Ainsi commence le voyage [George]

La ville ne devient qu'un point sur l'horizon. Je n'ai pas besoin de me retourner pour le savoir, immuablement, elle devient un souvenir. Cuisant, amer pour les hommes, eux qui ont déversé sur leur sanctuaire leur haine et leur rage. Ais je pitié de ses êtres qui oublient si vite leur réalité ? Je ne sais pas, je les cotoie depuis tellement d'année...tellement...J'ai appris leur forces, leurs faiblesse, les ai aimés aussi, hait parfois. Ils sont un peu tout ce que je ne suis pas. Reflets de passion, d'exigeance et d'embrasement. Leur vie est si courte, tellement...

A mes côtés une enfant, arrachée aux horreurs qui se sont répandues sur la ville des hommes. Je ne sais pas pourquoi nous nous raccrochons l'un a l'autre. Etrange couple que voilà, de qui vint l'idée ? D'elle ? De moi ? Je ne sais pas, mais qu'importe du moment qu'il nous reste un but a poursuivre. Elle est fatiguée, je le vois bien aux larges cernes qui ombrent ses yeux, mais elle reste vaillante, avançant pas à pas, sans qu'un filet de plaintes ne passe ses lèvres. Elle ne dit mot, peut être a-t-elle peur ? De qui ? De moi ? Suis je térrifiant ? Parfois je peux l'être oui, mais en cet instant, je ne suis qu'un vagabond qui partage un fardeau trop lourd pour cet enfant. Mon corps a l'habitude de marcher, il sait un peu comme si je n'avais plus besoin de lui donner d'ordre, avancer sans souffrir. Un héritage utile et délicieux, la fatigue ne me guette encore pas, heureusement pour moi.

Je lève les yeux sur le ciel qui doucement s'obscurcit...La nuit viendra bientôt et avec elle, le froid terrible. Je saurais le supporter, mais elle, elle ne le pourra pas, fragilité dénoncée par la race auquelle elle appartient...

-Il nous faudra bientôt trouver un abri.

Fis je doucement, comme pour ne pas la surprendre, mes prunelles d'or se pose sur son visage, reflet inquiet. Je ne sais aps combien de temps elle pourra encore tenir, j'impose un rythme rapide, oubliant parfois que peu savent le suivre. Puis, une évidence me frappe, stupeur mêlée d'incompréhension. Comment ais je pu oublier ?

-Je m'appelle Acrion.

L'ombre grandie dans les yeux grands ouverts de l'enfant. Je n'ai émis qu'un murmure, mais celui ci semble l'avoir heurté avec la force de l'ouragant. Dans ses prunelles danse toute l'horreur de ce qu'ils ont vu ou entendus. Ces cris déchirants, cette neinge pourtant immaculée qui se teinte d'écarlate, tout cela danse au fond de son regard, ombre démoniaque que le temps effacera.

-George...

Le prénom roule sur ma langue, comme un bonbon sucré dont on savoure chaque saveur avec attention. La surprise s'invite un instant dans mes yeux, une femme portant le prénom d'un homme...Etait elle ce fils que l'on avait espéré malgré tout ? Qu'importe, je n'ai pas a jugé alors j'accepte sans rien dire de plus, continuant ma marche. Pourtant la cadence de mes pas se ralentit au même rythme que les siens. Je peux presque entendre ses dents claquer, elle ne survivra pas si l'on continuait ainsi.

-A quelques kilomètres devant nous se dresse une vieille grange. Ma mémoire me fait rarement défaut, nous pourrons nous y abriter pour la nuit.

Je connaissais les recoins des terres humaines, ne les avais je pas parcourue en tout sens ? Me cherchant ? Cherchant une vérité qui n'existait probablement pas ? Tant de fois. Mais en ce jour où le soleil décline lentement, je suis heureux de savoir où aller.

-Les hommes sont si fragiles...Tu ne tiendra pas si tu continue ainsi.

Je l'arrête. Doucement, fermement. Je l'arrête parce que sinon, elle finira par ramper, c'est inscrit au fond de ses yeux, dans la comissure de ses lèvres, elle finira par tomber a genoux, mais sa volonté la porte aussi surement que le soleil se lève a l'Est. Je dégage ma tête de ma cape, dénoue le vêtement de mes épaules, je frissonne un peu, juste un peu, un frémissement délicat qui me ferait sourire. L'étoffe est usée, élimée et pourtant, elle conserve la chaleur de mon corps, protège de l'humidité, je la glisse sur les épaules frêles de l'enfant et lui présente mon dos.

-Grimpe, nous irons plus vite ainsi.

Un coin de ma bouche s'est relevé, un éclat amusé traverse mes yeux tandis qu'un léger vent faire danser les mèches ivoires de mes cheveux. Je ne suis pas drow, je ne suis pas elfe...Je suis les deux.

L'homme s'accroche encore et toujours. C'est quelque chose que j'ai depuis longtemps perçu et même, j'ose dire que j'admire cette qualité. Cette soif de vivre qui les caractérise, eux, parmis les plus fragiles de nous tous. De ses mains, Néera a créé la race la plus frêle du monde, mais elle leur a souffler le courage et pugnacité. Elle ne veut pas avouer sa faiblesse alors qu'elle est si flagrante, elle est inscrite dans chacun de ses traits. Je souris doucement, elle a tord, je perçois les limites de son corps, trop fragile pour en supporter plus, trop frêle pour espérer continuer. La volonté peut soulever des montagnes, mais en cette heure, elle s'incline. Je n'écoute qu'a moitié ses protestations, gardant un air mi amusé mi inquiet sur le visage. Elle nie sa propre faiblesse et là réside le danger...

Ses jambes la trahissent et la neige gardera l'empreinte de ses genoux durant quelques heures avant que de nouveaux flacons ne recouvrent nos traces. Je n'ai pas hésité, je me suis débarrasser de ma cape et offert mon dos. Je suis plus résistant qu'elle ne le sera jamais. Mon sang me mets a l'abri des maladies, des souffrances...Que puis je faire d'autre que l'aider ? Elle rechigne mais fini par ceder, a-t-elle vu dans mes yeux que je n'abandonnerais pas ? Peut être, je ne saurais le dire. L'âme humaine est et restera insondable par bien des côtés.

Elle est légère...Je ne m'étais pas rendu compte a quel point elle était de cristal. Peut être que sa volonté d'airain m'avait aveuglée, oui, certainement même, mais la réalité reprends ses droits, il me faut avancer. La bise souffle doucement, distillant son souffle froid sous ma chemise bien trop légère pour l'hiver. Je coince mes mains sous ses cuisses, gardant une distance respectueuse, après tout, elle est en robe...Et j'avance. Je sens sa tête dodeliner, le sommeil tenter une percée dans sa conscience, mais elle lutte. Son murmure me parvint et je levais les yeux sur le ciel qui n'en finissait plus de s'obscurcir...

-J'ai l'habitude de marcher vite et longtemps.

Mais je sais qu'elle ne m'écoute pas vraiment...Parler ne nous servira a rien, aussi je continu ma marche en silence. Le temps s'écoule au même rythme que la nuit descend, mais le noir n'est pas un obstacle pour moi et déjà, je vois apparaître les contours cossus et bralants d'une vieille grange...Trop peu interressante pour avoir été détruite, c'est une chance...Je pourrais faire du feu, un peu et avec de la chance, il restera un peu de paille pour nous permettre de nous reposer...La prudence est de mise alors que je m'approche de plus en plus, je sors du sentier pour m'enfoncer dans les petits bois qui parsèment le paysage par ci par là, je traverse un champ, m'enfonçant dans la neige fraiche et mes yeux ne discernent rien. Je suis soulagé, peut être serons nous tranquille.

La vieille porte branlante grince un peu sur ses gonds et la nuit répercute son cri a l'infini, je tens l'oreille a l'affut du moindre souffle, mais ne répond que le silence et j'entre. Mes yeux parcourt l'endroit...C'est sale, délabré et un bout du toit pend lamentablement, mais là, tout au fond, un coin. L'humidité regne mais une botte de paille, rescapée certainement, nous promet une certaine protection. Mes pas glissent jusqu'à ce petit abri situé dans le coin de la grange et j'y dépose l'enfant...Mes doigts plongent au fond des poches de mon pantalon, ils tatonnent et trouve, un petit briquet a l'amadou, mais seul, il ne suffira pas. Heureusement, la grange recèle aussi des bouts de bois, autrefois faisant partit de cette glorieuse construction, aujourd'hui vaincu au sol. Ceux du dessus ne devraient pas être trop humide, enfin, il me semble. J'en réunis de petits tronçons et il ne me faut que quelques minutes pour établir un foyer. J'éventre la botte de paille, en étale le trésor sur le sol, pas trop prêt du foyer, ni trop loin, une fois la couche improvisée, je peux me pencher sur le feu...L'étincelle crépite, encore et encore, l'espoir de voir la flamme naitre s'amenuise, je le sens...Mais les cinq nous viennent en aide et la paille s'enflamme dans un crépitement salvateur. Bientôt une belle flambée rugira, jetant sa lumière dorée sur mon visage, se refletant dans mes yeux. Je soupire...

-Repose toi, je vais monter la garde.

Un chuchottement cotonneux, un léger sourire. Elle pourrait craindre pour sa vertu ou même sa vie en cette instant, il me serait facile de l'immobiliser, mais cela n'effleure même pas mon esprit, je ne serais jamais cette bête assoiffée qui sommeille en moi, depuis trois cent ans maintenant, je la maintient cadenassée au creux de mon âme et la serrure est d'acier.

-Demain, nous repartirons.

Je fais ce qu'elle me demande. Il est vrai que je n'ai pas songé a voler une paire de chaussure, comme si une consience quelconque m'empechait de voler des cadavres. Pourtant, ils n'en auront plus l'usage n'est ce pas ? Une éthique profondement ancrée en moi, comme les dernières paroles de ma mère.

-Garde la. Je ne risque pas de tomber malade de toute façon.

Je vois bien qu'elle agit par politesse, qu'une partie égoïste d'elle ne souhaite se défaire de cette cape et je ne lui en veux pas. Pourquoi le devrais je ? N'est ce pas moi qui lui ai fait don de cela ? La reprendre maintenant serait renier mes propres actes passés. Sa voix me parvient, je ne comprends pas pourquoi elle lutte contre la torpeur. Le froid agit peut être différement sur les êtres, je ne saurais le dire. Mon corps a trop l'habitude de lutter que je ne ressens pas la fatigue pour le moment. Cela viendra, je le sais et a ce moment là, je dormirais si fort que l'on me pensera mort. Je souris doucement alors qu'elle me conte une partie de sa vie, une infime partie qui ne revêt aucune importance a ses yeux. Mes prunelles quittent un instant le feu pour se poser sur le visage émaciée de l'enfant. Elles parcourent ses yeux cernés, ce pli épuisé au coin de la bouche, mais je ne dirais rien.

-Ils ont eut de la chance. La chaleur de leur corps a suffit a les maintenir en vie. La neige est magnifique, mais elle sait piéger les hommes. Je me suis perdu une fois, moi aussi, tout petit encore...La forêt ne garda pas l'empreinte de mes pas, la neige recouvrait tout, me déboussolant. J'ai marché durant des heures et des heures sans jamais m'arrêter, fasciné et terrifié en même temps. C'est un souvenir terrible mais précieux. Maintenant, je ne me perds plus.

Je souris. Que serais je devenu ce jour là si ma mère affolée, n'avait su retrouver ma trace ? Petit enfant de 20 ans, a peine plus haut que trois pommes. Peut être serais je mort, le sourire aux lèvres, je ne le saurais jamais.

-Dis moi George, quelqu'un t'attend-t-il a Ydril ?

J'aurais presque pu rougir de ma question, si je n'avais pas eu trois siècles de vie. Oui, j'aurais put, elle a le droit de ne pas répondre, d'ignorer. Après tout que connait elle de moi ? Qu'a-t-elle vu ? Je ne suis qu'un étranger. Un de plus, un compagnon de voyage qui marquera a peine sa vie peut être. Le destin est parfois capricieux, jouant des consciences sans que nous ne le sachions. J'ai appris a accepter ses détours et ses jeux. Une fatalité dirait certain, une chance pour ma part.

Elle me fait rire. Quelque chose de frais et léger que je n'avais plus ressentit depuis longtemps. Peut êtresuis je trop proche de l'horreur et du sang, les ais je trop cotoyé ? C'est fort probable alors je m'émeus devant l'innocence, une manière de rendre hommage a la pureté peut être, mais par les Cinq, que rire est bon.

-Autant de sagesse chez une enfant est étonnant. Je connais les chemins parce que je les ai parcourut de long en large. Le monde des hommes est fascinant par bien des côtés, je crois que c'est le seul qui mêle avec harmonie la lumière et l'ombre. Un gris parfait.

Murmurais je tranquillement, les yeux perdus dans les flammes, ces flammes qui me font immanquablement pensé aux humains, si fougueux, si brillant mais qui toujours finiront en cendre. Néera avait été généreuse avec eux. Les enviais je parfois ? Oui, sans aucun doute, moi qui me suis vu offrir l'éternité parfois je rêve de mort, juste pour vivre plus intensement.

-Personne...N'as tu plus de famille ?

Je suis curieux, je l'avoue aisément, curieux de savoir ce qu'elle est et comment elle l'est devenu. Suis je trop présomptueux ? Moi qui garde jalousement mes origines pour moi, par crainte, par pudeur, ais je le droit alors de lui demander son existence ? Si elle me le demandait, je lui dirais, mais les yeux baissés pour ne pas voir l'horreur se peindre sur ses traits. Nous sommes si rares et si craints...Pourtant, nous ne sommes qu'une étincelle de vie parmi tant d'autre.

Elle me fait rire a se vexer pour si peu. Mais j'oublie trop souvent que les années filent devant moi sans laisser leur empreinte sur ma peau. Eternel. C''est un mot étrange lorsqu'on y pense. L'éternité devant moi. Les maladies passent sans s'arrêter, la vieillesse m'épargne son étreinte et pourtant, il me manque cette fougue des hommes. J'aurais aimé naitre ephemère je pense.

-Je dis simplement que les hommes sont gris, comme les drow sont sombres et noir et les elfes lumineux et bons. C'est la seule race qui peut se targuer d'être aussi bonne que mauvaise.

Dis je tranquillement, évitant de prendre le ton docte des professeurs. Ce n'est aps mon rôle, je ne suis pas un guide, ni un moralisateur. Je suis juste un funambule qui erre sur un fil invisible. Je mle rend compte que ma curiosité la touchée, voir blessée et je le regrette. L'or de mes prunelles se teinte non pas de compassion, ni même de pitié, non on dirait de la tendresse. Oui, c'est cela, mes iris scintille avec tendresse alors qu'elles se posent sur l'enfant. Elle a mordu comme un petit animal peureux et je l'ai mérité, je l'avoue facilement. Après tout, pourquoi vouloir creuser au delà de ce qu'elle me présente, pourquoi ne pas me contenter de la surface ? Difficile a dire, je suis mes instincts et mes envies sans vraiment me poser de question, tentant coute que coute de garder cet équilibre qui fait ma force et ma faiblesse.

-A moitié oui. En fait, je suis ce que l'on appelle chez vous une abération. Un hybride.

Répondis je d'une voix tranquille, mais si mon visage sourit légèrement, mes doigts se sont crispés, si fort qu'ils en pénétrent ma paume. J'attends....J'attends quoi ? Le cri d'horreur, l'étincelle de peur irrationnelle qui fleurira dans les yeux innocents ? Je ne sais pas. Pourtant, je cache souvent mes origines parce que cela vaut mieux, l'homme n'accepte pas ce qu'il ne connait pas. Et..étrangement, je ne veux pas faire peur a l'enfant.

-Je me demandais...George, est ce ton vrai prénom ?

J'ai un sourire enfantin en lui demandant cela, ma curiosité est insatiable songeais je avec une pointe de résignation. Parfois, je m'interroge, j'hésite, je valse sur mes propres songes. Aurais je toujours cette passion étrange pour les hommes .