Se retrouver à peine après l'hiver dans une forêt inconnue n'était pas tache facile, même pour le plus doué des herboristes. En cette période, la nature est encore endormie et seules les racines finissent avantagées par le climat, herboristiquement parlant. Si les propriétés vertueuses se décuplent en ces dernières lorsque le reste de la plante dort, il n'en reste pas moins qu'il est impossible d'identifier le végétal. Pas de fleur, le plus souvent même pas de feuilles caractéristiques, juste la racine.
Coryfé soupira, un nuage de buée s'échappant de ses lèvres, ce qui lui rappela -sans qu'il en soit vraiment nécessaire- que la patte glacée de l'hiver planait encore sur ce printemps timide. Il réajusta son écharpe pour emmitoufler plus confortablement sa gorge, puis continua sa route à petits-pas au travers des bois, laissant un sentier d'empreintes.
La neige persistait encore, bien qu'on ne la retrouvait plus en aussi grande quantité. Ces paysages et ce nid de sensations firent frissonner Coryfé. Ou bien peut être était ce le froid. Ou même les deux, ce qui serait le plus probable. Pourtant, une extase enfantine lui embaumait le cœur à chaque fois qu'il peignait, à l'aide de ses sens, une peinture de cette nature maîtresse.
Il s'arrêta soudainement devant un buisson de ronce, puis sortit un couteau de petite taille. L'herboriste sectionna un petit lot de feuille et les mit sous sac, avant d'attacher ce dernier en bandoulière. Une petite infusion ou un baume soulageraient les tiraillements de la peau de son visage, causés par le froid mordant.
Regardant autour de lui, le vagabond inspecta soigneusement les premiers arbres recouverts de feuille, cherchant à reconnaître un type particulier. Il passa ainsi d'arbre en arbre, avec patience, avant de s'arrêter devant un noisetier et d'y grimper. Le gel rendait la tache ardue, et la température fraîche ankylosait ses membres. C'est donc après maints efforts que Coryfé vînt se nicher sur une branche, le souffle court.
Un observateur lambda pourrait bien se demander quelle récompense motiverait un homme à tout ces périples. Surtout pour un arbre encore sans fruits.
Et bien se fut pour ses jeunes feuilles, dont les plus tendres furent dégustées lentement par le jeune homme afin de retarder sa faim.
Un observateur lambda pourrait bien se dire que cet herboriste à un sérieux problème d'argent, et sinon d'or.
Tâche insolite perchée dans les arbres, il s'accommoda de sa position et ferma les yeux un instant, cachant ses mains dans son manteau de voyage, avant de fermer les yeux et de décontracter ses muscles. Son ouïe et son odorat percevaient la beauté mystique de la nature idyllique. Son estomac lui, percevait un maigre repas dont il devrait se contenter pour la matinée. Imperceptiblement, Coryfé murmura pour lui-même:
- Encore un peu et je vais devenir plus fin que les plantes que je cueille...
Il commençait à se demander s'il ne serait pas tôt ou tard mené à se réengager dans l'armée de Diantra. Il fronça les sourcils à cette perspective.