[Sanguette] Esclave à vendre

Cela faisait maintenant une semaine qu’elle était enfermée dans une pièce trop peu éclairée. Une simple torche murale qu’un serviteur était chargé de changer lorsque la flamme mourrait.
L’odeur de renfermé était forte, elle imprégnait tout ce qui se trouvait dans la pièce. Bien qu’il n’y ait pas grand chose à dire vrai. Un lit miteux, une petite table sur laquelle était posés un miroir et une cruche d’eau, et une chaise. Un mobilier rudimentaire, mais qui était largement supérieur à celui des chambres voisines. Mais cela Halystra ne pouvait le savoir.
Elle savait juste qu’elle venait d’être enlevée par un marchand d’esclave qui voulait être remboursé des dettes qu’avait contracté son père. Il comptait la vendre lors du marché d’esclave qui aurait lieu le lendemain. Mais elle ne comptait pas du tout se laisser faire.
Depuis plusieurs jours elle se débattait férocement chaque fois qu’on venait la chercher pour la présenter devant le dénommé Radkorn. Il prenait visiblement plaisir à la voir se tortiller ainsi entre les mains de ses deux gardes, seulement il savait qu’il faudrait la calmer un peu pour la vente. Quoi que ce genre de tigresse insoumise pouvait en exciter plus d’un.

- Demain je serais enfin débarrasser de toi et je récupèrerais enfin l’argent que ton imbécile de père me devait.

Sentant la colère bouillir en elle, Halystra se débattit encore plus violemment, ne rêvant que de se jeter sur cette ordure. Elle fut néanmoins calmée par une gifle magistrale que lui envoya en plein visage l’un des deux colosses.

- Doucement Rhal, il ne faut pas abîmer la marchandise. Surtout qu’elle pourrait me faire gagner énormément d’argent celle-ci.

Complètement sonnée, Halystra sentit ses jambes se dérober, les mains qui la tenaient l’empêchèrent de s’écrouler et la traînèrent vers sa ‘chambre’. Il lui fallut de longues minutes avant de se remettre totalement.

Alors qu’elle croyait qu’on allait l’oublier pour le reste de la nuit, elle fut surprise de voir rentrer à nouveau les deux gardes. Tout deux portaient un grand bac remplit d’eau fumante. Sans ménagement ils la saisirent, lui arrachèrent la robe qu’elle portait et la jetèrent dans l’eau chaude. Elle n’avait même pas eu le temps de protester, tant elle était surprise.
Ce fut lorsque les énormes mains d’un des deux hommes commencèrent à lui caresser le dos, sûrement dans le but de l’aider à se laver…enfin bref, c’est à ce moment qu’elle retrouva toute sa lucidité et qu’elle commença à lâcher tout un tas d’insultes et à sortir ses griffes. Après quelques coups et de bonnes giclées d’eau, Rhal l’attrapa par les épaules et la sortie de l’eau avec autant de facilité que s’il avait s’agit d’une poupée de chiffons.

Laissant glisser sur elle son œil pervers, il lui jeta de nouveaux vêtements puis quitta la pièce avec son acolyte emportant le baquet d’eau.
Tremblante de froid, Halystra enfila rapidement la robe que lui avait donné Rhal. Visiblement Radkorn savait mettre en valeur sa marchandise car cette robe ne dissimulait pas grand chose, un simple voile, sombre certes, mais laissant transparaître ses formes.

***

La nuit passa à une vitesse effroyable. Elle avait l’impression de n’avoir fermé les yeux qu’une seconde et déjà on entrait dans la pièce pour l’entraîner fermement dans les couloirs de la demeure de Radkorn. Très vite elle se retrouva en compagnie d’autres femmes, celles-ci tremblantes gardaient les yeux baissés. Alors qu’elle affrontait fièrement l’homme qui se tenait face à elle. Dans un dernier geste de protestation elle lui cracha au visage lorsque celui-ci s’approcha trop près d’elle. Cette fois, c’est lui qui se chargea de la gifler violemment avant de la pousser dans un long couloir. Elle marcha un long moment avant de se retrouver dans une grande pièce sur une grande estrade en bois devant une sorte de gradin creusé dans la roche où se pressait déjà un nombre impressionnant de drows. Dès lors elle n’entendit même plus les paroles que prononça Radkorn, elle le haissait, elle le méprisait, elle voulait juste le voir mort.
Les deux gardes avaient reprit leur poste et la tenait fermement alors qu’elle tentait encore vainement de se débattre

En se levant ce matin là, Haldren eut une idée… et s’il se rendait au marché aux esclaves ?

Hmm, pas convainquant n’est-ce pas ? Peu de gens se réveillent comme ça en se disant « tiens, je vais acheter une esclave ». Ridicule vraiment… reprenons donc avec la version corrigée.

En se levant ce matin là, Haldren décida de mettre son idée à exécution. Depuis plusieurs semaines, il se disait qu’il devrait bien finir par s’acheter une esclave pour s’occuper un peu de ses appartements, vaisselle, ménage, vêlements, faire… et défaire son lit… enfin bref, ce à quoi sert une esclave en règle générale.

De fait, les mages sont des gens souvent peu organisés. Oh, pas pour leur matériel magique, et ils retrouveront un grimoire aussi facilement qu’un porc trouvera des truffes. Mais un mage serait capable de sortir avec une tenue dépareillée lorsqu’il est penché sur un problème lié aux arcanes. Et puis bon, laisser faire le ménage par des serviteurs quasi-inconnus, cela relevait presque du viol de la vie privée. Sans compter qu’il fallait leur rappeler à chaque fois les précautions à prendre avec certains objets…. ou devoir ensuite faire nettoyer la boucherie résultant de leur inattention.

Ceci étant dit, vous comprenez pourquoi le Ditronw Da’re désirait s’acheter une esclave. Jusque là pas de problème, restait à trouver le temps de s’en occuper. Or ce matin là, il savait que devait avoir lieu une vente chez Radkorn, un marchand aussi réputé pour la qualité de ses produits que pour sa dureté en affaire. S’habillant rapidement, le mage prit une bourse et sortit de la Chambre Arcanique, prenant d’un bon pas la direction des niveaux supérieurs.

Lorsqu’il arriva dans la grande pièce des ventes, en fait un simple entrepôt à côté de la demeure de l’esclavagiste, Haldren se rendit compte qu’il y avait déjà foule. Fendant la foule en bousculant sans se gêner les uns et les autres, il se fraya un chemin jusqu’au premier rang. Personne bien sur n’osa rien dire bien sur, la sinistre réputation du Ditronw Da’re était connue et tous savaient qu’il valait mieux éviter de contrarier ce puissant personnage.

Ah, la vente allait commencer. Restait à espérer qu’il trouverait son bonheur.

- Aujourd’hui comme à chacune de mes ventes vous ne trouverez que de la qualité rien que de la qualité. Et on commence tout de suite avec ce jeune drow extrêmement docile…

Et blablabla…
A côté d’elle, Halystra voyait chacun des esclaves s’avancer sans besoin qu’on les y force. Ils relevaient la tête pour que les acheteurs puissent bien les voir puis, une fois la transaction terminée, quittaient l’estrade sagement pour rejoindre celui que venait de vider sa bourse de quelques pièces.
Non, elle ne voulait pas finir enchaîner à un maître que ne se gênerait pas pour lui dicter ces quatre volontés. Elle était née libre, elle avait toujours vécue libre et elle ne voulait pas finir esclave à cause des erreurs de son père.
Son pauvre père…assassiné par ce porc, ce bouffon de Radkorn. Il méritait de mourir, elle aurait voulu lui arracher les yeux, lui planter une dague dans la gorge pour le faire taire. Mais les deux gorilles la tenaient tellement fermement qu’elle commençait à avoir les bras engourdis. Les minutes passèrent et les esclaves qui la précédaient furent vendus, certains avec plus de rapidité que d’autres.

Alors la voix de Radkorn s’éleva plus haut que le brouhaha des conversations :

- Voici maintenant la perle de cette vente. Une beauté encore insoumise. Elle comblera celui d’entre vous qui voudra la dompter.

Les deux gardes avancèrent de quelques pas, trainant Halystra jusqu’au devant de l’estrade pour la faire avancer dans la lumière. De ses yeux elle balaya la salle et croisa les regards avides et envieux. Certains regrettaient leur première acquisition et protestaient ouvertement, d’autres se rapprochaient pour mieux admirer la marchandise.

Cette fois, Halystra se débattait parce qu’elle voulait fuir, tant pis si elle devait remettre sa vengeance à plus tard. Ces regards la terrifiaient bien qu’elle n’en montra rien.
Ses tentatives étaient vaines voire ridicules pourtant elle montrait que les dires de Radkorn étaient vrais.

- Voyez ses cheveux, les plus fins et les plus doux, son visage ne possède aucune imperfection et que dire de ses courbes.

D’une main, le commerçant attrapa un pan du voile qui habillait la drow et tira sèchement. Se retrouvant nue devant l’assemblée, ses longues mèches de cheveux blancs soulignant ses formes, Halystra sentit des larmes de rage lui monter aux yeux. Elle le tuerait, un jour elle se vengerait.

- Les enchères commencent à quatre cent écus.

Radkorn était fou, personne ne l'achèterait à un prix pareil, pourtant déjà des mains se levaient dans l'assistance au grand étonnement d'Halystra.

Les premiers esclaves furent vendus assez rapidement, Radkorn, en vieux renard du circuit, faisant peu à peu monter la qualité… et bien sur les prix. Une ou deux femelles attirèrent l’attention du mage mais pas au point de le décider à lancer une enchère. Il lui en fallait une qui sortait de l’ordinaire, pas simplement un joli corps servile prêt à tout pour échapper à son courroux. Un esclave particulier devient presque une extension de son maître, et pour cela il faut pouvoir le modeler à sa convenance.

Lorsque la perle de la vente, comme le dit Radkorn, fut amenée sur l’estrade, Haldren se rapprocha quelque peu encore, la détaillant de près. Magnifique drow en effet… ce qui lui fut confirmé lorsque le marchand d’esclave la dénuda pour que les acheteurs potentiels puissent mieux estimer la qualité de la marchandise.

Un corps de rêve, des réflexes de tigresse… oui, voilà l’esclave qu’il cherchait. Ses efforts désespérés pour se libérer, ses larmes de rage, le regard empli de haine qu’elle jeta à Radkorn, tout cela démontrait un potentiel colossal pour qui saurait la dompter, la ployer à sa volonté. Le prix de départ s’en ressenti d’ailleurs, 400 écus en entrée, voilà qui la mettait déjà au double du plus fort prix d’achat pratiqué jusque là. Mais elle monterait encore bien au-delà.

Les hausses ne tardèrent pas d’ailleurs…

Quatre cents dix.
Et vingt.
Vingt cinq !
Quarante.
Cinq !
Soixante cinq.
Cinq cents écus.

La voie du mage s’éleva et calma net l’assistance. Cinq cents écus pour une esclave, cela n’était vraiment pas fréquent. Tournant sur lui-même, le maître du C’nros fusilla du regard les autres acheteurs potentiels, qui baissèrent le regard, peu désireux de fixer les pupilles laiteuses prometteuses de souffrances. Un gras marchand, un peu trop éloigné peu être pour ressentir l’aura de terreur cru pouvoir monter encore.

Cinq cents vingt !

Incantant distraitement un tentacule d’ombre, Haldren l’envoya s’enrouler autour du cou du gêneur et grogna :

Vous vouliez surement dire quatre cent vingt n’est-ce-pas ? Cette enchère est déjà dépassée.

A moitié étouffé, sa victime réussit péniblement à murmurer :

Oui…. quatre…. quatre cent….

Relâchant son sortilège, le Ditronw Da’re fit de nouveau face à l’estrade. Des procédés tel que celui qu’il venait d’utiliser étaient pour le moins déloyaux lors d’une vente aux enchères, mais un rappel à l’ordre de la prééminence des seigneurs drows n’était jamais inutile pour maintenir la populace à sa place. Où irait-on si chacun croyait pouvoir discuter avec son supérieur d’égal à égal ? Le marchand ne devait d’ailleurs la vie qu’à l’intérêt prononcé d’Haldren pour le corps dénudé de l’esclave, corps qui dominait son attention.

Bien, avec cinq cents écus je crois avoir fait la meilleure offre, n’est-ce pas Radkorn ?

Au grand désarroi d’Halystra, les enchères s’envolèrent. De quatre cent écus, le prix était monté jusqu’à cinq cent…qui pouvait bien avoir assez d’argent pour le dépenser aussi inutilement. Un frisson parcouru l’assemblée lorsqu’un homme loin dans les gradins renchérit à nouveau. La peur coula dans ses veines et la figea sur place. Un homme venait d’élever la voix, il se tenait juste devant l’estrade et l’observait. Il ne lui fallut pas plus d’une seconde pour mettre un nom sur son visage…le Ditronw Da’re…
Elle avait été acheté par le maître du C’nros. Mais pour qui la prenait-on ? Moins d’une semaine auparavant elle avait une vie banale, elle habitait chez son père, rencontrait de jeunes et beaux drows avec qui elle passait des nuits forts agréables…et maintenant elle se tenait complètement nue, sur l’étal d’un marchand d’esclave. Et comme si cela ne suffisait pas elle venait d’être achetée par l’un des hommes les plus puissants du Puy…

- Seigneur Baenfere, votre présence m’honore.

Descendant de l’estrade, Radkorn se rapprocha du mage et s’inclina légèrement avant de le regarder droit dans les yeux. Visiblement il pensait pouvoir marchander encore un peu, l’homme en face de lui était riche et pouvait donc se permettre de payer débourser encore un peu.
D’un signe, ses hommes de mains ouvrirent les portes et demandèrent aux gens rassemblés de quitter les lieux.
La présence du mage devait en inquiéter plus d’un car la foule se pressa aux portes tandis que Radkorn tournait son regard vers Haldren.

- Vous avez l’œil, cette drow sera vous satisfaire. Elle vaut bien plus que les cinq cent écus annoncés…vous comprenez bien que….que…

Halystra releva la tête. En bas de l’estrade Radkorn s’était tu…il jeta un regard paniqué vers les deux gardes qui la tenaient solidement et ceux-ci lui firent descendre les escaliers de bois et la placèrent près de Radkorn, face à son acheteur.

- Voyez…cinq cent écus c’est bien peu pour elle…

L'homme posa alors ses mains poisseuses sur elle et la caressa sans aucune gêne, prenant visiblement plaisir à toucher une dernière fois cette marchandise qu'il s'apprêtait à céder au plus offrant. Halystra se débattit à nouveau, tentant par tous les diables d’atteindre cette ordure, de lui crever les yeux...
Mais lorsqu’elle croisa le regard du mage, elle se glaça à nouveau.
Bien que sa rage soit à son niveau maximal, la jeune femme tremblait aussi de peur…c’est homme l’effrayait. Mais elle ne se laisserait pas faire, jamais. Elle était libre et elle le resterait, tant pis si elle devait y laisser la vie.

- Une vraie tigresse ! Vous aurez tous les plaisirs du monde à la dresser, alors six cent écus seraient plus appropriés pour une telle marchandise…

La foule ne se fit pas prier pour sortir, se bousculant pour s’éloigner au plus vite de l’endroit. Rester trop près du Ditronw Da’re pouvait être le symptôme d’une maladie aussi rapide que mortelle. S’approchant, Raskorn fit une courbette obséquieuse et tenta de négocier une nouvelle hausse du prix. Sans doute était-il désappointé de l’intervention du mage qui avait arrêté certains acheteurs prêts à aller au-delà…

Tentant de décider ce client peu habituel, il fit descendre Halystra, toujours dévêtue. Sans vergogne, il posa ses salles pattes sur le beau corps d’ébène de l’esclave qui tentait d’échapper à la poigne de fers de ses geôliers et tenta de nouveau de persuader Haldren de monter son prix pour obtenir… cette tigresse…

Mais la réaction du mage ne fut pas celle à laquelle il s’attendait. L’attrapant à la gorge, le Ditronw Da’re le propulsa contre un mur. Beaucoup s’étonnaient en voyant l’impeccable condition physique qu’entretenaient les hauts mages, mais effectuer de la magie, de la vraie magie s’entend, aller titiller l’inconnu, prendre des risques à chaque instant, tout cela demandait une force et une endurance pas seulement mentale. Le corps lui aussi se retrouvait soumis à rude épreuve.

Les deux gardes qui tenaient Halystra n’osèrent pas bouger. Défier le Ditronw Da’re, un Prima Sanguis, le plus puissant mage du Puy… très peu pour eux… peu importait leur salaire, il n’incluait pas de se frotter ce genre de personnage. Des histoires horribles couraient sur le sort des adversaires des grands mages. On parlait de tortures centenaires, de lambeaux de chair que la vie ne pouvait quitter… enfin pas mal de bêtises mais aussi certaines vérités.

S’approchant de l’esclavagiste qui se recroquevilla contre un mur, Haldren grogna d’une voix rauque :

Dès l’instant ou j’ai donné mon prix, cette drow m’appartenait. Suis-je assez clair crapule ? Et je t’interdis de la toucher sans mon accord. Quand à tes six cent écus, oses encore une fois tenter de marchander avec moi et je te livre en pâture à mes nécromanciens, ils ont toujours besoin de chair fraîche pour leurs travaux. Je te payerai cinq cent, pas un écu de plus.

Comptant la somme, il jeta la bourse d’or aux pieds l’esclavagiste qui fila sans demander son reste. Se retournant, Haldren ordonna d’un ton sec aux deux gorilles terrifiés :

Vous deux, lâchez là !

Halystra ne s’était pas attendue à pareille réaction…et Radkorn non plus d’ailleurs. Plié en deux au bas du mur contre lequel l’avait jeté le seigneur Baenfere, il gémissait de douleur. Cette image avait quelque chose de jouissif pour la jeune femme, elle regrettait seulement de ne pas avoir pu le faire elle-même.
Elle avait presque envie de sourire, de rire devant cet homme qui avait été assez idiot pour vouloir marchander avec le Ditronw Da’re, cependant son nouveau ‘propriétaire’ était toujours là et il émanait de lui une telle énergie qu’elle n’avait toujours pas la moindre envie de faire un geste.
D’une voix grave et sèche, il ordonna aux deux gardes de la lâcher. Ces deux là ne se le firent pas prier, trop effrayés qu’ils étaient par la colère du mage. Sans rien ajouter, ils remontèrent sur l’estrade et disparurent derrière l’épais rideau qui masquait l’entrée du couloir.

Se retrouvant seule devant le seigneur Baenfere, Halystra plaça ses bras, croisés, sur sa poitrine, essayant de respirer calmement.
Malgré son ego et sa fierté, elle devait bien reconnaître que cet homme l’effrayait…Il avait un visage si froid, si dur qu’elle ne supportait pas de le regarder droit dans les yeux.
Peut-être était-ce juste parce qu’il s’agissait de la première fois qu’elle le voyait si près, ou parce qu’elle était la cible de son attention…

Un coup d’œil derrière son épaule, elle vit que les portes, quelques minutes plus tôt grandes ouvertes, étaient maintenant fermées. Elle ne pourrait même pas tenter de fuir…
Mais à quoi bon ? Pour recevoir un coup dans le dos ? Pour mourir comme son père ?
Non elle voulait voir son assassin, le regarder droit dans les yeux et ne surtout pas mourir comme une lâche.

Les yeux rivés au sol, Halystra recula d’un pas… puis d’un autre, jusqu’à se retrouver acculer contre l’estrade.
N’y avait-il aucun moyen d’échapper à cette situation ?
Elle voulait retourner dans sa petite maison, retrouver la vie qu’elle appréciait jusqu’à lors, bien que son crétin de père ne sache visiblement pas jouer au jeu de hasard, lui au moins avait la chance de ne plus être de ce monde. Alors qu’elle, elle devrait subir cette situation qu’elle n’avait jamais voulu.

Lorsqu’elle leva à nouveau les yeux, le mage n’avait pas bougé, il l’observait toujours. Tremblante de froid et de peur elle sentit un vent de protestation souffler violemment en elle.
C’était injuste.

- Je ne serais jamais à vous, murmura-t-elle, aucune pièce ne m’achètera jamais.

C’était ses premières paroles, depuis des jours elle ne disait rien, pas un mot. Juste des grognements de rage et des cris de haine lorsqu’elle frappait de ses poings contre la porte de sa cellule. Elle savait parfaitement ce qui l’entendait et s’était sûrement la dernière fois qu’elle pourrait ainsi se permettre de parler aussi librement. Mais elle lutterait, il aurait du mal à la plier à sa volonté car elle ne se laisserait pas faire.

Resté seul avec l’esclave, Haldren patienta. Qu’elle tente d’échapper à sa situation… il lui faudrait tuer cet espoir, mais pas tout de suite. Qu’elle se recule, vaine tentative pour retarder l’inévitable, qu’elle affirme pouvoir conserver sa liberté, son indépendance. Il ne s’attendait pas à la trouver docile, sinon il aurait achetée une esclave déjà dressée.

Les yeux baissé, elle recula jusqu’à se retrouver acculée contre l’estrade. Une tigresse avait dit le marchand… et il fallait admettre qu’il y avait une certaine félinité dans ses mouvements, ce qui ne l’en rendait que plus désirable. Oui, elle valait bien les cinq cents écus qu’il avait payé pour l’acquérir.

Le mage pouvait presque lire dans son esprit. Elle se rebellait contre le triste sort qui était le sien, tentait d’imaginer des moyens pour échapper à ce qu’elle savait pourtant être inévitable. Fascinant comme les drows dont les veines ne charriaient pas le sang le plus pur de leur race pouvaient continuer à s’illusionner sur l’avenir malgré une écrasante réalité.

L’espace d’un instant, le mage se rendit compte qu’il ne savait pas comment cette jeune drow s’était retrouvée esclave. Cela devait être fort récent au vu de son insoumission. Pour l’instant, elle tentait de lui résister mais bientôt elle ramperait à ses pieds, n’espérant plus qu’une chose : voir la satisfaction inscrite sur le visage de son maître.

Enfin, une cour déserte n’était pas le meilleur endroit pour commencer un dressage, et Halystra risquait de prendre froid à se balader nue. Détachant sa cape, il la lui tendit.

Couvre-toi avec cette cape et suis-moi.

Se couvrir, ça elle n’allait pas se faire prier davantage, elle était gelée. Lorsqu’il lui tendit la cape, Halystra l’attrapa d’une main tremblante et la passa sur ses épaules. Le tissu était encore chaud et la sensation fut agréable. Ce serait sûrement la dernière avant très, très longtemps.
Son envie était partagée entre suivre le seigneur Baenfere sans faire d’histoire ou se jeter sur lui pour en finir avec cette situation. Cependant, elle tenait trop à la vie pour vouloir la perdre...elle n'avait que cent quinze ans...ce n'était rien pour un drow. Mais serait-elle prête à vivre le reste de sa vie comme esclave? Et c’est homme était tellement puissant…qu’aurait-elle pu contre lui ? Il avait une telle façon de la regarder…il était évidemment qu’il savourait cette supériorité, ce pouvoir qu’il avait sur elle.
Et bien à défaut d’avoir sa liberté, elle se contenterait de lui résister. Peut-être pas de la façon qu’il pensait. Après tout, si elle lui obéissait…elle aurait la paix. S’il n’avait rien à lui reproché, peut-être se contenterait-il de lui donner des ordres, qu’elle s’empresserait d’exécuter parfaitement et qu’il la laisserait tranquille.

Mais elle avait une conscience, aussi étonnant que ce soit pour une drow. Elle ne pouvait supporter autant d’injustice et d’humiliation. Si c’était un de ces hommes stupides, un sombre idiot qui l’avait acheté, au moins elle aurait pu tenter de s’enfuir. Elle aurait pu lui murmurer de douces paroles aux oreilles et le tuer pendant son sommeil…mais là c’était un mage…un puissant mage et elle ne pourrait absolument rien contre lui.
Peut-être savait-il même ce qu’elle pensait à cet instant.
Après un bref instant d’hésitation, elle finit par baisser les yeux et s’avancer vers lui.
Les dieux seuls savaient où elle allait finir la journée, et elle était certaine que ça n’aurait rien d’un palais confortable. Ce serait une effroyable prison avec un terrible geôlier qui ne raterait pas une occasion de lui rappeler qui était son maître maintenant.

Mais pour l’heure elle ne voulait pas d’esclandre. Elle avait encore un peu de fierté et elle ne voulait plus se faire humilier devant une foule d’inconnue. Autant attendre d’être chez le mage pour ça.

L’idée d’être une esclave modèle lui revint en mémoire, c’était réellement tentant. Surtout si ça pouvait lui éviter quelques souffrances inutiles. Mais lorsqu’elle croisa les yeux de l’homme à quelques centimètres d’elle, elle sentit la rage monter à nouveau en elle. Ses yeux se brouillèrent mais elle détourna dignement la tête pour que ce détail échappe au regard vif de son acheteur.

Non, elle ne serait pas une esclave modèle…du moins tant qu’elle le pourrait.

Véritable mouton noir dans l'enclos, brillant par son manque d'enthousiame, marchant lentement entre les Drows désireux de se procurer une nouvelle satisfaction ou une nouvelle raison de se sentir supérieur, Légion jetait des regards furtifs aux estrades, où les multiples esclavagistes tentaient tant bien que mal de vendre des esclaves pitoyables, à la qualité médiocre. Le nécromancien avait beau s'être exilé durant la majeure partie de sa vie, il avait l'oeil pour évaluer la qualité d'un esclave au simple regard. Certains vendeurs osaient même descendre de leur podium pour venir le voir, tentant de le convaincre d'acheter une de ses pommes pourries:

-Hola, monseigneur! Vous allez bien? Que diriez vous d'un esclave des plus productifs?

Pour le pur plaisir de voir comment cet esclavagiste se débrouillait, il s'arrêta, suivant le regard du vendeur: Un maigre elfe, chétif, presque vieux, ridé... Pour un elfe, excepté le chétif, ça la faisait pas vraiment. Légion éclata d'un rire méprisant avant de cesser toute rigolade et de toiser l'esclavagiste d'un regard dur:

-Combien?!

La voix était autoritaire, voire effrayante. Le Drow couina quelconque réponse pitoyable, ayant perdu de sa superbe:

-...300 écus?

Légion le prit par le collet:

-300?! Ce pathétique esclave en vaut tout au plus 100! Quelle arnaque tu tente de nous faire passer? Laisse moi deviner: De surcroit, il est lépreux?! Ridicule! Totalement ridicule!

Il poussa brusquement l'esclavagiste recroquevillé sur son podium, avant de reprendre sa marche. Dans son dos, il entendait les gens s'indigner du prix de l'elfe, maintenant que Légion leur avait ouvert les yeux. Les Drows le huaient, et lui leur proposaient des prix maintenant ridiculement bas. Mais malheureusement pour lui, sa crédibilité est maintenant partie en fumée. Pauvre lui. Qu'allait-il faire de sa vie? Eh bien, pour tout ce qui concernait Légion, il pourrait lui servir de zombie dans un futur éventuellement proche...

C'est alors qu'il s'arrêta, de son plein gré, à la scène d'un autre esclavagiste. Presque identique, trop vendeur, mais il ne pouvait lui en vouloir: La vente d'esclaves n'était pas seulement une négociation; c'était aussi un spectacle. Les gens aimaient hurler des chiffres et voir le vendeur se dandiner sur la scène en répétant ces mêmes chiffres. Il s'approcha, se glissant lentement entre les acheteurs, s'approchant de l'estrade. Quelques esclaves attirèrent son attention: Un humain barbu et musclé, qui serait étonnament utile pour les lourdes tâches, et une Drow d'une grande beauté qui serait bien essentielle pour assouvir ses désires défaillants. Mais Il n'en avait cure; il avait déjà une esclave, et ce serait bien la seule qu'il garderait pour lui. Il n'était ici que pour s'immerser dans la vente d'esclaves.

La marchandise était plutôt potable, mais il y avait peu d'esclaves. Sur les 5 présents, seulement deux étaient dignes d'être achetés. D'ailleurs, c'était le tour de la Drow. Les mains fusèrent dans les airs, hurlant des chiffres à tue-tête... Bande de pervers...

C'est alors qu'il remarqua le futur propriétaire, un Drow à l'attitude autoritaire qui acheta l'esclave à 500 écus. Un prix bien élevé, mais il ne doutait pas que le Drow faisait une bonne affaire. Mais voilà que le vendeur décidait de faire encore grimper le prix. Erreur fatale pour sa part, car l'acheteur l'envoya bouler dans un coin, un peu comme lui avait fait avec l'esclavagiste de tout-à-l'heure. Il prit la main de la Drow pour quitter l'estrade avec, laissant le vendeur tout seul sur la scène. Les gens étaient silencieux, commencant à comprendre que le spectacle était fini. Ils commencèrent à quitter l'endroit, regardant d'autres estrades. Bientôt, il n'y avait que Légion devant l'estrade. L'esclavagiste n,avait pas bougé d'un poil.

Le nécromancien grimpa sur la scène, toisant le vendeur d'un air faussement compatissant. Réellement, il avait un réel mépris pour lui.

-Eh bien, il faut avouer qu'il n'y est pas allé de main morte... dit-il d'un air faussement amusé.

-Laisse moi tranquille... répondit-il d'un air arrogant. N'est ce pas assez d'être humilié de la sorte? Va t-en...

-Si tu veux. Je venais simplement te proposer une entente...

Le vendeur se releva immédiatement, une lueur de malice dans les yeux.

-Quoi donc? Explique, je n'ai pas tout mon temps. J'ai d'autres esclaves à vendre!

Légion s'approcha du vendeur:

-Je ne suis pas ici pour critiquer tes techniques de ventes; ça, tu te débrouilles seul...

-J'espère bien! Ricana le vendeur, dans son arrogance de Drow.

Légion le toisa, le faisant taire, continuant son offre:

-Voilà... Je viens seulement critiquer tes produits. Tu en as peu, et Ce ne sont pas tous de la meilleure qualité. Tu dois changer de moyen! Et JE suis ce moyen...

Le Drow vira au rouge:

-Comment oses-tu? Mes esclaves sont de la plus grande quali...

-N'essaie pas de jouer ce jeu avec moi! Nous savons tout les deux qu'il n'y avait que la Drow qui allait t'apporter du profit! Choisis mieux tes esclaves!

-Et que me propose tu?

-J'ai un moyen efficace de te procurer des esclaves utiles et attirants. Mais pour cela, tu dois me faire confiance! Acceptes, et tu ne regrettera pas...

En fait, c'était un énorme mensonge: Légion savait où trouver des esclaves potentiels; Il ne le ferait juste pas. Du moins, pas maintenant. Il désirait prendre la place du vendeur, et ainsi éviter de gravir les échelons d'esclavagiste, pour ainsi se retrouver associé avec le Drow. De là, il songera à s'en débarasser pour prendre sa place, et ainsi posséder sa compagnie. Mais tout cela, il ne le dira pas, bien entendu...

-J'ai une preuve de ta confiance?

Légion ricana:

-Demain, je te ramènerai une esclave telle que tu n'aura jamais vu... Une humaine, d'un charme et d'une beauté que tu n'aura jamais vu! Elle provient de ma source d'esclaves. Et crois moi, elle Nest qu'une perle parmi tant d'autres...

L'esclavagiste se frotta le menton:

-Alors amène la moi, et je verrai en tant et lieu...

-Alors, nous sommes associés?

-Hmmm... Oui, je crois bien que nous ayons trouvé un terrain d'entente; Tu fournis les esclaves, je les vends.

-Parfait! conclut Légion

Ainsi, L'esclavagiste pensait profiter de Légion, lui donnant la tâche sale. Mais Légion savait que de paraître soumis était le meilleur moyen de se faire des amis. Surtout avec les riches comme lui. Plus tard, il verra la gravité de son acte...

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