Aux armes !

Un pli soucieux barrant son front de là à là (voir figure 1), Hannibal s’approcha des officiers des régiments du Librium stationnés à Diantra, ainsi que ceux en garnison dans les villages et hameaux des alentours. En tout vingt mille hommes globalement solides et bien entraînés. Mais l’agitation en Royaume Humain devenait des plus alarmantes, tous ces mouvements de troupes à l’envie laissait à craindre une chute dans un chaos des plus meurtriers. Le comte de Scylla était vêtu très sèchement pour cette journée de travail. Entièrement habillé de noir, les larges pans de son col tombant sur sa poitrine, les jambes serrées dans des bottes montantes. Pour couvre chef, sa classique toque de feutre noir, sans autre ornement qu’une plume rouge. Un katzbalger pendait à son flanc, courte et solide lame destinée à la taille dans la mêlée.

Les bottes claquèrent sur le pavé de la cour du château alors que le chef du Librium passait devant ses officiers, les mains dans le dos. Il jeta un coup d’œil aux sentinelles qui montaient la garde sur les remparts, avant de reporter son attention sur ses subalternes. Tout en continuant de marcher devant eux, il entama d’un ton froid et protocolaire :

« -Messieurs, la situation en province est des plus troublantes. L’absence de sénéchal depuis bientôt six mois, son ton se fit aigre à ces mots, ne me laisse pas d’autre choix que de prendre la tête de la défense de Diantra. Ou du moins la préparer. Je laisse au Lys d’Or le soin du donjon, mais de reste, je compte bien remettre en place les défenses de la cité et du château. Les mouvements rapides d’une considérable armée sur la ville nous oblige à faire au plus vite. Dans tout cela je compte sur votre collaboration étroite et votre soutien, et surtout de la part des chefs de l’Ordre des Faiseurs de Nuit. »

Il se rapprocha des officiers des archers, dont on rappelle que le commandement était séparé, pour une antique et imbécile raison, du reste de l’infanterie.

« -J’ose espérer que vous agréerez mes directives… »

Le ton ne souffrait d’aucune réplique. L’on se rapprocha d’une longue table sur laquelle était étalée une carte de Diantra et alentours. Hannibal se saisit d’une baguette de bois, et commença à exposer son plan aux officiers. La conférence dura deux longues heures. Il en ressortait que chaque régiment devait se mettre sur le pied de guerre, en mobilisant réservistes, et en prenant garnison dans la ville. Les patrouilles seraient multipliées dans les rues, un couvre feu imposé, la loi martiale déclarée et appliquée. Le Fort la Vaillance réarmé, garnis d’archers et sergents d’armes. L’on battit aussi l’appel aux milices bourgeoises qui devaient se tenir prêtes, et apprêter leurs armes. Les vieilles pertuisanes ressortirent des greniers, les barbutes et morions de même. Les patrouilles sur les murs multipliées, des réserves d’eau et de vivres entreposées dans les quelques fortins que comptait la muraille. On entreposa flèches et carreaux dans des entrepôts judicieusement placés. Chaque famille devait cuire du biscuit pour deux semaines. Les faubourgs furent évacués, et on organisa des patrouilles aux alentours de la ville pour prévenir tout danger.

Tout cela se faisait bien tard, et Hannibal soupira en espérant que tout serait prêt à l’arrivée des assaillants… L’agitation dans les rues après l’affaire des placards avait monté d’un cran, les petites rancœurs dissimulés éclatant au grand jour après qu’un parchemin ose dire ce que de nombreux habitants pensaient…les milices bourgeoises s’agitaient de même, leurs meneurs grommelant plus que jamais. On disait même que c’était Baudoin d’Oësgard qui menait une partie des nobles séditieux. Une lueur de nostalgie passa dans ses yeux habituellement si perçants, au souvenirs de lointaines aventures…la situation était des plus grave.