A notre roi bien aimé [Guerre civile / Clair-Obscur]

Quoi de mieux qu'une guerre civile pour lancer ses petites affaires et faire son beurre dans le sang et la violence ? Rien au monde n'aurait pu gâcher le plaisir de Noémie Amaranth, porte-parole du Clair-Obscur. Se faire de l'argent sur une guerre civile...c'était simple, rusé, et efficace.

L'acheteur n'était rien moins que le chef de la révolte. Le baron d'Oesgard, un certain Baudoin. Personnage sans subtilité, mais qui avait l'avantage de payer correctement, et rubis sur l'ongle. La transaction était simple : une caisse complète de baguettes de métal imprégnées d'un sortilège de boule de feu. De quoi ravager les lignes adverses. Affublée du délicieux sobriquet de "marchand d'armes", l'Obscur travaillait à fournir de l'équipement dans les deux camps. Déjà, elle avait commencé à armer une partie des royalistes. S'occuper du ravitaillement de Baudoin et de ses pouilleux n'était qu'une simple...remise à l'équilibre de la balance des pouvoirs.

Superbe équation que celle du vendeur d'armes. On vend aux deux partis en présence, ils se tapent sur la figure, ils commandent de nouvelles armes, se retapent sur la figure, recommandent de nouvelles armes...et contribuent à faire de l'Obscur un profiteur de guerre.

Bien sûr, il faut être discret. Les gens ne sont pas prêts à accepter que ceux qui les divertissent au quotidien alimentent le processus de guerre. C'est dommage. Depuis le début de l'opération, tout avait été planifié pour que personne ne sache quoique ce soit sur les vendeurs d'armes de l'Obscur. Il avait suffit d'un mot lors d'une conversation à Oesgard, un murmure glissé dans les couloirs, par un des espions de l'Obscur, pour mettre la puce à l'oreille du baron concernant des armes magiques...à un prix très...compétitif. Le réseau d'informateurs de Noémie n'avait pas tardé à mettre en place toute une série de mesure pour que le baron puisse commander toute une série d'armes sans que personne ne soit au courant de l'opération et surtout, sans qu'il connaisse l'identité du vendeur.

Tout se passait à merveille.

Noémie, dont le visage était dissimulé par un voile noir magique, voyageait en compagnie de ses gardes du corps, dont Brume. En tout, le convoi comprenait une dilligence noire tirée par quatre chevaux où se trouvait le colis, six cavaliers en soutien, et quatre assassins à bord de la dilligence. Noémie avait pris soin de faire enchanter les parois de la voiture pour éviter les mauvaises surprises. Elle-même portait une robe de soie noire enchantée pour parer à toutes éventualités prenant la forme d'une flèche ou d'un carreau d'arbalète.

Cela faisait des heures qu'elle avait passé les frontières d'Oesgard. Ses gens masqués étaient nerveux, mais gardaient le masque impassible des professionnels. La transaction devait être rapide et totalement transparente. Le rendez-vous avait lieu au détour d'un chemin de terre. Le temps était sombre, les nuages grondaient autour du sinistre convoyage.

Ils finirent par s'arreter. Personne en vue. C'était bien là. Personne ne descendit de la voiture. Noémie attendait. Elle fit un signe à Brume. Un regard convenu avec les autres occupants de la diligence et l'on entendit un cliquetis provenant de l'arrière de la voiture. Le cavalier en charge du déchargement laissa choir le cercueil en ébène sur le sol. Le fracas du lourd cercueil se répercuta dans la forêt, faisant s'envoler quelques corbeaux venus assister à la scène.

"En route."

L'attelage s'ébranla et prit le chemin de la sortie. L'Obscur avait fait son travail, et ce dans le plus grand secret. La vérité sur le Clair-Obscur ne pouvait être éventée par le fait même que personne ne connaissait le lien entre l'organisation criminelle et cette charmante confrérie d'amuseurs. Sous son masque d'ombres, Noémie sourit. Au total, vingt-cinq baguettes chargées d'un sortilège de boule de feu, préparées avec soins par les artisans magiques d'une confrérie de renégats. Les baguettes étaient conçues pour tirer une boule par jour. Ce n'était pas grand chose, mais au moins, c'était impressionnant.

Le cercueil resta là, au milieu des feuilles mortes. Un vent glacial soufflait sur le chemin, s'engouffrant au travers des arbres et ne laissant qu'un chuintement sinistre couvrir le chant des corbeaux. Sur ce cercueil, une carte.

"Vous trouverez votre commande à l'intérieur de ce cercueil. Veuillez apporter le paiement à la taverne de Michemin d'ici une semaine à la baronnie de Sybrondil."

Le cercueil était gravé au nom de Trystan. L'épitaphe était très évocateur.

"A notre bien aimé roi. Puisse-t-il vivre pour toujours dans nos coeurs."