitouflés dans des vestes chaudes, devaient tenir fermement leurs capuches ou veiller à se que leur chapeau de s’envole pas. Parfois, quelqu’un jurait avant de courir dans le sens du vent et tenter de rattraper son couvre chef. Sans espoir. Le vent continuait sa course sans l’attendre, fuyant à l’autre bout du labyrinthe des ruelles. Le lendemain on retrouvera sûrement des affaires d’inconnus éparpillées ça et là par l’élément furieux… Il faisait craquer les toitures de bois et grincer les fenêtres, annonçant peut-être une nuit de tempête. Un coup de vent violent avait arraché les tuiles d’une vieille maison pourrissante tandis que les fleurs fanées exposées sur une fenêtre de marchand gisaient au sol à coté de leurs vases cassés. Oui, le temps était morne, sans soleil. Les nuages gris occupaient le ciel, avançant vers l’est. Les cieux étaient de plus en plus noirs et l’on ne pouvait dire quelle heure de la journée il était. Où peut-être était-ce la nuit ?...

Les gens riches de bonnes familles courent vers leurs maison ou palaces tandis que la classe moyenne s’engouffrement dans leurs baraques. Les pauvres eux, trouvent refuge comme ils peuvent. Et les autres… Les autres ? Oui. Ni riches, ni pauvres, tout simplement vagabond en fuite, voleurs, assassins ou simples rejetés de la société. Ou tout à la fois. Eux, du moins la plupart, restent sous la ville, dans les égouts. On pourrait se demander si cela ne blesse pas leur fierté. Mais non. Cet endroit et, pour eux, plutôt charmant… Pas de lumière, juste les ténèbres, pas de parfum qui pollue l’air, juste la vraie odeur de la vie et, bien sur, personne qui n’ose venir vous déranger… Kyra était de ceux là. Elle « vivait » dans une partie du labyrinthe souterrain, une plaque de métal débouchant à l’air libre, précisément près de la place du marché. Pratique. Sa galerie obscure ne lui plaisait pas, mais, à vrai dire, elle n’aimait rien. A part peut-être la nuit et le sang…

Ce jour là, donc, le vent arrachait tout se qui dépassait trop à son goût. Une cheminée, une charrette, un chat trop imprudent… Dans un passage étroit, une bouche d’égout remua légèrement. Dessous, Kyra, sur ses gardes, écouta avec attention. Puis elle fit glisser la plaque et bondit en dehors. Ses yeux violets scrutèrent les alentours d’un air glacial. C’était le moment de partir à la chasse. Elle grimpa avec agilité et habitude sur le toit de la maison la plus proche et s’en alla en direction de la place centrale, discrète et silencieuse. Le vent tumultueux ne la gênait pas, il jouait juste avec sa chevelure blanche, la faisant claquer sur son dos. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas mangé et, bien qu’elle y soit habituée, ce jeûne se faisait ressentir… Elle sauta de toit en toit pour s’arrêter, accroupie, sur la bordure d’une gouttière. En bas, il n’y avait pas grand monde : le temps n’était pas le meilleur pour sortir dehors. Elle continua son chemin, ombre parmi les ombres, à la recherche de sa prochaine victime.

Le froid était mordant, surtout que Kyra n’était pas habillée chaudement mais elle avait l’habitude. Le froid, l’humidité, la faim, tout ça, elle ne connaissait que trop bien, étant là dedans depuis son enfance. Enfin, pas tout a fait, mais avant son arrivée dans la vie de vagabonde, c’était comme une autre vie que lui importait peu. On ne peut savoir ce qu’elle pense, si elle s’en souvient ou ne veut pas s’en souvenir. Le mystère reste entier et cela est très bien comme cela. Les demi-Drows n’avaient pas de place ici, elle l’avait toujours su. Et pourtant elle se battait pour survivre dans cette ville où elle avait vécue. Pourquoi ? Aucune idée. Elle-même ne le sait peut-être pas. Courir, voler, tuer, fuir et revenir, c’était sa vie. Dans cette ville humaine où elle n’avait pas sa place. Mais au moins, ici, le sang a bon goût…

Kyra se remit en route. Elle espérait trouver sur sa route un passant égaré, ou courant derrière son chapeau, insouciant de se trouver dans les parages, qu’elle pourrait dépouiller. Elle avait faim. D’un pas gracieux, elle se mit à courir, à voler, au dessus des rues, scrutant la pénombre à la recherche de sa future victime. Hélas, par ce temps, peut de personnes étaient assez folles pour s’aventurer dehors... Un autre jour, elle aurait continué sa recherche, mais aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres. Elle devait se trouver dans l’angle d’un vieux bâtiment au sud de la ville au milieu de la journée. Ainsi était l’ordre de Daneva. Serait-elle là, à l’attendre ? Ou aurait-elle envoyé un de ses subordonné ? Elle n’en savait rien. Et le seul moyen de le savoir était de s’y rendre...

Elle s’arrêta sur le toit du hangar, soufflant légèrement, entre deux cheminées massives qui ne risquaient pas de s’envoler. Sa respiration formait un nuage blanc devant ses lèvres. L’air était glacial. Elle leva son regard impassible vers le ciel tourmenté. Hélas, la tempête s’en allait peu à peu… Bientôt, le soleil transperça les nuages. Elle grimaça, gênée par tant de lumière. Puis se figea, plissant les yeux. Elle sentait une présence certaine. La jeune fille dégaina son poignard tout en cherchant l’inconnu des yeux. Son regard froid se promenait autour d’elle. La main serrée sur le manche de son poignard, elle resta planté là, attendant qu’il daigne se montrer.