La lune ne sourit plus

'' Je t'aime '' lui susurra t-il à l'oreille.

Un frisson parcourut la nuque d'Ina, avant qu'elle se retourne et l'embrasse. Ils étaient dans la clairière , allongés dans l'herbe, l'un contre l'autre. Tout était parfait. L'entrainement avait été rude aujourd'hui mais elle avait su s'en sortir. Au moment même où elle allait caresser le visage de Tylith, il lui arrêta ce mouvement avec sa main puis lui fit signe de se taire et d'écouter. Ina ferma les yeux et se concentra. Le vent lui murmura quelques mots. Haine. Violence. Tylith s'était déjà levé lorsqu'elle se mit debout. Elle attrapa la branche au dessus d'elle , se hissa sur celle ci, puis grimpa encore et encore jusqu'à devenir invisible pour qui conque la cherchant. Elle prit le poignard qui se trouvait au niveau de sa cuisse et se mit en position au cas où il faudrait qu'elle le lance. Elle observa les alentours et vit son Amour qui était comme elle, mais sur un arbre à l'opposé de la clairière. Tous les deux guettaient. C'est alors qu'arrivèrent trois Elfes, noirs. Inawël sentit ses membres se crispaient. Une goutte de sueur perla son front et elle la sentit serpentait le long de sa joue. Ils étaient sales et ils puaient la méchanceté. Son cœur se mit à accélérer et l'air passait mal dans ses poumons. Tylith attaqua. En moins d'une seconde il avait sauté de sa branche, avait atterri en souplesse sur le sol et il s'élançait. Il attrapa son épée qui se trouvait dans son dos et sa lame rencontra celle d'un Drow. Ce dernier, était plus grand que Tylith et avait une longue cicatrice sur le visage. Ina se concentra et envoya son poignard se planter dans le crâne du Drow au crâne rasé qui allait attaquer l'Elfe par derrière. Il tomba, mort sur le coup. Le troisième Drow porta donc son attention sur l'humaine qui venait de quitter sa branche. Son chef saura très bien éliminer et facilement ce misérable Elfe. Le tueur d'Ombre, attrapa son épée et se jeta sur la Rousse. Elle intercepta son coup avec son sabre, et il feinta sur la gauche pour ainsi qu'elle se décale sur la droite et qu'il puisse lui faire un croche pied. Une fois à terre, Ina fit une roulade arrière et se releva. Elle était à peine debout qu'une lame brillante revenait en arc de cercle presque invisible pour lui trancher le bras, elle esquiva de justesse mais l'épée lui fit une taillade profonde sur le bras. Un léger filet de sang coula . Puis un second coup la percuta dans le ventre, elle vit la lame dentelée de son adversaire ressortir aussi tôt. Rougeâtre. Un froid intense se répandit dans son corps, sa respiration se figea, son cœur lança un bref appel au secours sous la forme d'une décharge de douleur puis elle fut propulsée contre un arbre. Son regard se posa sur Tylith qui était à genoux, puis elle s'évanouit.

Un cri déchira la nuit. Douleur. Il dura quelques instants, s'éteignit, quand un autre s'en suivit. Beaucoup plus intense. Plus violent. Les rais de la pleine lune éclairèrent le visage d'Ina. Son visage était inhumain, dévorait par la tristesse. Ses yeux étaient injectés de sang et de larmes, elle était méconnaissable. Elle tenta de bouger, arriva juste à se mettre à genoux. Ses côtes lui faisaient terriblement mal. La douleur était beaucoup trop insupportable, elle dût s'appuyer sur son bras valide pour ne pas s'écrouler. Elle posa son regard sur la clairière. Son sabre était à quelques mètres d'elle, intact. Mais elle était seule. Il n'y avait aucune trace de vie. Un flash lui apparut, bref et net, ainsi elle se souvint. Tylith, agenouillé. Un énorme sentiment de culpabilité envahie son corps. Elle commença à trembler. De plus en plus fort. Sa respiration devint rauque et beaucoup plus rapide. Elle s'attrapa l'avant bras et planta ses ongles dans sa peau, elle remonta doucement vers son coude. Cette douleur n'était pas comparable à ce qu'elle ressentait. Le sang coula doucement de son bras, et les gouttes s'écrasèrent sur le sol. Inawël observa la lune, elle ne lui souriait plus, la lune qui avait pour habitude de la réconforter n'était plus présente. Tout s'effaçait. Une mèche feu barra la visage de la jeune femme, et Ina se laissa aller. Les larmes ruisselaient sur ses joues rosées tel un torrent déchainé, les spasmes ne pouvaient s'arrêter, et elle s'écroula. Elle se sentait telle une coquille vide, et cherchait désespérément la moindre trace de son amant perdu. Sa vue se brouilla, et lorsque sa tête percuta le sol, elle perdit connaissance.

La nuit avait enveloppée la forêt d’Aduram de son étreinte silencieuse, tout semblait s’être figé et seuls les hululements d’une chouette venait troubler le calme imposé par l’obscurité. Une brise glacée vagabondait à travers les branchages, faisant danser les hautes herbes et les feuilles des arbres comme si la forêt elle-même s’était assoupie et respirait à intervalles réguliers. Quand soudain, une plainte sortit brutalement le bois de sa torpeur. Le cri se répercuta à travers les arbres, surprenant bons nombres d’animaux apeurés s’agitèrent, réveillant momentanément le sous bois.
Assis entre les racines d’une vieille souche séchée recouverte de lierre, Eidren tressaillit. Le demi elfe entretenait machinalement les braises de son feu de camps mit instinctivement la main à l’épée, prêt à dégainer. Les hommes de Seyrin auraient fini par retrouver sa trace ? Non, impossible cela faisait bien trois jours et trois nuits que le voleur fuyait, il avait dû les semer. Calme toi… s’intima le demi elfe en se levant lentement. Scrutant attentivement la petite clairière dans laquelle il avait posé son campement, il repéra Oraan sa monture qui était agité et commençait à renâcler. Il s’approcha d’elle et la rassura. La tension du cheval s’apprêtait à disparaître quand le cri retentit à nouveau. Oraan hennit et se cabra, projetant Eidren au sol. Le sang mêlé se réceptionna maladroitement, trébuchant sur une racine puis saisit fermement les rênes de son cheval.
-Stop !
Un seul mot, prononcé d’une voix claire et forte figea immédiatement le destrier. Eidren épousseta son gilet de cuir et attacha solidement les rênes d’Oraan au tronc d’un jeune chêne.
Epée au clair, le voleur s’enfonça lentement dans la forêt en direction de la plainte, bien décidé à en découvrir l’origine. Le cri mêlait douleur, désespoir et tristesse et Eidren ne pouvait se résoudre à ne rien faire, non pas qu’il ait l’âme d’un philanthrope, seulement l’idée de rester bras croisés alors que quelqu’un agonisait le mettait mal à l’aise ; et puis il espérait vainement que s’il devait se trouver un jour dans cette situation on lui viendrait en aide…

Lentement mais sûrement il progressait dans le bois, se frayant un passage entre racines, ronces et autres branches qui ralentissaient son avancée. Il déboucha alors dans une zone où la végétation était plus espacée, baignée par la pâle lueur de la lune. Un spectacle macabre s’offrit à Eidren : trois corps jonchaient le sol et baignaient dans un mélange de sangs, deux étaient vraisemblablement drows alors que le dernier était celui d’une humaine plutôt jeune. Le demi elfe examina attentivement les alentours, examinant du regard chaque buisson, chaque bosquet jusqu’à ce qu’il puisse s’assurer qu’il était bel et bien seul. Prudemment, il s’approcha des deux drows qui gisaient face contre terre. Du pied, il les fit pivoter pour constater avec soulagement qu’ils étaient morts. La tension commençait à retomber. Eidren s’approcha ensuite de l’humaine qu’il détailla rapidement. La lumière de la lune nimbait sa chevelure d’une teinte surnaturelle, pareil à un feu glacé dont les flammes les plus légères dansaient sur son visage. Le demi elfe s’arracha à sa contemplation et s’agenouilla auprès de l’humaine. D’un rapide coup d’œil il repéra une estafilade le long d’un de ses bras ainsi qu’une plaie saignant abondamment au niveau de son ventre. Le souffle de la jeune fille était très faible, presque imperceptible. Il était encore temps d’agir. Sans plus tarder, le sang mêlé releva la tête de la jeune fille et la cala contre son genou. Il fouilla ensuite dans sa sacoche usée qui ne le quittait jamais pour en extraire un rouleau de bandelettes de soins propre. Avec l’aide de sa dague, il découpa les vêtements imbibés de sang de la blessée, dévoilant une poitrine harmonieuse aux minuscules aréoles. Puis il déversa le reste de l’eau que contenait sa gourde sur la plaie qui continuait à saigner. Le demi elfe retira ses gants en comprima la blessure. Il attendit un instant en maintenant la pression puis retira ses mains : le flot était stoppé pour un court laps de temps. Avec délicatesse, Eidren souleva le buste de la jeune femme qu’il banda grossièrement. Lorsque ce fut fait, il s’occupa rapidement de la taillade sur le bras et souleva précautionneusement le corps inerte de l’humaine qu’il entreprit d’emmener vers son camps improvisé.
Le chemin du retour fut plus aisé dans le sens où les marques de passages désignaient une piste toute tracée, mais il devait désormais se soucier de l’humaine dont la blessure au ventre recommençait à saigner fortement.
Arrivé à son campement, Eidren déposa doucement la blessée au sol et déchira le pansement de fortune. Il appliqua de nouveau une main sur la plaie tandis que l’autre mettait de petites branches sèches dans les braises mourantes du bivouac. Le souffle faible et régulier du demi elfe permit au feu de reprendre. Le demi elfe déposa alors un de ses couteaux de lancé dans les flammes puis attendit que la lame chauffe suffisamment.
La respiration de la jeune fille était toujours aussi faible, faible mais régulière. Au moins un point positif qui raviva l’espoir d’Eidren.
Au bout de plusieurs minutes bien trop longues aux yeux du sang mêlé, la lame rougit. Enfin !
Eidren se saisit de l’arme et l’appliqua contre la blessure. Le sang crépitait et une odeur de chair brûlée se répandit, piquant le nez du demi elfe qui grimaça. Il retira ensuite la lame et constata qu’une fois de plus il ne s’en était pas trop mal tiré. Le corps de l’humaine resterait à jamais marqué, certes, mais au moins elle vivrait. Une rafale glacée mordit Eidren qui s’empressa t’emmitoufler la blessée dans sa cape de voyage. Il alla chercher Oraan qu’il fit se coucher près du petit feu et enleva ensuite le paquetage qui traînait sur son dos. Il en sortit une couverture chaude et épaisse avec laquelle il finit de couvrir la jeune fille. Il s’adossa alors contre sa monture et se détendit. Il avait eu peu de temps pour agir, mais les soins qu’il avait prodigué semblaient être suffisant. Eidren remarqua de fines traînées claires sur les joues de l’humaine. Des larmes. A quelle scène avait bien pu assister la miraculée… ? Elle avait réussie à mettre deux drows hors d’état de nuire mais d’après ce qu’avait vu le demi elfe, il y avait eu au moins cinq personnes qui s’étaient battus pendant l’escarmouche, restait à savoir ce qu’il était advenu des deux dernières…
Perdu dans ses pensées, cherchant un scénario tangible qui aurait pu mener à une telle situation, le demi elfe ne sentit même pas l’étreinte du sommeil et s’endormit…

Le sommeil du demi elfe avait été agité. La fatigue qui l’avait accablé ne lui avait pas pour autant fait oublier ni la situation dangereuse dans laquelle il s’était empêtré, ni la jeune humaine. Les premières lueurs du soleil l’avaient décidé à se lever et c’est avec une certaine tension qu’il s’était approché de la jeune fille pour examiner ses blessures. Par chance, aucunes d’entre elles ne semblait s’être réouverte, la miraculée avait même reprit des couleurs. Silencieusement, il s’était mis debout et avait effectué une petite ronde pour s’assurer qu’il n’y avait personne dans les parages. Durant toute sa surveillance, Eidren garda un œil vers le campement au cas où sa protégée se réveillerait. Mais dans quoi t’es tu encore fourré…
Sa ronde terminée, il retourna vers le bivouac et, avec des brindilles sèches qu’il avait ramassé la veille, alluma un petit feu avec son briquet à silex. Les étincelles eurent du mal à enflammer le combustible froid mais les efforts du voleur finirent payer : timidement, une flammèche naquit au centre du cercle de pierres. Quelques branches mortes en plus permirent aux flammes d’atteindre une taille suffisante pour réchauffer les mains engourdies du sang mêlé.
Tandis qu’Eidren cherchait ses provisions dans le paquetage de son cheval, l’humaine s’éveillait lentement. Le voleur ne prit pas la peine de se retourner, après tout mieux valait ne pas la brusquer et puis, elle n’était de toute manière pas en état de s’enfuir. Un grognement de douleur obligea quand même le sang mêlé à pivoter : la jeune fille avait vraisemblablement tenté de se mettre debout mais la douleur l’en avait empêché.
Il aperçu alors le visage de sa protégée et ce fut avec une curiosité non feinte qu’il la détailla. Malgré les petites égratignures qui constellaient son visage et ses lèvres tuméfiées, elle était resplendissante : le soleil illuminait sa longue chevelure rousse qui descendait en cascade dans son dos, ses yeux pareils à deux émeraudes brillaient intensément et contenaient un mélange de crainte et de fascination. Au moment où elle cilla, Eidren détourna le regard. Arrête de te laisser aller à se genre de faiblesse bon sang !
Le demi elfe se releva et s’avança d’un pas assuré vers l’humaine. Il essayait de paraître le plus amical possible: il répugnait à se montrer « gentil » car dans le milieu où il officiait la pitié avait rarement sa place, toutefois le cas présent était bien différent des situations qu’il avait déjà vécu.
Interprétant mal les intentions d’Eidren, elle effectua un petit bond en arrière mais trébucha et atterrit lourdement sur le tronc du chêne, un rictus de douleur déformant son visage. Le sang mêlé stoppa net son avancé : l’humaine craignait son contact et se montra on ne peut plus méfiante à son égard, ce qui était légitime vu les épreuves qu’elle avait du traverser. Eidren lui-même était d’un naturel prudent, trop diraient certains. Il s’agenouilla pour se mettre à son niveau et lui tendit un épais morceau de pain ainsi qu’une tranche de viande séchée. Il soutint un instant le regard hésitant de la blessée et finit par déposer la nourriture sur la couverture qui traînait au sol.

-Mangez sans crainte, je ne vous veux pas de mal.

Comme pour confirmer qu’il n’avait pas de mauvaises intentions, il recula lentement, espérant que cette manœuvre diminuerait l’anxiété de la jeune fille.
D’un geste apeuré mais précis, elle s’empara de la nourriture. Eidren eut un soupir de soulagement et sourit. Le fait qu’elle ait de l’appétit témoignait déjà d’une amélioration de son état, faible certes, mais suffisante pour réconforter le demi elfe. En même temps, plus vite elle serait en état de marcher, plus vite ils pourraient quitter cette endroit.

- Je me nomme Eidren…d’Eltaïr, commença le voleur. Accepteriez vous de me dévoiler votre nom ?

Ainsi elle s’appelait Inawël. Pour le moment, elle n’avait pas l’air d’être disposée à en dire plus. Eidren la remercia d’un sourire puis commença à rassembler ses affaires. Il secoua la couverture pour enlever les miettes de pain et l’enroula avant de l’attacher derrière la selle d’Oraan. Sentant que l’heure du départ approchait, le cheval à la robe brune commençait à racler la terre avec ses sabots et semblait impatient de quitter cet endroit.
Le demi elfe dépoussiéra ensuite sa cape et la tendit à Inawël.

-Tenez, vous risquez d'attraper la mort si vous ne vous couvrez pas un minimum.

Méfiante comme à son habitude, elle n’accepta pas spontanément mais finit par se résigner.

-Je préfèrerais ne pas traîner trop longtemps ici, vu votre état nous devons joindre une ville où vous pourrez vous rétablir en sécurité.

Il marqua un arrêt puis reprit pour lui même :

- Cela ne m’étonnerait pas que d’autres drows rôdent encore dans les parages…

Eidren déplia sa carte de la forêt d’Aduram et de ses alentours. Il l’étudia un instant, envisageant les différents itinéraires possibles. Il fallait éviter de rebrousser chemin afin de ne pas recroiser les hommes de Seyrin, mais également prendre en compte les agresseurs d’Inawël qui avaient pu survivre. Peu d’option se présentait à lui. Non, inutile de se prendre la tête maintenant. Quittons cet endroit au plus vite et gagnons le village le plus proche, songea-t-il. Le sang mêlé se tourna en direction de la jeune femme puis déclara :
-A environ une journée de marche de notre position actuelle se trouve un petit village dans lequel nous pourrons nous arrêter. Vu vos blessures, vous monterez Oraan pendant le trajet. Une fois sur place je vous trouve un lieu sûr ainsi qu’un guérisseur. Qu’en dites vous ?