Au voleur ! [libre]

Moilith déambulait entre les étals colorés, fascinée. Elle n'avait encore jamais eu l'occasion de voir un marché. D'ailleurs, c'était la première fois qu'elle venait à Diantra. Elle qui avait passé toute son enfance dans les champs, s'étonnait de toutes les choses qu'elle voyait. Cette immensité, cette beauté, tous ces inconnus, ces rues à ne plus en finir... Et ce marché. Elle avait les yeux d'une enfant émerveillée, et admirait chaque objet comme s'il s'agissait d'une oeuvre d'art... C'était là les merveilles de l'ignorance... Alors que chaque passant, las de ce vacarme et de ces amoncellements de cochonneries, sans parler du raffus causés par leurs vendeurs, Moilith était subjuguée, et se sentait transportée de joie rien que par le fait de se trouver là.
La jeune femme portait à sa ceinture une petite bourse de cuir que lui avait confié Dame June, remplie de pièces, qu'elle devait dépenser en achetant des étoffes et quelques volailles. Elle n'avait jamais possédait autant d'argent, et en était toute fière. Mais rien ne pressait, elle avait du temps devant elle, et elle comptait bien en profiter pour admirer toutes ces merveilles. Elle se sentait bien, parmi tous ces gens si différents de ceux qu'elle avait l'habitude de côtoyer, parmi toutes ces odeurs et les cris des marchands qui vantaient les mérites de leurs produits. Moilith aimait tout ce bruit et ces bavardages incessants. Ca la changeait tellement du manoir de Scylla, toujours silencieux et calme... Non pas qu'elle ne se plaisait pas au manoir, au contraire, après ce qu'elle avait dut endurer avant d'être au service de sa maîtresse, elle était très reconnaissante à son destin de l'avoir placée là où elle était. Mais, si June était bienveillante, il n'en était pas de même pour sa mère, qui avait pour grande passion d'accabler ses serviteurs, et de les faire battre à la première occasion.
Mais alors qu'elle avait le nez en l'air, un sourire béat fixé sur ses lèvres, elle sentit sa ceinture se desserait. Trop tard ! Elle eut juste le temps d'apercevoir un gamin s'enfuir, se faufilant dans la foule, sa ceinture - et sa bourse - à la main. En une fraction de seconde, qui lui permit de prendre conscience de la situation, elle se lanca à sa poursuite en criant à tue-tête.

Au Voleur ! Au Voleur ! On m'a volé ma bourse !

Moilith courait dans la foule, sans savoir trop où aller, puisque elle
avait perdu le gamin de vue. Désemparée, elle se voyait déjà devant sa
maîtresse, expliquant comment elle s'était fait voler l'argent qui lui
avait été confié. Elle qui lui faisait confiance...
C'est alors qu'elle l'aperçut, ce chenapan,se débattant au bout du bras d'un nain. Celui-ci était armé d'une hache, et malgré sa petite taille, était fort impressionnant. C'était d'ailleurs la première fois qu'elle voyait un nain. Ils ne couraient pas les rues à Diantra, et durant son enfance elle n'avait côtoyé que des humains. C'était étrange, comme un homme aussi petit pouvait être aussi intimidant. Elle, pas très grande d'ailleurs, était aussi chétive que lui imposant. Ses épais sourcils lui donnaient un air dur, mais il n'avait pas l'air bien méchant. Pas à l'égard de la jeune femme en tout cas, du moins semblait-til.
Le gamin, quand à lui, hurlait qu'on le lâche, cognant des pieds et des mains le torse du guerrier, qui ne bronchait pas d'un pouce. secouant le voleur devant lui, il adressa à la jeune femme un signe de tête.
Une vague de reconnaissance la submergea. Elle aurait voulut lui sauter au cou, mais sa décence la retint. Un grand sourire se peint sur son visage. Elle ne trouvait pas les mots. c'était si peu de choses, l'agent contenu dans la bourse n'était absolument rien pour la comtesse, mais son honneur était en jeu. June avait toute confiance en elle, et il était hors de question de la décevoir !
Le gamin tenait toujours fermement la bourse dans sa paume, agitant frénétiquement sa tignasse brune. Moilith reprit l'agent précipitamment, lui lançant un regard noir. Le nain hésita quelques insants, avant de relâcher son étreinte et le petit voleur disparut dans la foule, avec un dernier regard mauvais. L'intention de la jeune femme se reporta sur le guerrier, accompagnée d'un sourire rayonnant.

Oh ! Milles fois merci ! Cet argent ne m'appartient pas, c'est celui de la comtesse June des Isles, et si ce chenapan l'avait emporté avec lui... Je ne sais ce que j'aurais fait ! Merci, merci ! Je vous suis redevable, cher monsieur ! J'aimerais vraiment faire quelque chose... Peut-être puis-je vous offrir quelque chose à boire ?

D'après ce qu'on disait, les nains aimaient bien boire, et le peu d'agent qu'elle possédait ne lui permettait pas de lui offrir beaucoup plus. Et puis, elle n'avait pas parlé à quelqu'un d'autre que sa maîtresse depuis longtemps... Il lui restait encore un moment avant de rentrer au manoir, et ses petites courses seraient vite terminées. Elle attendit la réponse, les mains jointes devant elle, le visage éclairé d'un éblouissant sourire - son plus beau, pour l'occasion, elle lui devait bien ça, à me monsieur.