La Belle et le Truand [Aedis Galace-Eidren Alderion]

Le soleil était couché depuis longtemps lorsqu’un râle d’agonie déchira la nuit. L’écho raisonna dans les rues et quelques habitants réveillés, apeurés mais curieux, allumèrent des chandelles et tentèrent d’apercevoir la source de ce cri de douleur. Un vieillard mal luné sorti de sa demeure en chemise de nuit, une lanterne à la main, et beugla :

«Bon dieu c’est pas bientôt fini tout c’raffut ?? »

Le vieil homme balaya la grande rue d’un regard sournois, montrant qu’il était prêt à déverser sa colère sur le premier venu. Soudain, il cru capter un mouvement à l’intérieur de l’auberge d’en face qui, bien qu’elle semblait fermée, avait une fenêtre grande ouverte dont les légers rideaux voletaient au gré de la bise nocturne. Au moment où il s’approcha pour examiner l’intérieur, une silhouette encapuchonnée jaillit et passa à travers la vitre qui vola en éclats. L’inconnu se réceptionna avec souplesse juste à côté du vieillard qui ne broncha pas : il avait ouvert la bouche, près à laisser déverser un flot d’insultes aussi obscènes que ridicules, mais après s'être rendu compte que le nouvel arrivant tenait une dague ensanglantée, il se figea et pâlit dangereusement.

Il est là !! Attrapez-le !!! cria une voix rauque à l’intérieur du bâtiment.

Le fuyard détala à travers la rue, la porte de l’auberge s’ouvrit avec fracas et six hommes armés se lancèrent à sa poursuite.

Saleté de voleur !! Reviens !! vociféra l’un deux.

En son for intérieur, Eidren ne put s’empêcher de rire : comme s’il allait gentiment revenir sur ces pas…Il jeta encore une fois un rapide coup d’œil au carnet qu’il avait subtilisé en fouillant dans le bureau de l’auberge. Carnet d’adresse de la guilde d’Orios.
Non, il ne s’était pas trompé. Commettre une erreur sur l’objet de sa « mission » l’aurait agacé au plus haut point : le demi elfe avait un ego parfois démesuré lorsqu’on remettait en cause ses performances.
Cette fois, il n’avait pas eu de commanditaire précis, si ce n’est la vengeance : la « Guilde » ou plutôt le nid de vipères abrités par l’auberge qu’il venait de dévaliser était sous le contrôle d’un dénommé Seyrin Orios. Ce dernier officiait généralement en tant qu’assassin, mais son redoutable talent, qui était richement récompensé, lui avait permis de se former une milice personnelle, laquelle passait pour une petite guilde aux yeux du monde extérieur. De plus, Seyrin avait de nombreuses relations, dont certaines, vu leur importance, pouvaient aisément convaincre les autorités de ne pas s’attarder sur la légalité de cette milice et de ses agissements.

Mais Eidren n’en avait pas après toute la milice de Seyrin, seul leur chef incombait réellement : ancien coéquipier et assassin de son mentor, Natessa Aldan, le demi elfe le traquait depuis plusieurs semaines déjà. Avec ce carnet, il serait en mesure de remonter jusqu'à Seyrin lui-même qui paraissait avoir totalement disparu ces derniers temps.

Eidren secoua la tête comme pour chasser ces pensées. Il se reconcentra sur l’instant présent et organisa ses objectifs principaux : tout d’abord semer les mercenaires de Seyrin, si possible en évitant de faire couler le sang, ensuite trouver un endroit sûr pour passer le reste de la nuit, et enfin quitter la cité après avoir récupéré Oraan, sa monture.
Les hommes de Seyrin commençaient à gagner du terrain et tout le tapage qu’ils faisaient ne tarderait pas à alerter la garde.
Arrivé à un carrefour, il tourna brusquement puis accéléra l’allure afin de creuser la distance qui le séparait de ses poursuivants. Eidren arriva jusqu'à un bâtiment qu’il escalada : il prit appuis sur le rebord d’une fenêtre et s’élança, parvenant ainsi à atteindre la barrière métallique du petit balcon du premier étage. Le demi elfe se mit debout sur ladite barrière puis s’accrocha sur la gouttière avant de se hisser sur le toit de la bâtisse. Eidren regarda derrière lui afin de voir l’avancée de ses poursuivants, ces derniers tentaient eux aussi de gagner les toits « Avec nettement moins de souplesse et de grâce » ne put s’empêcher de souligner le demi elfe. Se détournant, il continua sa course effrénée, slalomant entre les cheminées qui expiraient les dernières fumées d’un feu mourrant.
Eidren entendit des jurons derrière lui ainsi que de nombreuses imprécations qui lui étaient destinées. Il sauta de toits en toits jusqu'à se retrouvez nez à nez avec un des mercenaires. Ce dernier avait dégainé son épée et se rua sur le demi elfe qui du sortir une de ses dagues pour contrer l’attaque qui, bien qu’elle soit maladroite, elle était assez précise pour qu’une simple esquive ne soit pas suffisante.
Le mercenaire frappa à nouveau, obligeant Eidren à reculer, le rapprochant de plus en plus du bord de la toiture. Un large coup de taille offrit au demi elfe l’ouverture qu’il attendait : Eidren s’accroupit et entailla profondément les mollets de son agresseur qui, sous le douleur et la surprise, poussa un cri et bascula en avant : il roula alors jusqu’au rebord du toit et, dans un dernier effort pour éviter la chute, se raccrocha à la cape d’Eidren. Surpris, ce dernier se sentit projeté en arrière lorsque le mercenaire tomba et l’entraînant dans sa dégringolade par la même occasion.
Ils atterrirent lourdement, dans un vacarme sinistre. Eidren se releva péniblement et observa le mercenaire qui avait amorti sa chute : il portait désormais un regard vide en direction de ciel, visage figée par l’effroi et par la mort.

« Pas de chance » lâcha Eidren à l’attention du cadavre.

Le demi elfe regarda autour de lui et découvrit qu’il se trouvait dans le cul-de-sac d’une ruelle étroite. Il se dirigea le plus silencieusement possible vers la sortie quand cinq hommes armés lui barrèrent la route. Ils étaient en nage et essoufflés, mais Eidren lut en eux un sentiment de pure satisfaction: la proie était à leur merci.

« Comme on se retrouve… » dit l’un d’entre eux, un rictus malfaisant aux lèvres.

Eidren recula lentement et se heurta à un mur. Il observa autour de lui, espérant trouver une éventuelle prise pour escalader la façade : rien. Aucune échappatoire n’était possible. Il posa sa main sur le manche de son épée, prêt à dégainer: le combat était inévitable et son issue, incertaine.

Les hommes de Seyrin approchaient lentement d’Eidren, se délectant de leur supériorité. Il dégaina son arme et aborda une posture défensive. A cinq contre un, le combat était déloyal et le demi elfe doutait fort qu’on lui vienne en aide : les rares personnes qui rodent dans les rues la nuit sont généralement des gardes, dont la guilde avait certainement acheté la loyauté…
Le sang mêlé tentait de garder son calme, en se remémorant les conseils de Natessa « Quelque soit la situation, l’issue est toujours incertaine : que ça soit à l’approche de la victoire ou à l’aube de la défaite, n’abandonne jamais.»
Le voleur resserra son étreinte sur la poignée de son épée et fléchit légèrement les genoux, prêt à se battre.
Soudain, un des mercenaires poussa un cri de douleur et tomba lamentablement face contre terre, un carreau d’arbalète fiché dans la nuque.
L’inespéré venait de se produire.
Profitant de l’ahurissement de ses adversaires, Eidren passa à l’attaque : son premier ennemi para maladroitement, son arme manquant de lui échapper des mains. Le demi elfe poursuivit son assaut : sa lame virevolta et entailla l’épaule du malandrin. Ce dernier comprima par réflexe la plaie avec une de ses mains, signant son arrêt de mort par la même occasion : le demi elfe lui planta son épée au niveau du sternum, jusqu'à la garde. Le gredin émis un gargouillement pathétique et s’effondra au sol quand Eidren retira sa lame.

Pendant ce temps, un autre carreau d’arbalète avait atteint un deuxième lascar qui s’était fiché dans son ventre, le mettant hors combat.
Le sauveur miraculeux était alors entré en scène, arme au poing. De taille assez petite et de silhouette fine, le sauveur en question semblait être un gamin si son maniement de l’épée ne témoignait pas d’une expérience certaine.

Mais trêve de spéculation : un mercenaire était encore prêt à en découdre malgré la perte de ses compagnons. L’assurance qui se reflétait dans ses yeux quelques minutes plus tôt avait totalement disparue : elle laissait désormais place à une haine intense ainsi qu’à une profonde incompréhension. Les rapports de forces s’étaient vus inversés en un rien de temps.
Le sbire poussa un hurlement et passa à l’attaque. Son cri semblait avoir été émis plus pour se donner du courage que pour impressionner son adversaire.
Mué par sa rage, il lança une féroce attaque frontale sur Eidren qui riposta en tenant sa lame horizontale. Le choc fut plus violent et se répercuta dans les bras du demi elfe manquant de lui faire lâcher son arme. A peine eut-il le temps de se reprendre que le malandrin l’agressa à nouveau : il enchaina de larges coups de taille que le demi elfe préférait évitait en reculant de quelques pas ou en fléchissant les genoux, s’accroupissant,… La rage montait en même temps que l’intensité des coups, ce qui rendait, en un sens, les attaques bien plus prévisibles. Mais le demi elfe avait conscience qu’il ne pourrait pas continuer à ce protéger de ces moulinets dévastateurs bien longtemps : une fois de plus le mur lui faisait obstacle et était à moins de deux mètres de lui. Le mercenaire leva son arme :

– Meurs raclure !

Durant sa formation, Natessa lui avait appris quelques techniques faisant appel à la magie et Eidren ne les utilisait qu’en dernier recours, dans les situations d’urgence. Et il s’agissait d’une situation d’urgence.
Le sang mêlé conjura son pouvoir, ressentant du même coup une vague de fatigue physique s’abattre sur lui. Le temps parut alors se ralentir et la lame de son adversaire allait s’abattre sur sa clavicule : il se dégagea de sa situation, et profitant du mouvement ample du mercenaire au regard médusé par la vitesse du voleur, qui suivit alorsson bras lui passant du même coup dans le dos, au moment où le sort prit fin. La lame ricocha contre le mur dans un bruit assourdissant. Au moment où le malandrin s’apprêta a se retourner pour faire face à Eidren, celui-ci lui planta son épée dans le dos entre les deux omoplates. Le vaincu s’affala contre le mur dans une posture grotesque.

Le demi elfe essuya son arme sur le pantalon grisatre du gredin avant de la ranger. Haletant, vidé de ses forces, il peinait à tenir debout et du prendre appui sir le mur pour conserver son équilibre. Il avait négligé les conseils de son mentor qui lui disait de s’entrainer un peu chaques jours afin que les conséquences de l’utilisation du sort de l’Acuité soient moins douloureuses. Mais Eidren n’avait pas pensé que le contrecoup serait si important.
Il longea piteusement le mur et émergea lentement du cul de sac se maudissant de paraître aussi faible. Il aperçu alors le mercenaire qui avait été atteint par le second carreau : plié de douleur et tremblotant, il gisait sur les pavés en position de « chien de fusil » .

-Aidez moi…, murmura t-il à l’intention d’Eidren, pitié…

Son teint dangereusement pâle et la flaque de sang dans laquelle il baignait lui annonçait une mort lente et douloureuse.
Bien qu’il ne nourissait que de l’aversion pour Seyrin et ses hommes, Eidren percevait la souffrance du mercenaire et ne pouvait se résoudre à l’abandonnez comme ça.
Glissant lentement contre le mur et luttant contre la fatigue qu’il menaçait de prendre le dessus, le demi elfe s’approcha doucement du blessé agonisant.Ce dernier sembla percevoir sa présence et tressaillit.
Eidren sortit délicatement sa dague, sans bruit puis pinça le mercenaire au niveau du torse : celui-ci n'eut aucune réaction. Avec une douceur qu’il ne se connaissait pas, Eidren décala une des cuisses de l’homme et planta sa dague à l’intérieur, sectionnant l’artère fémorale. Un flot de sang au débit plutôt faible jaillit alors, souillant une fois de plus les habits du demi elfe.
Le souffle du blessé se calma peu à peu, jusqu’à ce qu’il expire. Ses souffrances avaient pris fin.

Eidren continua alors sa marche saccadée en direction de la sortie du cul de sac et découvrit son sauveur. Ce dernier le dévisagea et le sang mêlé cru lire dans son regard à la fois pitié et stupeur, ce qu’il comprenait : son visage était creusé par la fatigue, et, tout comme ses vêtements, était maculés de sang.

Quelle mine affreuse je dois avoir…, se dit Eidren avant de perdre connaissance.

La respiration du voleur était lente et profonde. Son esprit embrumé parvenait peu à peu à retracer le fil des derniers évènements le faisant lentement émerger.
De légers appuis sur ses plaies avaient réveillés de petites douleurs, mais peu après, cette faible souffrance fut remplacée par de douces caresses apaisantes. Eidren se laissait porter par cette délicatesse sans pareille puis replongea dans un profond sommeil…
Dans ses songes, il revécu les différents évènements qui l’avaient amené jusque la : la mort de son mentor, la recherche de Seyrin, l’interrogatoire de Caldir durant l’attaque du convoi et finalement le vol du Carnet de la guilde.

-Le carnet !

Le demi elfe s’était réveillé en sursaut, et dans son agitation avait failli tomber de son lit.

-Mon lit ? commença t-il à s’interroger, mais où suis-je ?

Il écarta les draps et se leva en grimaçant : de violentes courbatures le lançaient. Eidren découvrit qu’il se trouvait dans une pièce à l’ameublement modeste : à côté du lit sur lequel il avait dormi, une vieille table de nuit rongée par les mites et un vieux portemanteau près de la porte. Juste à côté de lui, sur un tabouret, quelqu’un avait déposé tous ces effets : ses deux dagues étaient dans leurs fourreaux, attachés au ceinturon alors que son épée avait été posé par terre. Quant à ses vêtements, il avait été plié avec soin et déposé sur la table de chevet.
Il saisit sa chemise et constata avec étonnement qu’elle était propre, décidément son protecteur avait pensé à tout. Le demi elfe s’habilla rapidement et fut surpris de voir que ces coupures dues à son « échappée d’urgence » de l’auberge étaient déjà en voie de cicatrisation. Il n’était sans savoir que les elfes étaient plus robustes que le hommes mais de la à guérir si vite…

-Un onguent, comprit alors Eidren en caressant une de ses plaies dont la surface paraissait avoir été « huilée ».

Son ange gardien avait fait preuve d’une grande bienveillance une fois encore.
Il finit tranquillement de se vêtir tout en se demandant à quoi son sauveur pouvait bien ressembler. Pour avoir pu l’emmener dans cette chambre, il devait être plutôt grand et costaud. Un homme sûrement. Pourtant, ce portrait ne collait pas avec la silhouette qu’il avait aperçue.

Après avoir bouclé son ceinturon, il s’approcha de la fenêtre de la chambre. Le soleil était plutôt haut et la cité grouillait. Il ne devait pas être loin de midi. Bien qu’il ne se faisait pas trop d’illusion, il constata qu’il étai toujours en Ysari. Eidren frissonna : son escapade d’hier soir avait été des plus bruyante et des plus sanglante. Une enquête devait déjà être en cours et il ne tarderait pas à se retrouver traqué. Le sang mêlé soupira avec condescendance. Un peu plus ou un peu moins.

Le « côté positif » de cette situation est qu’elle informerait Seyrin que celui qui veut sa peau n’est pas n’importe qui. Natessa restait volontairement secrète et il était fort probable que le lien entre « Eidren Alderion » et Natessa Aldan soit inconnu de Seyrin.

- Mais il a déjà sûrement eu vent de mes petits exploits, se dit fièrement Eidren en repensant aux derniers contrats qu’il avait eu ces dix dernières années.

Un bruit de pas dans l’escalier attira son attention. Instinctivement il porta sa main à son épée, prêt à dégainer.
La porte s’ouvrit lentement et un jeune homme blond à au courbures presque androgyne apparu, un plateau rempli de nourriture.
Eidren se détendit et le salua. D’un rapide regard il le dévisagea : c’était bien lui. Toutefois, quelque chose semblait préoccuper le jeune homme.

- Le carnet…- pensa Eidren, il l’a certainement consulté.

Eidren se détendit et rangea son arme. Si le dénommé Théofried avait appris quelque chose, il ne laissait rien paraître. Il s’était d’ailleurs présenté avec simplicité en lui apportant un plateau garni de nourritures et c’est en sentant le doux fumet de la viande que le demi elfe se rendit compte à quel point il avait faim.
Bien qu’il soit vêtu à la manière d’un soldat en permission, Théofried ressemblait plus à une jeune recrue qu’à l’homme robuste qu’Eidren avait imaginé.

- Je vous ai apporté à manger, il est déjà tard. Je m'appelle Théofried...

-Je me nomme Eidren

Le dénommé Théofried s’avança alors et posa délicatement le plateau sur le lit.

- J'espère que je ne me suis pas trop trompée dans le choix des aliments...

-J’aurais bien tort d’être difficile après tout ce que vous avez fait pour moi, répondit-il poliment, d’ailleurs, je me dois de vous remercier pour hier soir, sans vous, je n’avais aucune chance.

Il marqua une pause, cherchant des mots appropriés pour aborder le sujet du carnet de la manière la plus naturelle et la moins compromettante possible pour lui. Dans un premier temps, il avait pensé qu’un mensonge le tirerait de cette situation, mais rapidement il abandonna cette idée. Eidren avait trompé bien des gens par le passé, mais quelqu’un qui lui avait sauvé la vie ne pouvait pas lui nuire. Non, il devait accorder sa confiance à ce Théofried, quelque soit son alignement.

-Je pense que vous avez de nombreuses interrogations à mon sujet, commença le demi-elfe en songeant au carnet, et j’y répondrai volontiers. Par ailleurs, sachez que j’ai une dette envers vous et quelque soit votre demande, je m’emploierai à la satisfaire.

Son ventre se mit alors à gargouiller bruyamment, comme s’il le rappelait à l’ordre, brisant ainsi l’ambiance solennelle qu’Eidren avait voulu instaurer par sa petite tirade.

-Veuillez me pardonner, dit Eidren en arborant un sourire gêné, si ça ne vous dérange pas je vais commencer à manger tout de suite, excusez une fois de plus mon impolitesse mais j’espère qu’ainsi mon ventre ne troublera plus cette discussion…

J’avais rarement atteint un niveau de stupidité aussi élevé…

Comme s’il s’y était préparé, Théofried avait décliné son offre, avec politesse plus est. Mais en entendant ces paroles, Eidren eut un sentiment de regret : ces dix dernières années, n’avait pas été un être très « relationnel ». Il avait passé sa vie en officiant comme « brigand de haut vol » et c’était taillé une solide réputation dans le milieu mais malgré ce côté sombre, il restait quelqu’un de loyal et n’hésitait pas à s’interposer dans une situation afin d’appliquer son propre code d’honneur. Quand il croisait des gens dignes de confiance, le demi elfe savait se montrer redevable en faisait serment de les aider. Evoquer son code d’honneur le fit sourire : c’était bien la les derniers vestiges de son passé vécut sous le couvert du temple de Néera.
La quête de Théofried, quelle qu’elle soit devait être, en un sens, similaire à la sienne : un fardeau qui nous ronge mais dont nous voulons nous débarrasser seul.
A vrai dire, il en était exactement de même pour Eidren qui répugnait à être aidé, toutefois, son aventure de la veille lui montra qu’on ne pouvait pas toujours s’en sortir en ne comptant que sur soi-même.

-Sachez que vos agissements d’hier soir sont loin d’être anodin. La plupart des personnes se seraient gardées d’intervenir. Vous avez jugé bon de me sauver moi, et je souhaite vous montrer que vous n’avez pas eu tort.

Il esquissa un sourire :

-Autrement dit, vous ne vous débarrasserez pas de moi si facilement.

Théofried prit un temps pour réfléchir apparemment, puis aborda le sujet du carnet, comme s’il avait deviné qu’Eidren avait des doutes.

- Je sais que je n'aurais pas du, et je m'en excuse d'avance... Mais je crois que vous avez deviné le fait que je me sois permis de lire ce carnet... C'était, sinon intéressant, instructif...

Puis il continua :

- Et je me demandais... Comment vous l'aviez eu en votre possession.

Aïe ! On en arrivait à l’histoire du carnet plus vite qu’Eidren ne s’y était préparé, Théofried semblait penser la même chose et avait l’air de regretter ses paroles au moment même où il les avait prononcé.
De toute façon, c’était inévitable. Le demi elfe s’était juré de ne pas mentir, et il était maintenant temps de passer aux aveux.
Eidren but un verre d’eau se racla la gorge comme s’il allait faire un discours.

-Plutôt que de vous faire miroiter et de vous conter une histoire farfelue, je préfère vous dire la vérité. Après, libre à vous de me croire ou non.

D’un geste de la main, le demi elfe invita Théofried à s’asseoir sur le tabouret.

-Comme vous paraissez vous en douter, je ne suis pas le possesseur légitime de ce carnet.

Il leva alors la tête et commença son récit en regardant le jeune homme dans les yeux.

-Ce carnet appartient au chef de la guilde d’Orios, dont le prénom est Seyrin. Il s’agit d’un assassin dont la réputation n’est plus à faire : dans le « monde souterrain » de Diantra et même de l’Ysari, tout le monde le connaît et il est responsable des morts "mystérieuses" de certains nobles. Lorsque la guerre a sévit dans ce pays, les autorités se tournèrent vers certains assassins et voleurs pour obtenir des informations sur les renégats, mais aussi pour dénicher les éventuels traîtres qui auraient pu se trouver parmi nous. Autrement dit, nous n’avions pas tellement le choix : coopérer ou mourir, notre refus de nous soumettre étant interprété comme une trahison.
Il y a une dizaine d’années, j’ai achevé mon apprentissage de voleur, j’avais pour professeur Natessa Aldan. Peu de temps après mon départ de Diantra, la guerre civile a éclaté, du coup Natessa s’est vue soumise au dilemme que je vous ai expliqué, mais son caractère indomptable et sa soif de liberté la rendaient allergique à toute forme d’autorité. Elle a donc préféré fuir et a été traqué jour et nuit par ceux qui jadis étaient ses alliés, dont Seyrin Orios. Ce dernier avait accompagné Natessa pendant plusieurs « mission » et sans qu’une véritable amitié ne naisse entre eux, ils se respectaient l’un et l’autre.
Il a trahit Natessa et à participé à sa capture, puis à son exécution.


Eidren s’arrêta un instant. L’évocation des évènements qui avaient conduit Natessa à la mort étaient douloureux et réveillaient en lui un désir de vengeance qu’il ne cessait de contenir.

- J’ai appris que, grâce à tous ses contrats validés et en particulier grâce à ses agissements durant la guerre civile, les autorités ont fait de lui un homme riche et puissant qui a le bras long : la guilde qu’il a formé n’est rien de plus qu’un réseau d’assassins camouflés. Réseau qui est bien plus vaste que ce que j’avais prévu : le carnet que j’ai subtilisé appartient à un de ses hommes de main, qui n’est plus de ce monde d’ailleurs.

Le demi elfe se leva et alla chercher le carnet.

-Grâce à ce carnet, je compte remonter jusqu'à Seyrin lui-même. Il est réputé pour être assez paranoïaque, mais j’arriverai à délier les langues pour savoir où il se terre.

Il avait dit ses dernières paroles en fixant intensément Théofried. A présent, tout reposait sur le verdict du jeune homme.

A la grande surprise d’Eidren, la réaction de Théofried l’avait détendu. Il n’était pas, certes, dénué de tout embarras vis-à-vis du jeune bretteur, mais il se sentait désormais plus en sécurité : il avait été franc et le résultat fut on ne peut plus positif.
L’évocation du vieux dogme fit sourire le demi elfe : Natessa l’utilisait à outrance pour justifier ses actes…Et lui-même faisait exactement la même chose.
Toutefois, lorsque Théofried évoqua la vengeance d’un être cher, sa voix se brisa. Il avait du vivre un évènement similaire et s’être promis de trouver le coupable. A ce moment précis, le jeune homme paraissait bien fragile, l’assurance qu’Eidren avait pu lire dans son regard la veille avait disparue, laissant place à une profonde mélancolie.
Il parvint à se reprendre et fit une proposition des plus étonnantes :

-Je peux t'aider encore, si tu veux. Mais je pourrais parfaitement comprendre le contraire.

Le sang mêlé leva légèrement les sourcils, soulignant de manière discrète sa surprise. Quelque instants plus tôt il avait proposé son aide au jeune Théofried et voilà que celui-ci lui retournais sa demande… Dans un premier temps, Eidren ne savait pas quoi penser : soit le jeune homme était doté d’une inébranlable volonté de rendre service, soit conférer son aide ainsi lui permettrait de se venger de Seyrin Orios…si bien sûr sa vengeance personnelle était liée à la guilde. Improbable, mais pas impossible. Une autre hypothèse germa dans son esprit : « Aurai-je sous estimé mon charme au point d’envoûter ce jeune damoiseau ? »Autant il avait du succès auprès de la gente féminine, mais de la à faire tourner la tête à un homme...Eidren eut un petit soupir teinté d’amusement tant cette pensée était farfelue…et déplacée.
Néanmoins il s’interrogeait réellement sur les motivations de Théofried.
Prenant un air intrigué mais courtois, le demi elfe déclara alors :

-Pourquoi me faire une telle proposition...? Nous nous connaissons à peine et bien que j’apprécie votre compagnie, votre demande me paraît…étrange. Qu’auriez vous vraiment à gagner dans cette affaire ?

Pendant que son interlocuteur réfléchissait à sa réponse, Eidren le détailla. Il avait pris l’habitude, qu’importe qu’elle soit bonne ou mauvaise, de scruter les individus qui l’environnait, qu’il s’agisse de ses cibles, commanditaires, ou même de vulgaires passants.

Bien que Théofried donna un prétexte plutôt simple pour justifier cette étrange demande, il se rattrapa très vite en finissant par avouer ses véritables motivations.

- En fait... Ma mère est morte il y a sept ans. Une révolte paysanne avait éclaté, alimentée par différents guildes et seigneurs qui, sinon puissants étaient riches... Je remonte leur piste, mais c'est trop flou.

Tout en lui faisant ces révélations, Eidren aperçut le visage du garçon se détendre. Dire la vérité semblait le soulager, lui et le demi elfe. Ce dernier savait désormais que Théofried était quelqu’un en qui il pouvait compter. Ils s’étaient ouverts l’un à l’autre, et leurs quêtes respectives n’étaient pas si différentes au final.
Le jeune homme cherchait donc à venger sa mère morte lors d’une attaque de brigands. Contrairement à Eidren, elle n’avait aucune véritable idée de l’identité des coupables ; presque par hasard, il avait retrouvé un vieux pendentif chez un marchand qui l’avait obtenu auprès de voleurs apparemment bien organisés. A ce moment la, Eidren pensa à Seyrin, mais Théofried démenti sa participation mais souhaitait toutefois creuser la piste afin de ne rien négliger.
Le demi elfe comprenait peu à peu sa démarche : Seyrin possédait un vaste réseaux de contacts et il était courant que les organisations aient des liens entre elles, notamment en ce qui concernait les limites de « territoires ». Cependant, même en remontant le fil des connaissances de Seyrin, il était peu probable que Théofried débouche sur une piste vraiment tangible… Mais Eidren concevait son choix de se joindre à lui : après tout , si on ne se décide pas à chercher, on ne risque pas de trouver.
Le jeune homme tendit au demi elfe ledit pendentif, une triskell, afin qu’il puisse l’examiner.
Eidren prit délicatement le bijou dans sa main et en détailla les formes. D’après ce qu’il avait entendu à propos de ces « talismans », le Feu, l’Eau et l’Air présentés sous formes d’arabesques, entouraient la Terre qui se logeait donc au centre.

- Un pendentif elfique apparemment… murmura Eidren

Soudain il y eu comme un déclic dans son esprit : la silhouette androgyne et les traits fins de Théofried…

- Vous êtes donc un demi elfe vous aussi ? interrogea le voleur, interdit.

Il avait parlé plus pour lui-même sans réellement attendre une réponse à son interlocuteur. Dans un premier temps il s’était sentit trahit, mais très vite ce sentiment fut remplacé par un immense soulagement : tout comme lui, Théofried, de part ses origines avait du avoir du mal à se faire accepter dans le monde des elfes et dans celui des hommes. Voila quelqu’un qui était encore plus à même de le comprendre.
Maitrisant sa « joie intérieure », il aperçut la lettre « F » qui avait été finement gravée au dos du collier.

- Cette lettre… Vous avez une idée de ce à quoi elle pourrait correspondre ? Un lieu, une personne… ?


Eidren rendit alors à Théofried son pendentif et après avoir écouté attentivement ses explications, il se décida revenir au « problême » principal :
- J’en reviens à votre requête. Elle me paraît logique vis-à-vis de vos desseins, j’accepte, mais je me dois toutefois de vous mettre en garde : en choisissant de me côtoyer, je vous expose à un danger qui est loin d’être négligeable comme vous vous en doutez. Ayant une dette envers vous, que vous le vouliez ou non (ajouta-t-il avec amusement) , je vous demanderais de rester en retrait la plupart du temps, enfin plus précisément lorsque la situation se « gâtera » trop. Il est inutile que vous risquiez une fois de plus votre vie à cause de moi. Si jamais la fuite est votre seul et unique moyen de vous en tirer, laisser votre esprit chevaleresque de côté.

Ces dernières paroles lui arrachèrent un sourire.

- Si ma quête devait me mener à la mort, faites en sorte que la réussite de la votre compense mon échec. Mais surtout, je le répète : ne gâcher plus votre vie pour la mienne.



Voila un bien beau discours…songea Eidren en baissant piteusement la tête, Si avec de telles paroles je ne plombe pas définitivement l’ambiance…
Enfin, il vaut mieux être clair dès le départ pour éviter tout malentendu…

Le demi elfe acceptait l’offre de Théofried avec un certain malaise : dans sa profession, il avait vite appris que nouer des amitiés, c’était dépendre des autres, une erreur qui pouvait lui coûter la vie.

En espérant que je reste pas assez longtemps avec lui pour apprécier sa compagnie…

Décidément, je vais de surprise en surprise songeait Eidren. Une fois de plus Théofried l’avait pris au dépourvu. Après lui avoir répondu concernant la prise de risque, il avait fait une déclaration à la fois solennelle et…inattendue. A chaque fois qu’Eidren s’efforçait d’être formel, Théofried surenchérissait. Ce dernier paraissait lui-même troublé par ses paroles mais s’était vite rattrapé en demandant quelle était la première piste qu’il comptait suivre. Il s’était ensuite inquiété de l’état physique de son « protégé ».

- Enfin, plus important... Voulez-vous rester ici encore un peu ? Vous devriez vous reposer encore...

- Je pense en effet qu’une journée de repos en plus ne me fera pas de mal histoire que je me rétablisse complètement. ( il aperçut alors que Théofried avait du être blessé durant l’escarmouche au vu de la délicatesse avec laquelle il bougeait son bras ) Le repos ne peut qu’être bénéfique.


Eidren déposa délicatement le plateau repas, désormais vide, un peu plus loin sur le lit. Il se leva lentement afin de minimiser les douleurs de ses courbatures et alla chercher le carnet de Seyrin. Il avait pu globalement évaluer son contenu lorsqu’il s’en était emparé dans l’auberge, mais sa « prospection » avait été stoppée par l’arrivée d’un de gardes.

- En ce qui concerne mes, enfin nos objectifs désormais, c’est principalement grâce au carnet que nous progresserons. D’après ce que j’en ai lu, il regroupe la grande majorité des contacts de Seyrin. Ces derniers sont d’ailleurs triés dans différentes catégories : on peut distinguer les alliés, sous différentes formes, comme par exemples les nobles qui appuient les actions de la Guilde ou encore les autres organisations qui lui sont liées. Il y a aussi une ébauche de carte qui renseigne sur les occupations de différents territoires en fonctions de ces organisations…

Il tendit le carnet à Théofried et lui désigna un point sur la carte, Scylla.

- Il y a de cela un mois environ, j’ai participé à une attaque de convois. Ces derniers étaient chargés de faire passer des pots de vins à un groupe de nobles qui en échange, fermeraient les yeux sur les activités d’une bande de malfrats. Un dénommé Caldir qui appartient à la guilde, faisait partit de la garde de ce convoi et m’a donné plusieurs noms, tous, selon lui étaient lié à Seyrin. Le premier était celui de Dasfan, un petit nobliau sans grande importance à première vue qui fait cependant partie des « proches » de Seyrin, si je puis dire. Je me suis donc renseigné sur ce dénommé Dasfan et j’ai appris qu’il achetait depuis quelques mois déjà de nombreux petits commerces dans la ville de Scylla et qu’apparemment, il les « sauvait » de la disparition.

Eidren s’arrêta un instant, laissant à Théofried le temps d’assimiler ce qu’il venait de lui dire.

- Sur la carte, vous pouvez voir que la zone dans laquelle se trouve Scylla est sous la charge de Seyrin. De plus, les commerces achetés par Dasfan ont tous fermé faute de réapprovisionnement. Il me parait assez logique qu’ils aient tout deux mis une combine au point pour que, d’un côté Seyrin intercepte les marchandises, ruinant ainsi les commerçants, et que de l’autre, Dasfan rachète leurs boutiques pour pas grand-chose. Je pense que les mercenaires de la guilde échangeraient ensuite les marchandises contre la vigilance des autorités compromettant ainsi toute enquête éventuelle.

Le sang mêlé était plutôt satisfait de sa déduction : les échos qu’il avait eu durant son voyage jusqu’en Ysari confirmaient cette version. Il gardait cependant à l’esprit que Seyrin était quelqu’un de très rusé et qu’il ne fallait pas sous estimer : ce petit manège qu’il faisait tourner avec Dasfan pouvait s’avérer plus complexe que prévu.

- Pas vraiment d’autre piste hélas, répondit Eidren, les autres noms donnés par Caldir correspondaient soit à des personnes que je connaissais déjà, soit à de parfaits inconnus. Son interrogatoire s’est révélé moins fructueux que prévu.

Il était vrai que Caldir n’avait pas un poste très important au sein de la guilde d’Orios : il s’agissait d’un banal agent de liaison entre Seyrin et les nobles. Pour que le maître de guilde se sache en danger, il fallait frapper fort : détruire les grands maillons de sa chaîne de relation. Chercher à le traquer directement était bien la méthode la plus simple pour se faire chasser à son tour….ce qu’avait pu constater Teysa, la seconde apprentie de Natessa.
Retrouver Seyrin, pouvoir l’approcher et enfin lui faire payer sa trahison était désormais une obsession pour Eidren. D’ordinaire, il envisageait un plan logique et efficace. Mais pour cet objectif si, il tenait à mettre toutes les chances de son côté et agissait avec encore plus de minutie.
Qu’importe que la traque de Seyrin prenne dix mois ou dix ans, seul le résultat comptait vraiment.
En passant par sieur Dasfan, il avait la possibilité de démanteler tout le réseau établit par la guilde au cours de ces années d’existence. Une victoire totale sur Orios, voila ce dont rêvait le sang mêlé : voir l’empire de ce traître s’effondrer, puis lui donner la mort.
Hélas, Eidren ne savait que réellement penser de la compagnie de Théofried. Il était normal qu’il ne souhaite pas s’engager à « long terme » vu que cette quête n’était pas la sienne, mais en même temps…ce jeune demi elfe était entouré d’un voile de mystère qui l’intriguait. Enfin ! Comme il se le répétait souvent, un peu de compagnie ne pourrait pas lui nuire. Cependant il préférait le prévenir à l’avance de la durée du « périple » :

- La route jusqu'à Scylla sera longue : une dizaine de jours d’après ce qu’on dit ; et sur place, je souhaite éviter une première entrevue « musclée » avec Dasfan. Il est donc fort probable que notre progression soit lente et un brin ennuyeuse…au début seulement. Lorsque nous serons en mesure de l’interroger, je pense que tu pourras quand même obtenir d’importantes informations concernant ta propre quête, enfin, je l’espère.

Le fait que le temps ne soit pas un problème était une bonne chose. :infiltrer la maison de Dasfan risquait de prendre un moment. De plus il fallait encore aller jusqu'à Scylla, un voyage de plusieurs jours qui obligeait Théofried à s’éloigner de son suzerain.
Eidren était plongé dans ces pensées, réfléchissant à l’organisation du périple quand l’écuyer le ramena sur terre :

- Habituellement, pour te battre, tu préfères quelles sortes d'armes ? Il y a des techniques qui reviennent souvent dans ton jeu de combat ?

Ce brusque changement de sujet l’incita alors à regarder en direction du demi elfe qui s’était affairé près d’un paquet de parchemins sur le bureau de la chambre. Certainement pour prévenir son supérieur, songea Eidren.

- Mon jeu de combat…répéta-il pour lui-même, c’est important pour vous de savoir ça ?

Le passage du « coq à l’âne » de son acolyte le rendait perplexe. Bon, Eidren psycotait souvent sur des détails sans importances aux premiers abords mais la plupart du temps son instinct avait raison : ces détails se révélaient alors être d’importantes informations concernant la psychologie de ses interlocuteurs. Il fit un rapide récapitulatif de ce qu’il savait sur le caractère de Théofried. Il paraissait avoir un grand sens de l’honneur et du devoir, en particulier lorsqu’il s’était proposé d’accompagner Eidren dans sa quête alors qu’ils se connaissaient à peine ; le fait qu’il s’inquiète ensuite de la durée du périple jusqu'à Scylla suggérait une certaine hésitation : avait-il vraiment fait le bon choix en proposant son aide ? Après tout il avait lui-même des obligations vis-à-vis de on chevalier. Ce problème avait vite été écarté, le dit chevalier n’étant pas, apparemment, très « actif ». En choisissant d’épauler le voleur, Théofried avait avoué avoir besoin d’entraînement avant de finalement révéler ses véritables objectifs… comme s’il était rongé par les remords. Un cachottier loyal, avec le sens du devoir. Etrange tableau se dit Eidren. La dernière demande de Théofried lui rappela Teysa, son amie d’enfance. Elle aussi avait l’habitude de changer de sujet sans raison apparente.

Après sa petite « analyse » de Théofried, le voleur daigna finalement répondre, après tout, qu’est ce que cela pourrait changer ?

- Disons que j’ai plusieurs manières de combattre. Il m’arrive d’utiliser mon épée et une dague en même temps ou une seule des deux, ça dépend de la situation :généralement, c’est la première qui m’arrive sous la main, ( avec un air amusé il ajouta :) mais évitez de le répéter, ça nuirait à ma réputation. Autrement, je peux vous dire que j’ai plus tendance à user mon adversaire : quelques blessures superficielles par ci par la, puis je place un coup décisif, c’est ainsi que je prends le moins de risque. Toutefois il m’arrive également de me fier à mon intuition dans certaines situations délicates comme par exemple celle d’hier soir. Après tout dépend du contexte une fois de plus. Je regrette que mes explications soient peu précises et hasardeuses, mais mon mentor m’a apprit les bases puis m’a guidé jusqu'à ce que je trouve un style qui me convienne pleinement, que je puisse peaufiner seul.