Sur la route "Entretien d'embauche" [PV] [Terminé]

La taverne était relativement peu fréquentée ce soir là, mais malgré ça, elle restait bruyante. La peuplade alentour, majoritairement masculine, riait aux éclats, buvait, racontait à voix haute, tous saouls et dans leur état, ignorants. Les tables de bois massif de couleur foncée, rondes, avaient toutes la même taille. La salle était éclairée par des lampes à huile réalisées en terre cuite, disposées aux différents coins de la pièce. Le patron, posté derrière son comptoir, l'air grave et sérieux, nettoyait machinalement ses chopes. Cette soirée semblait tranquille et habituelle.

Notre jeune Aënaelle buvait une bière, assise à une table de cette taverne, seule, dans le fond, essayant de rester assez discrète. Elle connaissait bien cet endroit et son patron (ainsi que sa serveuse), aussi elle ne parlait jamais aux ivrognes pas encore coutumiers. Malgré le peu de luminosité et l'éloignement de la table, sa tignasse rousse embroussaillée ne passait pas inaperçue. Sa tenue habituelle (son éternelle tunique blanche et sale ainsi que le reste de ses vêtements, tous bruns) tentait désespérément de fondre l'humaine dans le décor, mais en vain. La teinte flamboyante de cette chevelure ressortait de ce foisonnement de marron et de gris terni.

La jeune femme semblait attendre quelqu'un. Plus le temps passait, plus sa patience commençait à faiblir. Elle relevait la tête à chaque fois qu'une chaise bougeait ou que la porte s'ouvrait, et quand rien ne se passait, elle baissait le regard au fond de sa chope avant d'en boire une gorgée. La serveuse arriva à sa table : "Tu veux autre chose, Aënaelle ?". L'intéressée releva la tête et par la même occasion sa chope, montrant ainsi son envie d'une seconde bière. Un léger sourire de remerciement se dessina sur ses lèvres, et son attention descendit sur le postérieur de la serveuse qui revenait au comptoir, exécuter sa commande.

Par les fenêtres à croisées, simples et modestes, on pouvait voir que la nuit était déjà noire. La clarté de la lune sans égal ce soir là, éclairait les pavés aussi bien qu'éclairerait le soleil. Après avoir fini, lentement mais surrement, sa seconde bière, elle décida de s'arrêter là. Non pas qu'elle ne tienne pas l'alcool, bien au contraire, mais elle préfèrait garder l'esprit clair pour "parler travail". La porte s'ouvrit et, comme à son habitude, elle leva les yeux. L'inconnu rentra et voyant cette crinière rouge seule à une table, il s'avança vers elle. Elle repoussa sa feue bière devant elle et se redressa.


HRP : Les fenêtres à croisées sont apparues qu'à la Renaissance mais je pense qu'on va pas m'envoyer en prison pour ça.

{edit Dryae - En prison ! *sort*}

La journée aurait été calme si il n'y avait pas eu ce message. Il y eût peu de personnes à soigner et le quartier était resté tranquille tout le jour durant, ce qui n'est pas chose courante. Il en avait profité pour continuer de lire le livre qu'il n'avait toujours pas terminé depuis tant d'années, ce "Traité sur la Sorcellerie et la nature des magies élémentaires" qui lui avait tout appris. Souvent, il vérifiait des faits faisant référence à sa Magie en lançant des sorts au moment où il les lisait. Ce tome entretenait et améliorait sans arrêt son contrôle sur la Mana qui l'entourait et qui se trouvait en lui. A présent, il savait bien des choses.
Pendant qu'il en parcourait les pages, son colibri, Violet, était posé sur son épaule et piaillait par moments. L'animal minuscule, comme son nom l'indiquait, possédait un plumage d'un remarquable violet perlé qui attirait sans cesse l'admiration et le regard des passants et des enfants. Sans prévenir, il sautilla et, aidé de quelques battements d'ailes imperceptibles, se posa sur le haut de la tête de son maître pour s'y coucher paisiblement, ses yeux noirs fermés et son cou rentré vers son torse. Dans la maison du soigneur, il n'y avait aucun bruit, si ce n'était le lointain clapotis de l'eau traversant la fontaine de la rue. Rien ne venait troubler cette sérénité presque religieuse.

Alors Kaoriel posa le livre sur la table et se leva. Le colibri s'accrocha. Il avait eu sa dose de calme pour la journée, et il sentait que le hasard n'allait pas tarder à lui empêcher de garder cet esprit silencieux. En effet, un homme frappa à la porte, bien que celle-ci fût grande ouverte. Le sorcier aux cheveux rouges se dirigea vers l'entrée et parla, de sa voix chaude et claire.

"Bonjour. Je suis le soigneur. Qu'est-ce qui vous amène ici ?
-Je suis le messager de sire Veoharn, un respectable homme de Fort Ellyrion. Dame Laya, sa fille, est mourante et a besoin de quelqu'un comme vous. Vous devez la soigner."

L'homme lui donna alors un papier signalant les symptômes de la jeune fille ainsi que l'adresse et la récompense, puis partit sans attendre après un bref salut respectueux. Apparemment, le soigneur devait se débrouiller seul pour aller à destination. Cet évènement le préocuppa alors. Il devait trouver une escorte, sans quoi rien ne serait possible. Le soir venu, il sût alors où en trouver. Il traînait souvent des mercenaires dans les tavernes de la ville à la recherche d'un travail. Il s'y dirigea alors.

Perché sur son épaule, Violet jaugea rapidement la plupart des personnages présents dans la tavernes. La plupart étaient des ivrognes, les autres étaient de sombres hommes faisant leurs affaires dans l'ombre du fond de la salle. Là, Kaoriel posa son regard sur une crinière rousse. Cette jeune fille attendait seule, assise à une table, l'air déterminée et une arme avec elle. Elle semblait être la bonne personne. Le sorcier s'approcha, la fixant de ses yeux turquoise, puis s'assit à sa table. Il commanda de l'eau-de-vie. Vêtu d'une tenue noire brodée recouverte d'un manteau de cuir tout aussi sombre, il parla alors, éclatant de beauté, troublant d'une attirance magnétique que sa voix chantante ne fit que renforcer.

"J'ai une mission pour vous. Je voudrais que vous m'escortiez jusqu'à Fort Ellyrion puis que nous en revenions. Vivants, si possible."

L'ironie de la fin de sa réplique ressortit comme le principal objectif du contrat. Il la fixa alors droit dans les yeux, incernable. Son verre d'eau-de-vie arriva, et le bût doucement, se détendant sur sa chaise. Il laissa échapper un sourire, la tension s'échappant comme de l'air compacté qu'on libère. Son regard bleu devint rieur et sympathique. Ce renversement d'apparence fût si brusque qu'on pût croire à un changement de la couleur de ses yeux. Mais la seule couleur qui changea fût celle de son attitude.

"Alors, qu'en pensez-vous ?"

L'inconnu en question était tout habillé de noir. Sa tunique sombre décorée de broderies et son manteau de cuir lui arrivant aux genoux lui donnait un style à la fois classe, élégant et sobre. Les motifs de ses vêtement, de la couleur de l'or et du feu, indiquait que l'humain ne vivait pas dans la modestie et était même plutôt aisé. Un petit oiseau violet était posté sur son épaule et lançait des petits regards à droite à gauche. Ses cheveux, d'un rouge étincelant, contrastaient avec son teint pâle, légèrement rosé. Son visage, d'une infinie douceur, aux traits fins et délicats, inspirait la confiance. Ses yeux, bleus et clairs, mais tout de même profonds, donnaient sur un regard intelligent et calculateur. C'était un bel homme.

Cet homme avança vers sa table et finit par s'y asseoir et commander. "J'ai une mission pour vous. Je voudrais que vous m'escortiez jusqu'à Fort Ellyrion puis que nous en revenions. Vivants, si possible." Ces mots résonnèrent dans sa tête. Elle commença à réfléchir et son regard quitta son interlocuteur pour venir se poser par terre. Chaque proposition demandait réflexion. Elle finit par dire d'en un souffle : "Je n'appellerai pas ça une mission. C'est un travail." Elle reposa les yeux sur ce futur client et vit qu'un sourire s'était dessiné sur son visage. "-Alors, qu'en pensez-vous ? -Effacez ce sourire stupide de votre visage." Son locuteur s'arrêta d'un coup et semblait vexé. Le regard d'Aënaelle devint moins noir. Elle lança à travers la salle : "Patron !, et en levant ça pinte et en la pointant du doigt, une autre !"

Un silence de mort régna à cette table, camouflé par le brouhaha de la taverne. Une fois sa commande arrivée, elle plongea les yeux dedans et parla. "En territoire elfe... Environ deux semaines de marche. Ca fait loin. Et donc ça fait cher. Vous vous sentez d'y mettre le prix ?" Sur cette dernière interrogation, elle releva les yeux et bu la moitié de sa chope d'une traite. "Vous paierez également la moitié des frais de vivres bien sûr."

Eclatant de sympathie et agréable, il avait osé sourire. Soutenant ses yeux d'un vert profond, tels la jade, et observant son fin visage, il avait attendu sa réponse. "Effacez ce sourire stupide de votre visage." Elle n'avait pas apprécié son sourire. Il était redevenu sérieux aussi sec. Apparemment, elle voulait paraître sérieuse et imposante. Elle avait seulement réussi à s'illustrer comme étant impolie et désagréable. Tant pis. Revenu à son attitude impassible, il la jaugeait doucement. Une bière fraîche sur la table plus tard, elle reprit la parole, ayant pesé la mission sous tous ses angles. Kaoriel sirotait son eau-de-vie. Le goût de la châtaigne procurait une douceur agréable pour un alcool aussi fort. Ce dernier, loin de le griser, l'ancrait dans la réalité et le sérieux de l'instant. Il écouta.

"En territoire elfe... Environ deux semaines de marche. Ca fait loin. Et donc ça fait cher. Vous vous sentez d'y mettre le prix ? Elle ajouta, après avoir avalé la moitié de sa chope : Vous paierez également la moitié des frais de vivres bien sûr."

Il soupesa ces paroles. Elle croyait donc qu'il était venu par hasard à la table pour lui proposer un voyage à Fort Ellyrion ? C'est ce qu'il semblait. Il ne souriait plus. Violet descendit sur la table en quelques battements d'aile. Il examina soigneusement la jeune fille, puis vint se percher sur sa tête et s'y coucha. Kaoriel posa sa main sur la table. Il but d'un trait ce qu'il restait de sa boisson. Regardant la fille qui lui faisait face dans les yeux, une bourrasque de vent semblant venir du centre de la table fit voleter ses cheveux ainsi que les siens le temps d'un souffle. A partir de cet instant, son attirance fut extrêmement décuplée. Il était... Incroyable ? Incroyablement attirant ? Sa voix suave trancha le silence avec l'efficacité d'une lame elfique.

" Evidemment. Je ne suis pas venu par hasard, je sais à quoi m'attendre. Evidemment, je vous paierai la première moitié lorsque nous serons sur la route et la seconde à notre retour ici ou à Fort Ellyrion, en fonction de la confiance dont je vous aurai dotée et en fonction de l'efficacité de votre travail. Si vous êtes d'accord, je voudrais que nous partions dès maintenant."

"Evidemment. Je ne suis pas venu par hasard, je sais à quoi m'attendre. Evidemment, je vous paierai la première moitié lorsque nous serons sur la route et la seconde à notre retour ici ou à Fort Ellyrion, en fonction de la confiance dont je vous aurai dotée et en fonction de l'efficacité de votre travail. Si vous êtes d'accord, je voudrais que nous partions dès maintenant."

Pendant ces paroles, Aënaelle avait terminé la seconde moitié de sa bière. L'inconnu avait des doutes quant à la qualité de son travail, ce qui, en soit, était compréhensible. Mais ses paroles la firent rire. Elle éclata d'un rire doux qui traversa la taverne. La serveuse jeta un regard discret vers la jeune Aënaelle et sourit. Son rire était charmant. Le petit oiseau posé sur sa tête s'envola et revint sur l'épaule de l'homme aux cheveux rouges. Elle lui répondit, le sourire aux lèvres, d'un simple "Très bien."

Notre jeune femme décrocha une bourse de sa ceinture, l'ouvrit et fouilla. Elle ne put s'empêcher de grimacer en la refermant. Puis elle se leva, et d'un pas décidé, avança vers la porte en passant près du comptoir. Elle jugea sa nouvelle rencontre une fois encore. Il était grand, mince, et malgré ses larges épaules, il ne semblait pas pratiquer l'art du combat. Elle s'interrogeait sur le motif de ce voyage mais elle se détourna de lui. Aënaelle s'accouda contre le bar, regardant le patron dans les yeux. "Tu payes pas ce soir non plus, je suppose ?" Un large sourire se dessina sur son visage : l'idée d'éponger ses dettes l'emplit de joie. Elle s'éloigna, ouvrit la porte, laissant le vent frais (presque froid) du soir entrer. La voix du gérant résonna à nouveau. "Quand est ce que tu effaceras ton ardoise ?", et en fermant la porte derrière elle, lui répondit : "A dans deux semaines."

Le fraicheur de la nuit et l'extérieur remonta du bas de son échine jusqu'à sa nuque et la fit frissoner. Elle fit signe au jeune homme de passer devant. Il s'engagea dans une rue assombrie par la fuite du soleil et elle le suivit.