[C'nros] La parabole des ténèbres - partie 3 | Ethan

[=> partie 2 : https://miradelphia.forumpro.fr/les-ruines-de-nisetia-f115/la-parabole-des-tenebres-partie-2-ilinsar-veldrin-t12962.htm]

Haldren Baenfere apparut d’un coup dans son bureau du C’nros, tenant serré contre son cœur l’ouvrage qui avait motivé sa quête. Une véritable petite merveille ce sortilège de téléportation imprégné dans sa bague, se dit-il, le sourire aux lèvres. Certes, une seule destination était possible, et en l’occurrence il s’agissait du bureau du Ditronw Da’re, mais il n’était nul besoin d’un rituel compliqué pour la lancer, il suffisait d’avoir au préalable « chargé » suffisamment la bague pour disposer en permanence sous la main… non, à la main… d’un moyen de retour efficace et rapide.

L’espace d’un instant, le mage se demanda si Ilinsar Veldrin se sortirait indemne des ruines de Nisétia. Normalement oui, la mort du nécromancien mort vivant ayant enlevé tout risque à la zone où il l’avait laissée. Et puis après tout le risque faisait partie intégrante du métier de la mercenaire. La récompense en espèces sonnantes et trébuchantes ainsi que le rubis qu’elle avait reçu en paiement de ses services valait bien quelques risques, non ? Elle avait démontré une aptitude certaine à la survie lors de leur mission, il n’y avait donc pas à s’inquiéter pour elle, Ilinsar serait très certainement de retour au Puy d’ici une dizaine de jours au plus.

Chassant sa compagne d’aventure de ses pensées, Haldren s’assit à son bureau et posa la parabole des ténèbres devant lui. Pendant plusieurs minutes, il resta à contempler le magnifique ouvrage, savourant le plaisir de le détenir enfin, retardant l’instant de la découverte des trésors de connaissances qui s’y cachaient, un peu comme un gamin face à un cadeau. Enfin, lentement, le mage l’ouvrit, goûtant l’instant… des années de recherche se concrétisaient devant lui… la parabole des ténèbres… le livre écrit par Kersart’h A’l Venther lui-même, l’un des plus grands mage des ombres de l’histoire… et désormais cet ouvrage était à lui ! À lui seul !

Dans le silence de son bureau, le seigneur du C’nros se mit à lire au hasard d’une page…

…et ainsi donc j’affirme que les ombres en elles-mêmes constituent une réalité au-delà de la réalité. D’où vient-elle ? Cela je l’ignore, car elle doit être au moins aussi ancienne que la réalité dans laquelle nous vivons. Sans pouvoir le prouver, je tendrais personnellement à penser qu’il s’agit d’un reste… d’une sorte d’écho d’une réalité antérieure à la nôtre. J’ai toujours cru dans la théorie selon laquelle notre univers n’est pas le seul qui existe, que d’autres ont pu le précéder, le suivront… ou peut être même cohabitent avec lui.

Je suis bien conscient en écrivant ces lignes que mes mots n’ont quasiment aucun sens, car comment parler de passé et d’avenir pour un concept comme l’univers, concept si vaste que les dieux seuls peuvent l’appréhender ? Nous sommes dans ce domaine au-delà des acceptations temporelles des drows, et même moi je ne peux que tenter d’imaginer un tel principe.

Relevant un moment les yeux, le Ditronw Da’re battit plusieurs fois des paupières. Un écho d’une réalité antérieure ? Voilà une théorie pour le moins passionnante à explorer… mais une théorie seulement. Continuant sa lecture, il passa à la partie dans laquelle Kersart’h explicitait certains des arguments qui lui permettaient d’affirmer une telle chose.

Les sorts de téléportations par les ombres démontrent que notre art permet de nous absoudre des contraintes temporelles, comme si tous les lieux de ce monde existaient dans un instant unique et éternel. Or j’affirme que le temps se contracte avant l’espace. Dans l’hypothèse inverse, paramétrer une « destination », une « chute » au sortilège reviendrait à vouloir disposer d’une précision quasi-infinie, et en tout cas bien supérieure à tout ce qu’autorise notre magie.

Or justement ce problème ne se pose pas, ce qui ne peut s’expliquer qu’ainsi : lors d’un sort de téléportation, ce n’est point la distance qui est contractée, mais le temps. Le mage doit bien parcourir sous l’effet du sortilège la distance désirée mais nos sens n’existant plus par delà le rideau des ombres, et aucun d’entre nous ne pouvant appréhender les concepts qui régissent ce lieu, tout se passe sans que nous puissions nous en rendre compte.

Je ne peux m’empêcher en écrivant ces lignes de regretter cette impossibilité de… ressentir… ce qui nous arrive durant un sort de téléportation. Mais je connais mes limites, et aucun mage ne pourra jamais y arriver. Nous appartenons à ce monde, à cette réalité, et si notre magie nous autorise à passer par cet écho dont j’ai parlé précédemment, elle ne nous permettra pas de le comprendre. Peut être au fond est-ce aussi bien ainsi, car rien ne prouve que notre esprit survivrait à un tel choc.

Décidément, se dit Haldren, l’archimage des ombres mort plus de deux millénaires auparavant était un visionnaire, et sa science dépassait de loin ce dont lui-même se savait être capable. Là où le Ditronw Da’re avait formulé de vagues concepts, Kersart’h avait explicité une théorie compète, exemples et descriptions à l’appui.

Mais au-delà de la théorie, quel intérêt que ces travaux qui occupèrent bien des décennies de ma longue vie ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord bien comprendre ce que nous appelons une téléportation au sens classique du terme. A mon sens, elle pourrait être décrite de la manière suivante : il ne s’agit ni plus ni moins que d’un cordon de notre réalité qui existe pendant un court instant dans ce que je nomme imparfaitement la réalité des ombres.

Et là est bien toute l’astuce. Affirmant que le temps n’existait plus selon les mêmes règles dans les ombres que dans notre monde, je me suis posé la question de la pertinence de les laisser régir les portails. Il me semblait évident que le problème venait du fait que le « fil » obéissait aux lois de notre réalité et ne pouvait pas s’absoudre d’une contrainte temporelle. Je ne saurais, malgré tous mes efforts, expliquer comment les lois physiques d’une réalité peuvent se transposer dans un autre. Peut être un jour un autre mage l’expliquera-t-il, ou peut être démontrera-t-il que j’avais tort.

Au fond, peu m’importe, car partant de mon hypothèse j’ai cherché à modifier les propriétés intrinsèques à une téléportation dans le domaine temporel. Cette modification peut paraître ridicule dans notre monde car les lois physiques ne tolèrent pas ce genre de modification, mais j’avais bon espoir que le sort existant en majeure partie dans l’écho, il pourrait s’absoudre de certaines contraintes. Et de fait j’ai réussi ! Dans le secret de mon laboratoire, en compagnie seulement de quelques collaborateurs triés sur le volet, j’ai réussi à maintenir ouverte une faille entre deux portails de téléportation ! Et aujourd’hui je reste le seul dépositaire de ce secret.

Inutile de réfléchir bien longtemps pour deviner ce qu’il était advenu des collaborateurs du mage. Souriant, Haldren se dit que des accidents regrettables bien que fort étranges de par leur simultanéité avaient du se produire à cet époque. Lui-même n’aurait pas agi autrement, et son respect pour Kersart’h A’l Venther n’en fut que renforcé.

Je n’affirme pas pour autant que mes travaux et mes hypothèses sur la véritable nature des ombres soient corrects. Peut être suis-je dans le faux et peut être leur nature est-elle fondamentalement différente de ce que j’ai présenté dans ce chapitre de mon livre. Mais le principe de stabilisation temporelle d’une téléportation fonctionne, cela j’ai pu le vérifier lors de mes expériences, et sans doute est-ce là le plus important. Un grand savant a dit un jour qu’on parle de théorie lorsque l’on sait tout mais que rien ne marche, et de pratique lorsque tout marche mais que personne ne sait pourquoi. J’ai découvert la pratique et proposé une théorie, et de cela déjà je peux être fier.

Mais trêve d’autosatisfaction… un portail stable est un concept applicable. Je ne prétends pas qu’il soit applicable facilement, car il implique un coût élevé et de très nombreuses contraintes, dont celle majeure de maintenir au départ comme à l’arrivée du fil de téléportation un déphasage temporel avec notre réalité. Ainsi donc, contrairement à un rituel standard, il est nécessaire de disposer d’un mage à chaque bout avant même le lancement du rituel. Malgré tous mes efforts, je n’ai jamais pu vaincre cette contrainte, mais je ne désespère pas d’y arriver un jour.

Voici donc la meilleure façon de procéder pour activer…

Les pages suivantes détaillent les modifications à apporter au rituel pour constituer un seuil permanent de téléportation, mais Haldren referma le livre, un sourire extatique aux lèvres. Il aurait bien le temps dans les jours suivant de détailler les explications du maître.

Echos perdus.
N'est-il pas ironique que les informateurs ne puissent pas m'informer des faits les plus importants ? Mais depuis que j'ai rejoint Elverion ma liberté n'est plus un problème, et je peux m'occuper moi même des 'détails' intéressants.

Peintre, tisserand, sculpteur... chacun se désigne d'une façon différente, chacun use de métaphores pour mettre au niveau des profanes une vérité qui les dépasse. Mages n'est pas un terme suffisant pour décrire ce que nous sommes... un simple mot peut-il porter un concept comme celui ci ? Les religions, la politique usent des mêmes artifices... chaque profession est un art, chacun considère que son propre art est supérieur à tous les autres... mais voyons, chacun sait que seuls les Arts dominent réellement, que c'est bien la Magie qui surpasse tous les autres.
Sourire amer, tandis que mes pas me portent toujours plus profondément dans le Puy, vers mon objectif final. De niveau en niveau, le "paysage" se fait plus agréable à l'oeil... mais le véritable intérêt se situe bien souvent en haut. La magie se fiche des états d'âme des mortels, et frappe "au hasard" du point de vue des profanes... mais je ne suis pas ici pour disserter sur l'absurdité de l'organisation Drow. Cette organisation est politique et non magique, et donc ne me regarde pas.
Au fil de la descente, les contrôles se font également plus poussés. Pour entrer et se mêler à la "vermine" il suffit de pouvoir montrer patte blanche -ou plutôt patte noire, en l'occurrence-, mais pour accéder aux casernes et aux niveaux magiques il faut au moins y avoir quelque chose à faire... contrôles toutefois aisés à passer : les drows n'étant pas particulièrement tendres, les gardes ne prennent apparemment pas le risque de contrarier un mage en l'empêchant d'aller là où il a très certainement le droit d'être. Et quand j'approche réellement des bâtiments du C'nros, je suis bien obligé de m'interdire les dérives mentales... en effet, laisser mes pensées vagabonder en plein cœur d'un lieu pareil risquerait d'être une erreur fatale. Dommage.

L'entrée au C'nros même se fait à peine plus difficilement... même sans collier au cou, les gardes seraient bien incapables de distinguer un mage loyal d'un imposteur sûr de lui... pensent-ils vraiment que la sécurité peut s'assurer sans que l'on ne fasse rien en ce sens ? Les guignols qui prétendent défendre le lieu ont apparemment l'habitude d'escorter les visiteurs... mais un regard noir au premier qui fait mine de vouloir me suivre suffit à les convaincre que les mages assureraient aussi bien leur propre protection. Malheureusement, l'absence d'une escorte ne me dispense pas de l'impression d'être une attraction exotique dans un zoo minable. Ca y est, les rumeurs sont lancées... et risquent de se propager au delà du bâtiment. Qui est celui qui vient voir le Ditronw' ? Visiblement trop puissant pour être autre chose qu'un mage accompli, "l'inconnu" ne fait pourtant pas partie des instances traditionnelles du Puy... mais ça, c'était inévitable.
Si encore j'avais fait des efforts pour être discret... mais non, cette fois les possibilités comptent plus que la discrétion. Et l'effet que je fais ne vient certainement pas de l'aspect extérieur de mes vêtements, mais plutôt des gemmes imprégnées "cachées" dans certaines doublures, au poignet ou encore à la ceinture... vêtements sobres pour l'oeil du profane, phare magique pour l'observateur averti. Et inutile d'essayer de camoufler cette puissance, puisqu'à celle ci s'ajoute la mienne. Peut-être est-ce seulement de l'arrogance, mais j'ai la nette impression que pas un de ces cloportes ne saurait m'arriver à la cheville... mais leur supérieur doit savoir se débrouiller, vu les remous qu'il provoque. Certains mages me regardent d'un air suspicieux, d'autres franchement hostiles... mais tous évitent soigneusement de s'approcher de moi, dans le doute. Une petite poignée me suit à distance raisonnable, probablement pour s'assurer que je ne "m'égare" pas sur le chemin.

Bientôt arrivé au bureau du Ditronw', le peloton de mages ricane quand je pousse la porte et entre sans m'annoncer. Peut-être s'attendent ils à me voir ressortir prestement, mis à la porte sans ménagements ? Peut-être... Quoi qu'il en soit, c'est désormais en tête à tête que l'aventure va se poursuivre.

"Si je puis me permettre, la sécurité laisse vraiment à désirer... si j'étais un assassin déterminé à vous emporter dans la tombe, votre statut de Ditronw Da're ne vous aurait pas protégé d'une déflagration magique..."

Un sourire ironique tandis que j'avise le fauteuil le plus proche d'Haldren et m'assois dedans. Etrange, mon introduction ? Mais non... et au moins, c'est une façon de lui annoncer que je compte être... "direct".

"Bonne nouvelle, je ne suis pas un assassin, du moins pas en ce qui vous concerne. Ethan, enchanté. Je suppose que vous savez déjà qui je suis, et si ce n'est pas le cas que vos informateurs vous l'apprendront bientôt. Mais que ce soit par curiosité, intérêt, ou juste pour la magie, ce que j'ai à dire vous intéresse certainement."

Pause... dois-je continuer tout de suite ? On va dire que oui. Je tiens à exposer rapidement les raisons de ma visite, que nous puissions jouer avec toutes les cartes en main.

"La magie provoque toujours des remous... toujours présents, souvent imperceptibles. Ainsi, un mage a souvent l'occasion de savoir quand un autre lance un "sort", ou est présent..."

Bref arrêt

"Cependant, il arrive que certaines.... créations magiques déclenchent de véritables ondes de choc pour ceux qui savent les percevoir... et vous semblez générer beaucoup de remous ces temps ci. Remous probablement liés à... disons, des sorts ambitieux et particulièrement puissants, et divers artefacts dont la présence trouble la toile jusqu'alors relativement paisible de la magie."

Contresens évident : la toile de la magie n'est jamais paisible. Le tout est de savoir détecter et isoler les perturbations plus importantes que les autres. Celles ci étaient particulièrement intéressantes...

"Vous avez déjà compris, je suppose ? Etant convaincu que vous avez mis la main sur un objet particulièrement intéressant, je viens vous proposer l'aide d'un expert pour en exploiter les secrets. Je ne nie pas que cette démarche vise également à augmenter mon propre savoir, mais bien qu'un poil arrogant sur les bords, je peux vous être utile..."

Dire qu’Haldren fut surpris de voir le Prime Joaillier débarquer tranquillement dans son bureau serait à tout le moins un doux euphémisme. Quand à l’attitude ironique du chaotique, qu’en dire ? Les jeunes ne savaient plus se tenir de nos jours, et Ethan ne semblait pas vouloir échapper à la règle. S’asseyant sans gène dans un fauteuil, il commença à expliquer que les mesures de sécurité du C’nros n’étaient pas optimisées, vu qu’il aurait pu être un assassin.

Ouais, sans doute…

Mais enfin des assassins capable de venir à bout du Ditronw Da’re, ça ne courrait pas les rues. De toute façon, Haldren craignait moins les assassins venus de l’extérieur que ceux venus de l’intérieur. Politiquement, le Puy ne serait guère affecté par sa mort, un autre le remplaçant aussitôt dans ses fonctions. Xsa’us Rosa probablement, ou un des hauts mages. Poussant un soupir désabusé, il marmonna :

Je vous proposerai bien de vous asseoir mais ce serait inutile… un petite verre ?

Sortant sa flasque d’alcool nain préférée, il s’en envoya une gorgée et la tendit à son « invité », qui refusa d’un geste.

Vous avez tort, c’est excellent pour la santé. Enfin il parait. Mais je doute qu’une discussion sur les mérites comparés des alcools vous passionne.

Rangeant son péché mignon dans un tiroir, il croisa ses doigts sous son menton et fixa le Prime Joaillier. Des perturbations dans la toile de la magie ? Sur que la découverte du grimoire dans les ruines de Nisétia avait du en déclencher, mais de là à les détecter et à remonter à leur source, voilà qui donnait une idée de la puissance réelle d’Ethan. Pas le péteux de base hein ?

Très arrogant en tout cas, ça pour sur. Débarquer ici, dans son bureau, et lui demander de partager le fruit de ses efforts en échange de son aide ? Voilà qui ne manquait pas d’un certain culot, chose qui dans l’absolu ne déplaisait pas au Ditronw Da’re. Il appréciait les drows sachant risquer gros lorsque le jeu en valait la chandelle. Mais de là à collaborer avec le chaotique, il y avait quand même un sacré gouffre à franchir.

L’espace d’un instant, Haldren hésita à attaquer Ethan. Seul, il doutait d’en venir à bout, mais aidé par les mages qui attendaient dans le couloir, cela n’aurait rien d’infaisable. Et après ? Quel intérêt ?

De fait, au fur et à mesure qu’il avançait dans les longues et compliquées explications permettant d’ouvrir un portail permanent dans les ombres, Haldren se retrouvait face à un mur. Réussir un tel rituel n’avait strictement rien à voir avec un classique rituel de téléportation. Il ne suffisait pas de lancer le « fil de réalité » dont parlait Kersart’h A’l Venthe dans son livre, il fallait également réussir à le rattraper pour le raccorder à l’autre bout du portail.

Et de fait, aucun mage ne maîtrisait le don d’ubiquité. Grâce à un peu d’entraînement, Haldren ne doutait pas d’arriver à ses fins, même avec l’aide d’un mage normalement doué, mais pour un premier essai… mieux valait l’assistance de quelqu’un s’y connaissant bien dans l’art des arcanes pour éviter de tout faire sauter. Alors pourquoi pas Ethan ? Haldren ne lui faisait aucunement confiance, mais bon… il ne faisait confiance à aucun mage de sa connaissance.

Fixant son interlocuteur droit dans les yeux, le Ditronw Da’re demanda d’une voix douce :

Supposons qu’en effet je sois entré en possession d’un artefact du genre que vous décrivez. Et supposons aussi que je rencontre des difficultés à m’en servir seul. Pourquoi devrais-je vous choisir vous pour m’aider au lieu d’un des mages du C’nros ?

"Supposons", oui. Un sort de téléportation tel quel celui ci suffirait à éveiller ma curiosité : quand on en a pas réellement besoin, on évite de jouer au bourrin avec la magie. D'un autre coté, il l'a peut être fait juste parce qu'il a une ribambelle de mages sacrifiables sous ses ordres, mais j'en doute... surtout quand un artefact réapparaît mystérieusement juste après. Donc il a bien déterré quelque chose. Quoi ? Si seulement je pouvais avoir des détails plus précis... on peut récupérer des choses très variées, pendant un voyage pareil.
Isolé, je n'aurais peut être pas détecté l'artefact en question, mais le déchaînement magique qui l'a précédé avait déjà attiré mon attention. Merci Haldren. Mais à part m'apprendre qu'il tenait beaucoup à ce qu'il est allé chercher... ça ne m'aide pas beaucoup.
Des difficultés à s'en servir seul ? Pas étonnant... même le plus innocent bouquin peut vous exploser à la figure si vous ne faites pas attention, alors si il a trouvé quelque chose de valeur... j'ai déjà eu un aperçu des dégâts que peut provoquer ce genre de jouet, et c'est rarement agréable. A moins que pour vous "mourir dans d'atroces souffrances" soit agréable, évidemment.
Et, le meilleur pour la fin... pourquoi moi ? Voyons, nous connaissons déjà tous deux la réponse. Bah, s'il le faut... Un léger sourire aux lèvres, bien sûr.

"Pourquoi ? Parce que vos confrères sont en grand partie des cloportes loin d'être capables d'appréhender les subtilités d'un artefact magique et dont le seul intérêt serait probablement de générer un "accident" pour vous faire disparaître et ainsi prendre votre place. La solution à ce dernier point serait de prendre un mage suffisamment loin de vous dans la hiérarchie, mais on en revient au premier problème : ils sont inadaptés."

Arrogant ? Déjà dit. Mais être de loin le meilleur mage présent dans la bâtisse me laisse un peu de marge pour ce genre de commentaire... Enfin. D'autres raisons ?

"Outre le fait qu'un de vos collègues serait plus intéressé par votre place que par l'expérience, vous avez déjà prouvé que vous êtes un mage relativement doué et pour le moins créatif : vous téléporter ainsi relevait plutôt du suicide collectif que du déplacement accéléré, mais vous avez visiblement réussi... à ce propos, combien de mages avez vous perdu ce jour là ?"

Une autre de mes nombreuses "qualité" : l'incapacité de rester concentré sur un sujet unique si ce n'est pas la magie... l'Addiction a parfois des effets surprenant, et elle s'exprime assez fortement chez moi. J'esquisse un geste d'excuse pour cette digression, et poursuis après une pause.

"Pour en revenir au sujet... si le fonctionnement d'un artefact vous résiste, ce ne sont probablement pas vos collaborateurs qui pourront vous aider. En revanche, si j'ai payé plus que ma part à la Magie, je suis également beaucoup plus expérimenté que vos confrères et je dispose d'une magie que je suis le seul à pouvoir vous apporter : ce "détail" pourrait également vous aider. Pour faire bref... vous ne pouvez pas utiliser l'un de vos mages, et je suis un des rares extérieurs à votre organisation qui pourrait réellement vous être utile. Vrai ?"

Cette partie là est bouclée. Bon, il pourrait toujours tenter de poursuivre seul... ça, c'est un pari. De même pour l'apport de ma magie : ne sachant pas ce qu'il a découvert, je ne sais pas si il pourrait réellement tenter sa chance en solitaire ou si ma magie pourrait être utile dans l'affaire. Je n'ai pas l'habitude de prier, mais je crois qu'un mortel lambda aurait adressé un ou deux mots à un Dieu quelconque dans cette situation.
Je reprend après un moment, esquissant la deuxième partie du tableau.

"Autre détail, qui a son importance... je vous fais confiance."

Révélation. Principe de base chez les drows : n'aie confiance en personne, pas même en toi. Et pourtant... Je poursuis, un air vaguement las sur le visage.

"Simple question d'intérêts, rassurez vous... Si je vous tuais ou vous neutralisais, je devrais m'engager dans des complots à n'en plus finir pour m'attirer les bonnes grâces de votre successeur afin de pouvoir passer l'éponge sur un "regrettable accident d'origine inconnue". En plus de cela, il faudrait également attendre que ledit successeur ait finir de comploter, vous remplace, prenne ses marques et s'intéresse enfin à ce que vous avez découvert... et vous aurez peut être déjà remarqué que je n'ai de patience que pour la magie."

Je n'ai qu'un goût peu marqué pour la politique, et je ne m'en cache pas. Intrigues oui, politique non : la nuance est subtile mais bien présente.

"Quand à l'inverse... vous pourriez probablement me tuer, vous ou l'un de vos mages : il y aurait des pertes, mais vous m'auriez probablement. En revanche, cela ne vous apporterait absolument rien, et vous attirerait peut être quelques ennuis quand mes compagnons s'inquièteront. Et, le meilleur pour la fin... je suis façonneur, et je porte plusieurs de mes gemmes sur moi : si vous arriviez à me tuer, la magie contenue dans celles ci deviendrait hautement instable et serait libérée en quelques instants. Je n'ai pas pu évaluer exactement la taille de ce bâtiment et je ne sais pas exactement quelles structures magiques il contient, mais je doute qu'il en reste quelque chose si une telle quantité de magie se déchargeait brusquement... les réactions en chaîne peuvent être amusantes, mais pas quand on se trouve à l'intérieur. En clair, je n'ai aucun intérêt à vous tuer et vous n'avez aucun intérêt à me tuer. En revanche, on pourrait éventuellement tirer profit d'une collaboration mutuelle... et pour collaborer, il vaut mieux avoir à ses cotés quelqu'un qui ne craindra pas les "incidents" imprévus et qui est bien conscient des risques liés à une mort "accidentelle" de l'autre."

Au moins, c'est dit... si nous devons travailler ensemble, hors de question de travailler en gardant non résolus des sujets comme celui ci. Une touche d'arrogance, une pointe de culot... et une grande louche de réalisme : on pourrait en douter en m'observant, mais je respecte la vie... surtout la mienne, en fait. Je n'ai qu'une seule vie, et j'y tiens.

"Eh bien... je crois que l'exposé est fini. Aurez vous besoin d'un temps de réflexion avant de me délivrer votre réponse ?"

Aurais-je oublié d'ajouter l'insolence à la -longue- liste de mes qualités -trop peu- cachées ? J'aurais pu faire bien pire, par exemple en ajoutant "positive" à la fin de ma phrase, mais ne poussons pas le bouchon trop loin... nous n'avons *raisonnablement* aucun motif de nous tuer, mais la colère est rarement raisonnable. Dans le pire des cas la réponse sera négative, et je pourrai refaire un essai dans quelques jours... en espérant qu'il n'ait pas résolu le mystère seul.

Mais ça, c'est aussi une affaire de magie. Rien n'arrive par hasard, cependant... pourquoi suis-je encore là, malgré mes folies ? Parce que j'ai une qualité, une qualité qui m'a déjà sauvé la vie plusieurs fois, une qualité inestimable pour un mage ambitieux...
La Chance.

Plutôt convainquant dans son argumentaire le Prime Joaillier, n’est-ce pas ? Digne d’un ténor du barreau. Cynique, franc et direct, et de fait imparable. En tout cas, ses arguments ne manquent pas de logique. Trouver un mage doué et qui se fiche complètement des intrigues en cours au C’nros, et plus généralement au Puy d’Elda, voilà une quête plutôt malaisée. Peut être était-ce Uriz qui l’avait fait venir… mais non bien sur… hérésie que de penser cela, le gaillard était un chaotique tout de même. Alors le destin ? Oui, le destin, terme vague, peu importe le dieu qui se cache derrière.

Certes, partager avec Ethan les secrets des portails dans les ombres ne réjouissait pas Haldren, mais les partager avec ses subordonnées lui déplaisait encore plus. A eux deux, ils devraient réussir à trouver un moyen d’activer un tel portail sans avoir besoin den expliquer les subtilités à leurs adeptes. Après tout, le savoir est le pouvoir, et Ethan ne devait sans doute pas désirer en révéler plus à ses serviteurs que le Ditronw Da’re aux siens. Rester le seul de son organisation ou de son culte à maîtriser cette magie serait préférable.

Bien sur, de là à parler de confiance entre eux… autant se fier à un serpent venimeux dirons nous pour rester poli. Pourtant, de ce qu’en savait Haldren, le Prime Joaillier se désintéressait des intrigues politiques et n’avait qu’une seule véritable passion : la magie. Qui se ressemble s’assemble parait-il, et le vieux drow devait admettre que lui-même faisait passer la connaissance avant la politique. Ah oui, au passage il avait oublié de répondre à une question d’Ethan.

Pour votre information, aucun de mes mages n’est mort en lançant la téléportation que vous avez ressenti. J’en avais fait convoquer suffisamment pour qu’ils n’aient pas chacun à trop drainer de leur propre énergie.

Bon bien sur plusieurs d’entre eux s’étaient évanouis lors du rituel et tous étaient au lit pour se reposer depuis. Mais tuer des mages du C’nros, même pour une aussi bonne raison que la quête de savoir obligeait ensuite le Ditronw Da’re à remplir une paperasserie interminable. Par Uriz, il détestait le travail administratif, mais apparemment il était impossible de faire tourner le C’nros en s’en passant. Jeune mage dans le C’nros, il n’aurait jamais imaginé qu’être Ditronw Da’re impliquait de passer des heures à lire et annoter des rapports. Le revers de la médaille sans doute…

Bon, et concernant leur coopération ? Et bien cela était tentant. Deux maîtres des arcanes qui abhorraient l’un comme l’autre la politique pouvaient… collaborer… au moins pendant un temps afin de résoudre un problème. Se levant, le Ditronw Da’re alla ouvrir une des armoires de son bureau et en sortit le grimoire qu’il avait arraché aux ruines de Nisétia. Le posant sur la table, il s’expliqua :

Voici la parabole des ténèbres, écrit il y a près de deux millénaires par Kersart’h A’l Venthe. Je ne vous ferai pas un cours d’histoire, si vous ne le connaissez pas, sachez juste qu’il fut l’un des plus grands mage des ombres qui ait jamais vécu.

Aucun intérêt en effet les cours d’histoires, Kersart’h était mort depuis longtemps. La seule chose utile était de garder en tête que l’auteur du livre en connaissait un rayon côté magie. Plus qu’eux certainement. Ouvrant le livre à la page où commençaient les explications « techniques » du rituel de portail, le mage continua :

Kersart’h explique dans ce livre le fonctionnement des portails permanents de téléportation. De fait, la magie actuelle peut sembler limitée à une téléportation ponctuelle, mais il affirme avoir réussi à maintenir un portail ouvert de manière permanente. Je comprends le fonctionnement mais il m’est impossible de réussir ce rituel seul. Les énergies mises en œuvre et la précision nécessaire pour « ancrer » l’arrivée du seuil nécessite l’intervention d’un deuxième mage. Surtout pour un premier test… le retour de flux risquerait d’être… désagréable sinon.

Désagréable, oui, mortel même. Lancer une telle quantité d’énergie dans les ombres sans qu’elle ne soit raccrochée à l’arrivée risquait de la renvoyer en pleine figure du mage imprudent. D’un autre côté, la raccorder au seuil destination ne serait pas chose simple non plus. L’absence d’entrainement équivalait à peu près à vouloir attraper une flèche enflammée en plein vol avant qu’elle ne vous touche…

Aucun mage n'est mort ? Etrange nouvelle... des drows qui se soucient de leurs semblables ? Enfin, il doit bien y avoir une raison. Malheureusement bien des aspects du fonctionnement mental de "mon" peuple me sont encore hermétiques, et les très rares efforts que je fais pour arranger cela risquent fort de ne pas résoudre le problème. Eh bien soit... si il choisit de prendre soin de ses mages, c'est sa décision. Après tout, mon choix est le même à propos des miens... mais il est vrai mon vécu au sein des drows ne m'aide pas à leur accorder le bénéfice du doute.
Je suis encore plongé dans mes pensées à ce sujet quand je m'aperçois que mon interlocuteur s'est levé et rapporte... un livre. Ou plutôt non : un grimoire. Non que le terme ait un quelconque sens pour le profane, mais on ne se déplace pas en personne pour un vulgaire bouquin... Intéressant. Très intéressant, même : même si les écrits ne peuvent retranscrire que des fragments de la pensée originelle, ces fragments permettent souvent d'ouvrir de nouvelles portes, ou de pousser plus loin les recherches déjà effectuées. A condition de manipuler ce savoir avec précaution, évidemment... nous savons tous que nous ne pouvons justement pas savoir avec précision ce qui arriverait si une erreur se mêlait d'expérimentations magiques.

Une fois le livre posé, j'écoute avec le peu d'attention dont je dispose les explications d'Haldren. La "parabole des ténèbres" ? Pourquoi est-ce que tous les mages se sentent moralement tenus de donner des noms pompeux à leurs livres ? Et je dis bien tous les mages : a ma connaissance nul ne fait exception, pas même moi. Quand à Kersart'h... eh bien, je suppose que c'est l'un des nombreux noms que j'ai entendu lors de mon apprentissage, mais je dois avouer que je n'ai rien retenu de particulier à son sujet. J'esquisse un vague hochement de tête pour le remercier de la précision, et le laisse continuer.

Portails... des Ombres... permanents...? J'écoute le discours jusqu'au bout, malgré un blocage prononcé dès la première phrase. Un portail permanent ? Si je n'étais pas moi même adepte des expérimentations 'foireuses' -appelons un chat un chat, et une connerie une connerie- j'aurais probablement douté de la santé mentale du grand bronzé qui me fait face.
Pour commencer, je suis bien mieux loti que ce à quoi je m'attendais... Le lancement en solitaire est inenvisageable, premier point pour moi. Deuxième point, ma connaissance des portails va probablement m'être particulièrement utile. Toutefois, il reste un léger souci...

"Une brèche... permanente ?"

Je dois l'avouer, je ne parviens qu'à peine à cacher ma surprise et mon scepticisme.

"J'ai côtoyé des praticiens de l'Ombre, autrefois..." Un doux euphémisme... j'ai même fait bien plus que cela, mais passons. "A moins que ma mémoire ne me fasse défaut, le transport par les Ombres est une brèche instantanée visant à projeter une personne. Mais l'opération est centrée sur la personne, comment a t-il pu transformer ça en un pont stable, et surtout viable ?"

Tout le sujet du livre, si j'ai bien compris. Et là, il va me falloir quelques explications supplémentaires... la modestie n'est pas dans mes habitudes, mais je dois bien reconnaître que si cet exposé est vrai, ce mage n'aura pas volé la réputation qu'Haldren lui prête... Bon. Trêve de digressions, revenons en à notre bonne vieille arrogance.

"Avant les réponses... nous avons cependant un avantage que votre ancêtre n'avait pas : je possède déjà le savoir lié aux portails, les 'vrais' cette fois. Comparer ces travaux à ce que je sais déjà nous permettra probablement de progresser plus vite, voire même de dépasser Kersart'h sur certains points... point qui m'amènent à ma deuxième question : quels sont les risques ? Votre ancêtre en parle t-il ?"

Si il n'en parle pas, partiellement, que certains pages ont été endommagées par le temps, qu'il est mort lors d'une expérience -un mage meurt *rarement* de causes naturelles-, qu'il... bref, que pour une raison ou pour une autre il manque une partie des explications sur les risques et précautions...
...eh bien, cela n'en serait que plus drôle. Après tout, nous sommes voués à la Magie et à la recherche, que nous resterait-il si nous avions déjà toutes les informations ?

Haldren attrapa un fauteuil et vint s’asseoir à côté d’Ethan. À les voir ainsi tous les deux penchés sur le bouquin… pardon, le grimoire… on aurait presque pu croire deux étudiants mages dans la grande bibliothèque de la Chambre Arcanique en train de discuter de la meilleure façon de lancer un sort de base. Alors qu’en fait ils se préparaient à explorer un nouveau pan de la magie des ombres. Bon, reprenons points par points en commençant par celui de leur propre sécurité.

Les risques ? Eh bien, Kersart'h explique au début qu’ils font partie du métier et qu’un mage n’osant pas en prendre n’est pas un mage. Il a de ce fait omis d’en parler.

Petit sourire ironique de la part des deux drows. La prise de risque en magie se terminait souvent par une tache au plafond et une paire de chaussures fumantes. Non, j’admets, ca c’est le vieux cliché. Mais au moins ca amuse, alors que si je vous expliquais qu’une expérience ratée c’est de la viande collée au mur partout, ca ne le serait plus. Et pourtant c’est en général comme cela que ca se termine. Ne vous étonnez donc plus à l’avenir de ne pas voir de tapisseries couteuses dans un laboratoire, même à distance respectable de la zone de travail. Un mage, ca se remplace toujours, mais une belle tapisserie, dame, l’abîmer serait un crime.

Bref, il allait falloir comme d’habitude expérimenter et avoir l’âme d’un joueur. Le Ditronw Da’re avait coutume de dire aux jeunes mages que les hauts sortilèges étaient tellement dangereux qu’il valait mieux jongler avec des torches dans une fosse de goudron que de s’y risquer. Mais après tout, les mages ne sont-ils pas tous un peu fous ? Et d’après ce qu’Haldren savait de son nouveau « collègue », Ethan ne l’était pas qu’un peu. Dans la fosse de goudron, il aurait surement demandé que l’on rajoute des lions afin de savoir si cela risquait de gêner le jongleur.

Bon, reprenons…

Vous avez raison, la magie des ombres telle que nous la pratiquons aujourd’hui n’est pas censée permettre l’existence de portails permanents.

Et de fait, si Haldren n’avait pas lu cela dans un livre écrit par l’un des plus grands mages des ombres de l’histoire, il aurait beaucoup rigolé de cette idée farfelue.

De fait, il propose de ne plus centrer le sort sur la personne à téléporter mais sur le tunnel lui-même. Attendez… c’est un peu plus loin… voilà, il explique ici le principe.

Ainsi donc une téléportation au sens habituel du terme consiste à encapsuler le sujet dans une bulle de réalité – de notre réalité s’entend – avant de le projeter dans les ombres. Le transport se fait assez simplement en étirant un fil de réalité depuis la bulle jusqu’à la destination à atteindre. Jusque là, rien de compliqué.

Rien de compliqué ? Ben voyons, la téléportation restait de la haute magie. L’arrogance des mages faisait une fois de plus surface.

Mais un portail est différent. Oubliez un temps la bulle pour vous concentrez sur le fil. Qu’est-ce que ce fil ? Rien d’autre qu’un infime morceau de notre réalité que le mage déplace dans les ombres pour servir de repère, de phare si vous préférez, lors du voyage. Pour autant, il ne leur appartient pas et reste ancré à notre monde au point d’arrivée. Le principe d’un portail d’ombre est sur le papier assez aisé : il ne s’agit ni plus ni moins que d’ancrer un fil de réalité entre deux points géographiquement distincts. De ne pas seulement l’ancrer à l’arrivée mais également au départ et de maintenir cet ancrage dans le temps. Cela fait, tout passage par le portail consiste à accrocher la bulle dans laquelle est placé le sujet à l’un des ancrages et à lui indiquer l’autre comme destination, exactement à la manière d’une téléportation classique.

Sur le papier assez aisé peut être mais dans les faits. Cela demandait de repenser complètement la logique du sort. Là où une téléportation se centrait sur le sujet à téléporter, Kersart'h indiquait de se concentrer sur la liaison. Créer le lien avant d’y faire transiter vos sujets, voilà bien l’idée. Restait bien sur à comprendre comment maintenir le fil actif dans la durée, ce que le sort standard ne prévoyait pas de faire, ou encore comment relier la « bulle » dont parlait le mage au fil puisque le fil devait pouvoir exister indépendamment d’elle.

Je dois admettre Ethan que maintenir l’ancrage du fil n’est pas chose aisée. Je crois savoir que vos propres portails sont permanents, bien qu’ils ne rencontrent pas ce problème d’interconnexion entre notre monde et les ombres. Mais comment les stabilisez-vous ? Nous pourrions nous inspirer de vos méthodes pour les adapter aux ombres.

Des risques ? Face à ce concept, la plupart des novices adopte l'une des deux attitudes classiques : l'angoisse face à ce qui pourrait leur arriver en cas d'erreur ou, cas plus rare, le mépris total de la notion même. Kersart'h montre quand à lui la réaction "standard" que j'ai cru noter chez les "grands" : "J'ai créé ce truc, j'ai pris des risques. Maintenant si vous le voulez, démerdez vous". Et ceux là pourraient encore être qualifiés d'aimables, face à certains qui s'amusent à semer volontairement des chausse-trappes sur le chemin de ceux qui voudraient tenter de les suivre vers la connaissance.
Qui a dit que le sens du partage n'est pas très développé chez les mages ?

Enfin, il faut bien revenir au sujet... parfois. Parler de risques n'est pas tout : encore faut il y arriver, à ces risques. Et pour ça... se concentrer sur le sujet. Dur.
Bon... au moins ma mémoire ne me trompe pas : ce qu'il suggère est impossible. Pas d'incohérence : pour nous, "difficile" prendra quelques heures, "impossible" un jour ou deux. Ne vous plaignez pas, vous étiez déjà informé de l'état de mon ego... mais un autre détail relatif au temps doit être noté : si je reste trop longtemps, d'autres personnes pourraient s'intéresser à ma présence. Et ce détail pourrait être assez gênant, si ces "personnes" sont peu amicales... c'est à dire "au moins" la moitié de ceux qui me connaissent ici. Que voulez vous, la haine est la rançon de la gloire... Oui, je sais, inutile de me complimenter sur mes chevilles.
Enfin... la suite ? Les explications. Pour être bref, c'est bref... et c'est plus ou moins une évidence : il n'y a pas trente-six moyens d'arriver à ce point là. En revanche, on en revient au point de départ : comment ?

J'arrive à peu près à recentrer ma concentration sur le sujet en cours quand Haldren me désigne le passage qui explique les délires du vieux mage. Fascinant. Le profane ne sait pas à quel point la magie peut tendre vers le Sublime, et ce qu'il rate en passant à coté de tant de trésors... ce grimoire ouvre -théoriquement- la porte vers une foule d'applications nouvelles de ce sort. Si nous réussissons, les pratiquants des Ombres retiendront nos deux noms comme ceux de deux illustres mages qui ont ouvert la voie vers une nouvelle application de la téléportation... et si nous échouons ? Eh bien, deux ambitieux de plus ajouteront leurs noms à la -longue- liste des victimes de la magie.

Vient ensuite la question d'Haldren. Permanents, permanents... c'est un bien grand mot. Disons simplement que la durée n'est pas une donnée fondamentale pour ce sort, mais de là à ouvrir un portail permanent... autant inviter la Déesse de la Mort -voire même les deux, tant qu'on y est- à boire un verre chez soi, au moins cette solution a le mérite d'être sans douleur. En revanche, le principe pourrait éventuellement nous aider.
Ah, donner une réponse, peut être.

"Qui a dit que mes portails sont stables ?"

'Ironique' est le qualificatif qui s'impose pour le sourire que j'affiche alors. Quoi que, il va peut être falloir être un poil plus expressif.

"Certes, un portail excessivement instable n'apporterait pas grand chose, excepté peut être une nouvelle façon de transformer les êtres vivants en morceaux de viande froide. Bref, admettons que nos portails sont sûrs et passons à la partie théorique."

La théorie. Peut-être la seule partie 'plus ou moins' sans danger... et encore, même la théorie pourrait trouver le moyen de vous sauter à la figure.
Avec la magie, le seul moment où vous êtes en sécurité... c'est quand vous êtes mort. A condition d'être réellement mort, de ne pas avoir accidentellement endommagé votre âme, de ne pas avoir perturbé la logique temporelle, de... bref, je crois que vous avez saisi l'idée. Maintenant, la suite. Je détache une petite bourse -noire, évidemment- de ma ceinture, d'où j'extrais cinq petits saphirs mauves. Les pierres rejoignent rapidement la table, disposées en étoile... à bonne distance du grimoire.

"Pour nous éviter un cours excessivement long sur les variantes des portails, je me contenterai des explications de base.
Il existe deux méthodes de stabilisation d'un portail. La première consiste à ouvrir un premier portail et à "jeter" à la volée le flux généré vers une zone où est ouverte un autre portail du même type." Puis, désignant les cinq pierres. "La deuxième possibilité, plus sûre, consiste à avoir préalablement préparé une zone apte à recevoir un portail, et à relier le votre à celle ci. Ainsi, à condition de connaître les particularités de la zone d'arrivée, vous pouvez ouvrir seul un portail fiable."

Une pause, pour laisser à mon interlocuteur le temps d'assimiler ce que je viens de dire. Estimant le moment adéquat, je profite du répit pour activer les cinq gemmes et susciter un minuscule portail devant Haldren.

"La préparation en elle même n'est pas excessivement compliquée, à condition d'avoir les compétences requises. L'utilisation est quand à elle accessible à toute personne ayant reçu les instructions de base.
Ce que je viens de susciter est un portail utilisant à la fois la première et la deuxième méthode... une structure stable projetant un portail vers une zone non préparée." Une brève pause, alors que certaines des gemmes commencent à prendre un éclat inquiétant. "Oui, si vous avez tout suivi, ceci implique que ce portail est isolé et donc hautement instable."

Bon, je tiens à ma peau, tout de même... et je coupe donc le portail avant qu'il ait pu causer trop de dégâts. Si quelqu'un était présent à la destination voulue du portail, peut être a t-il eu quelques ennuis... mais à priori, la zone est inhabitée. A priori. Qu'importe, "fou" fait déjà partie des sobriquets dont on m'affuble.

"N'ayant pas l'habitude d'être excessivement clair dans mes explications, et le sujet étant relativement complexe, je suppose que je vais devoir apporter des précisions...
Sinon, pour en revenir à l'adaptation aux Ombres... eh bien, je vois bien l'utilité que peut avoir une structure de gemmes mais je n'en ai qu'une quantité limitée et en adapter assez me prendrait trop de temps pour pouvoir effectuer tous nos essais avec. Ces connaissances pourraient être utilisées plus largement, mais je suis ouvert à toute suggestion sur ce plan là..."

Je vois bien une ou deux ébauches d'utilisations annexes... mais ces premières idées apporteraient probablement plus de problèmes que de solutions. Ce qui m'amène à faire une légère entorse à mon éthique personnelle : demander des suggestions. Non, pas de l'aide : des suggestions. Nuance.
Je me défais parfois des facettes exaspérantes de mon caractère, comme l'arrogance... parfois. A condition de respecter la personne. Mais il m'en faut beaucoup pour respecter réellement un collègue... comme les autres mages puissants et imbus d'eux mêmes, en somme.

Deux possibilités pour stabiliser les portails donc… une folle et une presque folle. Et bien sur Ethan avait choisi de lui faire une démonstration d’un mixte des deux. Vraiment complètement déjanté celui là. Peut être était-ce là la raison de son talent ? Si l’on refuse d’admettre une limite, ne peut-on pas la franchir ? Une belle discussion philosophique en perspective si les deux drows partaient sur ce sujet, donc évitons.

Pas facile de choisir, et pourtant l’idée de stabiliser le portail cible via des gemmes rappelait quelque chose à Haldren… comme un détail qui le turlupinait… voilà qui était agaçant, il avait l’impression d’avoir envie de se gratter sans pouvoir y arriver. Et pourtant il sentait qu’il était sur le point de mettre le doigt sur quelque chose d’important. Cette histoire de gemme, à quoi cela le faisait-il donc penser ? Rageant de ne pas s’en souvenir !

Je dispose de plusieurs gemmes moi-même que nous pourrions utiliser mais elles ne sont pas adaptées à un potentiel portail des omb… par les couilles d’Uriz !

Attrapant précipitamment le grimoire, Haldren le feuilleta en marmonnant des phrases inintelligibles, puis finalement poussa un cri de satisfaction et désigna une note en marge.

Je savais avoir lu quelque chose lié aux gemmes… écoutez donc ceci…

Ainsi donc les premiers essais furent peu concluants. Je perdis dans l’affaire une gemme de grande qualité et mon laboratoire fut presque dévasté par une créature d’ombre plutôt tenace. Une petite erreur dans la temporalisation lors de l’imprégnation sans doute qui…

Voilà comment Kersart'h stabilisait ses portails cibles : il utilisait une gemme imprégnée d’un sort d’invocation. Un sort savamment modifié pour ralentir l’invocation de la créature, quelle qu’elle soit.

Pas simple en soi, cela revenait presque à invoquer… euh… rien. Le genre de modification qui pouvait faire basculer la logique d’un mage au point que ses collègues le retrouverait en train de mordre les pieds des tables. Mais en soi pas impossible pourtant. Lors de tentatives près d’un siècle plus tôt, le Ditronw Da’re avait réussi à retarder l’activation d’un sort d’invocation, dans l’optique de poser des pièges magiques d’un genre tout nouveau.

Malheureusement, il s’était rendu compte que cela imposait au mage de maintenir la faille active en permanence. Peu voire pas utile pour un piège… ou alors de passer par une gemme pour y stocker le sort modifié, mais bon, on ne va pas utiliser une précieuse gemme pour un piège alors que tant de systèmes parfaitement fiables existent déjà. Après la création d’une gemme, et au vu des efforts et des coûts de fabrication complètement prohibitifs pour une utilité discutable, le mage avait finalement laissé tomber ce projet.

Voyant qu’Ethan le regardait avec curiosité, il se rendit compte qu’il devait grommeler des morceaux de phrase depuis plus d’une minute déjà.

Excusez moi, mais je réfléchissais. Il est possible de ralentir un sort d’invocation, bien que cela ne serve strictement à rien d’habitude, j’ai imprégné une gemme d’un tel sort voilà plus d’un siècle. Un tel sort est dans un sens un portail ouvert entre notre monde et les ombres…. Hmm, non une faille plutôt.

Rien d’intéressant jusque là, quand bien même un mage aurait tenté d’emprunter à l’envers un tel portail, nul ne sait ce qui lui serait arrivé. Un portail doit être relié à un autre portail, sinon ce n’est qu’une faille entre deux réalités. Serait-il d’ailleurs possible de traverser étant donné que cela imposerait de cesser d’exister dans une réalité pour passer dans une autre, même si comme Kersart'h l’affirmait, les ombres faisaient en un sens partie de la notre. Belle prise de tête en perspective que ce sujet.

Haldren nota mentalement de tenter quand même un jour pour voir si il récupérait des morceaux du jeu de test… pardon, de l’esclave… ou si cela s’avérait tout simplement impossible. La dernière hypothèse étant somme toute assez vraisemblable, les dieux et les règles fondatrices de la magie, à supposer qu’elles existent, ne devaient pas autoriser ce genre de tripatouillage.

Le problème de la localisation dans les ombres vient du fait qu’il faut reconnaître la signature magique du portail. Mais si un même mage active le sort d’invocation puis lance le portail vers cette zone préparée à le recevoir, il peut retrouver ses petits, car il recherchera sa propre signature.

Oui, possible, cela demanderait tout de même une sacrée maîtrise mais c’était du domaine du faisable. Restait un problème tout de même, Haldren voulait éviter de voir lui aussi son laboratoire envahi par des créatures d’ombres, or modifier une gemme n’était vraiment pas son affaire. Avec du temps, peut être l’aurait-il fait, mais du temps, pas sur qu’Ethan en ait beaucoup. Les couloirs du C’nros devaient déjà bruisser de rumeurs sur sa venue.

Se levant, le mage alla de nouveau fouiller dans le fatras d’une de ses armoires… devrait vraiment ranger tout ça un jour… un bazar pareil… oh tiens c’était rangé là ce machin ? … hmm, pas ça non plus… ah voilà ! Brandissant un rubis rouge sang, il revint vers son invité.

Voici la gemme. Toutefois l’invocation se déclenche quelques minutes après le lancement. Il faudrait encore ralentir le déclenchement pour nos expériences. Ce genre de travaux, c’est plutôt votre dada, non ?

Haldren dispose de gemmes ? Oui, mais de quel type ? A moins d'avoir des pierres adaptées... quoi que, il doit sûrement avoir les moyens de s'en procurer, et d'avoir du matériel de qualité. Les avantages du pouvoir.
Hum. Je crois bien que les jurons de ce genre sont considérés comme un blasphème aussi bien par sa religion que par la mienne. J'essaie de ne pas imaginer quelle serait la réaction des religieux du Chaos si ils m'entendaient converser ici. Discuter tranquillement, jurer à propos des Dieux... en plus de proposer de partager un savoir sur lequel ils pensent avoir des droits. Mais ce savoir n'est pas le leur, ces connaissances sont miennes et je suis seul juge de la répartition de celles ci. Je. n'ai. pas. de. maître.
Qui a dit que c'est ma volonté d'indépendance qui m'a incité à quitter Zelvajra pour Elverion ? Mais non bien sûr, personne n'oserait jamais insinuer une chose pareille... personne, évidemment. Mais je m'égare.

Haldren semble chercher quelque chose de précis. Ah. Quoi... une note ? Seulement une note ? Enfin, voyons ceci... Après tout, cela pourr...pardon ?

"Kersart'h était façonneur ?"

En temps normal j'aurais tiqué sur le mot "invocation", et probablement même repris mon interlocuteur à ce sujet... mais je ne peux retenir cette remarque, lâchée à l'instant où Haldren me confirme la chose. Pourquoi poser la question si j'ai déjà la réponse ? Démarche idiote au demeurant... la surprise, probablement. Les connaissances sur les façonneurs sont rarissimes, et en découvrir un par hasard est... Peut être qu'il a... mais non, c'est à peine une ligne griffonnée en marge, juste une allusion, il n'a certainement pas parlé de ces secrets là dans un grimoire à propos des Ombres. Et si il n'a pas laissé d'autre écrits... ah, les affres de la frustration.
C'est peu probable... mais ils ont peut être récupéré d'autres livres... peut être que si je peux consulter leurs bibliothèques...? Je doute qu'Haldren me laisse déambuler "librement" dans les pièces les plus importantes du complexe, mais ça vaut le coup d'être tenté.

Haldren revient à la discussion à peu près au même moment que moi. L'égarement mental doit être une caractéristique commune aux mages... bien que je semble beaucoup plus atteint que nombre de mes semblables. Je fais les raccords entre ses dernières phrases et ce qu'il dit, à mesure qu'il progresse dans son raisonnement.
Une créature d'ombre ? Créature... à vrai dire, même avec toute la volonté imaginable je n'ai pu réussir à savoir si ces choses ont une conscience ou non. Les écrits sur le sujet sont rares, les mages compétents aussi.. Elles sont issues des ombres, semblent s'auto-générer... mais pensent elles ? Raisonnent-elles ? Quel motif obscur les pousse à la destruction ? Peut être la perversion qui frappe ce pan de la magie, peut être une volonté supérieure... peut être le simple fait d'être transposés d'un plan à un autre. Viennent elles volontairement, ces choses ? Qui peut le savoir ? Oh, je sais bien qui a la réponse à ces questions... mais ne pas y penser, surtout.
Il a imprégné une gemme ? Pourtant, si il était façonneur il aurait pu... ah, mais si il débute... l'imprégnation implique de grands risques, et pas seulement relatifs à la triviale limite de la vie et de la mort. Certains peuvent trouver pire, bien pire. Enfin, nous verrons.

Le problème de la localisation. Haldren voudrait que... non, c'est absurde. Nous pourrions... enfin, je pourrais... l'écouter, déjà. Mon attention se perd alors que mon interlocuteur achève sa dernière phrase, et je remarque à peine qu'il est levé et qu'il a l'air de chercher quelque chose.
Si nous pouvions... non, impossible. En revanche, en contournant et en utilisant la gemme... à peine mieux... ah, si... quoi ? La gemme ?
Encore ce terme. Brr... l'invocation ne se traite pas à la légère, bon sang. Maudits soient les inconscients... quoi qu'ils se rendent vite compte de leur erreur quand ils croisent une 'vraie' invocation. Et tout Chaotique que je sois, je prie pour que cela ne m'arrive jamais, jamais, jamais plus. Bref. Ralentir le déclenchement ? Mouais...

Mon scepticisme doit être visible, vu que je regarde la gemme comme si elle pouvait à tout instant me sauter dessus et me mordre. Surtout, me retenir de lui répliquer que si c'est bien mon dada, il vaudrait mieux pour lui que ça ne devienne jamais le sien. Mais après tout, les rares apprentis que j'ai tenté de former ont tous finis "perdus" dès qu'ils ont essayé de toucher à l'imprégnation. Les sacrifices nécessaires pour progresser sur cette voie sont... hum. Bref. Pas trop mal, pour un débutant. Un peu rudimentaire, mais le principe est là : il voulait ralentir le sort, ça ralentit le sort. Sa gemme ne doit pas faire grand chose de plus, mais après tout si il est satisfait...
Je finis par prendre la pierre, et enchaîne sur une réponse. Sans lâcher la pierre du regard, évidemment.

"Cette gemme doit probablement accomplir correctement ce pour quoi elle a été conçue." Ou comment ne pas dire qu'elle ne peut probablement *pas* accomplir ce pour quoi elle serait utile. Je relève les yeux, pour braquer mon regard sur Haldren. "Si je peux me permettre, nous avons des ressources que votre ancien confrère n'avait pas, tout façonneur qu'il soit. Je pourrais..." Un instant, en pensant à l'alternative. Brrr. "Hum. Je pourrais me contenter d'imprégner une 'signature' magique dans une gemme, dans un premier temps couplée à une adaptation de mon sort de portail pour faciliter "l'accrochage" de la brèche. "

Et si on rate la signature... Hum. Je suppose que je dois... peut être... justifier pourquoi je tiens à avoir une autre solution.

"Ecoutez... le recours à cette gemme pourrait éventuellement sembler une solution satisfaisante... mais susciter par erreur un fragment d'Ombre, ou pire..." Pensera t-il que je suis "simplement" effrayé par les conséquences de l'apparition d'une Ombre ? Peut-être, mais je ne crains pas ce qu'il peut envisager. "L'esprit mortel peut difficilement appréhender la limite entre ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire. Rien ne nous retiens de franchir la frontière de l'interdit... et si nous nous en approchons, si nous le faisons..." Ca vous fait un choc, à vous aussi ? Oui, le symbole de l'arrogance peut aussi éprouver de la peur... Mais passons. Je fais une brève pause, hésitant à achever. Mais maintenant que j'ai commencé... et après tout, il doit être conscient des risques. Ce ne serait pas loyal de l'entraîner dans ce genre de choses sans qu'il sache ce qu'il peut nous en coûter. "Si une expérience dérape, il ne nous restera plus qu'à prier pour que nous n'ayons pas franchi la frontière. J'ai failli glisser, un jour... la rencontre que cela a provoqué a manqué me faire perdre la raison. Et c'était un simple avertissement."

Nolfinë. Croyez moi, vous n'avez vraiment pas envie de faire sa connaissance. La seule chose qu'il m'ait apporté est la promesse d'un aller simple vers le néant si je fait un pas de trop dans la mauvaise direction... Enfin, bref.

"Enfin... je crois que nous touchons aux limites pour aujourd'hui. Je peux mettre en pratique ma suggestion sans trop tarder, mais il me faudra tout de même un peu de temps... cela devrait vous permettre de préparer au mieux une salle pour éviter les dégâts collatéraux si jamais nous devions échouer." Très important : si vous devez vous faire sauter, assurez vous d'abord de ne pas faire sauter la moitié du Puy avec vous. "En outre nous pourrons tous deux réfléchir à notre problème et à ses éventuelles... conséquences." Pause "Du reste, nous aurons tous deux besoin de repos avant de pouvoir réaliser une telle folie."

Oui, les puissants évoquent rarement les trivialités de la vie... mais le sommeil est une donnée vitale pour pouvoir réaliser de grandes choses. Ou du moins, pour réaliser de grandes choses tout en restant en assez bon état pour en profiter.

"Ah, et, avant que je parte... Si nous survivons tous deux à nos expériences, pourrai-je avoir accès à votre bibliothèque ? Je doute d'avoir plus de chances ici que lors de mes autres recherches, mais peut être détenez vous un ou deux ouvrages relatifs à l'imprégnation..."

Dans le pire des cas, je pourrai toujours chercher un autre moyen de savoir si ils possèdent ou non ces ouvrages.

Suis-je fou de précipiter le début d'une expérience possiblement fatale ? Peut être. Mais nous ne pouvions pas discuter plus avant sans support matériel, et modifier une gemme me prend nécessairement du temps. De même que la préparation d'une salle, la recherche un point d'arrivée adéquat -même si des essais préliminaires pourront se satisfaire de points rapprochés, je pense- prendra du temps.

Pour le moment, nous avons tous deux du travail... et un semblant de tranquillité.
Jusqu'au lendemain, du moins...

Bon, ils avançaient. Une signature magique imprégnée dans une gemme ? Pourquoi refuser une solution apparemment plus fiable en recourant à la gemme d’invocation ? Quoi ? Ethan avait… peur ? Peur de franchir la frontière ? Par les dieux, pour qu’un tel personnage hésite, il fallait vraiment que ce qui se trouve au-delà de la frontière le terrifie suffisamment pour faite sauter les verrous de sa folie.

Enfin, s’il le disait. Le Ditronw Da’re n’était pas stupide au point de ne pas suivre l’avis du Prime Joaillier quand aux risques. Partons donc pour une gemme imprégnée d’une signature et stabilisée par le couplage. Avec un peu de pratique, le mage des ombres ne doutait pas de trouver d’autres méthodes si celle là échouait. Haussant les épaules, il reprit sa gemme, retourna à son armoire et en sortit une autre, une émeraude assez simple mais de bonne facture qu’il tendit à Ethan.

Hein ? Quoi donc maintenant ? Accéder aux ouvrages du C’nros sur l’imprégnation ? Curieux le collègue… un peu trop même. Sa soif de connaissance lui faisait oublier un problème à ce niveau.

Vous donner accès à nos bibliothèques secrètes m’est impossible. Ou tout du moins impossible discrètement. Tout le C’nros saurait que je vous ai laissé libre de fouiller nos grimoires, cela remonterait aux oreilles de l’Olath Balada et du Karliik Glenn. Votre présence ici peut rester assez discrète, mais mes supérieurs verraient d’un mauvais œil qu’un étranger au Puy accède à tous nos secrets. Mon cher Prime Joaillier, vous rendez vous compte que déjà il va me falloir des prodiges de discrétion pour éviter que votre présence ne s’ébruite trop vite ?

De véritables prodiges même. S'ils parvenaient à stabiliser leur portail, la hiérarchie militaire du Puy fermerait doucement les yeux par pragmatisme, mais il ne fallait pas trop tirer sur la corde hein ? La politique… ben oui, la politique, et le Ditronw Da’re ne comptait pas se mettre mal avec les obok senger peu avant une grande campagne militaire pour les beaux yeux d’Ethan.

Cela fait, le mage conduisit discrètement Ethan à sa chambre, dans une zone de l’immense bâtiment rarement utilisée, puis il revint lui-même se coucher. Une petite lecture de la parabole des ténèbres pour faire de beaux rêves... et au dodo !

Le lendemain matin, il envoya un esclave humain chercher le Prime Joaillier et le conduire dans l’une des salles d’entraînements du niveau inférieur, une salle rarement utilisée et blindées de protections magiques en tout genre pour éviter les problèmes. Un Ditronw Da’re mort depuis longtemps avait veillé à la sécuriser de telle sorte que des expériences… dangereuses… enfin… plus dangereuses que la normale… puissent y être menées.

Lorsque le Prime Joaillier entra, le mage venait de vérifier que les protections tenaient toujours bien. Si leurs portails… perdaient leur stabilité… mieux valait ne pas risquer de faire sauter le C’nros tout entier, hein ? Mais non, pas de risques pour le bâtiment. Eux mourraient peut être mais l’ordre survivrait.

Pas très rassurant néanmoins tout cela.

Bien le bonjour mon cher. Cette salle est à l’abri des regards et bien sécurisée. Quand à notre matériel d’expérience, le voici.

Le Ditronw Da’re parlait d’un petit groupe d’esclaves terrifiés, de quelques petits animaux et d’un fatras d’objets en tout genre. Enfin bref vous voyez le topo ? De quoi tester progressivement les capacités de transfert d’un portail.

Expérience suicidaire : Jour un. Cinquante-cinquante ? Non, quand même pas... après tout, même si ça nous saute au visage, il restera toujours une dernière chance. Les protections de dernière minute. Les alentours devraient être protégés si la salle est adaptée, quand à nous... eh bien, je n'ai pas encore testé mes protections sur un risque tel que celui ci, mais il faut bien un début à tout.
Les portails peuvent servir à beaucoup de choses, très différentes les unes des autres... il est triste que peu de mages se rendent compte du formidable potentiel que cela pourrait avoir. Non, ne vous contentez pas de déplacer un objet d'un point à un autre... explorez le, utilisez le ! Un portail projeté devient une arme. Mais un portail-bulle centré sur un individu devient un bouclier très efficace, notamment contre la magie... principalement parce que le portail n'annule pas mais déplace, et donc requiert beaucoup moins d'énergie qu'une protection "brute". Dommage que mes confrères ne songent pas à exploiter toutes les possibilités d'un tel filon... mais d'un autre coté, ça me laisse une relative exclusivité sur cette utilisation.

Au moins, nous ne risquons pas "trop" pour cette expérience. En revanche, du coté politique... eh bien, c'est dommage pour la bibliothèque, déjà. Et je suppose que si Haldren me propose de me loger dans un coin désert -ou presque-, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison... Au hasard, le fait qu'un indésirable soit actuellement au cœur du Puy. Les mages savent déjà que je suis ici, certains doivent bien savoir qui je suis... combien de temps avant que le pouvoir en place apprenne ma présence ? Combien de temps avant une réaction ?
Je ne suis pas à proprement parler 'banni' du Puy, mais même ceux qui l'ont quitté de leur plein gré reviennent difficilement. Surtout ceux qui ont dans la foulée renié la totalité de la religion et des traditions drows. Une paille, quoi.
Bref, le seul point en ma faveur est ce que je peux apporter. Mais je n'ai pas vraiment envie de savoir ce qui l'emportera entre pragmatisme et religion, alors évitons quand même de prendre trop de risques. Soit : j'ai plutôt intérêt à ne pas trop m'attarder.

La chambre est isolée et confortable. Un point pour Haldren. Au moins, je peux travailler en paix... non, "ne pas risquer trop" ne veut pas dire que je ne vérifie pas une fois de plus que mes gemmes seront pleinement utilisables le lendemain. Il est regrettable que je ne puisse pas tout porter, mais une expérience comme celle ci risquerait de compromettre la stabilité de certaines d'entre elles si j'en prend trop. Donc, il faudra se limiter... mais prendre les gemmes de portail-bulle, évidemment.

Et en attendant... dormir. Le destin d'un mage dépend parfois de détails triviaux... comme le sommeil.

C'est un humain qui vient me déranger, le lendemain. Discrétion jusqu'au bout, hein ? Au moins celui ci ne risquera pas de répéter ce qu'il a vu... enfin, je ne peut pas vraiment dire que ce point me dérange. Eh bien, allons y.
Devinez qui je retrouve quelques minutes plus tard, dans une salle qui ne doit pas servir très souvent ? Surprise... Haldren... et de quoi installer une brocante, aussi bien en objet animés qu'inanimés. Je répond à son salut par la même formule de politesse, et écoute la suite. Discrétion et sécurité... merveilleux, au moins le bâtiment n'en souffrira pas trop si nous sommes tués.
Matériel d'expérience... des humains, le premier jour ? Au moins, cette journée démarre avec optimisme. J'esquisse tout de même une moue sceptique en regardant le groupe d'esclaves... Ils sont remplaçables, certes, mais pourquoi gâcher du bon matériel alors qu'il est probable que rien ne ressorte avant un moment ? Monter le sort ne devrait pas être trop difficile, mais réussir à le maintenir et surtout à faire passer un objet de l'autre coté devrait être plus ardu. Quand à le récupérer intact... pour le moment, c'est secondaire.

"Parfait... je dois reconnaître que le C'nros est bien fourni." Peut être même un plus efficacement que moi, d'ailleurs. "Au moins, pas de problèmes à attendre de ce coté là."

Non, je ne cherche pas particulièrement à faire preuve de subtilité pour rappeler les risques. Et, tant qu'on est sur le sujet... je sors deux pierres, et les tend à Haldren en faisant attention à ne pas les mettre en contact.

"L'émeraude, c'est votre pierre. Une fois touchée, elle contiendra un infime fragment de "vous", ce qui devrait vous permettre de la retrouver sans difficulté, pour cette expérience." Mieux vaut éviter de préciser quel sort j'ai utilisé pour l'imprégnation de cette émeraude... au moins, tout lui sera rendu après utilisation. "Le diamant... c'est un "portail-bulle", qui devrait vous protéger rapidement en cas de souci. Vous avez probablement d'autres moyens de vous protéger, mais comme c'est vous qui allez devoir tisser la base du sort..."

Si ça explose, ne pas avoir le temps de construire une protection pourrait s'avérer... frustrant. L'imprégnation élimine ce détail : une simple pensée, et vous êtes à l'abri. Et quand bien même il ne pourrait pas activer la gemme, je garde la possibilité de déclencher mes propres imprégnations... de quoi limiter les risques au minimum. Sauf pour les esclaves, bien sûr. Mais qu'ils meurent en traversant la brèche ou dans un accident, quelle différence ? Ce sera du gâchis, mais le résultat sera le même.

Maintenant... eh bien, ne maîtrisant pas les Ombres je dois attendre qu'Haldren commence à tisser le sort. De là, je pourrai l'aider et surtout éviter que le sort parte n'importe où... ne reste plus qu'à choisir où poser l'émeraude, et à se lancer.

Lorsqu’Haldren toucha l’émeraude, il ressentit un léger picotement, le genre de sensation désagréable qui vous donne une envie folle de vous gratter à un endroit impossible à atteindre. Regardant la gemme non pas avec ses yeux mais exclusivement du point de vue magique, il fut surpris d’avoir l’impression de regarder un miroir. Un peu comme si il était également dans la gemme. Quel sort le Prime Joaillier y avait-il imprégné ? Un drain peut être ? En tout cas, retrouver la gemme serait, pour lui du moins, fort aisé, car cela revenait dans un sens à se retrouver lui-même.

Il accrocha le diamant à sa ceinture, dans l’un des petits endroits prévu pour stocker de telles gemmes. Il aurait besoin de ses deux mains pour le sort, mais le portail bulle serait heureusement activable par une simple pensée. L’espace d’un instant, le mage laissa son esprit vagabonder, explorant les possibilités que lui et Ethan allaient découvrir… si du moins ils s’en sortaient en un seul morceau. Si cela ratait, il faudrait les ramasser à la cuillère façon puzzle, mais le Ditronw Da’re laissa parler son orgueil qui lui affirmait haut et fort que le succès serait au rendez-vous ! De toute façon, si son orgueil se trompait, il n’aurait pas le temps de le regretter.

Bon sang, imaginez l’esapce d’un instant qu’on vous envoie une bonne grosse boule de feu bien mastoc dans la figure. Mais attention, hein, pas une boule de feu standard que vous arrêteriez avec un sort de protection classique. Non, une boule de feu titanesque façon colère des dieux, fin du monde et tout le tralala… ne me demandez pas qui serait capable de la lancer, ce ne sont que des réflexions.

Bref, vous m’avez encore fait perdre le fil de mes pensées… ou en étais-je ? A oui ! La grosse boule de feu ! Vous savez que vous aurez du mal à la bloquer, et même si vous réussissez, cela va vous mettre sur les genoux. Mais imaginez maintenant que vous maitrisiez suffisamment l’art des portails pour les ouvrir à la volée et avec une souplesse de positionnement… vous voyiez où je veux en venir ?

Non ?

Bon, je vais vous expliquer alors. Supposez que vous ouvriez vos deux seuils verticalement, grosso modo l’un à côté de l’autre. La boule de feu rentre dans l’un… et…. ressort par l’autre, toujours aussi meurtrière, mais fonçant cette fois dans la direction opposée… vers le lanceur ! Et voilà comment vous carboniseriez votre adversaire sans pour autant avoir à dépenser beaucoup d’énergie. Et pensez à votre future devise : « plus l’adversaire il est fort, mieux ma ruse elle marche ! ». Traduisez ça dans une langue antique, et le résultat sera garanti.

Bon, là, nos deux mages n’en étaient pas à jouer au tennis avec des portails et des boules de feux, pour l’instant il fallait déjà l’ouvrir ce fichu portail. Ayant sèchement ordonné aux esclaves d’aller se planquer à l’autre bout de la salle derrière un muret prévu à cet effet, le mage déposa l’émeraude au sol, se recula de quelques pas et commença à créer le portail.

La théorie, il la connaissait bien, la parabole des ténèbres étant assez claire sur le sujet. Mais comme souvent, entre théorie et pratique se trouvent les problèmes de l’expérimentation. Au début tout se passa bien, Haldren lança un fil de réalité dans les ombres, localisant sans peine sa destination. Très pratique cette balise que constituait l’émeraude, sans elle il aurait été bien en peine de trouver sa cible.

Mais ce fut ensuite que la partie compliquée commença. Raccorder les ombres à notre monde demande de stabiliser les seuils, ce qui nécessitait de paramétrer correctement un jeu de données aussi nombreuses qu’instables. Haldren se sentait dans la peau d’un jongleur d’assiettes en train de faire son numéro sur un fil au dessus d’un précipice. Sauf que lui, on lui avait en plus graissé ses assiettes !

Suant à grosses gouttes, le mage ne relâcha pas son effort. Sans doute qu’avec un peu d’entrainement cela devenait plus facile, mais là il s’agissait de son premier essai et il devait traiter les problèmes à l’instant où il les découvrait. Les efforts du Ditronw Da’re ne furent toutefois pas vains : des filaments d’ombres se mirent à apparaître devant lui et autour de l’émeraude, filaments qui peu à peu se concentrèrent pour former une sorte de disque entouré d’un halo brillant.

Très joli au demeurant, mais ni Haldren ni Ethan ne pensaient à la chose sous l’aspect artistique… souriant, le Ditronw Da’re réussit à raccorder ses seuils à son fil de réalité. Le portail venait de s’ouvrir.

Ca y e…. merde !

Comme un poisson effectuant un ultime soubresaut au moment où le pécheur l’attrape, le fil de réalité se tordit au niveau du seuil de l’émeraude, s’arrachant brutalement à son emprise. Le disque d’ombre se tordit comme un animal blessé, se dissipant brutalement. Mais là n’était pas le danger… ayant perdu son raccord, le fil revenait vers lui. Le mage tenta de refermer en urgence le deuxième seuil… mais le fil revenait vite, trop vite.

Protégez vous, rugit Haldren en activant son portail bulle.

A cet instant, l’énergie du sort rejaillit d’un coup à travers le seuil ouvert devant les deux mages.

Une introduction est toujours frustrante.
Toujours. Cette fois ci, c'est tout simplement parce que je ne peux rien faire. Je vois tout, je perçois tout... mais comme je ne peux pratiquer les Ombres, je ne peux aider Haldren à tisser la base du sort.
Je le sens lancer son "fil", je sens la distorsion caractéristique qui accompagne la brèche... Si la magie est un Art, l'ouverture d'un portail est une douce mélodie pour qui sait l'écouter. Une part du travail est de s'assurer que la gemme ne perde pas sa stabilité -ce qui aurait des conséquences pour le moins fâcheuses-, mais cette part est minime par rapport à ce qu'il reste à faire. J'assiste presque impuissant au raccordement... puis je peux enfin entrer en scène.

Si Haldren doit finir seul de lancer le sort même -une fois la base achevée je pourrais tenter de l'aider, mais vu que nous n'avons jamais travaillé ensemble, nous risquerions de nous gêner plus qu'autre chose-, mais je peux aider... même un rôle annexe peut nous éviter d'être réduits en poussière. Peut être pas d'atteindre l'objectif plus vite dans le cas présent, mais rester en vie serait déjà un bon début, non ?
Pendant qu'Haldren jongle avec ses assiettes, je m'occupe des "paramètres extérieurs". Limiter les fuites, recentrer le flux, prévenir les interférences dues aux perturbations magiques alentours... en bref, je m'assure qu'aucune bourrasque de vent ne vienne perturber le jongleur, qu'aucune assiette ne soit brisée inopinément par un détail trivial. Certes, échouer avec gloire mène au même résultat qu'échouer pour une gaffe stupide : quoi qu'il arrive, on est morts. Mais mourir pour une trivialité serait un flagrant manque de savoir-vivre.
En bref, pour un premier essai... l'essentiel de ma contribution s'est fait avant, par les gemmes. Je me contente donc d'un rôle secondaire, spectateur d'un spectacle édifiant... et potentiellement mortel.

Le Ditronw Da're sourit. Aussi fou que moi. Mais je sens que les perturbations magiques se font moins fortes... la Toile se calme... un bref instant. Le sourire est vite remplacé par une grossièreté. Dérapage en vue. Non, Haldren tient bon, l'émeraude aussi... jusqu'à... jusqu'à quoi ? Je n'arrive même pas à comprendre pourquoi ma gemme explose, me renvoyant brutalement l'énergie consacrée à sa structure interne.
Un retour de bâton est toujours désagréable. Quand il est accompagné d'une part de magie liée au sort, il en devient douloureux. Mais quand il m'empêche de saisir l'avertissement d'Haldren, retardant l'activation du portail-bulle d'une fraction de seconde... le retour en devient dangereux. Heureusement, les dégâts ne devraient pas être mortels, ni permanents...

Juste douloureux. Gênants. Imaginez un instant... non, n'imaginez pas. La douleur d'un million d'aiguilles enfoncées profondément sur chaque parcelle de peau, l'impression que ce qu'il reste de votre peau se met lentement à fondre, suivi par l'implosion des neurones survivants... N'imaginez pas que vous vivez cela au ralenti, n'imaginez pas que vous soyez piégé dans ce maelström d'énergies. Je m'en fiche, je suis déjà fou... tant que j'y survis, je doute de pouvoir en ressortir plus fêlé qu'avant. Peut être que l'Addiction se fera plus présente... je ne sais pas comment, mais en magie il faut s'attendre à tout.
Les minutes passent... je dérive vaguement dans un cocon de magie, protégé du reste de magie par ma bulle. Des images passent, visions magiques... jusqu'à ce que tout se brise.
La tourmente est passée. Le portail-bulle refusera de se désactiver tant qu'un transfert d'énergie est en cours, mais ne tiendra pas très longtemps activé si rien ne vient : question de préservation des ressources, alimenter un portail à ne rien faire est idiot.

Une fois le portail disparu, je peux aperçevoir celui d'Haldren qui se dissipe également. J'essaie de faire un pas... et ne réussit qu'à projeter mes bras en avant pour me protéger de la chute. A genoux après le premier essai : voilà qui semble prometteur pour la suite. La salle tourne. Le monde tourne. Ou alors, je suis juste en train de remettre d'un excès de magie.
Je ne peux pas me lever, mais je peux penser... Haldren doit être en bien meilleur état, du moins si il a pu activer son portail à temps. Vu qu'il a essayé de lancer un avertissement, ce doit être le cas. La gemme de localisation est détruite, et j'ai repris le contrecoup... Ah. Je ne me suis pas pris que le fragment d'énergie de la brèche : aussi celle de l'émeraude.

...
Ah. Visiblement, je suis plus tout à fait tout seul "chez moi". Un petit bout de l'énergie d'Haldren étant dans la gemme qui m'a renvoyé sa structure... j'héberge un petit bout d'Haldren. Au moins, je pourrai stabiliser réellement la brèche de mon coté, pour éviter de reproduire le même incident... mais ça implique de me viser directement. Chouette, un peu d'originalité.

Après quelques minutes, je me relève tant bien que mal... et adresse un sourire à Haldren. Je suis fou. Complètement fêlé. Un geste de la main pour lui indiquer que tout va bien, et je vais me poster -sans un mot- à l'endroit où l'émeraude se trouvait.
Grand sourire. Là, on risque de s'amuser. De mourir aussi, mais au moins on s'amusera.

J'écarte les bras, théâtralisation gamine d'une possible mort prochaine. Et je prend la parole.

"Rééssayez. Mais lancez le sur moi."

Si il n'a pas déjà senti ma dualité temporaire, il devrait avoir compris. Ou, au minimum, pourra me localiser sans peine. En revanche, il faudra faire vite... je n'ai pas envie de constater les effets à long terme de ce genre d'hébergement.
Allez, qu'on s'amuse !

Se prendre une rafale magique en pleine tête n’est jamais agréable… surtout quand la rafale en question est catégorisée comme un ouragan. Or si le Ditronw Da’re avait eu le temps d’activer son portail bulle, le Prime Joaillier fut un peu plus lent à activer le sien. Oh pas beaucoup notez, juste assez pour recevoir de plein fouet l’ouragan en question.

Lorsqu’Haldren se releva, encore un peu étourdi, son premier réflexe fut de vérifier l’étendue des dégâts. Les esclaves semblaient indemnes, cuirassés qu’ils furent par la distance et le muret de protection. Un seul d’entre eux, sans doute trop curieux, s’était éloigné de leur abri pour assister à la scène… mauvaise idée, ce qu’il restait de cet imbécile n’est pas beau à voir… passer à la moulinette magique n’est pas qu’une expression…

Bah, les jeux de tests, cela se remplace. Ethan, lui ne l’était pas… remplaçable. Heureusement que le Prime Joaillier n’était pas le premier péquin venu. Un peu sonné apparemment mais intact. Physiquement du moins. Mentalement, les dégâts ne seraient pas évaluables, la santé mentale du chaotique rappelant déjà un gruyère… le bon sens s’échappant allégrement par les trous.

En le regardant, le Ditronw Da’re ressentit une impression… bizarre… troublante… pour un peu, il se croirait fasse à un miroir mental. Ethan semblait différent tout en restant identique… bizarre, vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre. [A ce stade le rédacteur s’excuse auprès de ses lecteurs de ce paragraphe tiré par les cheveux, mais décrire une fusion partielle mentale suite à un accident magique n’est pas une chose aisée]

Brusquement, Haldren comprit… le fragment de son âme contenu dans la gemme n’était pas revenu à son emplacement logique (dans sa propre caboche) mais dans celle du Prime Joaillier. Pas étonnant qu’il ressente ce sentiment étonnant de dualité, en un sens Ethan était un peu Haldren. Le Ditronw Da’re n’osait pas s’imaginer ce que cela devait faire ressentir à son collègue fou. Peut être justement la folie d’Ethan le protégeait-elle dans ce genre de situation ?

Bref… le fou dual alla se placer à l’emplacement de l’émeraude, et dans un grand geste théâtral lui demanda de lancer le portail directement sur lui. Pas bête, il remplacerait l’émeraude et pourrait plus facilement qu’une gemme stabiliser le fil à sa destination. Soyons fous tous les deux alors ! Se concentrant, Haldren commença à tisser de nouveau son sortilège.

Ce fut plus facile cette fois ci, d’une part parce que le Ditronw Da’re savait à quoi s’attendre, d’autre part parce qu’Ethan liait le seuil de l’autre côté. Solidement tenu de part et d’autre, le fil de réalité eut beau se débattre, les deux maîtres mages ne lâchèrent pas prise. De nouveau les seuils s’ouvrirent, et comme un poisson dans la barque du pêcheur, le fil cessa de se débattre, après un ultime soubresaut.

Cette fois, le portail était ouvert… ravi, Haldren fit signe aux esclaves de s’approcher en emmenant avec eux la quincaillerie ambulante qui servirait aux premiers essais.

Réceptionner un sort qui ne vous est pas destiné mais vise une "partie" de vous est assez étrange. Au fond, assez semblable au fait de regarder quelqu'un à travers un miroir sans tain, alors que cette personne est justement en train de se regarder elle même : ce n'est pas vous qu'elle regarde, et pourtant son regard est quasiment planté dans le votre...
Bref. Cette fois, la connexion peut se faire. Le "fil" tenta évidemment d'échapper à un état non naturel pour lui, mais cessa bientôt de nous menacer d'explosion... bien que même un fou -moi- n'aurait osé le qualifier de "stable".

Je doute que nous obtenions beaucoup de ce premier essai... mais bon, tentons toujours. Haldren appelle les esclaves et leur bazar. Un esclave ? Non, même si je n'ai rien de particulier contre le concept de meurtre, le meurtre gratuit serait simplement du gâchis.
Bref, je m'approche d'un esclave et lui prend des mains un objet au hasard. Je ne sais pas à quoi il est sensé servir, mais je sais qu'il ne pourra probablement plus jamais être utilisé... si nous avons l'occasion de le revoir un jour. Un geste négligent plus tard, et l'objet disparaît dans le premier seuil. Le fil tremblote un peu, quelques secondes passent, et... et rien. Un autre suit, puis un troisième...

[A ce stade, le narrateur -et jusqu'alors spectateur- pris d'un soudain coup de barre décide d'aller se boire une bière avec le narrateur de l'autre personnage. Nous reprenons donc un peu plus tard, avec un point de vue quelque peu différent.]

Bon, on en était où, nous ? Ah oui, c'est vrai. Revenons donc à l'autre abruti qui est bien parti pour se faire sauter la gueule. Pfff... bon, au pire ça me fera un niais de moins à gérer. Toujours ça de pris.
Nous étions donc en train d'admirer le niais... balancer des objets dans le portail ? Mais tu vois bien que ça ressort pas, non ? Apparemment non... ah... ah ? Ah si ! Il arrête ! Mais... mais... qu'est-ce qu'il fait ? Mais non, pas un esclave... ah, ben... si. Ah au fait, je suis votre narrateur. Enchanté.

Enfin, revenons donc à notre échec critique sur le jet de compassion. Ethan semble bien décidé à envoyer un esclave par la faille. Quelques secondes pour choisir qui sera l'heureux élu à pénétrer la faille, un mouvement de la main pour appeler l'esclave... et une poussée pour l'envoyer au septième ciel... ou du moins, vers ce qu'il y a entre les deux palliers. Tout est dans le doigté les amis, dans le doigté !

Bon... Envoi ? Réussi. Faut bien avoir quelque chose à écrire, après tout... si il se plantait même sur le départ, il faudrait revoir le scénario, ça ferait de la paperasse, du boulot en plus... pfff... la flemme, j'en ai déjà assez à gérer avec ce couillon là. Bon, voyons le jet de sortie... réussite critique ? Ah non, mais ça va pas du tout, ça ! Pour qui est-ce qu'il se prend à vouloir pourrir ma narration, ce mage à la noix ? Et pour la peine... t'auras rien ! Namého. Enfin si, une bouillie infâme vaguement apparentée à de la poussière d'os accompagnée d'un vague relent magique. Ca t'apprendra, mage ingrat.

La réaction du crétin à cet immonde destin vaut toutefois la peine d'être contée. En effet, bien loin de se laisser aller, cet abruti décide que ce n'est point fini.... et sur le champ nous éblouit. En effet, point déconfit, l'illustre abruti nous envoie à l'envi sa science... sushi ? Sapristi ? Sylvie ? Oh... tant pis pour la rime : bref, cet ahuri arrive à comprendre que quelque chose a cloché au niveau du transport.
Et parce que ce serait de toute façon chiantissime, inutile et... et parce que je suis narrateur, que j'ai la flemme et que c'est moi qui décide, on va sauter directement deux jours après. Non mais oh... j'suis narrateur, et je vous zut.

Donc, nous disions... deux jours après -sisi, faites pas chier-, nos deux valeureux mages ont vaguement achevé de pitoyables recherches dans le but de réunir leurs deux objectifs. Et on a déjà dit que ça consiste en "ouvrir une brèche stable" et "ne pas tout faire sauter", essayez de suivre. Ah, ces joueurs de nos jours... Enfin, on va admettre que vous n'êtes pas complètement perdus et on va poursuivre... donc, nos deux ~~héros~~ idiots refont une tentative, après avoir réactivé les gemmes de bulles évidemment... pfff, bande de lâches. Enfin, pour le moment ça a pas encore dérapé... mais vu d'ici, c'est pas fameux.

[Un tout petit peu complètement crevé... mais au moins, j'innove \o/ ]

Comme vous l’avez constaté, chères lectrices et chers lecteurs, mener une expérience magique de haut niveau violant les règles couramment admises dans les bouquins ne peut pas se faire sans de massives doses de bières et de coca, des crises de nerfs et l’envie de tout balancer aux oubliettes de la réalité. Telle est hélas la destinée de bien des expériences qui souvent n’étaient pourtant pas loin de fonctionner.

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », a fort joliment dit le célèbre fabuliste avant de prendre un gnon de la part d’un mage furibard qui venait encore une fois de louper l’incantation de la troisième schizpoulène aigue à crosses barbiques de Marakar le Dément (en français : le sort de la mort qui tue la vie vivante sur plusieurs kilomètres).

Le Ditronw Da’re regardait donc d’un œil intéressé le résultat de l’envoi d’un esclave par le portail. Intéressant… les objets ne ressortaient même pas, eux, mais les humains si. Enfin ressortaient… prenez une boîte de pâté (en promotion), mélangez avec plusieurs tomates et une bouteille de whisky dont vous aurez pris le soin de vous envoyer un godet avant. Passez tout cela au grand mélangeur de la vie… si vous n’en avez pas, les pales du rotor d’un hélicoptère russe au décollage feront l’affaire… et vous aurez à peu près ce que voyait Haldren.

J’admets volontiers que j’aurai pu me contenter de parler d’un tas de viande décomposé, mais où serait la poésie, hein ?

Bref, nos deux loustics se retrouvèrent donc bien dépourvus quand la bise fut venue… et… euh pardon… se retrouvèrent donc bien embêtés face aux résultats de l’expérience ratée. Mais par Uriz, pas question pour autant de mettre bas les armes. Après deux jours de recherches acharnées dans la parabole des ténèbres, d’autres grimoires et dans l’esprit d’Ethan [le narrateur précise à ce stade que cette dernière recherche fut la plus difficile au vu du foutoir qui y règnait], une explication s’imposa à eux.

Lorsque l’on passe dans les ombres, le sujet téléporté est enrobé par une bulle de réalité… se retrouver sans protection dans les ombres étant la meilleure voie vers une fin rapide et douloureuse, garantie deux ans pièces et main d’œuvre. Or dans une téléportation classique, cette bulle est uniquement reliée par le fameux fil de réalité dont nous parlons depuis le début de ce RP à son point d’arrivée. Pas là… dans le cas d’un portail, elle coulisse le long du fil…

Vous commencez à voir où je veux en venir ?

Non ?

Ah si dans le fond je vois une dame qui acquiesce, merci.

Bref, sans faire un cours sur l’interconnexion en deux morceaux de réalité dans les ombres, sachez juste que si des fuites se produisent dans votre bulle… ben vous êtes mal. Après ces deux jours donc, Haldren et Ethan pensaient avoir réussi à stabiliser suffisamment le sort pour pouvoir refaire une tentative. Ils se retrouvèrent donc dans la même salle, les esclaves de nouveaux réunis et pas très rassurés après avoir vu le sort de leur infortuné collègue….

Le portail s’ouvrit cette fois sans causer trop de difficultés, Haldren remarquant qu’à chaque fois cela lui paraissait plus facile, les soubresauts des seuils ne le surprenant plus comme la première fois.

Portail ouvert… jeu de test 1 : esclave nommé… euh on s’en fout, vous allez voir pourquoi…

Allez hop, Haldren et Ethan envoyèrent le pauv’gars faire un tour dans un lieu vraiment pas ordinaire et attendirent avec une impatience visible le résultat. Le seuil cible s’anima soudain, et l’esclave y réapparut… vivant et apparemment en un seul morceau ! yes ! champions du monde !

Alors qu’un grand sourire apparaissait déjà sur le visage des deux mages, les ombres se condensèrent autour de l’esclave, formant une sorte de bestiole à mi-chemin entre l’anaconda géant et le phacochère. La créature des ombres qui venait de traverser le seuil ne fit littéralement qu’une bouchée du malheureux dont vous comprenez pourquoi je ne me suis pas foulé à chercher un nom…

Dans une formule magnifique et lyrique, Haldren résuma l’état d’esprit qu’ils ressentaient à cet instant :

Fais chier !

Rebonjour, courageux lecteurs ! Car oui, il faut du courage pour regarder ces deux fous, dont l'allumé toujours à la recherche d'un moyen original pour s'envoyer en l'air... et malheureusement pas au sens figuré, ce qui nous aurait au moins fait un peu de spectacle. Enfin, je m'égare... et après deux jours de recherches ô combien intenses, peut être arriveront-ils enfin à quelque chose. Faire mieux que la première fois ne sera pas difficile, mais on ne le saura pas avant d'y avoir assisté...

Apparemment, leurs recherches ont permis de déterminer d'où venait la faille responsable de la disparition tragique de leur premier cobaye. Et plus ou moins de déterminer pourquoi les objets inanimés n'étaient même pas ressortis : si l'âme permet de garder un semblant de cohésion -enfin, allez dire ça au malheureux qu'ils ont charcuté- dans les Ombres, les objets eux ne possédaient pas d'énergie propre... et ont donc disparu en un endroit indéterminé entre les Ombres, la réalité et ma corbeille à idée vaseuses. Après tout, personne ne les regrettera... peut être un peu le scénariste, en train de pleurer sur la lente agonie de son intrigue, mais ça c'est pas notre problème.
Nous disions donc que ces deux zouaves... font un autre essai. Mise en place, check. Ouverture du portail, check. Envoi... ah, cette fois ils prennent directement un esclave. Mon collègue narrateur m'avertit ici qu'il est inutile de trouver un nom ou une histoire à ce pauvre hère, celui ci étant promis à un funeste destin. Chic chic chic, de l'action. Voyons donc ce qu'il nous a mijoté. On met un esclave et un portail dans la marmite, on laisse revenir à feu doux... dès que l'esclave est revenu, on admire le résultat... Ben alors, et la mort horrible, atroce et tragique qu'il devait connaître ? Ah, la fin est plus intéressante... oh, une entité. Superbe boulot... peut être un peu cliché, mais de toute beauté.

Haldren lâche ici un commentaire qui ne saurait être retranscrit, certains de nos lecteurs ayant encore quelques illusions sur d'éventuels vestiges d'élégance de nos deux illuminés. Ethan quand à lui se contente de... Hé, Ethan ? Tu dors ? Ah, c'est bon. Je disais donc : Ethan quand à lui se contente de... mais qu'est-ce qu'il fait, encore ?
Ah, il lâche également un juron, et se prépare... bon, on sait pas trop à quoi, mais pendant qu'il fait sa petite tambouille on va continuer le speech.
Donc, il est à savoir -ou non, vu qu'on s'en fiche un peu- qu'en envoyant quelque chose dans les Ombres, on risque d'en ressortir avec quelques bouts en moins... mais aussi quelques bouts en plus, qu'on aurait bien aimé laisser à leur place d'origine. Pour faire court, on génère parfois des entités pas très très contentes d'avoir été sorties de leur environnement 'naturel' : des Ombres hors des Ombres. Enfin, à moins... ah, on me signale qu'Ethan a fini. Cet hurluberlu commence donc par envoyer un objet vaguement sphérique sur l'entité. Sa traditionnelle fumée condensée, semble-t-il. Agresser une telle entité n'est peut être pas la bonne chose à faire, mais cette tentative a le mérite de montrer que les objets physiques ne perturbent absolument pas l'intrus.
Une fois l'esclave assimilé, l'entité se retourne vers Haldren... ah non, on ne va pas lui laisser tout le travail. Voilà, Ethan, c'est mieux. Donc, après s'être brièvement intéressée à Haldren, l'entité se 'tourne' vers l'origine de l'objet l'ayant traversée. Hé hé hé... allez Ethan, fais nous rêver.

Et, du coté de la réflexion d'Ethan... solution un : l'objet. Echec visible. Solution deux... solution deux ? Mais c'est quoi cette solution à la noix ? Il pourrait pas nous faire original, cette fois ? Enfin, il lance une gemme à Haldren, et... il parle. Oooh, il parle. Bref.

"Dans le portail."

Dans le portail ? Quoi, dans le portail ? Ah. La gemme, dans le portail. Parce qu'il est en train de faire... voyons ce qu'il fait, tiens. Sa solution deux, c'est... apparemment, l'ouverture d'un autre portail. Un des siens, cette fois... il prépare l'ouverture, et le lance. Non, contrairement à ce qu'on voit dans les films, il n'y a pas de ralenti spectaculaire et d'arrêt à moins d'un millimètre du héros : déjà, dans la réalité le héros finit souvent en quatre heures pour monstruosité, ensuite l'entité était encore à plusieurs mètres de sa cible -et sans ralenti- quand le portail s'ouvre et se précipite sur elle. Ethan lève une main vers sa cible, une autre vers le portail où la pierre vient de disparaître... non, aucune utilité à ça : c'est juste pour l'effet théâtral. Et... et l'entité disparaît dans les ombres, gentiment transposée par le portail. Et c'est tout ? Ah mais non... c'est pas drôle, ça. On va quand même pas lui laisser la gloire, à celui là... eh ben en voici une deuxième, namého ! Bon, elle est un peu moins classe que la première, mais à ma décharge l'autre narrateur a eu plus de temps pour fignoler la sienne.

Ethan fait la gueule. Hé hé... dans les dents ! Pour une monstruosité achetée, une offerte : offre limitée, profitez en. Bon, à ce moment Ethan semble réaliser que temporiser en ouvrant de beaux portails ne servira à rien... et qu'il n'y a que le monsieur d'à coté qui peut l'aider. Ooooh. Allez, il faut encore travailler ensemble pour sauver sa peau...

"Bon, d'accord. Une, ça va... mais je crois qu'on a assez progressé sur les recherches pour ne pas pousser trop loin... non que ces bestioles me déplaisent, mais je n'irais pas jusqu'à pique-niquer avec elles. Et vous êtes le seul à avoir le contrôle du portail, et à pouvoir le fermer... "

Après tout, ce cher fou n'est qu'une balise, la cible et le garde-fou... il sert à gérer les à-coté, à éviter que ça dérape... mais si ça a déjà dérapé, il ne peut plus faire grand chose. Ah si, se tuer en ouvrant portail sur portail pour renvoyer les bêtes d'où elles viennent.
Et surtout, si Haldren ferme le portail... il restera toujours une entité. L'envoyer dans les ombres, peut être ? Après tout, Ethan pourrait jouer la diversion pendant que son collègue prépare un sort... ou alors, l'envoyer loin. Un moyen de l'emprisonner ? Il cherche un moyen de l'emprisonner ? La garder et s'en servir comme jouet chez les humains pourrait attirer l'attention des mauvaises "personnes"... déjà que là... Ah oui, Ethan a enfin l'air de percuter. Ben oui, à force de jouer avec le feu... Ça pourrait déplaire.

Installé confortablement sur son canapé avec un sachet de pop-corn à la main, Haldren regardait le match en direct. A ma droite le champion en titre, Ethan, 86 kilos et un grain dans la tête. A ma gauche, . A ma gauche donc… euh… Gurk, bête des ombres, 150 kilos, et pas de tête du tout.

Enfin, on devinait vaguement un truc sur le corps de la créature qui se trouvait à l’emplacement que la nature choisit habituellement pour placer la tête, mais définir précisément ce dont il s’agissait est plus du domaine d’un peintre avant-gardiste que d’un mage du C’nors.

Magnifique duel, le champion a le match en main, et Gurk se voit obligé de subir. Il encaisse bien remarquez, mais là, le tombé est effectué dans le portail et le challenger est dégagé du ring. Oh attendez ! Voilà Gark, son frère ! Et oui les enfants, il s’agissait d’un tag-team match. Bon, alors, que fait Ethan ? Va-t-il changer avec Haldren, le champion du monde en titre ? Le plus beau, le plus grand, le plus intelligent de tous les drows jamais créés dans l’histoire de Mira ?

[A ce stade, le rédacteur pousse un soupir désabusé et se dit qu’il faut vraiment qu’il arrête de carburer au whisky pendant qu’il rédige.]

Bon, bref, Haldren entre à son tour sur le ring, et comme je suis flemmard, je vais directement aller au final. Le mage des ombres invoqua donc un tentacule d’ombre qu’il fit congler en plein sur la seconde créature, la repoussant en arrière dans le portail. A l’instant ou elle y basculait, il se concentra et ferma d’un coup les deux seuils.

Zoufffff…..

Bon, faisons un bilan de l’expérience. Grosso modo le principe marche, mais les effets secondaires ne sont pas tous corrigés, et il y a du pain sur la planche avant de disposer d’un portail d’ombre sur et opérationnel. Je dis « sur » selon les normes de la magie. Pour un mage, rouler à contresens sur l’autoroute n’est pas un comportement dangereux tant que vous ne lâchez pas le volant. Mais une chose était certaine, le Ditronw Da’re allait devoir faire encore quelques tests avant de pouvoir prétendre maitriser son nouveau jouet.

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