Recherche oui, mais de quoi? [Aedis]

Aedis se sentait libérée. D'un côté, un peu déçue que ses quelques mois au service de Kay Diether ne l'ai pas tellement aidé à apprendre à manier l'épée, à intriguer, à s'épanouir, à se battre... Et finalement assez heureuse d'avoir perdu un tel imbécile misogyne, qui, de fait, ne lui avait rien apporté, sinon la confirmation qu'être né garçon était quand même beaucoup mieux. Bref. Passons. Kay avait été appelé à la rescousse par Harnyll, puisque vavasseur de celui-ci. Aedis n'avait pas vraiment compris pourquoi d'ailleurs, étant de notoriété publique que ce n'était qu'un soûlard juste bon à boustifailler avec ses amis. Mais un ordre étant un ordre, Diether s'était empressé d'obéir, emmenant avec lui quelques hommes, dont son écuyer. Paaarfait ! Enfin un moment où il lui était possible de s'amuser autrement qu'en se battant contre des épouvantails, des mannequins et des jeunes gens encore glabres ! Ils n'avaient pas eu beaucoup à bouger, et ils s'étaient retrouvés en plein milieu de la grotte, au cœur de la bataille. Par hasard. Ou pas. Kay, incompétent, semblait avoir oublié toutes les notions de bataille, et avait lentement dérivé vers le centre du conflit. Où, immanquablement, il s'était fait transpercer. Le trainant un peu plus loin, après avoir occis quelques uns de ces fanatiques, Aedis s'était penchée sur lui. Condamné, d'après elle. Elle le lui avait dit, et il avait soupiré. Retrouvant un éclair de lucidité, il avait finit par la féliciter du combat. Après qu'elle eut haussé les épaules, il continua, lui demandant qui elle était vraiment. Là, elle lui avait répondu par son véritable prénom. La stupeur de Diether se lut sur son visage, il lui demanda si elle était une femme, et après qu'elle eut acquiescé, pouf. Il était mort. Pas vraiment triste, pas vraiment heureuse non plus, elle était retourné à la bataille. Les autres hommes, sans être morts, étaient mal en point. Et tout c'était terminé avec le retour à la vie de Nicolaï de KalonErc'h, le sauvetage de Dame Aurore, et la mort du fou fanatique. Happy End ! Retournant auprès du corps de Kay, Aedis finit, dans un brusque élan, de le dépouiller. Prenant son or, quelques bijoux... Ça ne manquerait à personne, sûrement pas à la femme du vassal (six pieds sous terre), ni à tous ses bâtards non reconnus. Alors, petite compensation pour son travail.

A présent, elle était pleine de remords. Voler l'or d'un mort, berk. Elle avait beau se répéter que sinon, il n'aurait servi à rien... Berk. Mais le remord ne fait pas tout, et elle se trouvait à présent dans le quartier des bijoutiers. Ce qu'elle avait prit ne lui servirait à rien, elle préférait le vendre, et gagner donc un peu d'argent. Et puis, peut-être que quelqu'un saurait quelque chose sur son pendentif ? Ou alors elle retrouverait, comme la fois dernière, un bijou appartenant à sa mère ? Suppositions, suppositions... De toute façon, libérée de ses obligations, elle aurait du temps à tuer. Elle s'apprêtait donc à entrer dans une boutique, quand elle vit une figure connue entrer dans la boutique voisine. Nicolaï de KalonErc'h, le survivant. Piquée d'une curiosité un peu malsaine, elle changea d'avis, et rentra à sa suite, juste le temps d'entendre les derniers mots du bijoutier, et de voir le jeune homme poser sa chevalière à regret. Ah... Sûrement l'avait-on dépouillé. Dépouille. Le poids des bijoux dans sa poche se fit plus pesant. Avant qu'aucun des deux hommes ne puisse parler, elle s'avança, un peu gênée, mais faisant mine d'être sûre d'elle.

- Vous êtes Nicolaï de KalonErc'h ? Je vous ai vu l'autre jour... A la grotte. Je faisais partie des combattants, et...

Zut, zut, réfléchis avant d'agir Aedis ! Maintenant, qu'est ce qu'elle pouvait bien dire ? Vu ce qu'elle avait récupéré sur le macchabée, et étant donné le train de vie qu'elle menait, tout cet or était superflu. Si elle pouvait aider quelqu'un, ce n'était pas ça qui allait la gêner... Sauf qu'elle n'avait pas envie qu'il croit qu'elle le prenait en pitié. Comment amener le sujet avec délicatesse ? Inspirant doucement, sentant ses mains moites le long de ses vêtements, elle reprit :

- J'aimerais vous dire quelque chose... Et il me semble que c'est assez urgent.

Bien qu'elle n'avait pas envie de lui faire croire qu'elle l'avait espionner, elle jeta un coup d'œil sur la chevalière, posée sur le comptoir, avant de regarder à nouveau Nicolaï. Elle se trouvait stupide, et cent fois trop téméraires. Bah... Elle en paierait les conséquences, et les pots cassés ne seraient sûrement pas si chers que ça...

Aedis essayait de respirer convenablement, sans trop montrer qu'elle n'en menait pas large. Elle venait tout de même d'avouer avoir voler de l'or et des bijoux, délit qui valait donc bien quelques doigts coupés, "pour l'exemple". Mais apparemment, malgré son air réprobateur, le seigneur de Dyriet ne fit aucun commentaire, ce qui encouragea la jeune femme à continuer. La regardant sortir la bourse de sa poche, il finit par relever les yeux sur son visage, et lui expliquant que les bijoux étaient à elle. Voilà qui compliquait l'affaire. Au moins était-il sincère et juste. Il finit par la questionner, lui demandant pourquoi diable lui offrait-elle ainsi, alors qu'ils ne se connaissaient à peine. Bien sûr. Entre sauver quelqu'un sur ordre des seigneurs "d'en haut" et offrir à ce quelqu'un l'équivalent de plus d'un an pour vivre (enfin, au niveau d'Aedis), il y avait un fossé. Difficilement franchissable sans bonne raison. Et si au départ ses paroles avaient été impulsives, il y avait tout de même une raison cachée là-dessous. Implicitement révélée. Très implicitement. Elle avait en effet parler de la mort de Kay Diether (sans le citer), en précisant qu'elle était écuyer. La relation cause à effet n'était pas compliquée : elle ne pouvait pas avancer beaucoup sans personne pour la parrainer. Il lui fallait se mettre au service de quelqu'un. Et, plutôt par hasard, son choix était tombé sur Nicolaï KalonErc'h, parce qu'il se trouvait au bon (mauvais ?) endroit, au bon (encore une fois, peut-être mauvais) moment. Prenant une inspiration forte mais discrète, Aedis répondit :

- Comme je vous l'ai dit, j'étais écuyer... Kay Diereth étant mort, je me retrouve... libre. Cette situation me déplait, puisque je suis bloqué, et malgré ça, dit-elle en pointant la bourse du doigt je préfèrerais être au service de quelqu'un...

Souriant un peu piteusement, elle fit une moue :

- Le chevalier n'a pas eu le temps de me faire de lettre de recommandation, et aurait de toute façon bien du mal à le faire, étant donné le nombre de fois où je me suis battu devant lui.

Elle s'empourpra. Si ça se trouvait, le seigneur prendrait cela pour une attaque contre les nobles en général, ou penserait qu'elle dévalorisait ainsi tous les gens qui l'avait à son service... La première solution était peu problème, ayant spécifié que son beau-père n'étant pas un paysan de pacotille, mais bien un noble, avec un nom à particule et tutti quanti. La seconde était bien pire, alors elle souhaitait bien fort qu'il ne pense rien du tout, ou en tout cas pas grand chose de ses dernières paroles... Elle se rappela qu'elle n'avait toujours pas abordé le vif du sujet. Fermant les yeux quelques secondes, elle reprit :

- Je me demandais... Peut-être auriez-vous besoin de quelqu'un, un écuyer, à votre service ?

Voilà... C'était dit.