Rassemblement à la Croisée des Peuples [PV Kynareth et Nains]

Depuis des mois, les Nains qui avaient fait le déplacement tentaient de ne pas rouiller d'inactivité. Leur arrivée après la bataille d'Alonna avait miné le moral des soldats, et la longue période sans combat n'avait pas arrangé les choses... D'abord sans nouvelle des Sylvains, qui pleuraient le décès de leur famille royale, et s'enlisaient dans des querelles pour la succession au trône elfique, les Nains durent ensuite faire sans les Humains, qui, quant à eux, se retournèrent les uns contre les autres dans une guerre civile d'une affligeante violence. Se retrouvant seul, Garmin n'osa partir sans ses alliés guerroyer contre les Drows. Il tenta bien d'envoyer des émissaires, surtout chez les barons conjurés humains et à Diantra, mais ne reçut aucune réponse... Alors il attendit, et ses guerriers durent faire de même. La plupart reprenaient leur travail civil, aidant à forger des armes ou à renforcer les fragiles bâtisses de chaume, ou bien aidaient à reconstruire les quelques structures détruites ; mais tous étaient en mal d'action... Où était passée la hargne de leur Roi?! Et son beau discours vengeur, n'était-ce que poudre aux yeux? Garmin avait entendu des échos de ces plaintes (certains étaient même allés jusqu'à railler en lui demandant la permission de fonder famille en Alonna...), et il les comprenait bien... Mais il ne pouvait agir avec ces quelques 6000 haches, surtout sans engins de siège.
A ce propos, il attendait avec toujours plus d'impatience l'arrivée du fils du seigneur Harald de Thanor, en compagnie de Kynareth Bellum, qu'il avait envoyés comme... « émissaires » également, afin de regrouper l'armée naine depuis les terres plus isolées de Brissalion et de Nérania. Comme cette partie de l'armée regroupait toute l'ingénierie de siège et de bataille des Nains, il était normal qu'elle prenne un peu plus de temps... Garmin avait donné rendez-vous à ses deux lieutenants à la « croisée des Peuples », comme on l'appelle chez les Nains : là où les fleuves Olyia et Sirilya se séparent pour prendre leurs chemins respectifs vers l'Océan ; ce point était également frontière entre les terres humaines, le royaume elfique et les territoires inoccupés... Ce serait donc un point de départ, soit pour une prise de position dans les terres neutres, soit pour un regroupement à Fort Ellyrion, comme il fut prévu dans les négociations avec le Seigneur Rima-Marcil. Même s'il avait été convenu qu'un messager préviendrait le Roi de l'arrivée de Kynareth, Garmin ne pouvait se résoudre à plus attendre... Il irait en compagnie de ses soldats au point de rendez-vous, et, si le reste des troupes n'arrivait pas sous quatre jours, prendrait la route de Fort Ellyrion.
En ce jour béni par bien des guerriers Nains, le Roi rassembla son armée au pied de la forteresse humaine, et pria tout le monde de rassembler son paquetage, pour se préparer à (re)partir en guerre. Si certains firent la moue, craignant une nouvelle déconvenue, la plupart se réjouirent, et les vivats de milliers de voix grasses et fortes emplirent la plaine. Une agitation innommable se fit sentir, les barbes volèrent au vent tandis que les guerriers partaient récupérer leurs bagages. Pendant ce temps, Garmin partit signifier à Madame la Baronne qu'il s'en allait, la remerciant pour son hospitalité et la priant de l'excuser pour l'éventuel désordre... Puis il descendit dans la plaine, au devant de ses soldats, et donna (enfin hurla) le signal du départ!

Les quelques milliers de casques n'eurent pas grande difficulté pour s'orienter dans leur marche vers la Croisée des Peuples : il leur suffisait de remonter le cours de la Sirilya à travers une forêt éparse, jusqu'au croisement avec l'Olyia. Leur marche dura quatre jours, sous la rude neige de la fin d'hiver de Miradelphia, mais les Nains n'avaient cure des intempéries, pas plus qu'ils n'exécraient marcher dans la neige, car leurs origines (tous venaient de Kirgan ou Thanor) les avaient habitués à affronter les éléments. Une fois arrivés sur place, ils prirent place, plantèrent leurs tentes, et firent couler la bière à flots pour célébrer la bataille, que tous espéraient (enfin!) prochaine. Cependant, une bonne partie des Nains ne participaient qu'à moitié à la fête, se posant bien des questions : ils se demandaient pourquoi l'on approchait tant des terres des Oreilles-Pointues, pourquoi l'on n'était pas directement partis à l'attaque des Drows, si une alliance avec les Sylvains avait réellement été conclue, etc. Garmin, de son côté, était également soucieux, mais pas pour les mêmes raisons... Il craignait de ne jamais voir arriver Kynareth, de devoir partir seul en campagne, ou encore que son peuple ne prenne mal l'alliance avec les Elfes. Certes, il était le Roi donc ses sujets lui obéiraient... Mais il n'était pas à l'abri de détracteurs, et ce n'était pas le moment de leur donner du grain à moudre!
Finalement, ce fut au septième jour après leur départ de la cité humaine qu'arriva un message d'espoir. L'hiver avait été rude, et malgré leur résistance innée (et acquise par des années sous et sur le mont Kirgan), les Nains en avaient plus qu'assez de voir leurs armures et leurs membres engourdis par le gel, et leurs barbes durcies par la neige. Après, donc, deux mois de rudesse, de nuages, de vent et de chutes de neige et de grêle, un nouveau matin se leva, et la chaleur de l'astre raviva l'espoir dans le cœur des Nains. Au lever du jour, seuls quelques nuages cachaient par endroits le bleu du ciel, dont la couleur paraissait encore plus éclatante. Et garmin ne déchanta pas dans la journée, car ce fut alors qu'arriva ce qu'il n'attendait plus.


« Votre Majesté! , lui dit un messager qui était arrivé du Nord. Le Seigneur de Thanor vous fait dire que lui et le Lieutenant Kynareth sont en chemin et devraient arriver ici sous trois jours! J'espère que cette nouvelle vous ravit, Sire! »


Un grand sourire illumina le faciès ridé du souverain... Évidemment, qu'il était ravi! C'était la meilleure nouvelle qui lui avait été donnée depuis des mois! Il remercia chaleureusement le messager, manda que son bouquetin soit nourri, et que le Nain lui-même soit restauré. Une fois seul face à sa propre joie, le Roi fut tenté de préparer un discours pour ses troupes. Il réfléchit quelques instants, puis sourit et commença à griffonner sur un bout de papier. Puis, au bout de quelque temps, il sortit de sa grande tente, et manda un mage, pour qu'il amplifie sa voix, que tous l'entendent bien.


« Mes amis!! , cria-t-il d'une voix légèrement éraillée, puisque ce mage-ci n'était pas Balrûn. Je viens de recevoir une excellente nouvelle! Nos chers frères de Brissalion, de Nérania et de Thanor arrivent! Je pourrais vous infliger un long et barbant discours de plus, mais... Je crois que le moment est venu de festoyer, puis d'affûter nos haches et de nous entraîner pour la bataille à venir! Buvons donc! Mangeons! Rions! Puis forgeons, frappons et... ensuite nous marcherons! »


Les Nains reprirent les mots qui les avaient le plus marqués... Quelques-uns hurlèrent toutes les « consignes », mais la très grande majorité ne retint que « Buvons! Mangeons! », et ce cri fit une nouvelle fois trembler le manteau neigeux qui recouvrait la plaine et la menue forêt. Puis les chants et les rires résonnèrent jusqu'au coucher du soleil, se taisant d'un coup pour laisser place à une tranquillité et à une béatitude que ces guerriers n'avaient pas connue depuis longtemps...
Les deux jours qui suivirent furent successions de repas joyeux, d'entraînements et de sommeil lourd (en quelque sorte, les Nains faisaient les « trois huit »...). Puis arriva le jour prévu de l'arrivée des renforts. Tous les regards étaient tournés vers le Nord. Et alors... ils arrivèrent!