A la découverte du monde [1er RP - libre]

Cela faisait plusieurs jours que Tali marchait sur les routes du territoire nain. Cela lui semblait une éternité pour elle qui n'avait jamais quitté les abords de la ville d'Almia. Après maintes recommandations de sa mère et de quelques nains de la ville qui avaient un peu voyagé, elle était partit seule à l'aventure avec sa harpe et sa flute pour compagne.
Le début de l'été est propice au voyage et elle ne rencontra que peu d'encombres sur le chemin.
Au bout d'une longue marche elle découvrit enfin la grande cité souterraine. La fierté des nains. Elle avait entendu mains récits sur cette ville immense et Tali rêvait depuis longtemps de la visiter. De plus, maintenant qu'elle était majeure elle pouvait signer les tables de lois et se sentir enfin une vrai naine, libre et indépendante !

Après avoir gravé son nom dans la pierre elle demanda son chemin à un garde afin de trouver une taverne accueillante. Suivant les indications elle se retrouva dans la cavité principale grouillante de vie. Tout n'était que contraste face à la petite ville d'Almia à laquelle elle était habituée. Décontenancé par toute cette foule, Tali respira un grand coup pour ne pas céder à une légère vague de panique qui la menaçait. Quelques doutes vinrent aussi titiller son esprit la faisant regretter pendant une poignée de seconde d'être parti de chez elle.
Alors qu'elle scrutait les murs de la cavité à la recherche de la taverne elle découvrit la diversité et la richesses des échoppes, elle entendit les rires les conversations futiles des nains et tout cela la rassura.
Une enseigne attira son regard et elle se dirigea vers le lieu de sa recherche.
La fin de la journée était bien avancé et l'heure du souper ne tarderai pas. L'établissement, presque plein respiré la bonne humeur et la bonne bière. Deux nains s'occupait de l'ambiance avec un violon et un tambour.
Se faufilant parmi les tables et les clients, Tali atteint rapidement le comptoir où un nain à la face rouge et jovial lui demanda ce qu'il pouvait faire pour "cette p'tite naine".

- Bonjour, je suis barde et je viens d'arriver en ville. Si vous voulez bien accepter je vous propose mes chants contre un repas chaud et une chambre pour cette nuit. Je prends le repas du matin à mes frais.

Arborant le sourire le plus convaincant qu'elle pouvait, Tali scruta le tavernier pendant que ses propres jambes tremblaient comme des feuilles en plein vent. Le nain lui fit signe d'attendre et alla parlé à une naine brune qui opina du chef tout en servant des clients. Le nain revint devant Tali et tapa du poing sur le comptoir avant d'hurler :

- Vot' attention tout le monde ! Ce soir nous avons une ptiote barde à notre table ! Alors rameuter les familles et les amis ! Puis il continua moins fort en s'adressant à Tali : C'est bon pour ce soir, prenez une table et ma femme vous apporteras quelque chose.

Rouge d'embarras Tali bredouilla un merci suivi d'un autre et se retourna à la recherche d'un table. Elle zigzagua parmi les tablées cherchant un coin assez tranquille pour poser tout son bardas.

Le Haut-Prêtre avait beau être tombé amoureux de l'apaisant silence de son Temple, si doux pour l'esprit du chercheur de sagesse, il ne refusait jamais une bonne bière.

Il y avait là ce que la sagesse des Maîtres Elfes n'avait su comprendre - et ne comprendrait probablement jamais... A savoir que les meilleures méditations, et les plus brillantes idées, venaient au Nain attablé à sa soulographie, l'œil vaguement plongé dans la foule des buveurs.
Ainsi, souvent, l'on pouvait croiser Dun Eyr dans la fumée des Tavernes, taciturne et souriant, éthéré de rêves.
Et peu auraient cru qu'en un tel moment, il errait parmi les plus nobles songes...

D'un regard flottant, Dun Eyr nota la forte silhouette d'une petit Naine. Une étrange petite Naine, sans barbe aucune.
Le Haut-Prêtre ne s'intéressait pas beaucoup aux Naines. Il trouvait même que leurs effigies portaient plus d'éclat dans la pierre ciselée que dans leur chair propre.

Son âme dansait sous les étoiles de la pensée, éperdue, mirifique. Le Nain crut entendre que c'était là une Barde qu'il lorgnait doucement, et cela réveilla à demi ses esprits rêveurs.
Une Barde ? Cela faisait fort longtemps que Dun Eyr n'avait plus entendu les récits du petit monde des Nains du Nord. A force de voyager de Comté d'Elfes en Duché d'Hommes, et de bibliothèque en conservatoire, sa mémoire n'avait plus de la Geste Naine qu'un souvenir changeant.

Peut-être, si la Barde était venue, aurait-il pu renouer avec les fiers Mythes des jours passés.

Mais pour l'heure, il était si bon de rêver, encore, encore...

La taverne se remplissait si rapidement qu'aucune table n'était plus libre pour la jeune barde habituée à beaucoup moins de monde dans sa ville reculée entre les montagnes. Croisant les bras et grommelant dans la barbe absente qu'elle avait rasée le matin même, elle fit un tour sur elle-même cherchant desespéremment où s'asseoir. Dans son petit tour elle heurta un nain vidant une chopine. Il la taquina avant de lui dire de faire un peu plus attention.
Tali se confondit en excuse et finit par s'asseoir sur la première chaise vide qui s'offrait à son arrière-train.
Dans un soupir elle laissa tomber son sac de ses épaules et le posa à ses pieds. Vérifiant que sa harpe n'avait rien, elle s'avisa enfin de vérifier si quelqu'un partageait sa table.
Face à elle se trouvait un nain dans la force de l'âge. La barbe grisonnante et le visage doux malgré les rides, ses yeux semblent-il noirs donnaient l'impression d'être perdu dans un rêve indéfini.
La femme du tavernier déboula et posa devant elle une chope de bière mousseuse avant de repartir aussi vite après lui avoir glisser que le repas suivrait bientôt. La mousse donna mine de s'échapper du verre et Tali fit vite fait de retenir de son doigt la petite capricieuse.
Gênée, elle leva enfin les yeux vers son compagnon de table.

- Bonsoir ... J'éspère que je ne vous dérange pas, mais plus aucune table n'est libre alors ...

Elle sourit doucement avec une moue d'excuse. Finalement toute l'assurance qu'elle avait à Almia avait disparu durant son voyage et il ne lui restait plus grand chose maintenant. D'habitude elle aurait été un peu plus hardi mais toutes ces nouveautés, cette plongée dans l'inconnue la troublait. Elle espéra qu'elle réussirait à chanter ce soir ...

Alors même qu'il suivait des yeux les tribulations de la Naine perdue dans la Taverne, bousculée et malmenée par la foule des consommateurs plus ou moins imbibés, Dun Eyr planait en des songes à mille lieues de la terre de roche. Il ne sourcilla pas lorsque la Barde s'assit à sa table, ni même au son de ses quelques paroles d'excuse murmurées.
Seul le demi-sourire gêné qu'elle esquissa pour lui commença de dissiper les folles considérations du Nain renfrogné.
Elle avait le sourire Nain, se dit Dun Eyr, les fières dents des Enfants de la Pierre, et cela était fort beau.

Avec une douceur amusée, la Haut-Prêtre la considéra, seule, agrippée à sa chope mousseuse comme un naufragé à son esquif dans la tempête. Perdue dans les flots des buveurs croulants, la Naine paraissait effarouchée : la fournaise de la salle, les crépitements de la viande rôtie dans l'âtre, le chant des mineurs éreintés, le claquement des bocks entrechoqués sur les tablées... Aucune autre cité du fier peuple barbu n'aurait su offrir autant de chaleureuse rudesse.
Ce n'était, finalement, peut-être pas sans raison, que les voyageurs disaient de Kirgan que c'était le seul endroit sous terre, où les Nains allaient se reposer au fond des mines entre deux virées à la Taverne...

Complètement tiré de sa rêverie bleue, et bienveillant comme une vieille pierre fort polie, Dun Eyr répondit par quelques aimables paroles à la Barde :

- Les tavernes, dit-on, ont été bâties pour que les Nains puissent y échanger des rires. Aussi assieds-toi, Sœur Naine, et buvons de concert nos breuvages ; après tout, l'heure est au houblon, aux sourires fous et aux danses de Girdon le Gros. Mis dis-moi, tu me sembles venir de quelque autre Cité des Nains, et peut-être as-tu beaucoup voyagé. Quelles nouvelles de nos frères des autres Galeries, Amie Naine ? Et d'où viens-tu ainsi, une lyre passée sous le bras ?

Dun Eyr sourit tout en disant ces paroles, certes protocolaires, mais vibrantes et amicales. Et pourtant, alors même qu'il parlait, une question l'obsédait, trottait en sa petite tête trapue, tournait et retournait...
N'y tenant plus, le Haut-Prêtre, après un instant, se pencha en avant pour glisser à demi-voix, à l'oreille de la Barde :

- Et dis-moi, Soeur Naine... Qu'est-il donc arrivé à ta barbe ?

Le nain l'accueillit avec gentillesse et sympathie, Tali n'en attendait pas moins le peuple étant respectueux. Elle l'écouta attentivement essayant de ne pas se laisser distraire par les bruits alentours et buvant par petite gorgée le délicieux liquide bien frais. Sa première rencontre semblait sous de bonne augure.
La jeune naine manqua de s'étrangler de rire lorsque son compagnon lui demanda ou était passé sa barbe sur el ton de la confidence. Reprenant son souffle les yeux rempli de larmes, elle lui répondit :

- Rien de grave compagnon rien de grave. Laissant échappé un rire chaud elle continua, je n'ai seulement pas hérité du gène de ma mère. Vous verriez sa barbe fournie !

Avec un sourire malicieux elle caressa distrayement ses joue. Elle avait biensur omie de préciser qu'en réalité elle se rasait chaque matin de façon soigneuse afin qu'aucun petit poil n'apparaisse sur son visage. Cette manie la tenait depuis toute jeune et elle ne savait pas bien pourquoi.

- Pour répondre à tes autres question, je ne suis malheureusement pas encore une grande écumeuse des routes et sentiers. Je viens tout juste de quitter mon nid qui se trouve à Almi,a loin dans les montagnes du nord. Peut-être y êtes vous déjà allé ? Il y fait bon vivre mais comparé à cette sublime cité ce n'est rien.

Tandis qu'elle parlait ses bras englobé la totalité de la taverne comme pour saisir l'endroit. Ses yeux bruns pétillaient comme ceux d'une enfant devant tant de nouvelles découvertes. Elle pensa qu'elle pourrait peut être écrire une chanson de toute cela.

Etrange... Ainsi donc, il naissait des Naines sans barbe ? C'était pourtant là tout ce qui faisait la grâce de ces belles matrones, aussi loin que Dun Eyr y songeât. Une imberbe Fille de la Roche... sauf pour la carrure, le voyageur oublieux l'aurait pu prendre pour une enfant des Baronnies Humaines.
Le Haut-Prêtre, soudain, rosit légèrement. Il espérait ne pas avoir été inconvenant avec la Barde, en lui parlant ainsi de sa tare.

Les yeux à demi-baissés, Dun Eyr fit bifurquer la conversation vers des voies plus neutres. Se fendant d'un large sourire révélant toutes ses dents - là aussi, de belles dents de Nains, solides comme des pierres tombales, mais nacrées comme le diamant - il s'exclama en levant sa chope :

- Almia, la belle Almia ! Cette Cité, Amie, m'a aussi vu naître, il y a de cela bientôt un siècle et la moitié d'un second. Buvons une fois encore au Bel Arca, qui a voulu que nos chemins se croisent. Mais parle-moi donc, ma Soeur, des fières Galeries d'Almia la Rouge, car il me semble que mes yeux ne l'ont contemplée depuis mille ans. Quelles nouvelles de ma chère montagne ?

D'humeur festive, tout volubile d'avoir retrouvée une fille d'Almia dans la masse des rejetons de Kirgan, Dun Eyr éclusa sa chope avant que d'en recommander une. La douce ivresse commençait de réchauffer son petit corps fatigué, et la salle lui paraissait plus rouge, plus chantante.

- Par le Tonneau de Girdon, buvons et buvons encore ! Et maintenant, Soeur Naine, chante, chante pour moi les grands récits des Nains. J'ai trop longtemps erré sur les chemins des Elfes-aux-Oreilles-Interminables et des Hommes-au-Cœur-d'Orgueil, mais que la chaleur des Nains m'a manqué ! Les légendes, les mythes de notre beau peuple, sous le couvert de la pierre, une chope à la main : que vouloir de plus ? Le monde peut s'assombrir dehors, chante pour moi, Soeur Naine, chante les exploits de Messire Garmin dans les grandes batailles de jadis, ou chante les prouesses de Rodmin lorsqu'il érigea le Coeur de Pierre de la Cité Troglodyte. Et si tu ne sais point ces chants-là, Amie Barde, alors je te conterai ce qu'est le monde plus au Sud, dans les australes forêts des peuplades aux longues jambes... Mais avant tout, que se vident nos chopes ! Le feu est trop clair, ce soir, pour que les Nains soient tristes !

Et, joignant le geste à la parole, Dun Eyr noya son sourire dans une gargantuesque lampée de bière de champignon.

Maintenant, il était prêt à ouïr les hauts-faits du petit peuple.

A sa réponse concernant ses joues lisses, le nain rosit ce qui fait sourire une fois de plus la jeune naine. Décidément son absence de barbe causait bien des interrogations et quelques gênes.
Elle apprit rapidement que son compère venait de la même ville et elle fut ravie de retrouver parmis ce fourmillement de nain quelqu'un qui partageait un peu de ses racines.

- Je ne pourrais te dire ce qui s'est passé avant ma naissance mais sacha que le vie se déroule tranquillement tout là-haut. Quelques sombres créatures ont bien tenté de pénétrer dans nos cavernes mais nos fiers nains, dont mon père les ont repoussé avec vigueur.
Depuis quelques temps nous voyons un peu plus de voyageurs mais rien de comparables à cette grande cité. Beaucoup reste paser l'hiver,comme ut dois le savoir c'est plutôt dur de sortir les temps de neige.

Tali se remémora l'hiver dernier où tant de neige était tombé et que le gibier s'était fait rare. La vie était rude mais agréable. Une soudaine envie de chanter son doux foyer la pris au venre. La mélancolie se mêla à tout cela calmant les reste du rire qui l'avait prise quelques instant plus tôt.
"Chante" voila ce qu lui demandait son compagnon de taverne. Rien ne pouvait plus la pousser à s'excuter. L'ambiance était propice, les rires, la chaleur, la douce sensation de bien être que lui procurer le liquide doré qui courrait maintenant dans ses veines.
Buvant une dernière lampée, elle se leva,posa ses mains sur la table et regarde le nain :

- Alors je vais chanter pour toi. Je vais te chanter ton ancienne demeure que tu as quitté il y a si longtemps.

Sur ces mots elle prit sa harpe et se dirigea d'un pas léger vers la petite estrade qu'occupait un peu plus tôt les nains deux nains musiciens. Elle s'installa sur un tabouret. D'ici elle surplombait de quelques dizaines de centimètre les nains qui buvaient. L'assemblée semblait déjà se calmer à la vue d'une nouvelle musicienne.
Le tavernier ayant remarqué le changement d'attitude remarqua aussi Tali qui du bout des doigt accordé son instrument la tête baissée.

- Ola mes amis ! Silence allez allez taisez-vous, notre jeune barde va chanter !

A cette déclaration, Tali rougit ce qui fit ressortir ses taches de rousseur et elle se concentra un peu plus pour finir d'accorder les quelques cordes. Quand elle eut fini, elle leva la tête découvrant une assemblée souriante qui parlé à voix basse. Calmant sa respirationet ses jambes qui tremblaient.

- Bonsoirà tous. Je n'ai jamais chanté devant autant de nains alors je vais faire de mon mieux

Quelques rires et encouragement fusèrent. Elle laissa échapper un bref rire dut au stress et continua, prenant une voix plus grave et profonde :

- Ecoutez le récit de ma contrée, du doux foyer niché au creux de la pierre ...

Elle commença à laissé allé ses doigt le long des cordes, les pinçant délicatement, ses yeux se fermèrent à demi comme souvent lorsqu'elle chantait. Elle n'utilisa aucun chant ou mélodie propre aux bardes, seulement ses propres mots et la musique de son enfance.

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Dun Eyr écouta avec joie les nouvelles d'Almia, son sourire débordant derrière le rebord mousseux de sa grande chope. Et s'il n'y avait de nouvelle, et bien tout était pour le mieux ; car l'on n'annonce que les massacres et les morts, les famines et les guerres. Et lorsque la vie s'écoule simplement dans la quiétude des Galeries claires, nul messager pour en conter le récit. Tant mieux, tant mieux...

Dans un soupir, le Haut-Prêtre se demanda vaguement si ses vieux amis d'Almia l'Orientale chantaient encore sous la terre, en ces mines reculées, où toute la jeunesse du Nain s'était écoulée, rouge comme l'acier.
L'hiver, la neige... Voilà que la Barde lui parlait de la neige. Il était vrai, Dun Eyr s'en souvenait maintenant, qu'Almia semblait plus belle lorsque ses lourdes portes étaient prises par les glaces. Le vent tourbillonnant, les congères crevassées, le manteau blanc tapissé à la surface de la belle Cité... Et les Elfes osaient prétendre que les montagnes étaient tristes ! Il n'y avait rien de plus splendide, à la lueur du Soleil mourant, que de voir s'assoupir la silhouette d'Almia l'Enneigée, lorsque l'hiver ravissait le jour...

Et alors même qu'il se ressouvenait de ses tendres années passées à l'ombre d'Almia, la voix de la Barde lui parvint, claire et fraîche. Elle chantait. Enfin, elle chantait Almia, Almia aux fosses d'ivoires.
Et ce chant était beau.
Dans le soupir de la lyre, aux commissures des regrets, passait et revenait la pure mélopée, de la Naine enchanteresse... Oui, ce chant était beau.

Dun Eyr repoussa sa chope sur la table, et embrassa du regard la Barde. Les vieilles mains du Haut-Prêtre tremblaient légèrement, et voilà que ses paupières frémissaient, sous des pupilles humides. Dun Eyr ravala un hoquet, et détourna rageusement les yeux. Il n'allait pas pleurer, pas lui, pas Dun Eyr. Dun Eyr, le Haut-Prêtre inflexible, Dun Eyr au cœur comme la pierre qu'il sculpte, Dun Eyr aux desseins rigoureux... Tout cela semblait si loin, si perdu. Non, il ne pouvait...
Mais, las ! Déjà deux larmes coulaient, langoureuses, au long de ses joues broussailleuses.

En silence, le Nain courba l'échine sur sa table, muet de chagrin.

Le chant était beau, et Dun Eyr pleurait, dans la taverne aux mille feux.

La taverne resonna de la dernière note de la harpe avant d'exploser dans des acclamations puis de revenir à son brouhaha familier. Emue, Tali remercia l'assemblée et se leva de son tabouret, l'instrument pressé contre sa poitrine.
Ce qu'elle venait de chanter était simple et sans difficulté mais la joie de pouvoir partager quelque chose avec autant de personne l'avait rempli à raz bord d'une sensation de bien être.
De l'autre coté de la salle le tavernier tenait à bout de bras une assiette fumante et le regardait avec insistance tout sourire. Elle lui adresse un signe et retourna à sa table. Plu stard dans la soirée elle chanterai des chansons plus joyeuse et à danser surement. Elle aimait ses moments où tout le monde se levait et partager un moment de pur plaisir. Chanter et danser jusque tard dans la nuit, voila ce qu'elle aimait.

Elle sauta de l'estrade et rejoignit toute sourire la table ou l'attendait le nain avec ui elle venait de faire connaissance. Son assiette était déjà là, pleine d'un nourriture riche et appétissante.
Voyant le nain comem replié sur lui-même, Tali rangea sa harpe et s'approcha du nain, posant doucement une main sur son épaule.

- Que t'arrive t-il donc cher nain ? J'espère que ce n'est pas de desespoir face à ma médiocrité que tu es ainsi ?

Disant cela, elle se fendit d'un large sourire, cherchant à réconforter ce nain qui semblait si malheureux. Voial ce qu'elle faisait depuis toute petit, réconforter les gens comme elle pouvait par ses chants ou son rire et ses maladresses. Appuyant un peu sa main sur l'épaule du nain elle la retira ensuite puis s'assit face à lui et son assiette qui l'attendait.
Commençant à manger, elle scruta le nain face à elle et de rendit compte de sa maladresse.

- Oh mais d'ailleurs ! Je ne me suis pas présentée. Quelle étourdie. Je me nomme Tali Voix d'Hiver d'Almia comme tu le sais déjà.

Voilà que la Barde était revenue à sa table, et sa douce voix lui parlait ; Dun Eyr avait même senti la revigorante chaleur de la paume amie sur son épaule hoquetante. Après un instant, le Nain sécha ses larmes, et releva un œil brumeux vers sa compatriote d'Almia.
Sous la barbe grise, derrière les larmes glacées, Dun Eyr souriait à pleines dents.

- Tu parles d'or, Tali, Fille du Septentrion, et ta belle voix a la splendeur de nos grandes roches sous le manteau ondoyant de la neige. Oui, tu chantes comme souffle le vent dans les soirées claires, comme dansent les tempêtes en bourrasques furieuses sur les crêtes pénitentes, comme murmure encore la mer prise à l'écore du gel. Amie Tali, tu mérites mille fois, et mille autres fois encore, ta Voix-d'Hiver, car tu as le timbre des belles furies des jours blancs.

Dun Eyr, avant que de poursuivre, empoigna sa chope pour y tremper goulûment ses deux lèvres ouvertes d'envie.

- Ton chant m'a rappelé les âges de jadis, lorsque je vécus dans les Galeries de pierre riante d'Almia. Alors nous nous endormions au coin des forges, l'œil embué de contempler les soufflets brûlants sous la braise, et nous échappions aux gardes affables pour aller errer dans les montagnes sous la neige... Tout cela est passé, Amie Naine, mais jamais je ne l'oublierai. Il fut un temps où les Nains n'étaient pas en guerre, où les jeux n'étaient point encore les simulacres de rouges massacres. Mais aujourd'hui, ma Sœur, marche donc dix pas sous les voûtes de Kirgan, et toute main - même encore jeune et innocente - porte de lourdes rapières et des doloires affûtées. Notre peuple va à la guerre, ô Tali, Murmure-du-Vent-qui-court, et beaucoup d'entre les braves ne reviendront pas.

L'oeil grave, Dun Eyr contempla un instant la taverne alentour. Les clients débonnaires arboraient de larges panses pleines par-delà leurs tablées, et la bière coulait sous toutes les langues, brune et vive.
Combien, songea amèrement Dun Eyr, combien seront encore là dans dix ans, une chope à la main ?

Toutefois, retrouvant son ineffable demi-sourire, le Haut-Prêtre tourna une figure à nouveau enjouée vers la Barde, et s'exclama avec force joie :

- Mais dis-moi, petite Sœur, les années ne sont pas longues derrière tes pas, tandis que les siècles pèsent déjà sur mon dos. Aussi, d'Almia à Kirgan, et jusqu'aux plateaux du Sud, quelle gloire des Nains portent les chants ? Conte-moi, pure Tali, les récits des grandes batailles de jadis. Et si jamais les héros du temps passé s'en étaient allés de la mémoire des Nains, alors pince tes cordes vibrantes, belle Barde, et fais rire et danser le petit peuple jusqu'au bout de la nuit !

- Tu me fais bien trop d'honneur, je ne suis qu'une jeune barde encore et n'en mérite pas tant.

Toujous sujette à cette joie qui l'animait quand elle chantait et surtout lorsqu'elle se trouvait dans un endroit si agréable, Tali enfourna une autre bouchée de la délicieuse nourriture.
Repue, elle poussa son assiette sur le coté et appuya son visage dans le creux de ses paumes brulantes.

- Je chanterai et ferai danser les nains jusqu'à ce qu'ils ne tiennent plus debout mais d'abord, dis moi qui es tu fier nain ?
Tu parles comme si tu avais voyagé à travers toutes les contrées connues, peut être même à travers celles encore cachées des nains.
Qui peut donc être ce nain qui cotoya les elfes et les humains ?

La jeune naine était intriguée par cet être qui semblait tout connaitre du monde. Elle qui bouillait d'envie de le connaitre elle avait peut être trouvé là un maitre qui saurait guidé ses pas avant qu'elle neparte sur les routes en aveugle. Elle savait que le monde était rude et sanglant, mais elle ne connaissait pas encore les coutumes des longues jambes.
Partir à l'aventure était excitant mais elle se rendait maintenant compte, ici dans ce lieu nouveau et grouillant qu'elle était partit de façon insouciante, ne se demandant aucunement si elle pouvait avoir quelques ennuis en chemin ni même ou elle irait.
Il faudrait que j'achète une carte pensa t-elle.
Autour d'eux la plupart des nains mangeaient goulûment et buvait avec avidité. Les rires tonnaient sous la voûte de pierre.

D'un oeil souriant, Dun Eyr promenait ses esprits sur la Taverne alentour.
S'il était un voyageur qui ne connaissait pas les Nains, il devait s'asseoir à une tablée de ce lieu, et contempler le petit peuple bouillonnant de vie.
Là, quelques clients au teint rougeaud se défiaient à la bière, dans les rires vermeils de la montagne. Plus loin, c'étaient de vieux guerriers sombres à la crinière d'argent, qui contaient leurs mémoires de bataille par-dessus l'oubli de leur chope. Dans un coin, trois érudits Nains devisaient gravement sur le monde au-dehors, leur barbe dansant dans le reflet d'or des chandelles. Au comptoir, des buveurs humides chantaient vaguement de vieux airs revenus des galeries plongeantes, l'âme noyée de gaieté.
Là battait le fier cœur du peuple des Montagnes.

Pensif, Dun Eyr revint à la Barde, qui le contemplait sous des sourcils interrogateurs.
Qui es-tu, fier Nain ?
Oui, qui était-il, lui, Dun Eyr, Nain parmi les Nains, buveur au milieu des buveurs...

Alors, lentement, et la bouche comme pâteuse, il dit :

- L'on me nomme Dun Eyr, Haut-Prêtre dans l'Ordre du Ciseleur et Héraut de Lirgan dans les ténèbres de cette terre. Le jour m'a été donné en Almia, où mon cœur demeurera à jamais, sous le plus pure des roches d'ocre. Les routes m'ont depuis lors porté fort loin de mes belles montagnes, à douze mille lieues d'ici, sous le Soleil bas des peuples de la Mer. Là, j'ai diné à la table des Hommes aux barbes courtes, j'ai voyagé sur leurs navires de bois équarri, et leur vent a fouetté mes cheveux de roche. Puis mes pas me firent pénétrer sous le couvert des plus lourds bois de ce monde, là où le Soleil ne brille qu'au travers des feuilles, dans le sein des demeures elfiques. J'ai vu les Maîtres des Arbres aux oreilles longues, j'ai connu le chant des ramures lorsque s'étiole la nuit. Certains jours, les sentiers m'ont poussé jusqu'aux confins des terres des Drows, là où meurt le jour, lorsque les forêts ont des feuilles de sang brun. Mes flèches ont abattu certains de ces sombres sires au cœur d'ombre, et leurs lames ont labouré les rangs de mes compagnons, sous les obscurités des étoiles froides. Les montagnes du Peuple Sombre me sont connues, et je les sais moins belles que nos cimes battues aux bourrasques. Mais mon âme a senti que les griffes de douleur s'étendaient à nouveau sur le monde, et le vent me conte que les mers dévoreront bientôt les astres. La guerre couve, les armées se forment, les chefs se hissent sur ces terres. Le petit peuple, qui aujourd'hui boit et danse, partira demain en guerre. La Grande Hache devra s'effondrer sur de nouvelles terres, et nous porterons le nom des Nains jusqu'aux rives qui nous ignorent. Je sens ce jour se lever, et je suis revenu à la Belle Kirgan en ces heures, l'esprit chargé de soucis. Car pour la bataille qui se fomente dans les ombres, des noms se graveront à jamais dans la mémoire de nos frères... mais combien seront encore là pour les chanter ?

Et, par-dessus ces paroles de malheur, Dun Eyr laissa poindre un brillant sourire sur son visage chargé de craintes.

Car, pour ce soir encore, il fallait chanter et danser, et boire, et relever la lourde tête des Nains.

- Et si tu le veux, ma Sœur à la Lyre d'Argent, je chanterai pour toi les splendeurs du monde. Car enfin, les chemins peuvent bien être sombres, l'air vaut la peine d'être humé. Et nul ne devrait mourir, pas même un Fils des Montagnes, sans entendre la ritournelle de l'Océan...

- Bah ! T'es là monsieur

Le petit Nain avança non sans difficulté à travers les clients de la taverne, se frayant un chemin parmis les ivrognes et les plus sobres pour arriver jusqu'au niveau du vieux prêtre.

- J'ai voulu attraper une petite bête et je t'ai perdu de vue ! Mais maintenant... je t'ai retrouvé ! C'est qui la madame ? C'est ta maman ?

Le petit Valkore observa tour à tour la Naine et le prêtre de son petit regard enfantin avant de poursuivre.

- Ah oui, j'ai faim aussi !

- J'avais donc raison en te prétendant grand voyageur cher Dun Eyr et grand prêtre.

Respectueusement, Tali s'inclina légèrement devant cette grande figure religieuse. Mais fi d'autant de convenances, jusqu'ici elle avait conversé librement avec lui et elle continuerais. Ce nain lui plaisait et elle n'allait pas mettre des conventions sociales certes nécessaires mais souvent étouffantes gacher leur relation naissante.

- Je serai ravie d'accompagner ton chant avec ma flûte.

Ce faisant, elle plongea son bras dans son sac et ressortit une petit flûte double en bois sombre. Elle porta l'instrument à sa bouche et laissa échapper quelques notes graves et rondes qui disparurent presque instantanément sous le brouhaha ambiant.

- Je suis d'ailleur très curieuse d'entendre un nouveau ch ...

Au même instant, un très jeune nain débarqua et accosta Dun Eyr. N'ayant jamais été à l'aise avec les enfants, Tali se contenta de regarder la scène et manqua de s'étouffer dans sa bière lorsque le loupiot avança l'hyothèse que Tali fut la mère du nain .
Essuyant sa bouche riante de sa manche, elle regarda le nouveau venue avec curiosité.
Qui pouvait bien être ce petit nain. Regardant aux alentours elle chercha des yeux de possibles parents.

Dun Eyr avait clos les paupières, laissant son esprit vagabonder, parmi ses mémoires, vers les souvenirs du monde. De brèves visions lui revenaient au cœur : les palais éternels des elfes, les plaines de la Baronnie Rouge, et puis ce chant du colibri, un matin, par-dessus les vallées de Scylla.
Le Haut-Prêtre laissa les rêves le gagner plus encore, se mêler en son âme, embraser ses sens. Voilà que flottait à nouveau l'étendard des seigneurs, et que sous l'oriflamme aux trois couleurs dansaient les herbes battues au vent... Au loin passaient les cavaliers du Sud, lances brillantes dans le Soleil brûlant, et leurs destriers semblaient pareils aux...

- Bah ! T'es là monsieur !...

Fin, brisure, mort. Elan coupé, aspiration ravalée. La plaine de Scylla fuyait au loin...
Le Haut-Prêtre ouvrit un œil rouge, sentant sourdre la colère en lui, pour découvrir à deux pas de sa table... Valkore.
Encore lui ? Cet enfant l'étonnerait toujours...

Pour tout autre, Dun Eyr aurait empoigné un tabouret et fendu le crâne de l'importun, et le tout se serait achevée en une bagarre alcoolisée jusqu'aux premières lueurs de l'aube, à l'éveil du petit peuple, lorsque les Gardes Royaux évacueraient à grande eau les buveurs comateux.
Toutefois, le Nain répugnait à frapper un enfant... et a fortiori cet Apprenti.
S'il entrait en colère, se dit Dun Eyr, Valkore aurait assez de puissance brute pour carboniser la Taverne, quitte à griller lui-même dans le brasier... Et puis, quelle perte de temps.

Avec un sourire à demi-forcé, le Haut-Prêtre commanda un beau gigot de cochon sauvage pour son Apprenti. Ainsi, le Nain pourrait chanter en paix les beautés du dehors. Déjà revenaient les lumières de Scylla, sous le ciel de feu des derniers jours de...

Pause.
Dun Eyr rouvrit un œil, hésita un instant, souriant. Et, et si...?
Se penchant vers Valkore, le Haut-Prêtre lui demanda avec douceur :

- Mais dis-moi, mon cher petit ami... Mes yeux ont connu les splendeurs et les horreurs de ces terres, mes pas ont foulé des vallées bleues comme des cratères de sang, et le Soleil fut tout à la fois rouge et noir par-dessus ma barbe... Et qu'en est-il de toi, jeune Nain ? Que connais-tu du monde ? Conte-nous un peu ce que tes oreilles ont galvaudé sur les révolutions stellaires, dans le sein des cieux, par-delà la roche...

Valkore s'étonna quelque peu. Ce qu'il connaissait du monde ? Mais tout bien sûr ! Il avait fouillé chaque rue, chaque centimètre de ce monde ! Il était le grand explorateur et il allait s'empresser de raconter ce qu'il savait. Pour une fois qu'il avait l'avantage des connaissances sur le vieil homme, il n'allait pas se priver de fanfarroner un peu !

- Le monde monsieur ? Bien sûr que je le connaît ! J'suis un expert du monde moi ! J'ai tout vu, tout entendu, tout sentu ! J'ai parcouru sous le vent glacé la ruelle sombre du Bras Forgeron, une petite ruelle juste derrière le quartier marchand, vous savez, en bas de la rue là, après le petit carrefour avec le marchand de poisson. Ah oui, le marchand de poisson !

Valkore entama une petite danse accompagnée d'un chant.

"Le poisson, c'est frais c'est bon, pour peu de frais, encore plus bon. Nos poissons, nous le jurons, sont les meilleurs chez Köth Duhron ! "

Valkore ricana, il aimait beaucoup les petits slogans qu'utilisaient parfois les marchands pour vendre leurs biens ou leurs services.

- Mais c'est pas tout monsieur, j'ai aussi fouillé de fond en comble la Grande Bibliothèque, où tous les ouvrages du monde sont regroupés ! Je les ai pas tous lu, mais j'aime beaucoup lire, donc j'en ai déjà dévoré beaucoup ! Et même que c'est MA maman qui travaille là-bas ! Sinon, j'adore les marchés aussi ! Il y a plein d'odeurs qui sentent très bon, et les gens me donnent des trucs à manger, c'est sucré souvent et j'aime bien le sucré ! Par contre j'aime pas quand ça pique la langue, et que après ça brûle dans la gorge. Je dois boire après, boire boire boire boire ! Et ça va mieux ! J'ai vu les cachots où les gens sont prisonniers quand ils font des bêtises... et j'y suis même entré une fois ! Il y avait un gentil monsieur qui m'a laissé entrer pour voir, et il m'a enfermé pour rire. J'ai eu peur, mais après il m'a libéré donc c'est allé mieux, et il m'a même donné du pain à manger. C'était bon ! Et puis il y a plein d'autres choses ! Je me suis habillé avec des vêtements de toutes les couleurs, j'ai sauté dans des lits avec plein de plumes dedans, j'ai couru, j'ai même volé en m'accrochant à une corde et en criant "Yaaahhhhhh !".

Valkore reprît un peu son souffle, puis se calma avant de reprendre.

- Alors tu vois monsieur, le monde, je le connais aussi bien que toi !

Les sourcils arqués au dessus de ses yeux sombres, Tali regarda le petit nain, une demie-portion comme elle les appelait parfois s'agité dans tous les sens, chanté la saveur du poisson puis entamé un monologue sur les tréfons de Kirgan.
Discrètement, alors que le nouveau venue parler sans retenue, la barde approcha sa chaise de celle de Dun Eyr :

- Dites-moi ... qui est ce petit nain si bavard ?

Tapotant sa flûte des doigts, Tali comtemplait un peu ahurie la nouvelle attraction. Quelques nains autour d'eux s'étaient retourné quelques secondes afin de discerner d'où venait ce flot de paroles intarissable.
Cette demie-portion lui rappelait l'un de ses jeunes frêres, un moulin à parole qui pourrait s'il le voulait ennuyer la pierre même de la montagne avec ses jacassements incessants. Plongé dans ses souvenirs, un sourire rêveur aux lèvres elle repensa à ses jeunes années pas si lointaine qu'elle avait passé caché sous une table de la taverne à écouter les voyageurs.
Elle revint à la réalité lorsque l'on apporta la commande du prêtre, un fumet delicieux planant au dessus de l'assiette.

Dun Eyr contemplait la scène avec un amusement poli. De part et d'autre de la table se répondaient la frimousse juvénile du petit Valkore et le sourire figé d'une Tali ahurie.
Oui, pour qui ne connaissait pas Valkore... la formidable exubérance de ce petit être bondissant avait de quoi surprendre, pour le moins.

Sous un demi-sourire, Dun Eyr glissa à l'oreille de la Barde :

- C'est là, ma Sœur, le jeune Valkore, de la lignée de Bargrim, et sa puissance n'a d'égal que sa gaieté sautillante.

Le Haut-Prêtre se retourna vers le jeune Nain, et lui présenta en souriant le gigot fumant qui crépitait sur la table.
Et, de son visage lunaire, Dun Eyr lança à l'Apprenti :

- Tu as, Valkore, bien marché dans les grandes galeries de notre petite cité, pour que même les poissonneries t'en soient connues. Toutefois, si tes pas ont gravi l'ascension de la première profondeur, peut-être as-tu vu les doubles portes d'airain aux battants rudes, qui enclosent Kirgan. Car, si les lourdes chaînes déplaçaient les verrous séculaires, alors apparaîtrait le monde qui dort au-dehors. Et c'est là une terre qui veut être chantée.

Dun Eyr marqua un temps, plongé dans ses pensées, puis étendit le bras vers le gigot; et, d'entre les chairs, il arracha deux belles côtes aux os luisants, qu'il nettoya du bout de l'ongle, doucement.

- Et tu verras, Valkore, que la fureur des Runes sait être belle quelques heures.

Le Haut-Prêtre avait maintenant devant lui, sur la table, trois fragments d'os parfaitement dégagés de viande, et d'une blancheur d'ivoire, comme des baguettes de bois.
Tirant de sa besace ses tablettes de cire vermeille, Dun Eyr y grava le long symbole de Lirgan, Dieu sous les Astres de la Splendeur des Rêves.

Que s'élèvent, ô Dieu Arlequin, les valses des brisures
Pour que chantent les os de ceux-là passés
En la danse claire des étoiles sous les cieux.

Et voici que, sur le bois de tablée brune, claudiquèrent les trois ossements, comme d'étranges jambes sautillantes, pour venir se ramasser en une construction claire. Lentement, comme une vague au ressac, les brindilles d'os s'entrechoquaient comme le verre, improbable tambourin couleur de crème. Et le choc de l'os contre l'os faisait s'élever, dans les airs embués, une douce musique battante, un vieux rythme venu de l'ailleurs.

Alors, sur l'harmonie oubliée des os, Dun Eyr se mit à conter les merveilles du dehors; et son conte avait l'enivrant parfum d'un chant des temps jadis revenu.


La route s'ouvrait, ténébreuse et profonde
Et passait le Nain en quête des souvenirs
Sur le chemin perdu d'une forêt louvoyante
Voilà que le Fils des Roches quittait ses montagnes.

Et sous le ciel qui lui parut clair et haut,
A lui qui longtemps marcha sous l'horizon de plomb,
Allait le Nain. Ronces et arbres, branches et buissons,
Partout se faufilaient ses bottes d'acier et de cuir,
Comme flotterait le navire dansant sur les rivières d'ivoire.
Et seules les fleurs savaient retenir son pas de leurs belles effluves.

Alors s'ouvrit le monde sous les soupirs, pour que se dévoilassent
Les tours d'argent et les cimes de pierre forte
D'une Cité perdue dans le vide de ses plaines.
Cette citadelle de pierre, aux campagnes vertes, les voix la nommaient
Scylla, Scylla la Fière, la Baronnie des Aciers
Aux oriflammes déployés en sourires
Sur les clochers d'ardoise veloutée.
Et aux crêtes s'élançaient les chevaliers d'armures enchâssés
Aux piques brillantes dans le Soleil
Sous l'éclat rouge de leurs heaumes bombés.
Et ils portaient beau au sein de leurs aurores.
Parmi eux passait le Nain, créature du petit monde,
Egaré entre la grandeur de ces Enfants de la Plaine,
Jusqu'aux portes hersées du fief en tempête...

Valkore écoutait la musique ainsi que la chanson, mais ne comprenait pas ce qu'elle signifiait. Les paroles ne semblaient pas avoir de sens, il avait du mal à s'imaginer ce que le vieux prêtre disait. Il n'arrivait pas à coller une image à ce qu'il entendait. Et quelle était cette histoire de monde après les portes ? Il n'avait jamais entendu parler de ça, ce n'était pas possible... Il aurait forcément été au courant sinon... C'était compliqué toute cette histoire, et puis il s'était beaucoup dépensé aujourd'hui, et puis cette chanson... Ca lui faisait penser à celles que sa mère lui chante souvent le soir après son histoire, elle est si douce la chanson de sa mère. Sa mère, la chanson qui...

Valkore posa sa tête sur les genoux de Dun Eyr, et petit à petit, ses paupières se refermèrent et le sommeil l'envahit.

Fascinée, Tali écoutait la voix grave de Dun Eyr et regardé fixement les os battre le rythme. Jamais elle n'avait vu pareil instrument et encore moins un instrument bouger par lui-même ! Cela devait être l'oeuvre de la fameuse magie des runes. D'ailleurs, la naine avait cru comprendre que le petit nain plein de vitalité possédé cet art. Ne l'ayant jamais vu en pratique et ne sachant que peu de quoi les runes étaient capables, cette demi-portion attira un peu plus la curiosité de Tali.
Mais l'heure n'était point à cela et le menton dans les mains, elle écoutait avec un sourire de bien être aux lèvres la douce musique.
Elle imagina sans peine tout les lieux dépeints par le chant, elle s'imagina les voir de ses propres yeux, parcourir fièrement chaque parcelle de terre qui pouvait s'offrir à ses courtes jambes.
Rêveuse, la barde caressait maintenant du bout des doigt le bois lisse et familier de sa flûte. Plus tard, elle chanterai pour les hommes ! Elle leur contera la fierté du petit peuple qui est le sien et sa bravoure.

Sans vraiment s'en rendre compte, la naine avait porté la flûte à ses lèvres et commençait doucement à jouer, accompagnant d'une douce musique la voix du nain et les tambourinements des os.
Près d'elle, Valkore ne disait plus mot et laissa le sommeil l'enmener dans ses bras, loin du tumulte de la ville.
La taverne était calme, chacun écoutant avec comme un air solennel.
Le chant finissant, Tali laissa flotter quelques notes avant de reposé sa flûte. Elle caressa du bout des doigts le front de Valkore qui dormait profondemment.

- C'était très beau maitre nain ... Mais il serait peut-être temps d'enmener ce petit se reposé dans un bon lit, quoi que tes genoux semble assez confortable pour lui.
Je pense que je dois encore une ou deux chansons à danser pour payer ma nourriture et un bon lit ce soir.

Avisant la salle, Tali chercha des yeux le tavernier qui s'activait derrière son long comptoir de bois. Le bruit reprenait de l'ampleur, envahissant la salle d'un grondement sourd et joyeux.
Un peu plus remplie qu'au début, la salle était maintenant baignée d'une chaleur presque un peu trop accablante et les joues des nains commençaient à rosirent. Il était bientôt temps de faire danser le peuple nain.
Tali avait appris à reconnaitre ce moment où les assiettes se finissaient, lorsque les bières mousseuses remplaçaient les viandes fumantes. C'était juste à ce moment qu'il fallait embarquer les buveurs dans une folle danse au son de sa flûte joyeuse, à ce moment là où chacun chanté gaiement, oubliant les malheurs du monde.

Avec une élégante douceur, Dun Eyr sourit à la flûte de Tali qui venait faire bruire l'air à ses côtés. Dans la danse cliquetante des os blanchis, la claire mélopée brassait le monde comme une brise de prairie... Les Nains, sous la pierre de Kirgan, ont pour seul vent le souffle de leur cœur.

Lentement, infiniment lentement, la musique s'arrêta. D'un petit sourire, le Haut-Prêtre vit les os hésiter, puis s'assoupir, inertes, sur la table de bois brut, à la clarté de l'âtre.
Valkore s'était assoupi sur les genoux du Nain, et dormait à poings fermés, les lèvres étoilées d'un interminable sourire de joie. Son torse court se soulevait au rythme de sa profonde respiration envoutée, semblable au ressac de l'Océan que le jeune Nain n'avait jamais vu.
Précautionneusement - et rougissant un peu - le Haut-Prêtre souleva la tête juvénile de Valkore, et allongea le petit être assoupi sur un banc tout proche. De ses mains épaisses, Dun Eyr dégrafa sa capeline rouge et la jeta sur les épaules de l'endormi. Bien trop grand pour cette courte stature, le manteau s'affaissait en plis sans fin jusqu'au sol. Mais, se dit Dun Eyr, au moins, il lui tiendrait chaud.

Alors, le Haut-Prêtre se tourna vers Tali, et lui lança d'une voix chantante :
- Notre cher petit ami a plongé dans le royaume des rêves, et il doit marcher sur les sentiers de Lirgan. Mais je vois là quelques buveurs tout prêts d'en faire de même, et notre rude breuvage de champignon pèse sur leurs épaisses paupières. Aussi, chante, Soeur Tali, chante pour les Nains. Sous la pierre, la nuit commence avec les danses.

Dans un sourire, Dun Eyr eut un nouveau regard pour Valkore, profondément égaré dans ses chimères.
Dommage, songea en lui-même le Nain, vraiment dommage. Une telle tempête de joie aurait fait un merveilleux danseur...