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| Au dessus de la fosse, Lante. | |
| | Auteur | Message |
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Aetius d'Ivrey
Ancien
Nombre de messages : 1466 Âge : 34 Date d'inscription : 07/02/2010
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : La vingtaine (25+) Taille : Niveau Magique : Arcaniste.
| Sujet: Au dessus de la fosse, Lante. Dim 20 Juin 2010 - 2:17 | |
| Les paris avaient été lancés et étaient largement en faveur. Pourtant, au vu de la rapidité de son adversaire, qui évitait alors un coup qui avait paru fatal au public majoritairement nain, les pronostics se faisaient moins exagérément favorables pour le monstre. Il fallait bien avouer que l’elfette se débrouillait bien, et si ça continuait, elle atteindrait le temps imparti par le sablier. Alors, on lui jetterait les armes.
Les règles du jeu du Kerkand était simple et sa logique des plus barbares. On mettait un Kerkand à qui on avait coupé les griffes dans une large fosse où une assemblée de nains braillards, surélevée, criaient en direction du spectacle. Au Kerkand, on envoyait divers adversaires, criminels nains, hommes, autres monstres ou elfes. La plupart du temps, c’était un elfe. La proie devait survivre pendant un sablier, qui équivalait à cinq minutes, en échappant à la puissance sauvage du monstre. A partir de là, et ce à la discrétion du public, des armes étaient jetées dans la fosse. Les organisateurs lançaient des armes, mais le gros de l’armement venait du public lui-même, qui lâchait, s’il appréciait la victime, sa propre arme. C’était un honneur de voir un adversaire de Kerkand réussir à terrasser une telle masse de méchanceté et de muscles avec l’arme qu’on avait jeté, car c’était un événement aussi rare qu’improbable. Et c’était très improbable.
En l’occurrence, la prisonnière elfique se débrouillait bien, du moins pour éviter le Kerkand, qui continuait à s’échiner à broyer sur le sol sa proie, sans succès. Aetius faisait partie du public, et était accompagné par quelques-uns de ses lieutenants, qui lui avaient conseillé d’amener ses hommes voir ce spectacle, fortement apprécié par les mercenaires et, a fortiori, par n’importe nain digne de ce nom. Une fois revenu à Lante, la maison mère de sa petite compagnie mercenaire, et après en avoir fini avec Oësgard et l’hostilité de son régent, Aetius avait succombé à la curiosité et s’était décidé à laisser un peu de repos à ses soldats. Bien sûr, ce qu’on lui avait décrit comme « le théâtre nain » n’était pas vraiment à l’image de ce qu’il avait imaginé, mais bon, c’était une façon d’admirer l’une de ces bêtes qu’il avait terrassé quelques mois plus tôt et qui avait donné naissance à son surnom de chevalier au Kerkand.
Mais alors qu’il pariait avec ses amis, il crut reconnaître une silhouette connue dans cette foule de petits hommes. Dun Eyr. Un haut prêtre perdrait-il son temps dans ce genre de divertissement sanglant ? Pourquoi pas, après tout ? Sans plus attendre, il bouscula quelques nains avinés pour rejoindre cette connaissance, espérant pouvoir lui parler de leur dernière rencontre. |
| | | Dun Eyr
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Dim 20 Juin 2010 - 10:56 | |
| Imaginez une légion de petits êtres braillards et avinés, maculés de transpiration, une chope ruisselant entre leurs mains grasses, de leurs petits pieds bondissant, trépignant, grondant. Imaginez douze douzaines de gosiers noyés qui hurlent dans la chaleur, entre les murs brûlés par le jour, rugissant comme des taureaux en rage rouge. Imaginez un anneau de ces Nains terrifiants et vagissants qui ferait gronder un tonnerre de cris sur quelques esclaves et une bête massive, imaginez les yeux injectés du Kerkand sous la tempête des invectives et des grognements, imaginez la folie du monstre sous la folie des bravos... ... Et vous aurez une vague esquisse de ce que sont les cirques Nains.
Dun Eyr, sur les hauteurs du gradin, tonnait comme ses comparses, la barbe détrempée de sueur et de passion, les mains tremblant d'excitation sur le tranchant émoussé d'une courte épée de bronze. Le sablier touchait à sa fin, et déjà quelques haches s'élevaient parmi les Nains. Ce criminel Elfe avait bien mérité une chance de salut. Soudain, des méandres de la foule, une imprécation claqua, forte, rude, tandis que s'envolait une vive lumière. L'éclat tournoya un instant, orangé, étourdi, avant que de s'effondrer sur l'arène, touchant le Kerkand à la patte. Rugissant plus que jamais, la bête sombra à la folie tout entière, labourant de ses mâchoires le sol rougi, fouettant l'air de sa haine. Les premiers rangs sursautèrent, impressionnés, puis redoublèrent de hourras endiablés. Dun Eyr sourit avec bienveillance à cela. Il devinait vaguement que, dissimulés dans les gradins, quelques apprentis de Mogar avaient voulu jouer avec une boule de feu, et devaient actuellement se cacher, hilares, sous un banc, un sourire barrant jusqu'aux oreilles leurs lèvres juvéniles.
Une cloche d'étain sonna la dernière minute. Face au Kerkand écumant de bave rouge, l'Elfe traînait son corps épuisé, trébucha une fois, roula au sol et se releva, éreintée et tremblante. Tout venait à sa fin. Néanmoins, le Haut-Prêtre fut détourné de l'ordalie par une silhouette familière qui s'approchait. Dépassant tous les Nains depuis la taille, cette stature imposante mais élégante remontait les gradins, houspillée de toutes parts par des Nains furieux auxquels on dérobait la vue de leur spectacle. Dun Eyr sut reconnaître cet être au premier abord, et son visage comme la pierre s'assombrit comme sous un lourd nuage. L'Homme au Drow. L'étrange comploteur de la falaise. Certes... Mais... cet Homme était bien l'ami cher de Jodir le Forgeron ? L'Humain qui avait la confiance du meilleur des artisans Nains ? Sans plus hésiter, Dun Eyr bondit hors de son banc, un large sourire illuminant sa face, pour aller au devant de l'ami de son ami. Par là même, il lui fut impossible de voir avec quelle rapidité le Kerkand plongea sur l'Elfe pour lui broyer les os, déclenchant l'hystérie dans la foule en liesse. Et alors même que Dun Eyr bondissait sur l'allée centrale, il perçut le bruit caractéristique du Soigneur qui ramenait au clame son Kerkand enragé, d'un coup de marteau asséné sur le crâne.
Au milieu des Nains en délire, Dun Eyr s'inclina avec respect devant son ami Humain, lui lançant dans le tumulte ambiant :
- Que vient faire à s'égarer ici Aetius le Chevalier, ami fidèle de Jodir le Brave, mon ami sous les armes ? |
| | | Aetius d'Ivrey
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Dim 20 Juin 2010 - 16:25 | |
| L’atmosphère de la fosse était des plus malsaines. Le lieu, clos, cumulait l’enthousiasme des Nains et la sueur que provoquait l’angoisse des paris comme la chaleur ambiante qui régnait en maître dans cet antre accueillant un autel à la barbarie. Aetius, sous son camail et son tabard sans couleur, commençait lui-même à transpirer à grosses gouttes, remué par les cris et le fracas de la fosse. Ainsi, évitant quelques nains, en bousculant d’autres, il se fraya comme il put un chemin jusqu’au Haut Prêtre, qu’il ne pensait pas trouver en ce lieu de perdition. Mais les mœurs des nains étaient différentes, n’est-ce pas ? Néera n’avait pas touché leur cœur comme elle avait pu le faire pour les Hommes, qui se montraient moins sensibles à ce genre de spectacles sanglants (du moins en théorie, car on pouvait constater qu’une large frange du public se composait de rôdeurs de la Péninsule).
Hélé, Dun Eyr se retourna enfin, la mine d’abord renfrognée, et puis un sourire éclairant sa trogne toute nanesque. La créature trapue s’élança vers lui avec la rapidité qu’il n’aurait jamais imaginé de la part d’un petit homme s’il n’avait point combattu avec quelques centaines d’entre eux pendant plusieurs semaines dans les marches du nord. Il ne fallait pas sous-estimer le petit-peuple, qui est, somme toute, bourré de ressources, lorsqu’il ne l’est pas tout court. Les deux hommes se saluèrent alors que la fosse terminait de dévorer un énième sacrifié d’Anaëh. Dun Eyr, dos au spectacle, ne put contempler l’ultime scène de l’elfe contre le Kerkand. La pauvrette, alors qu’elle tentait, après trois roues, de ramasser une hache d’armes des plus robustes, avait été littéralement compressée sous l’une des pattes postérieures du monstre, qui fit l’effet d’un maillet sur un clou sans pour autant enfoncer le dit clou dans le sol. Aetius ne put poursuivre la conversation, bloqué qu’il était, et surpris par la fin cruelle que prenait le cirque nain. Sans plus attendre, et sous un tonnerre de lazzis, le Soigneur, un nain uniquement vêtu d’une armure de cuir bouilli et ayant pour seul arme un lourd marteau de guerre nain ainsi qu’un culot difficilement imaginable, se jeta sur le Kerkand pour lui assener un coup expert au milieu du front, entre ses deux yeux, l’assommant en une seule fois.
Reprenant soudainement conscience, Aetius détacha son regard de ce tour de force et d’adresse et reprit le cours de la discussion. « Salut à toi, Dun Eyr. Mes hommes ont réussi à me persuader de faire un tour dans cet antre, mais j’avoue que mon cœur balance encore entre l’horreur et la fascination pour ces combats. Ces duels à mort sont tout bonnement terribles, et les victimes des Kerkands n’ont que de maigres chances contre ces grands diables. Je reviens d’Oësgard, où l’on y chassa la canaille avec quelques centaines de nains. A présent, je viens les rendre à cette cité pour engager d’autres personnages, plus axés vers… la ‘paix’, si l’on peut dire. Nous connaissons tous les industrieux ingénieurs nains, et j’espérait en amener quelques dizaines avec moi vers mon nouveau pays, Scylla, pour qu’il m’aide à gouverner ce comté à l’aide de leur ingéniosité. » |
| | | Dun Eyr
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Dim 20 Juin 2010 - 20:06 | |
| Terribles, ces duels ?
Légèrement surpris, Dun Eyr prit appui sur un banc de bois fendu pour mieux dominer l'assistance. Des prisonniers Nains raclaient le sol des cadavres rougis, tandis que du sang encore chaud s'écoulait des mâchoires béantes du Kerkand assommé, et allait inonder les bottes brunes du Soigneur.
- Terribles, non. Peut-être un peu rudes, c'est tout...
Avisant la mine stupéfaite de l'Humain, qui demeurait interdit devant le spectacle des corps disloqués, le Nain jugea bon de livrer plus avant quelques éclaircissements :
- Les condamnés que tu vois là sont de la pire engeance qu'il soit : meurtriers, traîtres à l'honneur, parjures. Dans toutes vos Baronnies d'Hommes de Boue, la corde aurait été leur seul réconfort. Toutefois, sous les fiefs des Nains, mourir par le bourreau est la pire des infamies. Nous offrons à ces lâches leur unique chance de salut sous les crocs du Kerkand; et lorsqu'ils rejoindront les terres rouges de Mogar, dans les Cavernes de l'Au-Delà, ces mécréants pourront clamer qu'ils sont tombés au combat.
D'un oeil, le Haut-Prêtre contempla l'Adepte de Mogar, qui plongeait ses doigts sombres dans les plaies béantes des trépassés pour tracer au sol la vaste Rune du Seigneur du Fer et du Feu, couvrant l'arène entière de la glyphe comme l'ocre.
- Qui sont les barbares ?
Le Kerkand, quant à lui, commençait vaguement de s'ébrouer, ruisselant de sang, et son Soigneur s'activait à resserrer les chaînes d'airain qui entravaient la bête brutale. Mais voici déjà que s'avançaient dans l'arène deux Nains à la barbe rousse, portant tous deux une lourde hache de bronze rude. Leurs cheveux volaient au vent, secoués par les cris de l'assistance, et dansaient autour des deux bretteurs. Alors même qu'une légion de Nains s'échinait à ramener le Kerkand hébété vers son enclos aux doubles portes de basalte, les deux Nains allèrent se poster sur le sol de pierre, et douze pas séparaient leurs haches aux reflets d'or rouge.
Devant le visage interdit de l'Humain, perdu au milieu de la foule des Nains trépignant, Dun Eyr se rapprocha de son ami aux longues jambes :
- Voici Barkoss et Barklot, les deux fils de Ban Thark le Roux. Leurs routes se sont séparées il y a bien longtemps, lorsque Barkoss est devenu brasseur dans l'Ouest de Serramire, alors que Barklot excavait des diamants dans les Galeries du Pic de Glace. Ils vont se battre pour fêter leurs retrouvailles.
Avec un sourire amusé, Dun Eyr ajouta dans sa barbe :
- Ce sont des retrouvailles Naines.
Pourtant, l'attention de Dun Eyr et de l'humain fut bien vite détournée du combat. D'alentour, de toutes parts, des cris fusèrent, des visages se tournèrent, s'agitèrent, le parler Nain gronda dans toutes les bouches; et de grands sourires de défis barraient toutes les faces, découvrant les rudes dents du petit peuple. Déjà, l'on se montrait du doigt l'inconnu, drapé dans son tabard sans blason. Quelques rôdeurs des plateaux du Nord, agglutinés aux derniers rangs, murmuraient à voix basse devant l'intrus.
Masqué sous l'ombre d'un demi-sourire, Dun Eyr lâcha du bout des lèvres :
- Le respect du petit peuple s'acquiert dans l'arène.
Voici déjà que certains Nains s'avançaient, le sourire aux lèvres et la fierté au cœur, pour défier symboliquement l'humain en lui présentant la garde levée d'une épée. Alors, à son tour, Dun Eyr s'empara de la courte épée de bronze qu'il tenait toujours, et la présenta à Aetius, poignée levée.
Sans se départir de son sourire, naturellement...
Dernière édition par Dun Eyr le Mar 14 Déc 2010 - 15:17, édité 1 fois |
| | | Aetius d'Ivrey
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Lun 21 Juin 2010 - 20:07 | |
| Le spectacle avait changé de scène, et c’était à présent lui qu’on regardait d’un drôle d’air. Dun Eyr n’était pas le dernier à lui jeté ce drôle de regard que toute l’assemblée naine semblait lui servir, tout comme les rôdeurs du nord. Ne sachant ce qui l’attendait, Aetius esquissa cependant un geste vers le glaive de bronze avant de s’en saisir véritablement. Mais, à la seconde même où le pommeau de l’épée se trouvait dans sa main, un nain fonça sur lui en criant, un énorme marteau de guerre avec lui et tendu vers le ciel, ou plutôt le plafond sculpté qui servait de ciel à cette fosse, protégée du regard des dieux. Esquivant un violent coup de maillet, Aetius bondit en arrière et laçant sa petite épée devant lui, pitoyable protection contre les vingt kilos d’acier que le nain essayait de lui écraser sur le crâne.
C’était un nain comme les autres, du moins aux yeux du chevalier, pour qui toutes les petites personnes étaient les mêmes. Une longue barbe grise lui couvrait du menton jusqu’au ventre, et ses habits, aux couleurs sombres et à l’allure sobre, avaient l’usure des vêtements du voyageur. Une petite cape à capuchon le vêtait, et une pipe sortait de sa bouche dissimulée derrière sa puissante barbe lisse. Ses yeux jetaient des éclairs et de sa gorge sourdaient des grognements d’animaux, comme si le nain étaient sous l’emprise de quelque drogue aux champignons, drogue fumée via la longue pipe qui dépassait de ses lèvres. |
| | | Dun Eyr
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Dim 27 Juin 2010 - 16:14 | |
| Au milieu du brouhaha des Nains endiablés, pris dans le sein du flot d'acclamations du petit peuple, Dun Eyr redoubla de son doux sourire lorsqu'il prit place sur un petit banc, à proximité du duel. D'un oeil de connaisseur, le Haut-Prêtre lorgnait les deux combattants. L'Humain et le Nain, le Nain et l'Humain. Courte lame contre double masse, longue-barbe contre longues-jambes. Intéressant... Un tonnerre d'applaudissements avait secoué la foule, lorsque Aetius s'était emparé de l'épée de bronze. Il était plaisant pour les Nains de voir que, même sous le dôme de leur orgueilleuse morgue, les Humains savaient respecter l'honneur des Fils de la Montagne. Il eût été très malavisé, pour le Chevalier, de ne pas relever le défi. Quel que soit son rang, quel que grand soit son honneur, l'appétit des Kerkands demeure insatiable...
Le peuple rugissait de contentement devant la bataille des bretteurs. Le Nain portait haut la fierté d'une lignée de guerriers, et Thorak était son nom. La masse filait entre ses larges paumes avec la légèreté d'un hochet, tant et si bien que Dun Eyr se demanda si dans le sang des pairs de Thorak, comme le voulait la légende, ne se mêlerait pas une once de la chair de Mogar. Le Dieu du Fer semblait embraser l'âme de son héraut comme jamais, et le terrifiant assommoir fendait l'air comme une doloire de forges. Parfois, dans l'éclat de la fosse, saillaient les pupilles du Nain, dilatées par quelque folie. C'était là la tradition ancestrale des vieux Clans du Nord, qui ne chargeaient jamais sans l'esprit de Lirgan en eux, enténébrant leurs sens au sein des fumées de la bataille. Des siècles durant, sous l'égérie des Vieux Rois, ceux-là avaient formé le cœur battant de longues guerres contre les errances des Drows, et jamais leurs haches ne se taisaient tant que respirait encore l'ombre d'un ennemi. Dun Eyr, dans la rougeur des prunelles, savait reconnaître la haute-marque de son Dieu, et de tels guerriers méritaient le plus noble respect. Peu osaient encore abandonner leurs sens aux vieilles incantations de Lirgan le Caché. Face à cet ouragan de fureur troublée, se tenait Aetius, le beau Chevalier au Kerkand. Ses yeux d'Humain inquiet louchaient étrangement sur la petitesse de son épée face à l'immensité de la masse d'oeuvre Nanique. Dès lors que le bronze de sa lame volerait en morceau, songea Dun Eyr, Aetius comprendrait que les Nains n'estimaient rien de plus que la bataille livrée à la force des mains, paume contre paume, selon les vieux combats du temps jadis, pour le premier trône. Sans se départir de son sourire, Dun Eyr se cala plus confortablement sur le rude banc de bois brut. Cela promettait d'être une belle lutte, et les...
Tumulte, clameur, et sifflement. Lame de bronze. L'épaule du Chevalier. De justesse, évitée. Un terrible silence s'abattit depuis les cieux sur la fosse. Aucun Nain n'aurait jamais commis l'impudence de briser le vœu sacré des duels, sous l'égide des Dieux. Et pour cause... Voilà que s'avançait, crinière au vent, l'un de ces maraudeurs du Nord, une fripouille d'Humain, un tueur à l'honneur boueux. De ces guerriers que l'on accueillait pour l'habileté de leur lame et la couleur de leur or, mais qui - souvent - terminaient leurs maraudes au cœur de l'arène, entre les mâchoires d'un Kerkand affamé... Apparemment, celui-ci était plus ou moins le chef de leur petite communauté, et à ses côtés marchaient quatre autres rebuts des Hommes. Que voulaient-ils ? Un défi, semblait-il. L'amure d'un Chevalier n'était pas la bienvenue auprès de ces bannis des Baronnies. Mais le code de l'honneur des rôdeurs savait se montrer très souple, et cinq contre deux semblait être un bon parti au regard de leur lâcheté abâtardie.
Sans hésiter un instant, Dun Eyr bondit de son banc, élevant ses tablettes dans un éclat de colère. De sombres marques couraient sur la cire Runique, et elles chatoyèrent sous l'empoigne des mots du Haut-Prêtre.
Que sous la coupe des Dieux, par la Hache et l'Oiseau, s'effondrent les couards.
Un grand souffle remua la fosse, furieux comme un météore, et envoya deux de ces brigands rouler dans l'arène désertée. Pour toute réponse, les trois rôdeurs encore debout hurlèrent de rire, la flamberge à la main. Et ivres, avec cela, ivres jusqu'à l'os, songea Dun Eyr avec désespoir.
Tout autour, la marée des Nains reculait, et leur colère se doublait alors d'une grande joie féroce. Car les rôdeurs du Nord tâteraient bientôt des limites de l'hospitalité des Nains, pour les soudards déchus de leur espèce... Voilà que sur les gradins de bois et de pierre se dégageaient les six forme des lutteurs. Sur les hauteurs s'élevait la haute silhouette d'Aetius, tandis qu'à ses côtés se découpait le colosse qu'était Thorak, et sa masse se balançait fébrilement entre ses doigts courts; à leur droite venait Dun Eyr, qui composait sur les bancs sa figure impassible face à la folie des Hommes. Quant aux trois rôdeurs, ils riaient toujours, et le feu de leur mauvais alcool rendait leurs lames plus féroces encore.
"Viens saluer mes poings", murmuraient quelques voix parmi la foule. La devise des pères de Thorak, du Clan sur les Rochers. Rudimentaire mais efficace, songea Dun Eyr en ramassant une épée de bronze. Que Mogar dévore les lâches. |
| | | Aetius d'Ivrey
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Lun 28 Juin 2010 - 8:36 | |
| Face aux implacables coups de masse de son petit adversaire, Aetius n’en menait pas large. Difficile de contrer quarante livres de bon acier nain mis entre les mains d’un guerrier de la dite race. Surtout quand celui, un sourire féroce aux lèvres et un marteau d’armes en main, s’échinait avec la plus brutale des élégances à vouloir rompre tous les os du chevalier et ce d’un seul coup. Abasourdi par le glaive de maigre vertu qu’on lui avait mis entre les mains, il aurait pu penser qu’on voulait sa mort s’il avait pu penser à autre chose que l’astre d’airain qui frôlait son visage, ses côtes et ses jambes à chaque seconde un peu plus. Appréhendant lentement cette situation pour le moins étrange, le chevalier au Kerkand se contentait d’esquiver et de fuir le plus dignement son adversaire. Intrépide dans la feinte et dans l’esquive, voilà qui ne lui ressemblait point !
Et pourtant, on apprend vite à devenir un autre homme quand un membre du petit peuple s’est mis en tête de vous faire fête ! Et si dans la lueur sauvage du regard du guerrier nain, ses compatriotes et les plus entraînés des immigrés péninsulaires y lisaient une rage confinant à la bienveillance, le malheureux cavalier, lui, n’y voyait qu’une colère consumée par une flamme glaciale. Car tout dans les gestes fluides et hypnotiques de son adversaire relevait tant d’une maîtrise compassée de l’instrument d’acier que de la soif animale de sang humain. Tentant malgré tout de ne pas perdre la face, Aetius, comme s’il était face à un taureau, tentait quelques passes avec la timidité d’une damoiselle. Comme s’il craignait de pouvoir mettre un peu plus de colère dans les yeux charbonneux de son fougueux adversaire. Mais voilà que le bâtard de bon sang, sous-estimant l’habileté des manières naines, esquiva la masse sans la voir revenir sans prévenir dans un mouvement surnaturel. Pauvre réflexe de chevalier, Aetius décala son glaive ridicule pour parer le coup avant de comprendre qu’il était plus stupide que salvateur d’user des manières de chevalier contre un marteau nain. N’écoutant que sa terreur, son épaule sembla se mouvoir d’elle-même, rejoignant la masse dans son balai mortel, suivant son mouvement avec la grâce que l’on ne retrouve que chez la biche traquée et, le cas échéant, chez l’épaule essayant désespérant d’éviter de passer à l’état de bouilli osseuse. Le coup du boutoir fut éviter de justesse, et l’airain se contenta de riper sur la cotte de maille du chanceux. Lequel chanceux se prit, dans son mouvement de retrait, les jambes dans le fourreau de sa vraie épée, trébuchant et tremblant en même temps.
Le guerrier nain, dans sa manœuvre, avait désarmé le chevalier, qui avait préféré jeter son glaive cuivré dans leurs derniers entrechats martiaux plutôt que de retrouver celui-ci enfoncé dans sa gorge, coincé entre sa peau pâle et les quarante livres de la masse noire. Ne semblant pas voir que son adversaire était désarmé, le nain, rêvant éveillé de combattre quelque monstre au sang froid, avait de nouveau levé son bras pour en finir enfin avec cette épaule joueuse. Les Cinq soient bénis, les lazzis d’une coterie de porte-épée avaient sauvé notre héros de la honte d’une défaite totale et de l’embarras d’une épaule écrabouillée par un naugrim fou. Cependant, si toute personne un peu pieuse aurait remercié les dieux dans pareille situation, Aetius, lui, se contenta de plonger son regard paniqué dans celui de son adversaire festif. Et ce qu’il y lut n’augurait rien de bon. En effet, ces deux charbons qui lui servaient d’yeux au guerrier à la masse étaient devenus deux braises ardentes. Réagissant avec lui, quoique avec moins d’entrain, toute l’assemblée naine semblait s’être immobilisé de manière fort peu avenante. Un silence à vous faire regretter de respirer avait transformé la comédie sanglante de leur duel en une sinistre tragédie.
Les trouble-fêtes (ses sauveurs) avaient tout des joyeux ladres qui avaient appris à vivre en marge. C’était du reître de mauvais aloi, du brigand de grand chemin, de l’homme de corde et de mauvaise vie. Il en avait souvent rencontré, en tant que chevalier errant, et il lui était arrivé de croiser le fer à leur côté ou contre leurs épées. Et en parlant d’épées, les forbans avaient déjà dégainé les leurs, les faisant miroiter sous la lumière chiche de la fosse comme le font tous les tranche-montagne ensorcelés par les vapeurs de l’alcool. Cela peinait certes le bon Aetius de devoir en découdre avec des gens de sa race, mais il était maintenant prêt à faire sept fois le tour des Enfers pour ne plus avoir à regard en face la masse de Thorak. Aussi, retrouvant déjà ses repères et dégainant son épée dans un soupir d’aise, il salua d’un « messire » enjoué ces rôdeurs avinés et fonça sus à la canaille. En trois pas, la rumeur gutturale des nains reprenait, tandis qu’Aetius, en un mouvement assuré et leste, esquiva le tranchant mortel de l’un des maraudeurs. Il se retrouvait dans son élément, celui où des ennemis de même taille s’affrontaient avec des armes qui ne faisaient pas deux fois leur poids. On s’entretuait enfin de manière civilisée, à l’épée s’il vous plaît. |
| | | Dun Eyr
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Lun 28 Juin 2010 - 22:17 | |
| Le "montre-force" se trouve être le concept fondamental des relations qu'entretient le petit peuple des Montagnes avec les différentes nations sous les bannières, et ignorer un tel symbole de la race Naine reviendrait à exposer son cou à un contact précipité et peu souhaitable avec le tranchant d'une double hache. La légende conte que Rodmin le Forge-Citadelle, alors que de ses outils avait jailli la plus cyclopéenne des forteresses jamais bâties de mémoire de Nain, se trouvait à tenir conseil avec deux Généraux de l'Armée des Montagnes. Car le fortin dressait ses titanesques tourelles contre le doux pays des Maîtres Elfes, sous le ciel à l'éclat de paix. Et, aux questions des chefs de guerre, le Brave Bâtisseur lâcha ces quelques taciturnes paroles : "Que toujours les preux portent haut leurs haches, et fendent douze mille boisseaux de leur tranchant. Qu'ainsi tous, et même celui qui est frère de ton peuple, s'avancent en tremblant sur le sol de tes fils. Que les âmes aux longues-jambes connaissent, en nos terres, la force des Nains. Et nulle flèche ne sera tirée contre ceux qui portent bravoure."
En ce jour, contre les mécréants avinés de la fosse, plus que jamais les Nains allaient pouvoir faire œuvre de montre-force. Et si ces trois là repartaient en six fragments, cela saurait bien instruire la bande des maraudeurs faméliques qui observaient le combat depuis le fond de l'arène... D'un œil, Dun Eyr suivit les mouvements terribles de Thorak fendant l'air. Sa terrifiante masse tambourinait de fureur dans le vent, et ce serpent d'airain semblait prêt à fondre sur le premier crâne venu. Parmi les entrelacs tourbillonnait la fureur rouge de Lirgan, et les yeux envoûtés dardaient sur le monde la lueur vengeresse du Nain insulté. Face au guerrier des Cimes du Nord se dressait la silhouette malhabile d'un rôdeur à l'esprit gorgé d'alcool, et ses dents jaunes suintaient de violence devant l'ouragan de la masse. Avec la stupidité du vieil ivrogne, l'Homme éleva son épée à l'estoc rouillé, et s'apprêta à bondir, guettant, de ses yeux troubles, la faille dans la danse de destruction. Comme un chien maladif, il relevait des lèvres grasses sur ses gencives tordues, et grognait presque de contentement. L'espace d'un instant, Dun Eyr eut pitié. Pitié de ce fou qui courait à la mort, pitié de cet esclave du déshonneur qui mourrait comme un loup abattu. Il n'avait aucune chance, toute aiguë que fût sa lame. Et pourtant, le Haut-Prêtre ne cilla pas l'ombre d'une seconde, ouvrant des yeux froids sur le saut tremblant du maraudeur roux, et sur le jaillissement de la masse contre le faible crâne aux os si fins. La cervelle roula jusqu'aux sables de l'arène, abreuvant le sable de son sang rougeâtre. Alors, lentement, Dun Eyr leva les yeux vers Thorak, et tous deux opinèrent gravement, la mine sombre. Il n'y avait aucun honneur à cette lutte, aucune gloire. Déjà, Thorak avait tiré de sa besace une poignée de cendre bleue, et frottait le métal rougi avec l'application de l'artisan, et la tristesse du loup. Jamais un sang aussi sale n'aurait dû rouler sur les antiques runes de l'arme.
Un sifflement hargneux tira Dun Eyr de ses méditations. Voilà que s'avançait son ennemi, la lame levée comme un couperet, les yeux gorgés de rage. Le Nain, las mais stoïque, laissa tomber ses tablettes de cire pour s'élancer à la rencontre du mécréant. Quelques acclamations fusèrent de la foule du petit peuple ici rassemblé - le montre-force trouvait sa plus noble expression dans l'assommement à mains nues - mais Dun Eyr n'y prêta aucune attention, grimpant sur un petit banc de bois pour s'effondrer avec plus de force encore contre le nervi déclassé. Les deux poings de Nain se levèrent, la lame de l'Homme sifflait au loin, et... D'un coup, il n'y eut plus rien. Rien, si ce n'est la douleur. Une brûlure terrible entre les paupières, un feu vorace qui mordait les yeux, avalait les pupilles. Lourdement, le Nain buta sur les gradins, rebondit et acheva sa course contre les pierres de l'arène, les yeux en larmes. Quelque part, le maraudeur riait aux éclats; mais Dun Eyr ne pouvait l'entendre, tant l'assemblée des Nains grognait et trépignait de protestations. Du sable. Ce parjure à l'honneur crasse s'était abaissé à la plus dévoyée des infamies, et avait pris une pleine poignée du sable des arènes pour aveugler le Haut-Prêtre. Ces vandales se révélaient décidément au-dessous de tout, et la mort serait encore trop douce pour de si lâches agissements.
Et voilà que s'avançait l'Homme, la lame levée, les dents saillantes, prêt à délivrer le coup de grâce au Nain effondré. Il ne lui offrirait pas même le droit de mourir debout, les poings levés, la mort méprisée jusqu'au blanc de l'œil. Cela ne sera pas, gronda Dun Eyr en lui-même. Aveugles, les pupilles embrasées de sable et de sang mêlés, le Nain roula sur lui-même, heurtant les pierres inégales, parmi les bancs renversés. Une lame siffla, et le métal cogna sur la pierre toute proche, à un cheveu de la barbe de Dun Eyr. Ses deux pieds retrouvèrent enfin le sol stable, et le Nain se releva tant bien que mal. Sa vision n'était plus qu'un abîme rugissant, et entre les larmes de douleur ne luisait aucune lumière. Quelque part, pourtant, se mouvait la forme famélique du rôdeur, entourée de ce rire de glace, ce rire qui puait l'alcool, aux relents de bière chaude et de traîtrise. Une nouvelle fois, l'épée siffla, s'en fut, revint à la charge; et la robe du Haut-Prêtre ondulait dans le souffle du fer. Loin, très loin de là, les Nains se rengorgeaient en récriminations. Mais quelque lâche que fût son ennemi, cette lutte demeurait un duel : et les imprécations de Mogar s'abattraient comme le foudre sur le premier des Nains qui porterait secours à Dun Eyr. Aussi combattait-il à la force de ses poings, esseulé dans le gouffre de ses yeux bafoués. Une fois encore passa la lame, effleurant avec ardeur la crinière d'argent du Nain. Voilà que ce brigand sans patrie jouait avec lui, taquinait les fureurs du petit peuple à la pointe d'une rapière teintée de rouille. Une nouvelle botte du maraudeur jaillit, et la joue droite du Nain s'enflamma d'une longue balafre. Le sang coulait avec force, courant sur la bouche aux lèvres tendues par la fureur. Allait-il le saigner comme un gibier de sang sale ? Roulant sur lui-même, Dun Eyr esquiva un assaut sifflant, et tituba dans son voile d'ombres. Là, tout proche et pourtant si loin, cliquetait le rire du soulard, repris en chœur par une douzaine de bouches tout aussi poisseuses que la sienne. Cette ignominieuse bande de tranche-gorges allait se jouer de lui jusqu'à l'épuisement, tout à leur aise de braver l'honneur du bretteur sous les montagnes.
Alors, Dun Eyr se prit à hurler, et jamais hurlement ne fut plus terrible que celui-ci. Car dans la langue du Nain se mêlaient les sombres colères de Lirgan, son Dieu, leur fléau. Et c'était une langue horrifiante, qui n'avait nul mot et nulle phrase, si ce n'était le plus noir des vœux de tempête. Pas même les ours blessés, ni les loups réduits à l'hallali ne poussaient de tels hurlements : car entre ces cris se mêlait toutes les malédictions du Dieu des Esprits, et le Divin Ciseleur gravait déjà le destin du maraudeur sur des tablettes de sang brûlant. Un vent s'éleva depuis le Nord, et balaya les arènes en tourbillons de glace, secouant les capes et les âmes comme sous l'effet de quelque ravage. Les rires se turent, et les yeux du Nain retrouvèrent le chemin de la lumière. Mais de rouges prunelles s'allumaient dans ses orbites, et c'était Lirgan lui-même qui fermait ses poings lorsque s'élança Dun Eyr, le crépuscule des lâches. Le maraudeur recula, manqua de tomber, leva faiblement son épée, et ce fut toute la fureur des cimes qui s'abattit pour faire voler le fer en éclats, crevassé jusqu'à la garde. Les lourdes bottes du Nain s'enfoncèrent loin dans les côtes de l'Humain effrayé, tandis que le poing monolithique s'effondrait sur le crâne aux cheveux filasses. Et ce fut un sombre craquement qui rompit le silence, se répercutant loin sous la fosse, pour rejaillir en écho vers le rôdeur au cou rompu.
Entraîne par son élan dévastateur, Dun Eyr roula de nouveau sur le sol de pierre, les membres disloqués de l'Homme battant sur son corps tendu pour délivrer la mort. Le souffle gorgé de fureur, le héraut de Lirgan fit volte-face, promenant son regard terrible sur les maraudeurs effrayés. Ils ne furent certes pas longs à filer, quelque pût être le sort qu'Aetius réservât à leur chef d'un jour.
Si cela, ce n'était pas du montre-force... |
| | | Aetius d'Ivrey
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Jeu 1 Juil 2010 - 19:17 | |
| Le combat d’Aetius était quant à lui des plus aisés. Le soudard, portant un lourd cimeterre principalement dévolu aux attaques à cheval ou aux mêlées entre gens sans armure. Les puissants coups de l’adversaire étaient donc trop lents et Aetius, qui ne portait que le camail du chevalier, pouvait se mouvoir sans difficulté et sans craindre qu’une des frappes d’estoc ne le blesse, la lame du cimeterre risquant inévitablement de riper sur la maille de fer qui le protégeait. C’était donc avec une incroyable frivolité qu’il enchaînait les feintes et les provocations humiliantes, saisissant même, à un moment donné, la main d’épée de son adversaire pour le faire trébucher et tomber. Sa démonstration d’adresse, certes un peu arrogante, semblait plaire aux nains, qui riaient des mésaventures de l’ivrogne malheureux et qui, pour certains, criaient dans un nain qu’Aetius comprenait encore mal des choses comme « à la main », « à la force. » Présumant que la foule voulait une lutte à mains nues, Aetius, content de pouvoir, cette fois-ci, plaire à la foule, enchaîna quelques coups avant de désarmer son adversaire.
Ainsi, profitant des temps de flottement de plus en plus important de son adversaire, il frappa ce dernier à la tête avec le plat de son épée, ce qui valut quelques hourras de la part des nains. Une fois le maraudeur mal en point, il fit tomber le cimeterre et, avec une lenteur remplie d’orgueil, rangea au fourreau son épée pour finir, en deux coups de points un ennemi déjà presque assommé. Hélas, ses derniers coups ne furent pas vus par ses admirateurs, car tous les yeux étaient tournés vers le déchaînement de violence auquel s’adonnait son compagnon nain, Dun Eyr, qui envoya valdinguer son adversaire dans un tour de force tenant de la magie. Contemplant un instant le nain fâché, Aetius se dit en maîtrisant un frisson qu’il ne devrait jamais mettre ce dernier en colère. |
| | | Dun Eyr
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Sam 3 Juil 2010 - 1:51 | |
| La folie. La voilà, sous les sens endormis, les âmes en horreur, la voilà qui rôde, marcheuse des ombres lancinantes, cœur d'airain aux pieds de ténèbres, lames en serre, haine érigée, yeux fendus, la fureur au sein. Déjà, à ses pieds, le corps brisé de l'Homme gisait dans ses soupirs, les os fracassés par la vengeance de Lirgan Poing-de-Basalte. Au loin, les silhouettes des maraudeurs avaient disparu sous les ombres des gradins, et un vent de chaleur balayait leurs capes claquant dans le sillage des couards. Comme des hommes de paille, ces formes au cœur enserré de crainte glapissaient par bonds précipités vers les escaliers Sud, et le premier d'entre eux - au visage plus livide encore que ses compagnons de fugue - gravissait à grands bonds les marches de granit clair. Leurs yeux, déjà, s'emplissaient d'étoiles en songeant à la double porte d'airain, qui dressait ses battants au sommet de l'escalier titanesque, si proche, si rouge... Pourtant,à cette vue, l'assemblée des Nains se changea en un instant : la foule, jusqu'alors trépignante et fébrile, se condensa en une tempête de cris et d'exclamations; et cette masse tournait, et cette masse revenait, houleuse et bondissante, autour d'une unique silhouette. Dun Eyr lui-même, les prunelles désertées de toute la tourmente du Dieu, s'empressait, se démenait, et de ses poches sans fond jaillissaient des poignées de piécettes dorées. Il convient désormais d'examiner cette étrange silhouette concentrant - en un instant - toutes les attentions. On le nommait Khor'Thor, et son double tabard brûlé aux encoignures était frappé d'un sceau vermillon, orné de deux haches. C'eût été fort ardu, même jusque dans les plus obscures bourgades des provinces du Septentrion, de trouver un Nain qui ne reconnût pas là la Corporation des Monte-Machines. Et ce petit être à la barbe rousse comme le feu, savamment relevée en trois tresses couplées, n'était autre que le Premier Artisan de ce cercle. Et s'il gorgeait ses besaces de piécettes, et couvrait un calepin de chiffres divers, c'était bien en raison de la passion démesurée des Nains pour les paris.
Les arènes de Lante avaient abrité des dizaines de milliers de combats depuis leur fondation, et des décennies durant elles demeurèrent inchangées, élevant les mêmes pierres pour dominer les mêmes gradins. Toutefois, il y a de cela deux douzaines d'années, l'Artisan Khor'Thor y apporta une modification de taille en truffant ses accès de pièges et autres mécanismes tranchants. Peu de condamnés, depuis lors, sont parvenus à s'enfuir de la Fosse. Or, il se trouvait que l'escalier Sud - celui-là même que six maraudeurs malheureux tentaient de gravir - concentrait plus de pièges que bon nombre de castels des domaines de l'Est. C'était maintenant un brouhaha tout à fait Nanesque qui garrottait le petit Khor'Thor pour parier sur ses grandes œuvres. Deux courants s'opposaient parmi les joueurs : les arbalètes ou la pierre.
Les arbalètes semblèrent tout d'abord remporter le plus vif succès, et furent côtées à douze sur un, tant elles promettaient de beaux ravages. En effet, quelques pas faisaient cliqueter doucement de sombres marches de l'escalier - et la malheureux se trouvait criblé de six traits, depuis le haut du crâne jusqu'à l'entournure des chevilles. Deux rôdeurs furent ainsi emportés, et leurs corps précipités chutèrent comme des pierres vers le sol de sable pétri. Quelques applaudissements polis les saluèrent d'un ultime baroud. Toutefois, un troisième couard parvint, au prix d'un bond improbable, à esquiver l'ensemble des carreaux dressés à son encontre, déchainant la passion du petit peuple. La côte monta à quinze sur un, mais retomba à dix lorsque le plus petit des errants, tremblotant sur ses jambes comme quelque insecte boiteux, chuta de lui-même par-dessus la corniche, hurlant à la mort escarpée. Néanmoins, les arbalètes n'eurent raison que de la moitié de cette étrange compagnie; les trois survivants, quant à eux, l'œil bercé d'illusions folles, connurent la pierre. S'effondrant de son encoche, le terrifiant rocher bondit contre les marches de granit pour s'effondrer sur les fuyards, broyant comme un torrent en crue les os malmenés, et les charriant vers le gouffre.
Trois à trois. Égalité. Selon l'admirable coutume Naine, l'ensemble des mises fut alors consacrée à abreuver les parieurs à grande lampées de cervoise cavernicole.
Pourtant, alors même que la foule s'écoulait vers la plus proche des tavernes, les bras chargés de piécettes sonnantes, un bref signe d'entente passa entre Dun Eyr, Thorak et Khor'Thor. L'instant d'après, les genoux baignés dans le sable aux reflets de sang, voilà que s'assemblaient le Lutteur, l'Artisan et le Haut-Prêtre, et que d'entre les plis des tuniques du premier d'entre eux jaillissait une longue pipe de corne. Une étrange substance d'ombre grise, au fumet intriguant, foisonnait dans le sein de ce calumet des combattants. Alors, levant l'objet en direction d'Aetius resté seul, Thorak gronda :
- Les guerriers fument au repos des âmes, pour que Mogar leur jette le bel œil. La première bouffée sera pour toi, ô Chevalier à la Main-Tonnante. |
| | | Aetius d'Ivrey
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Sam 3 Juil 2010 - 17:23 | |
| Au milieu de ce spectacle de fureur et de violence, le chevalier humain restait pétrifié. Peu habitué aux mœurs brutales de ce peuple rude, il ne pouvait que contempler d’un œil impuissant le sort que l’on réservait à ceux qu’il croyait sorti d’affaire. Lui-même avait retenu son bras contre l’homme du nord, pour qu’on ne fasse pas payer trop cher leur ivresse à ces gentils brigands. Les nains estimaient la valeur d’une vie à moins que ça, notamment celle d’un marginal. La chape de plomb des traditions naines, savant mélange de coutumes sanglantes et de règles sévères, avait enserré le poitrail des fuyards déjà compressé sous les serres de la peur. Hélas, futurs cadavres, ils ignoraient encore que leur sort était déjà tout jugé, tout comme le chevalier, attaché aux préceptes de Néera et n’ayant pas la même perception de la vie et de ces situations.
Ainsi regardait-il la demi-douzaine d’hommes échapper à leurs bourreaux, lesquels s’étaient immobilisé pour apprécier du mieux qu’ils pouvaient l’évasion qui avait lieu sous leurs yeux. Les jambes fatiguées des hommes gravissaient avec une rapidité laborieuse et contrainte ce perron sinistre qui reliait fosse à porte, porte rouge et immense, derrière barrière les séparant d’un monde débarrassé des grosses tatanes dans leur face. Mais la magie opérait en ce lieu, ou du moins l’inventive cruauté du petit peuple, lequel pariait déjà, à côté de la fosse et non loin du spectacle, pour savoir comment ce qu’ils prenaient pour du simple gibier allait disparaître de ce monde. Aetius ne comprit d’abord pas cette frénésie de jeu qui prenait la foule de nains, qui se dirigeaient vers un homme à l’allure différente mais aussi auprès des commis de ce dernier, qui criait, au milieu de cette ruche de joueurs, les différents paris pris et les écrivaient à leur tour sur du vélin. Et puis il vit les premiers carreaux s’enfoncer dans le corps des fuyards, les yeux ronds. Complètement abasourdi par ces paris que l’on faisait sur l’exécution sommaire et mécanique que l’on offrait à des hommes ayant rompu des règles qu’ils devaient à peine connaître, le chevalier tourna de nouveau son regard vers le cruel épilogue que les nains offraient à cet épisode martial. Voilà qu’un autre des fuyards esquivait les carreaux, tour de force acclamé par le public qui ne doutait pour autant pas que la valeur de l’ivrogne ne lui vaudrait aucune grâce de la part des pièges.
Et tout se finit là. Un nouveau jet de carreaux, puis une pierre, énorme. Le bloc, taillé pour l’occasion absorba les cadavres qu’il avait écrasé avant de les broyer dans sa course jusqu’au néant. Roulant à toute allure sur les nains, qui s’égaillèrent avec la vitesse que procure l’habitude de ce genre de scènes, elle se jeta dans la fosse elle-même pour y disparaître avec les importuns et dans les applaudissements enthousiastes des gradins. La conclusion de cette tombée de rideau sans pitié fut une immense beuverie et, selon une coutume qu’Aetius ne connaissait et ne comprenait pas, les différents cabaretiers qui se trouvaient dans cette fosse, que ce soit les colporteurs uniquement armés de leur petit étal mobile, les vendeurs à la sauvette ou les grandes distillateurs disposant de magasins creusés à même les murs de roche de l’étrange arène. Débiteurs et créanciers s’offraient la bière dans de complexes liens officieux et officiels que peu d’étrangers auraient pu comprendre, et tandis qu’Aetius restait là, immobile après l’ignominie naine, la mort de ses coraciaux, Thorak s’approcha de lui. Nul sourire engageant, nulle parole avenante, juste une poignée de mots, des phrases lapidaires et directes, certes imagées, mais extrêmement spartiates. Il lui tendait une pipe, la même que celle qu’il avait à la bouche avant leur lutte.
Aetius la prit, hochant la tête à l’adresse de son ancien adversaire et commença à aspirer la fumée que produisait la pipe. Au bout de la première bouffée, il cracha ses poumons et ses yeux s’embuèrent. Sous le regard impérieux de Thorak, il recommença l’opération plusieurs fois en aspirant moins cette fragrance dégoûtante et en crachant la plupart du temps. Sa salive était devenue amère, sa gorge piquait, son cerveau lui faisait mal. Alors que Thorak s’en allait voir un autre de ses camarades, satisfait de voir Aetius dans cet état, le chevalier à la Main-Tonnante s’assit, s’appuyant contre un mur et l’un des étals, à l’abri des cris de tous qui lui déchiraient les tympans, à l’abri du mouvement qui blessait ses yeux. Ainsi commençait le commatage. |
| | | Dun Eyr
Ancien
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| Sujet: Re: Au dessus de la fosse, Lante. Mer 7 Juil 2010 - 13:26 | |
| Un papillon.
Chose fort étrange et incongrue sous les roches grondantes de Lante, voilà qu'un papillon voletait sous la poussière de la fosse, ses ailes d'azur déployées comme des voiles de silence. Ce n'était toutefois pas si surprenant que cela, en cela qu'il ne papillonnait pas dans l'ombre de l'arène mais bien sur ces champs infinis, moirés, miroitants, que Dun Eyr contemplait de deux yeux de chouette. Parsemées comme le bon grain semé, des bottes de rude cuir du Nord émergeaient à demi de la terre brune, et quelques faucons aux plumes d'acier chantaient pour leur croissance. Au milieu de cela dormait Dun Eyr, les paupières ouvertes, souriant de larmes. Mais ses pas bondirent bientôt hors du champ, jusqu'à quelque rocher émergé, car voici que les bottes ensemencées saluaient leurs printemps, et croissaient d'entre les mottes de terre dansante. Toute la récolte des bottes bondissait hors du sol, mûres à souhait, et leurs larges boucles d'étain patientaient pour la main du vendangeur. D'ailleurs, qu'était la lourdeur de cette silhouette découpée dans la flamme d'un soleil ivre ? De deux enjambées galopantes, les mains ballant au vent, et quelque oripeau de gloire lui formait une auréole bleutée, s'avançait une rêverie. De son lourd tablier, se dégageait l'ombre furtive d'un vieux blason battu aux souffles, et quelques gouttes jaillissaient d'entre les dents de la créature. Puis s'allongeaient les pattes, se courbait l'échine, et sous la lumière morte trônait, brûlant comme la mer, un vieux Kerkand aux os compassés.
Par dessous les volutes de sa fumée, Dun Eyr sourit vaguement aux pierres. Il y avait là Thorak et se carcasse, Aetius aux longues jambes, et Khor'Thor l'embusqué. De tous les champignons des domaines Nains, nul doute, le bolet cavernicole des Deux-Pics offrait les plus cotonneux des cauchemars blonds...
Érigé sur son rocher comme Nain sur son tonneau, Dun Eyr s'empara d'une botte tout juste éclose, balança le bras, épaula, et... |
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