>. L'hymne du clair de lune [ Ithil ]

Un nouveau printemps venait de pointer le bout de son nez sur Miradelphia. La faune et la flore renaissait à nouveau jusqu'à son paroxysme et c'était en soit l'un des plus beaux spectacles que la vie puisse offrir. Pour lui, cela ne faisait que son neuf cent quatre vingt quinzième printemps. La majorité de son existence, il la passait en Terres Humaines. L'Hybride n'était pas forcément très apprécié du côté d'Aleändir et encore moins vers le Puy d'Elda. Ce n'était pas des relations impossibles mais elles étaient largement plus tendues que chez les humains. N'était-ce pas pour cette raison qu'il faisait parti de l'Ombre d'Aleändir ? L'Hybride était un Épervier mais cela, c'était un secret bien gardé depuis quelques siècles. La légende du Mercenaire de la Lune fascinait ceux qui s'y intéressaient. Depuis plusieurs centaines de décennies, on comptait les exploits d'un être humain à la chevelure blanche, au visage lisse et au corps étrangement musclé. Ithil Thryn pouvait au premier regard être confondu avec un homme dont la beauté était quasiment inégalée par un véritable membre de cette race.

Ce soir-là, le Mercenaire de la Lune se situait en Serramire, là où il avait exécuté un nouveau contrat. Cette fois-ci, il avait s'agit de débusquer et d'arrêter une bande de malfrats qui sévissaient dans la région sous le nom des Nettoyeurs. Des bandits de grands chemins qui terrorisaient les routes incertaines du Duché de Serramire afin d'y commettre les actions les plus abominables pensables. Pour ce, Ithil Thryn s'était glissé parmi une petite troupes de Mercenaires afin de leur prêter un précieux coup de pouce. La récompense obtenue, il pouvait se permettre de songer à autre chose pendant quelques temps. Ainsi, le temps était au repos et la surprise était grande.

Le Mercenaire de la Lune choisit celle colline. Cette colline d'où les notes musicales se baladaient dans l'air. Il comprit aisément qu'il ne serait pas seul ce soir. Quelqu'un semblait avoir eu la même idée que lui et cette personne était incontestablement un virtuose. Ce son... Ce n'était pas la première fois qu'il l'entendait. Des harpistes, il en avait croisé un bon nombre et pourtant, entendre une nouvelle mélodie à chaque fois l'impressionnait toujours. Lentement mais sûrement, et surtout dans le silence complet, Ithil marcha jusqu'au sommet afin de contempler avec stupeur ce qui s'y trouvait.

Une ravissante jeune femme jouait de la harpe. Tout était rythmé et prémédité. Ah ! C'était une professionnelle. Ce qui le frappa en premier, c'était le teint très ensoleillé de cette Dame. Elle était, et même pour l'Hybride aux sentiments emprisonnés au plus profond de son âme, la Grâce incarnée. Sa robe rouge s'imprégnait sur toutes les courbes et les formes de son corps dans une harmonie à en laisser un homme bouche bée. Mais Ithil n'était pas n'importe quel homme à se laisser abasourdir par des atouts convaincants. Non, ce qui charmait actuellement l'Hybride, c'était cette maîtrise de la musique. Et surtout, il était très surpris de ne jamais avoir rencontré une Dame aussi ensoleillée alors qu'il atteindrait bientôt le millénaire d'existence.

Si la Noble avait déjà obtenu quelque chose du corps froid et glacial, c'était d'avoir suscité tout son intérêt et de lancer d'avance une nouvelle intrigue dans sa vie parfois trop ennuyante. Par respect, l'Hybride ne fit pas signe de sa présence. De toute manière, même s'il l'avait voulu, cela ce serait alors traduit par des gestes grossiers. Le pauvre mâle était muet. Le rire cristallin de Neïla fit frissonner la peau d'Ithil. Pour la première fois, il avait l'impression de contempler en même temps la lune et le soleil. S'il idolatrait la lune, le soleil demeurait un élément qu'il appréciait. Imaginez alors qu'il était comblé par l'actuelle situation. Décidé, Ithil se racla légèrement la gorge comme pour attirer son attention et ce fut bien sa dernière action. Toujours aussi intrigué, il fixait de ses yeux glacés aux allures des neiges éternelles la charmante demoiselle à proximité de lui.

Une statue, oui. Immobile, Ithin Thryn ressemblait à une véritable statue conçue par le plus brillant et le plus talentueux des sculpteurs. Il était encore bien plus beau et attirant lorsque les rayons de la pleine lune mettaient en évidence sa peau lactée et marbrée. Comme ensorcelée et passionnée, la Noble de Serramire s'avança. S'il s'était pensé être le plus curieux des deux, on dira simplement qu'il aurait eu tord de le faire. Une femme aussi belle et aussi raffinée l'étonnait et pourtant il en avait rencontré des charmantes demoiselles. Le comble était qu'au plus profond de lui-même, il ne ressentait aucune attirance. Si la réalité disait que l'on se trouvait devant l'un des plus beaux couples de Serramire, celle d'Ithil était toute autre.

Son âme cachée par son regard glacial définissait un tout autre être. Cela faisait parti de son protocole habituel. Même s'il essayait de se détourner de la réalité, lui aussi était capable d'aimer et de s'attacher à quelqu'un. Et si la réalité faisait de Neïla une jeune femme belle et très attirante, les yeux d'Ithil voyaient une vieille créature hideuse et atteinte par la vieillesse humaine. C'était une façon pour lui de ne pas oublier qu'il était éternel et que les humains étaient très fragiles. Souffrir de la perte d'un être cher, il l'avait connu de nombreuses fois. Si la fatalité voulait qu'il soit condamné à vivre la perte de tout son entourage pendant quelques millénaires encore, il était capable par le mensonge de se détourner de la réalité. Néanmoins, qu'adviendrait-il le jour ou une humaine lui ferait comprendre qu'il était un idiot d'agir ainsi et que cette difficulté faisait parti de sa vie et qu'il n'avait d'autre choix que de s'en accommoder jusqu'à sa mort ? Il espérait au plus profond de lui même que cette personne ne soit pas encore née.

Il y avait bien des années qu'il n'était pas venu en Serramire. Ithil Thryn était quelqu'un de discret. Lorsque sa réputation de mercenaire faisait trop parler de lui dans un secteur, il s'en allait tout simplement pendant quelques décennies. Ces derniers temps, il n'avait d'autre choix que de se montrer. Les batailles internes rageaient chez les Hommes et il avait découvert avec stupeur que Oësgard était assiégée par le Marquis de Sainte Berthilde et le Duc de Serramire en personne. Jusqu'où irait la folie de ces humains ? Il se le demandait très souvent. Aux frontières de l'Aduram et à quelques jours des Terres Sombres... Qu'adviendrait-il si les Drows frappaient en premier, avertis par une situation propice à une vengeance d'Alonna ? En tout cas, Ithil avait fait son rapport pour le Conseil des Ducs. Oësgard était menacée par son propre Duc et un Marquis tandis qu'une incertitude régnait à Diantra à cause d'un certain dénommé Baudoin. Ce que le peuple Sylvain en ferait, ce n'était tout simplement pas de son ressort. L'Hybride avait rempli son rôle d'Épervier, exécuté quelques contrats de Mercenaires dans la région. Jusqu'à nouvel ordre, le temps était au repos et à la détente.

Que représentaient les canines anormalement allongées de la Noble ? Cela lui donnait un côté presque... animal. Félin serait le terme exact. Le délice et le charme dont elle était l'incarnation directe la rapprochait d'un monde très naturel, un monde qu'appréciait énormément Ithil. Presque immédiatement, la vision d'horreur que l'Hybride se forgeait fut brisé. Au sommet d'une colline, sous la pleine lune... Un vent printanier qui faisait onduler sa chevelure lisse et soyeuse... Il ne pouvait qu'admettre et accepter la réalité. Neïla était une Muse.

Moi aussi, je suis enchanté de vous rencontrer.

Ces paroles n'en furent pas. Les lèvres d'Ithil ne bougèrent pas une seule seconde. Ce qui suivait conforterait Neïla dans l'avis qu'elle s'était forgé de lui. Ithil Thryn était la représentation même de la statue. Un art atteint à la perfection. Cette phrase, elle sonna comme un glas dans l'esprit de Neïla. Il espérait qu'elle n'allait pas penser qu'elle était devenue folle. Ou pire encore. Allait-elle penser qu'elle se trouvait face à un rêve exaucé ? Au sommet d'une colline, c'était tout de même un être anormalement magnifique et charismatique qui se dressait devant elle. Un rêve de nombreuses jeunes femmes, en général... Vraiment, Neïla le passionnait. Il était très curieux de voir comment cette nouvelle découverte réagirait devant sa prestation, devant son don. Pour l'instant, il ne penserait rien de plus...

Ce moment-là était toujours très amusant pour Ithil. Le moment des présentations. Des êtres, il en avait rencontré des centaines au cours de sa vie. Neïla, s'appelait-elle... Au plus profond de son esprit, il ne l'avait encore jamais entendu. Ainsi, la Muse s'appelait donc Neïla... Joli prénom, il devait l'avouer. Très intérieurement, la réaction de la Noble le fit rire. Lorsqu'elle entendit sa voix parcourir son esprit, elle recula immédiatement. Elle ne semblait pas avoir peur. Seule la surprise l'avait submergée. Croyez le ou non, certains hurlaient de peur et criaient au fantôme lorsqu'Ithil leur adressait une pensée. Ce qui fut encore un peu plus étonnant que le reste, c'est qu'elle reprit sa stature douce, calme et posée en un rien de temps. Ithil lui-même ne connaissait pas le son de sa voix. Il ne l'avait jamais entendu et ne l'avait jamais demandé à personne. Il se demandait si elle était douce, calme, agressive ou bien rauque...

Je suis Ithil.

En réalité, sa voix n'avait aucune stabilité. Elle dépendait essentiellement de ses humeurs et de ses sentiments. Actuellement, il était neutre. En colère, sa voix devenait un véritable courroux pour son destinataire mais s'il devait être passionnément amoureux... Alors le son de sa voix serait pour son amante la plus douce et la plus merveilleuse des idylles.

Bref, l'humaine lui semblait être fort sympathique et très accueillante. Il le savait et le pressentait. Ithil impressionnait Neïla. Neïla passionnait de son côté la curiosité d'Ithil. La raison de sa venue ? Il était venu ici pour passer une nuit au claire de lune, tout simplement.

Neïla est un prénom rare. Et très joli, par ailleurs.

Soudain, la statue se mis en mouvement. Rien de très sensuel ni quoi que ce soit d'autre. Sa marche était presque... mécanique. Comme une machine qui s'avançait dans la pénombre selon un code de fonctionnement bien précis. Il était toujours à proximité d'elle et s'était assis juste à côté de l'endroit où Neïla s'était installée auparavant pour bercer divinement Serramire avec sa harpe. Il observait la lune tout en s'adressant à nouveau à Neïla.

Je suis un Mercenaire au repos et je venais comme chaque nuit de pleine lune la contempler du point de vue le mieux adapté. De plus, votre mélodie a attiré ma curiosité. Vous jouez comme une Muse, Neïla.

Si ses propos avaient l'allure d'un homme charmeur, son attitude ne l'était en revanche pas. Sur tout le plan physique, il ignorait totalement la présence de l'humaine. Son regard quitta sa confidente nocturne pour balayer largement la ville de Serramire et les plaines aux alentours. Ce n'était pas aussi beau que l'Anaëh mais l'Hybride s'était habitué depuis très longtemps déjà à la vue de tels paysages. Si pour lui l'être humain était un être qui n'apprenait jamais de ses erreurs, il avait au moins le mérite d'évoluer et de s'adapter à toutes les situations. C'était un peuple qui évoluait contrairement à celui des Sylvains qui restait plongé dans un passé plutôt bien taillé.

Je suis désolé de vous avoir intriguée avec ma façon de communiquer mais je ne puis faire autrement. Mère me disait lorsque j'étais enfant que les Dieux étaient jaloux de mon visage de Sylvain et de mon corps de Drow, le tout nappé dans une belle onctuosité de lait. Ainsi, je suis né muet et j'ai travaillé avec les années la force de l'esprit jusqu'à accomplir le miracle accomplis. Je m'adresse à vous par la force de l'esprit.

Il est sans nul doute que vous êtes une femme intelligente. Les catins ne jouent pas de la harpe et vendent leur corps dans les rues malfamées des quartiers pauvres et vous êtes à l'œil nue tout le contraire. Contrairement à d'autres compatriotes plus chanceux... Mes oreilles pointues me trahissent.

En effet, si l'on aurait pu confondre Ithil avec un humain à cause de sa peau lactée et des contradictions qui faisaient qu'il ne pouvait ni être un Elfe Sylvain, ni être un Drow, le Mercenaire de la Lune était né avec des oreilles pointues sans être pourtant très longues.

Je suis l'un des rares êtres de ce monde à être né d'une relation presque... incestueuse. Je suis le fruit de l'amour entre un Drow et une Elfe Sylvaine. Je suis un Hybride.

Pour lui, tout était sous entendu. En Anaëh, on se méfiait de lui. Après tout, les sangs impures étaient très mal considérés là-bas. Quant au Puy d'Elda... Ithil n'était pas du genre à montrer une cruauté et une monstruosité gratuite pour prétendre être un des leurs. Il ne lui restait que les Terres Humaines là où il avait le plus de chances de survivre. Et encore, la plupart des hommes ne portaient pas dans leur cœur les rares Hybrides de Miradelphia. Après tout, ils portaient en eux les gênes des terribles et redoutés Drows.

Si la présence de celui qui porte dans sa chaire les gênes du Malin vous importune... Faites le moi savoir et je m'en irais pour ne pas vous déranger par ma présence.

Elle ne lui avait pas demandé de partir. Léger soupire de soulagement pour Ithil. Elle l'avait même prié de rester et de ne pas s'en aller. Sa voix était très douce et les oreilles de l'Hybride en appréciait le son. Certes, absolument tout sur le physique les éloignaient. Il y avait ce soir deux lunes et un soleil et Neïla tenait parfaitement l'équilibre dans son impérialisme naturel de Noble. Ne dit-on pas que les opposés se rapprochent souvent ? Seul le temps possédait la réponse pour ces deux êtres aux histoires bien différentes. Elle ne s'était pas approchée et demeurait plus loin derrière. Toujours sans la fixer, le Mercenaire de la Lune répondit à sa première question par une pensée encore plus calme et paisible qu'auparavant.

Je suis arrivé à Serramire parce que c'était ma volonté, Neï... Dam... Demoiselle Neïla.

Il ne savait pas vraiment comment est-ce qu'il devait l'appeler. Il était souvent dangereux de jouer avec le respect d'un Noble et ce suffixe lui paraissait important. Il espérait néanmoins au fond de lui que la demoiselle lui demande d'arrêter ces politesses qui ne lui ressemblaient absolument pas. Jeune, il y avait peu de chance qu'elle soit déjà mariée. Peut-être promise, tout au plus ? Dans le hasard complet, il opterait pour un Demoiselle Neïla.

Les Forêts sont très nombreuses entre chaque villages du Duché de Serramire. Les collines comme celles-ci sont hautes et l'un de mes passes temps favoris est la contemplation de la pleine lune. Je ne raterais cela pour rien au monde.

Evidemment, Ithil Thryn était là pour constater de lui-même les rumeurs qui parlaient de Diantra, Sainte Berthilde et Oësgard. Le message était parti pour le Conseil des Ducs du Royaume des Elfes Sylvains depuis une bonne semaine déjà. Il regrettait que les hommes n'apprennent pas de leurs erreurs et les répètent au cours des siècles... S'il était déçu de l'être humain, c'était de son incompétence à apprendre de ses erreurs de générations en générations. L'Épervier n'aimait pas du tout la guerre mais son peuple devait savoir que le Roi Trystan était en danger et que la poursuite de son règne était encore incertaine à son heure actuelle. Sa patrie devait savoir que bientôt, il se pourrait qu'un tyran fou, présomptueux et hardi puissent prendre le contrôle de Diantra et pourquoi pas briser le pacte avec son peuple... Il espérait surtout que les Drows n'aient pas eu vent de tout ce qui se passait actuellement en Terres Humaines... Et pourtant, ils étaient déjà là, prêts à déchainer une vengeance implacable sur Oësgard. C'était le siècle le plus triste auquel l'Hybride avait assisté jusqu'ici et tout ne faisait qu'empirer... Heureusement que la race humaine présentait de bons côtés... Neïla était l'incarnation de ce qu'il aimait. Sa beauté, sa douceur, sa grâce naturelle... Dommage qu'elle n'était vouée qu'à être éphémère contrairement à lui.

Mon âme n'est pas assez sombre pour prétendre intégrer les rangs du Puy d'Elda et les Elfes Sylvains ne sont pas vraiment chaleureux et accueillants avec ceux qui ne leur ressemblent pas. Aussi sage soit ce peuple... Cette rancœur et cette méfiance permanente pour les autres races pourraient bien les perdre un jour. Les Sylvains n'apprécient pas le changement et sont trop encrés dans le passé alors que vous, Humains, vous avez le mérité d'avancer, d'évoluer et de vous adapter aux situations.

L'éloge même de l'être humain aux yeux d'Ithil venait d'être énoncée par sa seule pensée. Il admirait l'Homme pour sa capacité d'avancer, d'évoluer et de s'adapter à presque toutes les situations. Ce qui n'était pas le cas du peuple des Sylvains. Du moins, pas aussi aisément que les Humains.

En tout cas, je vais là où le vent souffle à la rencontre de nouvelles péripéties. Je me rends où on peut avoir besoin du Mercenaire de la Lune.

Le Mercenaire de la Lune... Une légende vivante en Territoires Humains. Ithil Thryn parcourait les plaines et les forêts humaines depuis plusieurs siècles et rentrait de temps en temps en Anaëh pour faire taire sa bonne réputation qui le suivait. Principalement, c'était pour faire des rapports d'états au Maître Épervier mais nul ne savait qu'il était un Épervier hormis le Conseil des Ducs. Petit à petit, son surnom avait pris la forme d'une légende que l'on contait aux jeunes enfants et pour la première fois, il tourna la tête vers Neïla afin de contempler sa beauté par le biais de ses yeux glacés. Il était curieux de lire la réaction qu'aurait son visage à l'énonciation de son surnom. Seuls ceux qui avaient rencontré Ithil en personne comprenait pourquoi on continuait de parler du mystérieux Mercenaire de la Lune comme quelqu'un de vivant et d'actif au cours des siècles qui s'écoulaient...

Et vous, d'où venez-vous ? Êtes-vous originaire de Serramire ? J'ose imaginer que l'avenir d'une Noble comme vous est déjà tout tracé et que l'on vous a déjà imposé un prétendant ?

Cette idée le rebutait. S'il détestait une chose chez les Nobles, c'était les mariages imposés afin de permettre la gloire et le prestige d'une famille. Il n'était pas partisan du pouvoir et de tout ce qui s'en suivait et espérait sincèrement pour Neïla qu'elle ne soit pas dans ce cas présent. Il le saurait probablement d'ici quelques instants...

Il retint un rire. Non pas un rire moqueur envers Neïla, mais un rire moqueur envers ces humains impressionnants. Intérieurement, c'était certain, il riait. Soltariel ? Cela expliquait alors le ton de la peau de la jolie demoiselle. Ithil, de son mètre quatre vingt dix, se redressa et fit face à Neïla, probablement beaucoup plus petite que lui. L'espace d'un instant... ce fut comme s'il sonda son âme. Son regard de glace perça les jolis yeux de la jeune femme puis il posa une main sur son propre front.

Vous êtes... amusants. Vous, les Nobles... Je crois que tu devrais avoir le droit de choisir qui tu veux aimer, Neïla.

Plus de vouvoiement, plus de demoiselle. Cela plairait-il à la demoiselle ? Il s'en fichait. Si elle lui avait demandé de ne pas l'appeler demoiselle, c'est parce qu'elle était mal à l'aise. Il considérait alors que de la tutoyer changerait encore la donne. Ithil n'avait jamais encore gouté aux joies du mariage ni quoi que ce soit d'autre. Au fond, il plaignait Neïla. Une femme si douce, si gentille, si accueillante... N'avait-elle pas le droit de choisir son propre avenir ? Lui-même ne l'avait pas vraiment choisit. Depuis le début, et à chaque rencontre, il mentait. Personne ne connaissait encore sa véritable profession. Une Noble était devant lui... Pourquoi ne pas la préserver encore un petit peu ? Elle aurait certainement des choses intéressantes à lui apprendre. Maudit peuple Sylvain, pensa-t-il. Pour la fierté et la gloire de la race à laquelle il n'appartenait même pas, Ithil mentait chaque jour. C'était là son plus grand regret et son plus grand secret. Malheureusement, c'était la volonté de sa mère et il s'appliquait à la faire respecter et valoir.

Oui, tu devrais mener ta propre vie, librement. Pour cela, je remercie chaque soir la lune pour ne pas être un Noble Humain. Enfin, je ne suis qu'un Mercenaire pour te conter cela, après tout...

A nouveau, Ithil semblait être redevenu une immense statue. Les rayons de la lune dansaient sur les plaques dures et ondulées de son corps et son regard azuré laissait percevoir un semblant de tristesse.

J'espère que le fait de te tutoyer ne te dérange pas... Je ne veux plus te rendre mal à l'aise comme tout à l'heure...

Neïla pouvait se sentir honorée. La Lune se faisait du souci pour le Soleil et cela promettait une longue histoire...