Perdue [RP avec Isaëlle]

Méca...

Lieu de perdition et de débauche, repère de pirates et de voleurs, voire de trancheurs de gorge et de violeurs. Un endroit charmant, sans aucun doute et on se demandait ce qu'y fichait une si délicate jeune femme à l'allure simple mais raffinée, bien loin des ribaudes vulgaires qui alpaguaient le chaland pour quelques malheureux écus. Isaëlle regardait toute cette vie sans la comprendre, mais sans la juger non plus. Méca était sale, puante, encombrée, mais très animée. Les hommes y étaient avinés, pauvres, lubriques, les femmes dévêtues et aguicheuses. Vivaient là les pires rebuts de la société.

On racontait qu'autrefois, cette île était un bagne et qu'un homme avait réussi à se libérer de ses chaines pour créer une guilde qui prônait la liberté. La Marine Marchande était née ainsi. Mais depuis, bien des capitaines s'étaient succédés et les marins n'étaient plus que des pirates, des pilleurs, qui sabordaient les navires et pillaient les côtes pour leur profit.

Alors que faisait-elle donc dans cet endroit sordide?

C'était un étrange concours de circonstances : elle avait embarqué sur un navire, qui s'était fait attaquer par ces fameux pirates. Elle n'avait pas été blessée, fort heureusement, mais avait su se rendre utile en soignant le capitaine du navire pirate et en gagnant ainsi sa liberté. Un capitaine avec de l'honneur! Elle n'avait été ni violée, ni violentée, ni brutalisée, mais débarquée sur cette île sans ménagement, la laissant seule. Autant signer son arrêt de mort.

Mais Isaëlle était une femme courageuse et optimiste. Elle préférait ne pas penser à ce qu'il risquait de lui arriver pour songer à la façon de quitter cette île. Isaëlle louvoyait parmi les étals, se faisant souvent alpaguer pour lui proposer une bonne affaire, quand elle se fit soudainement agressée par un homme qu'elle n'avait même pas vu jusqu'à maintenant. Perdue dans ses pensées, elle avançait sans réellement voir. Elle lui jeta un regard surpris. La jeune femme portait un pantalon et une tunique brune, avec une cape à capuche qui était rabattue, laissant voir ses traits fins et harmonieux et sa longue chevelure brune. L'homme était vêtu de façon similaire.

- "Pardon?"

Elle jeta un regard surpris à cet homme qui se moquait d'elle, sans aucune raison.

- "Merci de quoi?"

Elle fronça ses fins sourcils et fit un pas en arrière, sur ses gardes. Allez savoir sur quoi on tombait dans ce bouge immonde!

Azrayen était à deux doigts de laisser sur le côté cette enquiquineuse au visage voilé qui lui avait fait perdre la trace d'Eléonor. Non mais vraiment. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire ici. Plus qu'agacé, le demi drow lui adressa une moue de dédain.

C'est alors qu'elle prit la parole. Ah ça, c'était sans doute la dernière chose qu'il s'attendait à se qu'elle fasse. Oui, vraiment. C'est se qui l'incita à rester quelques secondes de plus. Après tout, Eléonor n'allait pas se faire agresser en plein milieu du marché et elle était assez intelligente pour se dire que se balader toute seule les mains dans les poches dans les ruelles sombres de Méca ne serait pas une excellente idée.

- "Pardon?"

Oui, d'accord, elle ne pouvait pas comprendre pourquoi est-ce qu'il lui avait dit cela. Elle lui jeta un regard surprit et Azrayen soupira, déjà agacé de la converssation qui allait s'engager. Elle allait dire quelque chose et lui, il allait devoir répondre.

Pffffffffffffft.

Voilà pourquoi il détestait les gens. Pas fichus de se taire et de ne s'occuper que de leurs affaires.

- "Merci de quoi?"

Cette fille ne comprenait pas le sarcasme ou quoi?

Mais sur qui est-ce qu'il avait bien put tomber encore? Décidément, il les accumulaient toutes. On lui offrait une esclave l'autre jour alors qu'on lui avait rien demandé et voilà que maintenant, il se retrouvait à devoir tailler le bout de gras avec une inconnue.

*Azra, il vas falloir que tu te ressaisisse. Ça me plait pas du tout cela.*

Allons bon, voilà qu'elle se mettait sur ses gardes comme s'il allait lui sauter dessus. Azrayen soupira. S'il avait voulut s'en prendre à elle, il l'aurait déjà fait depuis longtemps et elle n'aurait sans doute pas eu le temps de se rendre compte de se qui lui arrivait.

Le demi-drow ouvrit la bouche lorsqu'il apperçut quelque chose.

Un passant bouscula doucement la jeune femme, s'excusa brièvement brièvement auprès d'elle, puis continua sa route, un jeune homme lui emboitant le pas.

Azrayen fit tourner entre ses doigts sa grosse bague, hésitant sur la marche à suivre.

*Je le fais ou je le fais pas? Allez, on vas être un peu gentil.*

D'un coup, alors que le jeune homme passait à sa portée, il l'attrapa par le col.

« Lâchez, moi, ordonna celui-ci. »

Azrayen le força à le regarder.

« La bourse. »

« Je... »

Le demi-drow tendit la main.

« Donne la moi ou je vais la chercher moi même. »

Le jeune homme soupira et sortit une bourse dont les cordons avaient été sectionné d'un replis de son vêtement.

« Merci te ta bienveillante cohopération, ricana le mercenaire. »

Ne prêtant plus la moindre attention au petit voleur, il lança la bourse à la demie elfe qui se tenait toujours devant lui.

« Vous devriez faire plus attention à vos affaires. »

Décidément, les gens étaient charmants dans le coin, vraiment charmant. Isaëlle frémit devant le regard de mépris que lui fit cet inconnu qui osait la alpaguer comme la dernière des catins et qui se permettait encore de l'agresser alors qu'elle n'avait rien fait. Elle n'avait qu'une envie : repartir de cette île maudite. Et alors qu'elle s'offusquait en se demandant ce que lui voulait ce dingue, elle surprit son soupir agacé. Franchement, quel rustre! Devant ce genre d'individus, il y avait de quoi perdre patience!

C'est alors qu'on la bouscula, doucement, mais quand même et Isaëlle soupira, foudroyant l'inconnu du regard avant de se radoucir quand il s'excusa. Il était poli, lui, au moins. Mais elle n'eut pas le temps de penser à autre chose que le passant qui l'avait prise à partie, attrapait le jeune homme par le col.

- "Mais qu'est-ce que vous faites?"

Isaëlle était outrée des manières de ce malotru. Qu'est-ce qui lui prenait de s'en prendre à cet innocent? Cependant, elle se figea en l'entendant demander la bourse... La bourse? La demie elfe fouilla dans ses affaires et remarqua qu'en effet, il lui manquait sa bourse. Alors là, c'était trop, elle se faisait voler en plus d'être bousculée et agressée! Elle avait envie de hurler. L'inconnu récupéra la bourse et la lança à la guérisseuse qui la récupéra à la volée.

- "Je suppose que je vous dois des remerciements. Alors merci."

Elle soupira, passant une main dans ses cheveux. Elle était fatiguée de cette île et de ses habitants grossiers.

- "Pourquoi m'avoir agressée toute à l'heure?"

Elle fouilla dans sa bourse tout en posant la question, sortant quelques pièces pour les tendre à son étrange sauveur.

- "Prenez les, vous n'étiez pas obligé de faire ça. Ce n'est pas grand chose, mais j'ai peu de biens, je suis navrée."

Elle se mordit la lèvre et demanda d'une voix douce :

- "Sauriez-vous, par hasard, comment je pourrais rejoindre le continent? Je suis sur cette île, contrainte et forcée et j'aimerais bien rentrer maintenant."

Elle remarqua qu'à son remerciement, l'homme perdit toute couleur et n'aurait pas arboré une expression différente si elle l'avait frappé. Ben quoi? Qu'avait-elle dit? Cet homme était étrange, ses réactions n'étaient pas du tout celles qu'elle attendait et elle s'en trouvait totalement déstabilisée. D'ailleurs, elle lui posa alors la question, lui demandant ce qui lui avait valu cet élan d'agressivité verbale toute à l'heure. Mais l'homme restait obstinément muet et fermé. En désespoir de cause, elle voulu le remercier de quelques piécettes, pour service rendu.

Elle profita pourtant de se trouver en face de quelqu'un qui lui adressait pas parole pour pousser son avantage et chercher à trouver un moyen pour filer vite fait de ce trou à rats.

Mais l'homme ne répondait toujours pas. Elle remarqua pourtant qu'il était en colère et son regard se fit plus apeuré, bien qu'elle ne chercha pas à se dérober. Il refusa finalement tout net son argent et elle suspendit son geste, avant de remettre ses piécettes lentement dans sa bourse, surprise par sa hargne soudaine.

Elle se trouva soudain découragée par la réponse de l'homme. Elle ne quitterait pas Méca si facilement, elle n'avait pas l'argent pour et elle refusait de servir d'amusement à des marins en chaleur.

- "Je suis désolée, j'ai été débarquée ici de force et je pensais que vous pourriez peut-être m'aider..."

Toute la misère du monde semblait s'être soudain abattue sur ses épaules... Mais elle ne pouvait pas se lamenter, alors elle le regarda droit dans les yeux et reprit :

- "Pourquoi êtes-vous aussi hostile? Qu'ai-je fais pour que vous nourrissiez ces sentiments à mon égard?"

Une expression de franche surprise se dessina sur le visage de la jolie demie elfe alors qu'il répondait simplement haïr tout le monde et l'envier, elle. L'envier? Elle ne comprenait pas vraiment en quoi sa position était enviable. Et elle trouvait cela terrible de haïr tout le monde. Pourquoi donc vivre avec cette haine chevillée au corps? Elle n'était pas qu'amour non plus, elle n'était pas si naïve, mais elle préférait gaspiller son énergie à autre chose qu'à détester les gens.

- "Mais pourquoi? Je... oh."

Il se découvrit enfin devant elle et elle put voir son visage, fin, racé... indéniablement elfique. Sauf que sa chevelure neigeuse et son teint grisâtre relevait davantage des cousins sombres. Demi-drow donc. Et là, ses paroles prirent soudain un sens évident. Issu de la race honnie et chassée de tous, il avait du être rejeté, vilipendé par tous, pour un métissage dont il n'était absolument pas responsable. Forcé de se dissimuler aux yeux du monde, sa rancoeur l'avait poussé à haïr les autres pour la liberté dont ils jouissaient. Et il l'enviait elle, parce qu'elle pouvait se promener au grand jour, sans craindre des brimades... ou des violences. Enfin, ça c'était en théorie. Etant femme, elle était plus exposée que lui, pas à cause de son métissage, mais à cause de son sexe. Les elfes la regardaient avec un mélange de condescendance et de mépris... Pauvre petite chose qui n'était pas immortelle, qui était maladroite comparée à eux... Encore le fruit des fautes d'un des leurs. Elle en avait l'habitude et elle s'en moquait bien. Les humains la regardaient avec envie et concupiscence. Trop jolie, trop délicate, trop douce.

Avant qu'elle ai pu dire quoique ce soit, il se retourna, comme pour fuir un éventuel commentaire et lui proposa son aide. Un capitaine de navire, pas vraiment plus honnête que les autres, mais elle n'avait pas les bons attributs pour lui plaire. Elle blêmit quelque peu et trottina derrière le demi-drow.

- "Merci."

Elle se mordilla la lèvre, avant de demander doucement :

- "Pourquoi m'aidez-vous finalement? Rien ne vous y oblige..."

Il l'avait dit, il l'enviait et pour cela, il devait la détester. Mais il était son seul espoir de sortir d'ici. Cette île lui faisait peur, trop de brutalité... Elle n'était pas formée à se battre, mais à guérir. Ses talents étaient utiles, mais de tels rustres s'en fichaient malheureusement.

- "Vous êtes un pirate?"

Après tout, il vivait sur cette île... Il n'y avait pas que des pirates, bien sûr, il y avait aussi ceux qui cherchaient à fuir les jugements. Et elle trouvait dommage que de tels gens doivent se cacher dans ce trou à rats au lieu de vivre pleinement leur vie...

Le moins qu'on pouvait dire c'est que son étrange guide n'était pas très sociable ni bavard. Mais ce n'était pas grave, Isaëlle l'était pour deux. Même si elle risquait fort de se faire couper la langue à force de lui casser les pieds par ses interrogations. Après tout, il n'avait pas l'air commode et il lui avait bien fait comprendre qu'il ne l'aimait pas parce qu'elle, elle avait le droit d'arpenter le monde sans se faire lapider à cause de son ascendance. Pourtant, le demi-drow avait le choix de faire ce qu'il voulait de sa vie. Il n'était pas obligé d'être ce que tout le monde voulait qu'il soit : un être dangereux, fourbe, peu recommandable. C'était surement facile de songer ainsi quand on n'avait pas été mis au ban de la société toute son enfance...

Il finit par s'arrêter, soupirer et se passer une main sur le visage, apparemment déjà lassé des bavardages de la jeune femme. Pourtant, elle ne caquetait pas pour rien, elle ne faisait que se renseigner sur lui, après tout, elle le suivait, elle avait le droit de se faire une idée du personnage et savoir s'il était en train de lui tendre un piège ou de l'aider. Il répliqua qu'il ne savait pas pourquoi il l'aidait, parlant de faiblesse, avant de redevenir désagréable en lui disant qu'il pouvait la laisser se débrouiller.

- "Non, ce n'était pas ce que je souhaitais. Je cherche juste à comprendre vos motivations et votre comportement."

Elle ne lui faisait pas aveuglément confiance, elle n'était pas naïve à ce point là. Il pouvait aussi bien l'emmener dans un traquenard et la vendre comme esclave ou prostituée. Ce n'était pas à exclure, mais il était son seul espoir. Il reprit sa marche et elle lui emboita le pas, cherchant à rester à sa hauteur. Il répondit ne pas être un pirate, mais un mercenaire... Assassin... Bourreau.

Charmant.

Isaëlle fit la moue. S'il tentait de lui faire peur, c'était mal la connaître. Qu'importe ce qu'il était et pouvait faire. Là, il l'aidait... Enfin normalement. Elle fronça les sourcils, écoutant la suite. il se tourna vers elle, un sourire mauvais aux lèvres, avant de parler de ses méfaits.

- "Vous croyez m'effrayer? Cela vous amuse? Un demi drow assassin, comme c'est original. Mais allez-y abreuvez-moi de vos plus délicates tortures, il semblerait que vous souhaitiez susciter l'effroi, le dégoût chez moi, pour une raison qui m'échappe."

Isaëlle n'était pas une petite oie blanche. Malgré ses airs doux, elle avait un caractère bien affirmé. Mais elle se doutait qu'elle était peut-être allée trop loin et qu'elle risquait de susciter une réelle violence chez lui en se montrant trop ironique.