Lorsque les mouvements de troupes des seigneurs d'Erac et de Sainte-Berthilde avaient été apprises par le comté d'ydril, celui-ci se mit en état d'alerte. Les liens entre les différentes seigneuries de la Péninsule étaient connus, et si Ydril était loin des conflits probables, c'était un port riche qui, en temps de guerre, était la proie des rapaces. Ainsi donc les autorités ydrilotes levèrent les armées, renforcèrent les défenses. Dans le port immense, les soldats patrouillaient et séjournaient chez différents bourgeois qui avaient eu le malheur d'être tiré au sort pour entretenir certains hommes d'armes du comte. Plus que jamais, les prévôts faisaient preuve d'un zèle redoutable. Certains bateaux étaient fouillés de la cale jusqu'au mât, au grand dam des marchands les moins honnêtes ou les plus pressés.
Lorsque la rumeur se propagea que des barons rebelles assiégeaient la capitale royale elle même, Diantra, la conscription fut générale. On formait les armées ydrilotes pour parer à toute éventualité et, si le sort le permettait, d'aider l'un ou l'autre parti. Les galées marchandes, qui étaient nombreuses à se réfugier dans le puissant port d'Ydril, furent réquisitionnées et intégrées dans la flotte de guerre du comte, qui était connu pour son nombre et son habileté. Cette flottille enfla donc, devenant colossale même pour un port tel que la Porte du Sud, surnom que l'on donnait souvent au port ydrilote. La comtesse, à côté de son seigneur et maître, languissant dans son lit et admirant l'océan de Néris qui s'étendait derrière les rideaux translucides, pensait en frissonnant à la sédition des barons. Encore une fois elle se souvint des années où elle vivait recluse, craignant tous les hommes qui n'était pas de sa maison, priant de ne pas être enlevée de nouveau. Une larme perla sur sa peau pâle. La jeune femme secoua la tête et prit un air dur. Reprends-toi, petite sotte, s'admonesta-t-elle avant de se lever et de s'habiller pour contempler la flotte de guerre qu'avait réuni son mari.