Nombre de messages : 20 Âge : 41 Date d'inscription : 09/11/2011
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 650 ans Taille : Niveau Magique : Spécial.
Sujet: Elystrel - Gardien d'Arcamenel Mar 22 Nov 2011 - 1:06
Nom/Prénom : Elystrel Âge : 650 ans, environ la trentaine en apparence Sexe : Masculin Race : Hybride Particularité : Ambidextre Alignement : Chaotique neutre Métier : Touche-à-tout, le voilà Gardien d’Arcamenel (barde et voleur) Classe d'arme : Corps à corps/magie barde
Equipement : Comme tout le personnage, son équipement est hétéroclite et disparate. Chaque objet, vêtement, arme a une histoire propre, parfois des siècles d’existence. Au sein de ses possessions, on peut toutefois noter quelques objets fétiches. Taillé d’un seul tenant dans un bois sombre, son cistre, reliquat de son enfance, conservé avec minutie malgré les éons et aléas de la vie, s’orne d’un grotesque (le bout du manche) en gueule de dragon. Tout aussi âgé, il conserve un plastron de cuir rigide très ouvragé et parcouru de veinures d’argent. L’œuvre très elfique protège les points vitaux judicieusement sans sacrifier à la liberté de mouvement. Presque par opposition, les armes du sieur, deux cimeterres drow, se gravent de différents symboles à la gloire d’Uriz comme il se doit. Pour causer ses quelques forfaits, du matériel de crochetage se dissimule soigneusement dans ses frusques.
Description physique : Très grand (210 cm), le gaillard s’étire délié tout de muscles secs. Même s’il n’entre pas dans la catégorie armoire à glace, l’épaule large s’offre rassurante pour les demoiselles et suffisamment dissuasive pour les petites frappes habituelles. Une éducation martiale transparait dans ses manières un peu tranchées et ses gestes vifs, tout autant que dans son port parfois hautain. Il maintient sa forme par des entrainements fréquents si ça n’est pas quotidien. Aussi, le reste de son corps se taille pour la vitesse et l’agilité. Chose dont il use et abuse avec un plaisir évident : il grimpe fréquemment sur les hauteurs pour s’y lover paresseusement, y égrainer quelques notes rêveuses en sérénade à l’une ou l’autre de ses maîtresses du moment ou simplement pour échapper à quelques cocus courroucés.
Car de conquêtes, le barde n’en manque pas. Sur son visage étroit aux pommettes hautes, les lèvres pleines et foncées étirent des sourires goguenards. Son regard mordoré se pique d’or pur et de rubis, intriguant et avec ce je-ne-sais-quoi qui attire la rombière en mal de sensations fortes dans ses draps. Bien qu’aveugle, le regard reste étonnamment mobile, comme s’il percevait d’une autre manière. Sur les yeux en amande s’arquent des sourcils fins. Quant à son nez droit aquilin, il clame autant que la peau cendreuse ses origines mêlées. Longs, ses cheveux ébènes filés de quelques mèches neige se nouent bas sur sa nuque pour ne pas entraver ses mouvements.
Loin d’être un adepte des armures en tout genre, le saltimbanque se balade affublé de larges braies flottantes qu’il oublie de resserrer sur ses chevilles au quotidien. En guise de haut, il se pare souvent d’une tunique simple. Une cape et une capuche pour cacher son sang contraire ? Faut pas rêver ! Pourquoi se prendrait-il la tête à se camoufler dans les territoires neutres ou Meca ? Sa tête ne revient pas à quelqu’un ? Et bien qu’il aille se faire mettre, il peut l’aider en cas de souci, il s’en fera même un devoir.
Quant à sa voix, suave et chaude, elle est agréablement basse. Toutefois, il sait en jouer avec brio pour s’élever vers des notes plus aigues. En drow, son parler sera caressant ou au contraire très sec, martial. L’elfique, il le parle avec lyrisme et richesse, avec un vocabulaire soutenu. Quant à son commun, l’ayant appris dans les bars, les ports et avec des ruffians, il est généralement vulgaire. Mais toujours, il garde l’accent particulier et éteint du nisétien, langue qui a bercé ses premières années.
Description mentale : Quelqu’un l’aurait pris en charge quelques siècles plutôt, en lui serrant un peu la visse, on aurait peut-être pu en faire un gars agréable et pas contrariant. Hélas, entre la vénération que lui portaient ses géniteurs et une hyperactivité notoire, l’hybride est rapidement devenu un type imbuvable. Egoïste et égocentrique, rien ne l’intéresse à part lui-même et l’assouvissement de ses caprices, très nombreux et imprévisibles. Grâce à une intelligence retorse, il ruse efficacement pour tromper ses adversaires ou proies. Mesquin et sournois, il n’existe pas grand-chose pour le retenir de tricher, voler et s’accaparer la moindre chose dont il s’entiche. A part éventuellement sa propre flemme.
Lunatique, il lui arrive pourtant de se montrer doux et chaleureux, aussi avenant et tolérant qu’un prêtre de Néera. Gai et fanfaron, il mitige efficacement, les premiers temps, le dégoût des gens pour ses origines en passant pour un joyeux trouble-fête, un compagnon de beuverie généreux et partageur. Avant qu’il ne prenne ses jambes à son cou et ne laisse l’infortuné avec une sérieuse ardoise à régler ou une demoiselle alanguie dans les draps une fois sa passion assouvie.
Sensuel et suave, il use des mots et de ses agréables complexions pour abuser rosière ou catins – sans débourser le moindre denier -. Rien ne lui offre plus de satisfaction qu’une jolie demoiselle suspendue à son bras, une bonne bouteille de rhum et son cistre. Sa vie, il l’embrasse avec vigueur et une ardeur désespérée craignant le lendemain bien plus que de raison pour son immortalité. Esthète, son regard est attiré par le beau et rejette le laid avec virulence.
HISTOIRE
Sur les pages d’un vélin s’amoncelaient les pensées d’un pauvre hère. L’écrivain de fortune beuglait à la seconde lune des chants paillards décousus. Le rhum de piètre qualité d’une énième bouteille abreuvait l’herbe roussie autant que le sang qui se déversait d’une rebutante plaie. Il aurait dû, il aurait pu se relever péniblement pour quérir des soins dans le temple le plus proche. Et pourtant, il restait là à cuver son vin et sa vie s’échappait lentement.
Tout avait commencé avec une histoire de donzelle. Un joli brin de fille, une aventurière rencontrée dans une taverne. Comme à son habitude, il lui avait servi son numéro de séducteur. Une sérénade, quelques poèmes sur ses jolis cheveux nuit, un sous-entendu graveleux sur ses petits seins ronds, il l’avait charmé. Réceptive, elle avait proposé de se promener, la voix pleine des promesses de corps à corps passionnés. Réserves de piquette et possessions rassemblées, il s’était laissé guider à travers les ruelles d’un petit port proche de Naelis - ou était-ce à Naelis même ? bref, peu importe – Le futal sur les chevilles, elle lui avait fait goûté à quelques délices de son crû. Mené à l’extase, il n’avait pas entendu le complice se faufiler et darder sa lame flambant neuve sur ses côtes.
Un coup de dague plus tard, sa bourse et ses richesses emportés par le tandem de bourreaux, il avait attaqué les réserves d’alcool. Beaucoup de chose se bousculaient dans sa caboche. Tout d’abord, l’ironie de la situation - le voleur volé pour une dizaine de souverains -, la certitude que le coup n’avait rien d’hasardeux et que les assassins connaissaient leur « client » et ses habitudes et naturellement la recherche du vrai commanditaire. Il devait bien avouer qu’il comptait plus d’ennemis que d’amis dans son entourage, aussi dresser la liste lui prit un certain temps. Quant à se relever piteusement, l’idée chercha bien à s’imposer, survivre on pouvait dire que ça comptait dans ses priorités, mais y avait ce « je ne sais quoi » qui lui criait que crever comme un chien, la « dignité » à l’air, ça terminerait son épopée d’une savoureuse manière.
Il y eut un instant où il rampa un peu pour trouver la petite flasque d’un alcool nain conservé par sentimentalisme. L’occasion ou jamais de le boire ! Tout ce qu’il réussit à faire, ce fut tomber sur son journal. Il pesta longuement sur la perte terrible née de l’incapacité de savourer un si bon breuvage avant de claquer, avant de se réfugier dans la placide contemplation du carnet élimé. Finalement, il étira la main pour s’en saisir et entreprit de se relire. Ainsi, sur les pages déjà jaunies, s’amoncelaient son histoire.
Sautant la page de garde qu’il savait sans grand intérêt, il commença sa lecture :
… né avec une cuillère en or dans le bec. Enfant-Roi, merveille chérie par son père, j’aurais eu un grand avenir devant moi. Si ma mère n’était pas drow ou si mon Père n’était Elfe. A dire vrai, rien que l’histoire de mes géniteurs mériteraient un livre entier, mais je vais tâcher de résumé.
Mère était une guerrière drow avec suffisamment de bouteille pour se retrouver en charge avec d’autres de mater Nisetis. Père lui était une sorte de vieux fou. Enfin, un mage quoi. Il lui était venu à l’idée de visiter l’antique cité avant que ses connaissances ne se dispersent sous l’hégémonie drow et de tout rassembler sur des vélins. Suite à un enchainement de circonstances, Père s’est retrouvé esclave de Mère. Et forcément, ils ont fini par se grimper dessus. Arcam ayant un sens de l’humour particulier, quand elfe et drow copulent, ils sont plus fertiles et c’est ainsi que je suis né.
Je passerais sous silence le type de relations entre attirance et répulsion qu’entretenaient mes parents. Cela n’apporte finalement que peu à qui je suis devenu. Retenons juste que je ne suis pas né d’un viol mais d’un acte volontaire et consenti. Ma mère, toute sombre qu’elle fut, me prodigua une certaine forme d’affection. Quant à mon père, et bien, il fut mon précepteur et je fus son prodige. Excepté pour le maniement des armes où Mère prit le relai en le jugeant inapte, il m’enseigna toutes les traditions, histoires des elfes, plantes et même les théories magiques. Plus important encore, il m’enseigna la musique. Parmi toutes les matières assommoirs où je me montrais « étudiant normal » – intelligent mais gros flemmard – le chant et la mélodie tintèrent comme une révélation. Pour moi, ce fut des moments de joie presque aussi intense qu’entre les cuisses légères des demoiselles et plus exutoires que les corps-à-corps brutaux pour maitriser mes cimeterres. Tant et tellement qu’en dehors des instants dévoués à la satisfaction de mes instincts primaires – la violence et le stupre – ou de mes quelques tours pendables, mon cistre devenait mon unique obsession. […] Bref, à force d’entrainement, mes qualités de musicien et chanteur confinent à la virtuosité. Mâtiner mes créations d’énergie, devenir barde au sens plus magique du terme, l’idée ne me viendra qu’un siècle plus tard. Au départ, il n’y eut que l’amour de la Mélodie et du Verbe.
Au milieu de sa lecture, une pluie glaciale s’arrangea pour le déranger. Ne pouvant plus lire à la clarté de la lune, le musicien n’eut d’autre choix que se redresser péniblement. Laissant là ses quelques biens, prenant tout de même temps de remonter son falzar – un peu de bienséance de temps en temps ne pouvait pas faire de mal – il se traînant cahin-caha en appuyant régulièrement le dos au mur. Sa main droite se crispait sur la plaie tandis que la gauche blanchissait à force de maintenir sa prise sur le carnet. Vacillant à intervalle régulier, vomissant le mauvais alcool à tous les coins de rue, il se rendit piteusement jusqu’au Temple de Néera le plus proche. Trouvant porte close, il jura sur tous les dieux avant de commencer à s’élancer pitoyablement pour fracasser la porte de l’épaule. A défaut de parvenir à pénétrer dans l’antre de la Déesse de la vie, il réussit à se luxer l’épaule en plus de tout le reste. Grâce aux plaintes qui en suivirent et le boucan précédent, il alerta néanmoins une novice.
A la vue de la demoiselle vêtue d’une simple chemise, il ne put s’empêcher de glisser un crispé :
- Bonsoir ravissante demoiselle, auriez-vous l’obligeance de bien vouloir quérir un de vos maîtres-guérisseurs… avant que je claque sur votre proche ? … ça serait gentil.
Après avoir étalé un maigre sourire, il tenta de lui tomber dans les bras – la pierre ne lui semblait pas très accueillante -. Hélas, la jeune rosière apeurée par le sang – et surtout dégoûtée par l’haleine fétide et les tâches de vomi – hurla, esquiva et courut chercher ses maîtres. La face contre terre, la loque hybride maugréa pour la forme avant de se retourner péniblement et reprendre sa lecture – un sacré sens des priorités -.
Après cet événement, Père décida qu’il était temps de plier bagage. Evidemment, je faisais parti des malles. A la faveur de la nuit, nous avons embarqué sur un navire de commerce. J’avais alors un peu plus d’une centaine d’années. Ce périple en mer me réjouissait. J’ai adoré me hisser dans les cordages, grimper à la vigie et me perdre dans l’immensité vierge de la mer Olienne. Hélas, le voyage fut bien trop court à mon goût. Une semaine plus tard – je crois que c’était une semaine –nous accostions auprès de la cité de Naelis. Un sacré changement entre la belle Nisétis et ce repaire de vilains. Heureusement, ce n’était qu’une étape sur notre chemin. – Mes pérégrinations vaaniennes ne surviendront que 60-70 ans plus tard – Une fois, vivre et quelques babioles rassemblées, mon paternel me guida à travers Aduram.
De cette partie du trajet-là, je n’en garde qu’un souvenir de nausées et de délires. Car oui, j’ai découvert à cette occasion que ma part elfe m’avait légué une magnifique tuile : la capacité d’entendre la Symphonie des Arbres. Enfin, pour Aduram, ça se résumait surtout à une sorte de cacophonie tourbillonnante qui me vrillait le cerveau et me collait une hargne virulente pas croyable. Heureusement, Père avait quelques tours dans ses manches de magicien pour éviter que je ne vire absolument dingue. Puis, dès que nous avons pénétré l’Anaëh, j’ai repris possession de moi-même.
Autant être direct, j’ai détesté la vie chez les elfes. Premièrement, malgré un relativement bon lignage, mon sang drow rebutait la plupart des mes « demi-congénères ». Après une petite vingtaine d’année dans le protectorat, j’ai réussi à calmer les appréhensions. Deuxièmement, peut-être bien à cause du premier point, les elfettes sont des casses-burnes. Pas moyen de leur faire comprendre l’intérêt d’une bonne partie de jambes en l’air. Les Cinq, qu’est-ce que je hais les coincés ! Non, mais surtout, le sexe, c’est la nature ! N’importe quelle bestiole, ou presque, ressent le besoin de copuler une fois par an au moins. Mais là, nada, rien du tout. Ta crampe, tu te la carres dessus l’oreille. Puis, il y a rien à béqueter sur ces pimbèches. Pas de formes, pas de piment, pas d’intérêt. Enfin… je dis ça aujourd’hui. Mais n’empêche, comme un couillon, je suis tombé amoureux.
Arriva le Grand Prêtre du Temple. Prestement, il évalua les dégâts sur le pauvre hère. En quelques minutes, l’hybride fut allongé dans une couche propre. Sa tunique tâchée lui fut retirée, sa blessure baignée. Tandis qu’à moitié dans les limbes, sa main se crispait encore sur le carnet. La petite novice, un peu rassurée par la présence des autres adeptes autour d’elle, se risqua à prendre le journal. Avec délicatesse, elle ouvrit un à un les doigts du blessé pour libérer sa prise. Farouchement, il referma son emprise. Elle développa des trésors de gestes doux, chuchotant des paroles rassurantes, et parvint enfin à lui dérober l’objet. Ainsi, le grand prêtre put remplir son office.
Ivre, il n’avait pas ressenti toute la douleur qu’une blessure de cet acabit générait habituellement. Il remuait encore sans force tandis qu’on retirait les brides de tissus de la plaie. Il grogna jusqu’à ce que le souffle guérisseur ne vienne calmer ses maux. L’adrénaline alors retomba et il glissa un sommeil fiévreux Le disciple de Néera, pas mécontent que son patient cesse de gigoter, commença alors à procéder aux rituels divers pour à résorber la lésion. Assisté de deux prêtres tant la tâche était ardue, le ruffian toquait à la porte de Tyra à intervalles réguliers, les soins prirent de longues heures d’un harassant travail. Lorsqu’enfin, s’épongeant le front, le grand prêtre se redressa, il constata que le patient, ce con, souriait béatement ou alors, il se foutait bigrement de sa tête.
Dans son coma salvateur, le barde rêvait :
Nu comme un ver, allongé dans les fougères, il resserrait son étreinte sur la taille de sa compagne tout aussi dévêtue. L’elfe, toutes de lignes délicates, lui paraissait d’autant plus chétive lorsqu’elle se livrait à lui sans tout l’apparat de son rang. Car d’amour pour la Grande Prêtresse du temple local de Kyria, il s’était épris. Et, après des ans de cour assidue, il avait réussi à la faire sienne. Jamais jusqu’à lors, la sylve émeraude ne lui était apparue aussi enivrante, la symphonie aussi vibrante. Neaniel, son prodige, son trésor, n’appartenait qu’à lui. Le partage avec la foi de sa femme lui était tolérable, tant qu’il pouvait, le soir venu, écarter ses bras pour devenir son unique refuge. Bien qu’elle se révélait d’une force de caractère étonnante, loin de ce qu’il imaginait possible de la part d’une elfe.
Le songe se fit brume avant de relever le rideau sur une nouvelle scène. Près d’une quarantaine d’année avait métamorphosé le gosse capricieux en un époux doux et aimant. Les bonnes choses allant souvent par trois, le talent du barde était reconnu et un enfant était en route. Dans le bonheur, il nageait. Puis, tout vira au cauchemar : La belle succomba en couche en donnant naissance à un enfant mort-né. Il nia tout en bloc. Refusant la vérité, il se borna des jours durant à égrainer berceuse pour des cadavres. Plus que sur la perte de sa famille, il pleurait sur lui-même.
Péniblement il s’éveilla en couinant comme la dernière des pucelles. A son chevet, Shana – la novice – veillait. Sa main fraîche se posa presque aussi tôt sur le front fiévreux du patient. Parmi les délires, il confondit un bref instant sa surveillante avec celle qu’il chérissait avant de se rendre compte de sa méprise et en rire. Rapidement, la petite demoiselle appela à nouveau un prêtre pour quelques nouveaux soins et vérification de la plaie : saine, pas d’infection visible. Et pourtant le maraud continuait à délirer et à comater. Autrement dit, le soigneur ne pouvait pas faire grand-chose de plus pour son patient.
Il marchait sur dans un long corridor miroitant. Provenant de nulle part, quelques notes battaient lancinantes. Dans ce chant, quelque chose d’atrocement familier le forçait à continuer son chemin. Tantôt berceuse, tantôt sérénade, les notes claies se chuchotaient au creux de son oreille. Le rythme battait tout autour de lui comme lorsque l’on repose sur la poitrine d’un amant/maitresse. Parfois lent et calme, puis soudaine affolé, emballé, comme lors d’un combat, le cœur pulsait puissant. Bientôt, il étreignit sa poitrine douloureusement.
A bout de souffle, il émergea brutalement de sa torpeur. Sa vision brouillée l’empêchait de savoir où il se trouvait. Il tâta sa ceinture à la recherche de son arme. Après avoir constaté qu’il était nu et dépouillé de ses cimeterres, il se releva en chancelant et noua le drap autour de sa taille. Tâchant de rassembler ses esprits, il posa une main sur son flanc blessé et tenta de retracer le cheminement l’ayant mené dans une pièce sombre. Il faisait nuit. Aux respirations profondes de plusieurs personnes endormis, il associa rapidement le temple. Voilà, il était venu quérir des soins. Un peu tranquillisé, il scruta les environs. Après s’être éclipsée temporairement, la petite novice lui sauta presque dessus pour l’aider à s’allonger à nouveau. La tête lui tournait. Trop faible pour réagir réellement, il regagna, aidé de Shana, sa couche. Une fois un bouillon ingurgité avec peine, il fixait le plafond tandis que la jeune femme lui racontait ce qu’il avait manqué. Plusieurs fois, il hocha la tête et pinça la naissance de son nez. Bientôt, il lui demanda si elle voulait bien lui lire la suite de son carnet. Il ne savait pas bien pourquoi, mais sur le moment, il lui paraissait primordial de repasser sur toute sa vie au crible. Peut-être était-ce simplement parce qu’il avait frôlé la mort. D’une voix douce, la jeune femme reprit donc le récit à la page indiquée.
… Je ne conterai pas d’avantage l’épisode malheureux de cette idylle qui m’a rendu fou. Pas plus que je ne saurais vous expliquer ce qui m’a rendu un semblant de cohésion mentale. Retenez simplement que j’ai aimé sincèrement avant de commencer ma vie de vagabond. Depuis, je dirais bien que je n’ai plus jamais succombé à des tendres sentiments, mais cela sera un honteux mensonge. Je tombe amoureux souvent. J’aime les femmes, les hommes, un éphémère instant avant de succomber à d’autres charmes. Volage ? Assurément. Je ne m’en défends pas.
Ainsi, après mon rébarbatif séjour chez les elfes, j’ai repris ma route. Seul cette fois-ci. Mon père s’est trouvé une nouvelle passion pour l’enseignement. A dire vrai, j’ignore même s’il est encore en vie à l’heure où j’écris ses lignes. Tout comme ma mère à dire vrai. Bast. Ainsi j’ai pris le chemin de l’Ithri’Vaan.
Le barde fit signe à la demoiselle de sauter quelques pages.
… Je n’étais pas peu fier de cette prise ! Enfin après mes années proches de la mendicité, je regagnais ce luxe chuintant qui me sied le mieux.
Elystrel toussota. Un peu gêné, il réitéra la demande précédente.
Après avoir tendu mes mains au capitaine, celui-ci maugréa. Certes, celles-ci montraient mon entrainement aux armes ou à la musique, mais que pourrait-il bien foutre d’un barde/bretteur sur un navire ? Devant mon insistance – et quelques tours de passes-passes bardiques –, il m’a autorisé à prendre la mer sur son navire. Les premiers temps, autant vous dire que j’en ai copieusement bavé. Je suis doué pour l’escalade, mais il m’a fallu un moment pour trouver mes marques sur un bâtiment en mouvement. Et puis, l’entretien du pont, c’était foutrement ennuyeux. Mais j’ai fini par gagner mes galons à la force du poignet – sans sous-entendu vulgaire. Contrairement à la croyance, je n’ai jamais été victime des sévices d’autres mâles en rut après des semaines de mer sans tringler -
Devant les joues écarlates de la novice, il agita la main pour lui réclamer d’avancer dans l’histoire.
Aah Meca, j’aime à peu près autant cette bourgade que de grimper à la vigie pour y prendre mon quart ! C’est dire ! Avec les camarades, on s’est trouvé un bordel pour y installer nos quartiers terrestres. Après quelques rixes, soudoiements, menaces et des chants coordonnés par votre serviteur, le gérant s’est aplati devant nous. Ainsi, le Tisse-Brume s’est octroyé le bauge sans-nom. Après le naufrage et l’éclatement de l’équipage survivant, la riante auberge prendra d’ailleurs le nom de notre navire. Et croyez-le ou non, j’en suis le proprio à présent ! Evidemment, une gérante s’en occupe plus que moi vu que je suis toujours aussi incapable de rester aux mêmes endroits plus de quelques mois.
Voyant que l’homme s’était à nouveau abimé dans le sommeil, Shana, curieuse, reprit sa lecture du début en silence.
A nouveau, il marchait dans le palais de glace. Toujours la musique s’insinuait jusqu’au plus profond de lui. Plus tranquille, il s’arrêtait à présent devant chaque miroir. D’un revers de la main, il en effleurait la surface aqueuse pour y faire apparaître des images. Son passé, son présent parfois, s’offrait à son regard. Parfois, il voyait d’autres images : Un semi-elfe au cheveu blanc et aux yeux d’or, une gamine, une humaine. Pourtant, il naviguait dans l’endroit sans but. Au fond de lui, il savait qu’il n’explorait pas les lieux de la bonne manière. Il entrevoyait la marche à suivre, mais il avait peur. Terriblement peur de s’effacer à tout jamais, de voir sa propre vie éclatée en morceau pour se fondre en un nouveau miroir plus grand, infiniment plus grand.
Il récupérait bien. Sa blessure se refermait parfaitement. La fièvre était depuis longtemps tombée. Pourtant la petite novice restait à son chevet. Séduite par quelque chose qu’il ne comprenait pas, elle le berçait de tendresse et le consolait. Car si la plaie se résorbait à la perfection, sa vue déclinait de manière incompréhensible. Malgré les experts en soin autour de lui, aucun n’a su mettre le doigt sur la source de ce mal. Les cauchemars se faisaient de plus en plus pressants, réalistes. Parfois, le mutisme prenait le barde habituellement bavard. Il semblait écouter une mélodie silencieuse avant de répondre sommairement aux questions de Shana, inquiète pour sa santé mentale. Après plusieurs tentatives, elle réussit à lui tirer quelques mots afin d’aller chercher ses biens – de quoi payer le temple pour les soins et de le faire réagir -. Laconiquement, il lui indiqua une taverne en ville. Soucieuse de bien faire, elle s’y rendit.
Là-bas, après avoir subi quelques contrariétés de la part des clients avinés, elle réussit à gagner la chambre du malandrin. Sans dessus-dessous, celle-ci avait été passé au peigne fin, dans le but assez évident de retrouver un objet. Elle rassembla les quelques affaires éparses (Cistres, armes, vêtements et plastron de cuir) qui n’avaient pas été volées. Puis, selon les directives brumeuses de son patient, elle s’introduit dans le cellier. Un sort d’illusion tout bête, lui permit de passer outre la vigilance de l’aubergiste et des serveuses. Après avoir déplacé avec peine un tonneau, elle souleva quelques lattes du plancher et y découvrit un petit coffret. Le glissant dans son sac avec le reste des possessions, elle se regagna le temple et la compagnie du barde. Elle disposa les objets familiers près de lui et lui fourra d’autorité l’instrument entre les mains. Presque aussitôt, il se mit à en jouer. Et que dire ! Après des siècles de perfectionnement, Elystrel savait tirer de l’instrument le maximum de son potentiel. Il pinçait les cordes avec application et bientôt dans le dortoir, la peine et la douleur semblait s’évanouir. Bien vite pourtant, il se câla sur la mélodie de son cauchemar. Il ferma les yeux.
Tout cela devait être une malédiction ! Une terrible malédiction depuis qu’il avait volé ce fichu miroir à une bande de gredins. Pourtant, aucun symptôme pendant trois ans. Tout était de leur faute ! Ils lui avaient agités une somme mirobolante sous le nez pour s’introduire dans le temple en construction de Naelis et chourer un miroir, soi-disant celui du Gardien d’Arcamenel mort ! Connerie ! C’était juste un miroir, pas très richement décoré d’ailleurs, un machin avec des roses autour et des ronces qui piquaient bougrement. Puis, s’il avait volé l’artefact d’un dieu sans souci, c’était sans doute une copie, non ? Enfin sans souci d’ordre divin, le méfait en lui-même lui avait posé un certain nombre d’ennui. D’abord pénétrer dans le temple, la nuit de la prise du pouvoir du nouveau dirigeant, fallait avouer que ça tombait à pique ce bordel d’ailleurs, mais la garde dense pour éviter qu’on s’en prenne aux trésors rassemblés lui avaient fait perdre un temps précieux. Heureusement, la méthode traditionnelle de l’observation des patrouilles et du bon coup derrière la nuque des gardes dans la salle principale lui avait permis de prendre l’objet et de refiler discrètement.
Alors qu’il devait livrer la marchandise, ses commanditaires avaient jugés bon de tenter de le gruger et de ne pas le payer. Furieux, il avait évidemment vivement protesté – comprendre qu’il en avait égorgé un ou deux – avant d’entamer de nouveaux palabres. Voyant qu’aucun accord ne pourrait être signé, il s’était retiré de la table des négociations avec le dit-miroir – à l’aide d’une petite balade qui rendait les gens terriblement coopératifs –. Depuis, il s’était entiché de ce trophée et le trimballait partout avec lui. Même narcissique comme peu de monde sur Miradelphia, il n’avait jamais risqué un coup d’œil dans la surface argentée de l’ouvrage. Fallait dire qu’après l’avoir empoigné plusieurs fois, ces fichues épines avaient lacérées les bouts de ses doigts. Il l’avait alors enroulé dans une belle étoffe et rangé dans une de ses caches au fond d’un coffret avec quelques pierres précieuses et pièces d’or en cas de pépins.
Au souvenir, il tissa quelques liens concluants. Et si ses fameux assassins en avaient après cette contrefaçon ? Et si… c’était le vrai miroir ? Pourquoi alors n’avait-il pas été puni d’un châtiment divin ? Bien décidé à tirer la chose au clair, il reposa le cistre au sol et tira le coffret vers lui. Il le déverrouilla à l’aide d’un jeu de serrures mécaniques piégés – évidemment, on ne apprend pas au singe à faire des grimaces -. Il vérifia tranquillement le contenu de la bourse de souverains et la jeta à Shana avec un maigre sourire. Cela devrait couvrir largement les frais du temple, avec un bonus pour les services de la mignonnette. Un autre coup d’œil au sachet de pierres précieuses, de quoi vivre confortablement sans piller quoique ce soit pendant un ou deux mois, il soupira presque rassuré. Il en vint finalement à ce qui le tiraillait depuis tout à l’heure. Le dernier paquet arrondi, il le posa sur ses genoux avant de refermer et dégager le coffre sur le chevet.
Aussitôt qu’il dévoila l’objet, Shana fit un large bond en arrière. - C’est… c’est… ! - Une belle copie… sans doute… enfin... je crois. - Et si c’est le vrai ? Vous ne devez pas regarder dedans ! C’est dangereux ! - T’inquiète ma belle. Le danger, ça me connaît.
Fanfaronna-il auprès la demoiselle paniquée. Pourtant, il n’en menait pas vraiment large. Voir le futur ? Il grimaça. La mélodie du cauchemar tinta à nouveau à ses oreilles. Tellement réel qu’il regarda autour de lui pour s’assurer que personne ne chantait ou jouait d’un instrument dans la pièce. Finalement, il attrape le miroir, non sans piquer ses mains aux épines, et plongea son regard presque entièrement voilé dans la surface argentée.
Au départ, il ne vit que son propre reflet, un peu amaigri et flou avant que l’artefact ne se mette à frémir. Il écarquilla légèrement les yeux, le regard toujours rivé au centre de l’objet.
Tout bascula. L’univers entier. Il ne restait autour de lui que la mélodie fantasmagorique, pas si éloigné que ça de la Symphonie des Arbres, presque aussi erratique que celle pervertie d’Aduram. Il ferma les yeux. A présent, il savait. Il n’acceptait pas réellement. Mais il se pliait au futur entraperçu.
Autour de lui se forma à nouveau le long couloir constellé des vitraux bigarrés de son passé, de ceux des élus qui venaient avant lui. Il ferma les yeux dans ce semi-songe. La méthode le demandait. D’abord, il ne vit que le noir. Il se laissa guider par la musique environnante. Trébuchant parfois sur les marches d’un escalier auparavant absent, il se relevait inlassablement. Comme un fil d’Ariane, la musique le menait vers une cour intérieure. Plus que de voir réellement, il s’imagina les arbres, le parterre de fleur et l’énorme miroir, reflet de celui qu’il tenait entre les mains. Debout devant ce dernier, il devait à nouveau ouvrir les yeux. Et il vit.
Et il rit.
Elystrel
Hybride
Nombre de messages : 20 Âge : 41 Date d'inscription : 09/11/2011
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 650 ans Taille : Niveau Magique : Spécial.
Voilà ! Je pense que c'est bon ! Je profiterai des corrections s'il y a - y en aura sans doute - pour repasser à travers le texte et changer d'éventuelles tournures de phrases qui me plaisent plus, mais tu peux y aller Kata !
Le Vaisseau de la Voilée
Ancien
Nombre de messages : 4141 Âge : 34 Date d'inscription : 09/03/2009
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 44 ans (né en 972) Taille : Niveau Magique : Avatar