Nouvelles très attendues

Ultuant était vautré dans son fauteuil. Le soleil était à peine levé depuis moins d'une heure, mais il avait du se lever. Bien qu'il n'aurait pas été contre une petite grasse matinée, il attendait impatiemment la réponse qu'Ellana devait lui apporter incesamment sous peu.

Qu'allait répondre Daneva ? Serait-elle d'accord de se mettre au service du roi pour de l'or ? Refuserait-elle la proposition préférant essayer de la décapiter plutot ?

Le doute n'arrêtait pas de tourner dans l'esprit du roi, il n'arrivait pas à se concentrer...
Quand tout à coup les évènements de la veille lui revinrent. Ellana et lui sur les remparts, puis l'attaque de ce mage, et enfin le baiser.
L'image de Lelyan passa fugitivement devant ses yeux et il se reprit. Non, il ne fallait pas qu'il se laisse distraire par des amourettes passagères. Il n'avait pas le loisir, il devait mener son royaume à la victoire durant la guerre. Et puis, il avait déjà une femme et deux filles merveilleuses. Que lui fallait-il de plus ? Le jeu de la conquête ? Peut-être, peut-être pas.

Enfin une silhouette fine se profila de l'autre côté de la salle. Le roi sourit et se leva pour l'accueillir.

"Cher Ellana, soyez la bienvenue dans le palais."

Le visage d'Ellana était sérieux, presque impassible. Comme cela était étrange alors que la veille tant de choses s'était passé et qu'elle avait été resplendissante. Elle avait surement du avoir une mauvaise rencontre durant la nuit, ou ne voulait-elle pas le revoir. Mais qu'importe, il n'était pas ici pour retracer ses amourettes de la veille mais bel et bien pour recueillir un message qu'il lui avait demandé de transmettre. Il voulait la réponse mais avait tout de même un peu de temps. La vue d'Ellana l'avait mis dans une humeur joyeuse, quasi-joueuse. Il aimait jouer et voyait là une occasion tombée droit du ciel.

Mais qu'allait-il inventer ? Ferait-il tout pour tester sa patience ? Voir combien de temps elle mettrait pour lui donner la lettre qu'il espérait tant ? Mais peut-être voulait-elle le voir la réclamer ? Elle aurait une surprise si elle pensait cela. Il n'avait pas l'intention d'aborder le sujet tout de suite. Oh que oui, il voulait faire honneur à son rang, celui des rois, celui des bavards éternels.

C'est alors qu'une idée lui vint tout à coup à l'esprit.

"Alors avez-vous retrouvé ce cher mage qui m'a attaqué hier ?"

Sans attendre de réponse, il enchaina :

"Moi en tout cas, j'ai une bonne nouvelle je pense pour vous. J'ai retrouvé quelques personnes correspondants à la description que vous m'avez faites de l'assassin de vos parents. Je m'étais engagé, et je vous le livre. Vous pourrez en faire ce que bon vous semblera... mis à part le tuer sur le marbre de ma salle. Hors du palais, il est totalement à vous, à l'intérieur vous devrez tout de même rester délicate. Sinon nous avons de bons cachots avec toutes sortes d'outils si jamais vous souhaitez vous énerver un peu. Il faudra juste que vous me désignez celui qui a commis ce meurtre, pour que je relache les autres, je ne désire pas être injuste."

Ultuant le ragarda droit dans les yeux, une lueur maligne à l'intérieur. Comment allait-elle réagir ? Serait-elle heureuse ?

"Cependant, je pense qu'avant de les faire venir, nous avons quelques petites choses à nous dire."

Il tendit un bras vers une petite table située au pied d'un énorme pilier, autour de laquelle se tenait deux chaises. Deux verres et une carafe remplit de vin attendait le bon vouloir d'une personne pour ingurgiter son contenu. A côté, une petite boite blanche était empaquetée dans un noeud rouge.

"Je pense que nous nous rapellons tous les deux ce qu'il s'est passé hier soir. Je voulais vous remercier, dans mon état normal, de l'attention que vous m'avez porté au lieu de vous enfuir aussitôt, me laissant ainsi seul en proie à la folie. J'hésitais à vous offrir une bonne tarte faite par moi-même ou une petite boite de gâteau. J'ai plutot opté pour la boite de gâteau, j'ai jugé que c'était plus transportable pour vous. Sauter de toits en toits avec une grosse tarte à la main ne doit pas être pratique outre-mesure.
J'aimerais que vous me racontiez quelques-uns de vos exploits, voir au mieux que vous m'enseignez quelques exercices pour devenir plus souple"

Ultuant se dirigea vers la petite table, d'un pas lent et tranquille.

[Tu voulais de la marinade ? Tu vas être servi XD]

Au moment où Ultuant évoquait les acrobaties d'Ellana une tarte à la main, un rire s'échappa de sa gorge délicate, un rire cristallin qui résonna dans toute la salle. Le roi se joignit un bref instant à elle avant qu'elle ne prenne la parole.

"Mais ma chère, une berceuse ne me dérangerait pas, je ne dors pas beaucoup ces temps-ci, peut-être qu'une sieste au son de votre voix m'aiderait à récupérer ! M'enfin, si vous ne voulez pas parler de vos exploits, je peux comprendre."

Il sortit une autre boite de gâteau, non emballé cette fois-ci, l'ouvrit et la présenta à Ellana pour qu'elle se serve, avant de s'en servir un lui même et de s'asseoir.

"Je vous prie, prenez place. Mangeons un bout, et buvons aussi pour faire connaissance. Oui, j'aime bien connaitre les personnes avec lesquelles je traite.
Sinon pour les assouplissements, je ne sais trop quoi vous demander étant donné que je ne suis pas un expert dans ce domaine, je ne vois pas comment je pourrais savoir ce que je veux faire ! Surement ça..."

Il prit son pied et le monta au dessus de la table, vers sa tête, mais s'arrêta à mi-chemin avec une grimace de douleur.

"Voyez-vous, ce n'est pas la grande souplesse. Trop de repas et trop de gras vous rendent un homme tendu comme un bout de bois.
Tiens, cela me rappelle une de mes pérégrinations de ma jeunesse. Cela ne vous dérange pas que je vous la raconte au moins ? Puisque vous ne voulez pas me faire part de vos aventures, c'est moi qui vais ouvrir le bal."

Ultuant n'attendit même pas son accord, finit son biscuit sec et commença encore une longue tirade.

"Cela remonte à... bon sang... bien vingt ans. J'étais encore tout jeune que je m'enfuyais déjà dans les champs lors de mes journées d'été. C'était vraiment sublime, toutes ces senteurs, ces personnes travaillant la terre. Je me suis arrêté dans un champ pour enlever ma chemise et remonter mon pantalon. Il faisait tellement chaud que je suais autant que les fermiers. Regardant autour de moi, j'adoptais la mode et attachais ma chemise autour de ma taille. Mais c'est qu'il faut préciser que j'étais blanc comme un linge, et les personnes autour étaient presque noires tellement elles étaient bronzées. Je ne vous raconte pas la discrétion avec laquelle je me suis glissé entre les charettes de foin et de fumier. Au bout de quelques mètres, marchant en sifflotant, un vieux quasiment aveugle je crois, a élevé la voix.
-Boudiou toi lè jeunoh
qu'il disait. Je dis presque aveugle car il ne semblait pas remarquer que j'étais totalement différent des autres. Il croyait juste que je flemmardais au lieu de travailler. Se tenant le dos, il a levé sa canne pour la faire tourner autour de sa tête, d'un geste menaçant, mais à peine eut-il fait ce mouvement, qu'il chancella en avant et se tint le dos de douleur. Quel spectacle, il a essayé de me poursuivre, puisqu'il n'arrivait pas à me menacer.
-Va vite r'joindr' les aut'. Va rentrer l'foin dans la gr'nge et pu' vite qu'ça sinon tu vas tâter d'ma canne è person' n'aim' ça, j'pouvions vous l'assurer."

Ultuant avait prit un accent paysan assez vraisemblable pour faire la voix du vieux, et c'est à grand peine qu'il ne se pliait pas en deux de rire pour pouvoir continuer l'histoire. Tous ces souvenirs étaient tellement farfelues et sublimes, qu'il en pleurait de joie, rien qu'en imaginant le vieux le menacer à nouveau.

"Sans demander mon reste j'ai foncé dans la grange la plus proche et vous n'allais pas me croire, mais ne regardant que derrière moi, j'ai marché sur un rateau qui s'est relevé tout seul et je me suis étalé par terre à moitié sonné. J'ai eu la marque durant deux semaines en plein milieu de la figure. Je faisais vraiment pitié.
Mais quelques instants plus tard, une jolie jeune fille est entré avec un panier plein d'oeufs. Elle avait une magnifique chevelure lustrée comme les champs de blé, légèrement bouclée, retenue par une simple épingle. Quelques mèches lui venaient sur le visage mais ne faisaient que la rendre plus belle. Elle m'aida à me relever et m'enleva tous les brins de paille de mes cheveux. Le soleil luisait par l'entrebaillement et lui teintait les cheveux de reflets dorés argentés. Je ne pus résister et lui volait un petit baiser. Mais c'est qu'elle n'a plus voulu me lâcher après. Elle m'a entrainé derrière une botte de foin et on a commencé à se rouler tout en s'embrassant comme des fous. Que c'était beau. Nous avons continué un long moment nos ébats quand une voix s'est élevée à l'entrée :
-Luciana ? Ou ètes tu sal'té d'fégnante ? Viens par ici qu'j'vous causions un peu d'vôt comport'ment.
C'était la même voix que le vieux qui avait voulu m'assomer. Elle a relevé sa tête, les cheveux en bataille et a répondu à son père, car c'était son père, qu'elle était en train de ranger les oeufs.
-A bon. Désolé ma p'tite fille. Continue, j'te dérang' pu maint'nant.
Elle a replongé la tête en pouffant, tout comme moi, pour continer nos embrassades estivales.
Alàlà, que de souvenirs avec cette Luciana. Que c'était bien ces temps."

Le roi avait fini par poser un coude sur la table et son menton dans sa main, les yeux dans le vague, plein d'amour.
Puis réalisant qu'il avait une invité, il se reprit et se redressa, piochant un autre biscuit.

"Un autre ?" demanda-t-il en tendant la boîte à Ellana.

[Je vais quand même te répondre parce que ton roi ne saura jamais rien sinon...niark niark! Désolée ]

L'aventurière observa la boîte de sucreries et en prit un. Elle le porta alors à sa bouche et put constater qu'il avait un goût excellent. Sur "l'ordre" du roi, elle prit place bien proche de lui et le transperça de son regard bleu ciel. Il lui expliqua alors qu'il ne savait guère par où commencer. Normal, il ne détenait aucune expérience dans le domaine de la souplesse. Ou du moins, c'est ce qu'il laissait penser ... Ces paroles arachèrent un nouveau sourire malicieux à la jeune femme qui ressentait encore la lettre de Daneva proche de son corps. Elle en put alors s'empêcher d'éclater de rire une nouvelle fois, mais un rire venant du plus profond du coeur, lorsque le souverain lui fit une démonstration de son incroyable souplesse. Il avait encore du boulot, si il voulait devenir comme les êtres de son "clan".

Ellana ne s'attendait guère à ce qu'il recommence à raconter un de ces barratins...Sa vie!! Il lui relatait sa vie sans aucune retenue! Qu'espérait-il en échange de ce roman ... hum ... comment dire ... passionnant, bien sûr! ? S'attendait-il à recevoir la même chose de sa part? Dans ce cas, il se trouverait bien à côté de la plaque car elle n'avait encore jamais autant parlé en aussi peu de temps. Et en une fois. Ce souverain l'étonnera toujours, elle le savait au plus profond d'elle-même. Car un roi qui n'étonne point n'est pas un bon roi, non? Mais elle savait à quoi s'attendre la prochaine fois qu'elle s'aventurerait sur un terrain si vaste. Elle ferait bien plus attention à ce qu'elle dirait.

Malgré elle, elle n'eut pas le coeur à couper court à son récit, tout en constatant qu'il mettait tant de coeur dans sa narration. Elle sourit poliment, bien qu'au fond d'elle, ce fut le roi qui la fit rire, et non pas l'histoire qu'il relatait. Il possédait un don de la narration, elle en était sûre. C'est pourquoi, lorsqu'il eut fini de se rappeler son enfance à voix haute, elle déclara d'un ton qui ne permettait aucun contredit:

"Je vous propose de rester dans le domaine de la narration, plutôt que de vous éloigner dans le chemin de la souplesse que requiert les voleurs ou aventuriers qualifiés. "

Elle ne pensait guère à la façon dont allait réagir le roi. Et cela lui importait peu. Elle ne souhaitait point lui proférer des mensonges, car elle n'aimait pas cela et préférait rester toujours franche. Les personnse qui la connaissaient vraiment la savaient franche. Et elle comptait le rester ainsi non seulement dans leur souvenir mais aussi dans la vie de tous les jours. Mentir n'avait aucun intérêt pour elle. A part, bien sûr, lorsqu'il sagissait de vie ou de mort. Mais même là aussi elle tentait de ne point dévier la vérité. Et de toujours s'arranger pour relater une vérité du moins dissimulée. Elle s'étira alors tel un félin sortant d'un long somme. Elle ne donnerait aucune information au roi s'il ne les demandait pas. Et elle ne s'apprêtait pas à le laisser gagner la manche. Ceci faisait un peu guise de jeu pour elle. Et elle avait le temps ... non? Rien ne la pressait en cette journée ensoleillée. Elle lui laissa le choix de prendre le proche futur en main. S'ennuyer ou quémander ces informations tant attendues.