Sur la route de Lourmel [Maélyne] [Terminé]

Son voyage a Outremont, sa plus proche famille, ses enfants riants et jouant malgré les tensions actuelles. L’innocence qu’on peut ressentir à cet âge-là, la joie sans aucune peur. Ils ne faisaient que profiter de la vie, profiter du retour de l’été pour jouer dans les rivières, toujours sous bonne surveillance. Des souvenirs revinrent la hanter. Elle aussi avait vécu ce genre d’enfance insouciante où la seule chose qui comptait c’était de trouver à quoi on pouvait bien jouer aujourd’hui, et puis… Lyanna. Son petit visage revint dans son esprit, son cœur devint lourd, si lourds qu’elle dû se tenir à un meuble pour ne pas s’effondrer par le chagrin qui la prit tout d’un coup.

Non, elle n’avait pas encore fait le deuil et elle n’arriverait sans doute jamais. Personne n’arrivait à sa hauteur, personne ne pourrait ne serait-ce espérer avoir tant d’importance pour Maélyne. Le chagrin passa, comme toute crise qu’elle avait de plus en plus souvent.

Le retour pour Lourmel avait sonné. Un au revoir à sa famille, aux enfants qui malgré l’absence de sourire de la Dame n’hésitèrent pas à combler ce vide en offrant le leurs.

« Prévenez les gardes, nous partons demain. » Dit-elle ensuite au valet. Encore fallait-il qu’elle dise la vérité, car le soir venu, Maélyne enfourcha un destrier et partit au galop. Cet étalon ne valait nullement Kaya, sa jument, mais cela ferait l’affaire. Encapuchonnée pour ne pas être reconnue, c’était un énorme risque qu’elle prenait. Mais la solitude, la Dame en avait réellement besoin. S’évader, sentir le vent sur son visage, ressentir la respiration de sa monture, s’arrêter pour regarder les étoiles et les lunes. Libre, voilà ce qu’elle était. Complètement libre d’exprimer ce qu’elle ressentait.

Un cri, de rage, d’effroi, de désespérance. Sur les genoux, elle répétait le nom de sa sœur. Personne ne répondit.

« Rendez-là moi, je vous en prie, rendez-là moi. » Les crises devinrent de plus en plus fortes et de plus en plus longues. Elle resta plantée là, encore une bonne heure.

Reprenant le chemin, au pas parfois au trot, Lourmel se rapprochait. Toujours seule, les gardes devaient être en train de se rendre compte de l’absence de leurs Dame. Un peu plus loin sur le chemin, elle aperçut un voyageur. C’est à ce moment-là qu’elle se rendit compte qu’elle n’avait aucune protection. Elle décida alors de cacher son jeu.

« Bien le bonjour voyageur. Puis-je vous demander quel chemin je dois suivre pour arriver à la cité de Lourmel ? »

C’est sûr, elle aurait pu faire mieux, beaucoup mieux même. Et alors qu’elle attendait sa réponse, elle ressentit comme le besoin de se gratter la tête. Ce qu’elle fit et plutôt prestement. Le petit reptile, toujours caché, semblait tout d’un coup s’être agité.

Maélyne se trouvait toujours à cheval lorsque l’animal sortit d’un coup des bagages. L’étonnement pouvait se lire facilement sur son visage encrassé par le voyage. Sa monture fit même un pas brusque sur le côté, pas habitué à rencontrer ce genre de créature. « Mais qu’est-ce… » La Dame n’avait jamais rencontré ce genre d’animal, mais en avait lu quelques lignes. « Est-ce donc bien ce que je pense ? » Oubliant complètement la question du voyageur, toute son attention se portait sur ce Dräke qui s’envola d’une épaule.

« Euh… Je suis seule car.. » Il fallait qu’elle trouve quelque chose, et vite. « Nous avons été attaqué par des brigands et euh…  j’ai perdu de vue mes compagnons de routes. » Décidément, Maélyne était une piètre comédienne. Il ne faudra certainement pas longtemps au voyageur pour se rendre compte de sa supercherie. La jeune femme, de son côté, se rendit compte qu’elle se trouvait en compagnie d’un étranger, et un étranger étrange si on pouvait se permettre le jeu de mots…

« Je veux bien vous accompagner, après tout, je ne sais même pas par où je dois aller. » Mensonge sur mensonge. Cela ne lui ressemblait vraiment pas, mais que faire d’autre ? Après tout, n’était-elle pas en tort d’être partie seule, au beau milieu de la nuit ? Ne pouvait-elle déjà pas s’estimer heureuse d’être toujours en vie et … libre ? Elle se remit a marcher, lançant parfois quelques regards indiscrets à son nouveau compagnon de voyage. « Voulez-vous bien me parler d’avantage de votre… compagnon de route ? Je suis assez curieuse et je dois avouer qu’il est plutôt… intriguant. »

Au vu de son franc rire, il avait compris. Après tout, elle s’en doutait. Elle se savait piètre menteuse, piètre comédienne. Surtout dans ce genre de situation. Maélyne se débrouillait pas mal face à d’autres nobles mais pas face à la roture. Il lui expliqua, sans aucune hésitation, sans aucune méfiance, ce qu’était « Monarth ». Elle se sentit alors complètement gênée de lui avoir tant menti alors que lui révéla ce genre d’informations sans sourciller. « Oui, c’est vrai. Je ne suis pas bonne comédienne. Mais je ne désire pas vous révéler ma véritable identité. J’espère que vous ne m’en voudrez pas, et que vous respecterez mon choix. En échange, je vous promets de ne vous causer aucun trouble et de ne rien vous voler. Je souhaite juste rentrer à Lourmel et ce au plus vite. » Voilà, un peu de vérité ne faisait pas bien mal. Et s’il n’acceptait pas sa requête, alors tant-pis, elle passerait son chemin. Ses yeux se portaient toujours sur l’animal. « Et donc… Vous dîtes que c’est un Dräke ? J’en ai jamais entendu parler, ni pu en apercevoir un. » Sa curiosité était piquée à vif. Complètement fascinée par l’animal. « Vous pouvez m’en apprendre plus sur ces… Dräkes ? Racontez-moi votre histoire ! Je suis curieuse de savoir comment vous… il ? Vous a apprivoisé. »

Spoiler:

« Pourriez-vous garder un secret ? »

Ces mots n’arrivèrent même pas aux oreilles de Maélyne, subjuguée par ce qu’elle était en train de voir. Cette éclosion, cet œuf de la taille… en fait non, elle n’avait aucun comparatif possible, elle n’avait tout simplement jamais vu un œuf de cette taille ! Et encore, nous parlons de l’œuf, mais nous n’avons pas encore abordée la suite ! Un œuf contient un être vivant, sauf lorsqu’on décide d’en faire une omelette, mais ça, c’est une autre histoire…  

Ce voyageur était des plus mystérieux. Déjà qu’il se trimballe avec un masque sur la tête, pourquoi pas après tout… Mais en plus, il avait ce qu’il nommait un « dräke » qui était toutefois un « lézard » de taille convenable même si celui-ci savait voler. Et voilà qu’un « lézard » plus grand que le premier et de la taille approximative d’une poule vient à naître, là, maintenant, tout de suite, sur la route !

Vous vous doutez bien que Maélyne était descendue de son cheval pour admirer cela de plus près. La curiosité, quand tu nous tiens. Elle avait d’ailleurs approchée son visage au plus près, ne se demandant même pas si cette créature pourrait avoir peur, ou mordre, ou que sais-je d’autre… sans se demander si elle n’aurait pas de représailles de ce fameux voyageur, non… en fait, elle a fait comme si elle était chez elle. Mais bon, en même temps, n’était-elle pas réellement chez elle ? Ou du moins, sur ces terres, ce qui revenait au même. Mais lui, il le savait pas… du coup, il ne sait pas et il aurait pu mal réagir…. Bref je sens que je me prends la tête pour un rien.

Lorsque la bête semblait sortir de plus en plus, Maélyne eut le réflexe de se reculer. Vous vous doutez sans doute pourquoi. On ne sait jamais ce qui peut arriver avec ce genre de bêbêtes dont on ne connait absolument rien, même si Maélyne n’était pas dupe. Des livres avec de jolis dessins, elle en avait lu des tas et notamment sur les légendes concernant de gros lézards de toute sorte qui vous ravageait une ville en quelques minutes.

Le mystérieux voyageur sortit alors des provisions de sa besace. Tu m’étonnes, tous les nouveaux nés crevaient la dalle lorsqu’ils venaient au monde, comme s’il n’y avait que la bouffe qui comptait au monde. Mais soit. La présence de nourriture ne ravit pas seulement le nouveau-né. La petite bestiole qui s’était accaparé des cheveux d’la Dame décida aussi de montrer le bout de son nez. Glissant sur les vêtements de Maélyne, celui-ci ne se priva pas du festin. Trop accaparé par la coquille vide et c’est énorme… bébé ? Qui bouffait tout, elle ne remarqua que quelques minutes plus tard le minuscule « insecte » qui se trouvait à côté.

« Mais combien vous en avez, ma parole ? » Osait-elle dire alors que la cruche qu’elle pouvait être parfois ne s’était jamais rendue compte qu’une bête squattait ses tiffs depuis des jours.

« Comment ça, il est sorti de mes cheveux ? » Commença-t-elle avant de faire une grimace. « Et puis, je ne vous permets pas d’insinuer quoi que ce soit. » La jeune femme se releva, un peu contrariée par rapport à la blague du voyageur masqué. « Et oui, je sais garder un secret. Ne vous inquiétez donc pas pour cela. J’ai déjà oubliée que vous vous promenez sur mes… Que vous vous promenez avec un bébé reptile géant. » Un dragon, cela aurait été plus simple d’utiliser le terme de dragon, mais Maélyne ne voulait pas prononcer ce mot, car cela l’effrayait. Une part d’elle-même la poussait à révéler son existence aux premiers gardes qu’elle croiserait mais ces « animaux » étaient si, impressionnants, si puissant qu’elle redoutait une moindre mauvaise réaction.

« Mais alors, dîtes-moi. Pourquoi cette petite bête est sortie de mes cheveux ? A-t-elle perdu son chemin ? » Drôle de question, mais après tout, même après ce cours accéléré, elle ne connaissait que peu de choses sur ces animaux. Surtout qu’il était descendu pour une seule chose ; la nourriture. Il devait être affamé. D’un geste qu’on pourrait qualifier de réflexe, elle toucha sa tête, s’assurant que l’animal n’avait rien mangé de sa tignasse. La voilà rassurée même si un peu gênée face à l’homme masquée. L’homme n’eut cependant pas le temps d’attendre que la Dame se mit à s’agiter. « Des gardes ! Vite ! vite ! Cachez-les ! » Dit-elle en essayant de cacher son visage avec un foulard, improvisant une capuche de fortune. Heureusement que dans l’agitation, son cheval s’est enfoui.

Elle se courba légèrement après avoir pris l’un des sac du voyageur sur son dos, gratifiant celui-ci d’un doigt sur ses propres lèvres, lui assignant le silence.

« Halte-là voyageurs ! » pouvait-on entendre du premier garde.

« Nous recherchons la Dame de Lourmel. Auriez-vous vu quelque chose ? Un quelconque cheval ? Quelque chose qui puisse nous aider à la retrouver ? » Demanda le second.

Maélyne quant à elle cachait toujours sa tête grâce au foulard et envoya un regard complice à Arthur.

Il avait fait mouche. En même temps, Maélyne n’était vraiment pas bonne comédienne. Elle aurait dû se douter qu’il comprendrait… mais aussi vite ? Les gardes n’avaient en rien aidé sa situation. Il restait plus qu’à espérer que ce voyageur n'en profite. Après tout, elle était seule avec une simple petite dague comme moyen de défense. Face à un homme masqué et mystérieux, possèdent plusieurs drôles de bestiaux. Ces dits bestiaux ne mirent pas beaucoup de temps à sortir du buisson dans lequel ils s’étaient cachés. La Dame les regarda après avoir déposé le sac qu’elle avait emprunté.

« Oui, bon. Je pense que vous avez compris qui j’étais. » Commença-t-elle en reposant les yeux sur son interlocuteur. « Ce n’est pas une question d’échapper à mes gardes. » Ses bras vinrent se croiser alors que son regard fuyait dorénavant le visage d’Arthur. « Je voulais juste être seule et quand je vous ai croisé, il fallait bien que je m’assure une certaine sécurité. » Maélyne devenait de plus en plus mal-à-l’aise. « Bon… Vu que je n’ai plus besoin de vous comme guide, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. » Un fin sourire vint orner son visage, par pur politesse. Elle s’avança alors pour s’éloigner puis se ravisa. « Votre secret sera bien gardé… seulement si vous savez en garder un aussi. » Elle n’eut pas le temps de faire demi-tour, qu’à ses pieds se trouvait la petite bestiole qui s’était caché pendant si longtemps dans ses cheveux. Elle s’écarta puis continua son chemin. L’animal quant à lui se mit à la suivre tout en émettant un léger cri aigu. La Jeune femme s’arrêta, puis se tourna avant de poser un « hpfff. » Elle regarda alors l’homme puis à nouveau la p’tite bête. « Tu seras mieux avec lui. Il sait…. Ce que tu es… puis il en a déjà deux, cela te fera de la compagnie. » Elle reprit la route, mais le Dräke n’en faisait qu’à sa tête. Maélyne soupira, se tourna à nouveau, puis regarda le voyageur d’un air interrogateur. « Que dois-je faire ? »