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| Tout n’est pas si sombre | |
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Hanegard Kastelord
Ancien
Nombre de messages : 2168 Date d'inscription : 22/10/2009
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 49 ans Taille : 1m90 Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Tout n’est pas si sombre Dim 29 Jan 2012 - 15:35 | |
| Un timide soleil hivernal se levait sur la cité-forteresse d’Alonna. Dans l’aube glaciale, les soldats qui patrouillaient sur les chemins de ronde des trois enceintes tapaient du pied pour se réchauffer et cherchaient la douce caresse de l’astre diurne. La nuit avait été particulièrement froide, et une fine couche blanchâtre recouvrait les rues et les toits, derniers vestiges de la neige tombée la veille au soir. Peu à peu, la ville s’éveillait et revenait à la vie. Les dernières tavernes venaient de fermer, le temps de passer un coup par terre et de nettoyer les tables avant que ne viennent les clients du matin. Près des puits, les habitants cassaient la couche de glace pour s’approvisionner en eau, grelotant et maudissant ces interminables frimas.
L’hiver ne semblait pas encore près à céder du terrain, et rares étaient ceux qui se souvenaient de la dernière fois où, pour la troisième année de suite, la foire annuelle avait débuté alors qu’un tapis blanc recouvrait les sols. Car oui, ce jour là prenait une signification bien particulière pour toute la région : la grande foire qui se tenait une fois l’an au pied des massives murailles d’Alonna allait débuter. Dans les auberges, les marchands venus parfois de fort loin regardaient le ciel en remerciant les Cinq que le soleil soit de la partie. Un peu de neige au sol n’empêcherait pas les affaires de se conclure, et tant qu’il ne pleuvrait pas peu importait la température ambiante.
Dans la citadelle, je m’habillais moi aussi afin d’être à l’heure lorsque les échevins annonceraient officiellement l’ouverture de la foire. Tous à Alonna savaient que bien des affaires se trouvaient déjà traitées depuis plusieurs jours, mais je tenais à faire vivre et perdurer les traditions. La foire annuelle ne servait pas uniquement à mener des affaires, elle symbolisait également la fin de la plus rude période de l’hiver et le début d’une nouvelle année pour le commerce. Dans un monde où plus rien ne semblait acquis, un peu de stabilité ne ferait pas de mal.
Non, décidément plus rien ne semblait acquis. La nouvelle de l’assassinat du roi Trystan était arrivée en ville moins de deux semaines avant l’ouverture de la foire, et les conversations allaient encore bon train sur l’identité du meurtrier. Certains accusaient le comte de Scylla, d’autres les émeutiers de Diantra, d’autre soutenaient des théories complètement aberrantes. La veille encore, j’avais surpris par hasard une conversation entre deux serviteurs qui soutenaient mordicus que Trystan avait péri de la main d’Ultuant lui-même, venu réclamer son trône. De là à ce que l’on dise que Mogar lui-même était intervenu, nous n’en étions plus bien loin.
Ce climat de tension exacerbé n’en rendait la foire que plus importante. Il fallait prouver à tous que la vie continuait, et que les sombres nouvelles de Diantra n’impacteraient pas les seigneuries du Nord. Je savais fort bien que nul ne serait épargné par l’onde de choc de cette mort, mais je préférais éviter de créer des mouvements de panique causés par le souvenir de la guerre civile. Les dernières guerres se trouvaient encore trop récentes pour que les gens aient déjà oublié les horreurs qui les accompagnaient. Montrer ostensiblement que la vie continuait comme avant prenait en ce jour une importance toute particulière.
Mon valet ayant fini de boucler mon ceinturon, je jetais un regard à mon image dans le miroir. Tenue bleue et turquoise, épaisse cape en fourrure sur les épaules pour me protéger du froid, cercle d’argent tenant mes cheveux, je décidais que je rendais l’image que je désirais donner en ce jour : un baron tenant parfaitement en main la situation. L’ironie de la situation m’arracha un sourire… personne désormais ne tenait plus en main la situation, pas plus moi qu’un autre. Les grands féodaux s’observaient attentivement les uns les autres en essayant de deviner le jeu de leurs voisins tout en cachant le leur, et nul à cette heure ne semblait encore en mesure d’imposer sa loi à ce que avait été le royaume de Trystan.
Les enfants du défunt monarque se trouvant être des enfants, soit un puissant seigneur prendrait Diantra en main et saurait regrouper autour de lui les débris de la couronne brisée, soit tout allait exploser en de multiples petites confédérations indépendantes à la manière du royaume nain six ans plus tôt. Chassant ces lugubres pensées de mon esprit, je quittais mes appartements et allait toquer à la porte du boudoir de mon épouse.
Jena ? Es-tu prête ? |
| | | Jena Kastelord
Ancien
Nombre de messages : 958 Âge : 36 Date d'inscription : 23/03/2010
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 30 Taille : Niveau Magique : Religieux.
| Sujet: Re: Tout n’est pas si sombre Mar 31 Jan 2012 - 14:40 | |
| Aujourd'hui, premier jour de la foire annuelle, Hanegard et moi devions y faire une brève apparition, du moins c'était ainsi que l'avait prévu les intendants et gestionnaires de nos emplois du temps respectifs. Mais pour ma part, je ne comptais pas faire un tour d'une heure et revenir avec la satisfaction du devoir accompli. Non, j'espérais bien pouvoir flâner au grès des allées, peut-être même faire des affaires pourquoi pas. J'avais d'ailleurs promis à ma fille de trouver la plus belle étoffe du monde pour sa nouvelle robe, je ne pouvais donc pas me contenter de ramener le premier tissu qui me passerait sous la main, quelle mère indigne j'aurais fait ! Et puis j'avais hâte de voir toutes les surprises que nous réserverait cette foire. L'année précédente, les saltimbanques avaient animé les rues de leurs chants et jongleries et j’espèrais qu’il en serait de même aujourd’hui. Le spectacle grandiose que nous avait présenté la dénommé Mémoire lors du banquet avait éveillé ma curiosité et me donnait envie d’aller m’émerveiller à nouveau devant ses artistes au talent surprenant. La neige était tombée durant la nuit et le froid vif et mordant me fit opter pour une épaisse cape rembourrée de fourrure par-dessus une robe colorée mais simple. Pas besoin de faire dans l’extravagant et dans l’ostentatoire, nous allions juste faire un tour à la foire, donc inutile de se pavaner en vêtement d’apparats. Cependant je demandais aux doigts experts de Clarys de prendre un soin particulier pour ma coiffure. Je voulais quelque chose d’élégant mais comme le reste, sans plus d’ornement qu’un peigne à cheveux en argent. Lorsque je me sentis fin prête, je regardais mon reflet dans le miroir et remerciait ma dame de compagnie. Je n’eus guère à patienter, Hanegard frappait déjà à la porte. Après un dernier sourire à Clarys je rejoignis mon époux dans le couloir et l’embrassait avant de prendre son bras.
- Je suis prête nous pouvons y aller.
Arrivée dans la cour je vis non sans surprise que malgré la neige on avait attelé un carrosse pour ne pas fatiguer nos augustes fessiers mais avant même que nous ayons eu le temps d’approcher je retins le bras d’Hanegard et fis mine de regarder ma chaussure comme si un caillou s’était glissé dedans. Je lui murmurais alors tout bas pour que lui seul entende.
- Allons à pieds, nous n’en aurons que pour une poignée de minute. Nous n’avons nul besoin de ce carrosse et puis avec la route gelée les chevaux risqueraient de se blesser.
J’avais bien pris soin de ne pas parler fort pour que ni l’intendant, ni les autres personnes rassemblées dans la cour ne puissent m’entendre. Cela pouvait sembler surprenant mais je ne voulais pas contredire les décisions de mon époux en public, même s’il ne s’agissait que du choix du moyen de transport. Il faisait figure d’autorité dans la Baronnie, surtout en ces temps incertains, et je savais par expérience qu’un homme obéissant à son épouse est bien moins respecté par ses sujets. J’avais déjà vu cela à une plus basse échelle avec Dame Camelia. Notre intendant veillait à ce que tout soit toujours fait dans les règles et même lorsque je devais me rendre au temple s’était tout juste s’il ne voulait pas me voir m’allonger dans une litière à porteur. Il avait fallut que j’élève une fois le ton pour qu’il me laisse monter en selle. Mais il était resté très pointilleux sur nos sorties officielles et là, je n’étais pas la seule à avoir voix au chapitre.
Me redressant, je tournais mon regard vers Hanegard et lui adressais un fin sourire. Je savais pertinemment que dix minutes de marche dans la neige ne lui faisait pas peur mais nous nous étions déjà pris le bec une fois lors de la cérémonie de couronnement aussi avançais-je sur ce terrain comme sur des œufs.
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| | | Hanegard Kastelord
Ancien
Nombre de messages : 2168 Date d'inscription : 22/10/2009
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 49 ans Taille : 1m90 Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Tout n’est pas si sombre Sam 4 Fév 2012 - 17:50 | |
| Me tournant vers notre suite, j’ordonnais :
Nous irons à pied. Prévenez les gardes.
Après tout, si Jena désirait se dégourdir les jambes, pourquoi pas ? Je ne voulais pas gâcher une aussi belle journée en lui refusant une demande aussi triviale dès le matin. La foire ne se trouvait pas si loin que nous ne puissions utiliser ce moyen de locomotion pour nous y rendre. Mon épouse évitait toujours de me contredire en public, mais cela ne l’empêchait pas de me dire ce qu’elle pensait lorsque nous étions à l‘abri des oreilles indiscrètes. De par notre éducation à chacun, nous restions loin des couples nobles où trop souvent seul le mari décidait de chaque action, sa femme se contentant d’obéir sans mot dire et de bien jouer la jolie potiche de service. Sans doute une situation très satisfaisante pour l’orgueil du mâle mais beaucoup moins plaisante au final. Ce fut donc à pied que nous quittâmes l’enceinte intérieure de la forteresse, prenant garde à ne pas glisser sur les plaques de verglas.
A petits pas, nous progressions dans les rues blanchies par la neige tandis qu’au fur et à mesure les fenêtres s’ouvraient et que les citadins s’amassaient pour venir nous apercevoir. L’espace d’un instant, j’eus une hésitation sur la sagesse de notre décision mais les figures ne paraissaient pas hostiles. Ce fut d’abord un discret « hourra » lancé par un gamin à la porte d’une auberge, qui fut repris par d’autres citadins et alors que nous approchions de la deuxième enceinte des acclamations retentissaient un peu partout. Allons, j’avais bien fait d’organiser à mes frais des repas dans les tavernes la veille au soir alors que les nobles festoyaient à la forteresse et d‘y envoyer des émissaires pour que chacun vienne boire mon vin à ma santé. Des barriques d’un vin que je n’aurais osé servir à mes invités et de la venaison pouvait apporter un regain de popularité bienvenue après ces temps troublés.
Je notais cependant que les « vive la baronne » se faisaient bien plus nombreux que les « vive le baron ». De par ses actes durant la famine et de par sa nature de prêtresse de Néera, Jena jouissait d’une popularité croissante parmi la population, et je mentirais en disant que l’aspect politique de la chose m’échappait. Le maître d’une terre ne peut jamais être réellement populaire… je savais bien que l’on me maudissait lorsque venait le temps de payer les différentes taxes qui viendraient garnir le trésor. En tant que seigneur d’Alonna, tous me devaient obéissance mais ce joug pesait parfois lourd et on reportait aussi sur moi l’absence de résolution des problèmes. A l’inverse, Jena apparaissait comme bien plus sympathique et proche des gens, une figure maternelle bienveillante.
Lorsque nous sortîmes de l’enceinte extérieure, nous pûmes apercevoir l’océan de tente installées là. Marchands et camelots venus des quatre coins de la baronnie et d’au-delà se pressaient déjà en nombre et je ne doutais pas que les affaires allaient bon train. Je pouvais percevoir un peu à l’écart des enclos près desquels de riches éleveurs comparaient et argumentaient tels de doctes savants sur les qualités de tel taureau ou étalon. Des soldats en nombre arpentaient les allées de la foire afin de s’assurer que larrons et fripouilles ne tentaient pas de réaliser leurs habituels larcins. Bien sur, ni leur présence ni la sombre silhouette de l’échafaud dressé sur le côté sud ne pourraient empêcher certains d’essayer, l’appât du gain constituant une tentation bien trop puissante.
Au centre d’un espace dégagé, les échevins de la ville nous attendaient près d’une grande table ou trônait en bonne place un parchemin qui avait du prendre des jours entiers à calligraphier. Les noms de tous les marchands ayant autorisation de commercer au sein de la foire s’y trouvaient listés, suivis par des formules fleuries sur la grandeur et la bonté du baron (oui, ma bonté… j’en ai) ainsi que sur les avantages fiscaux qui seraient appliqués durant cette période. Sans disparaître, les taxes se voyaient allégées durant cette période afin de stimuler le commerce et d’attirer du monde. Prenant une plume, je signais en bas du parchemin et déclarait d’un air réjoui :
Je déclare officiellement la sixième foire du cycle ouverte. |
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