[grottes]Tout commence là où tout s'est terminé (solo)

Troisième ennéade de Barkios, an 17 du XI e cycle,
trois jours de marche au nord d'Almis

En bas de la pente, cinq tentes entourées d'un muret de pierres blanches et grises. Au milieu une tente plus grande, en forme de cône, dans laquelle brûle en permanence un feu. C'est la tente communale. Un peu plus loin, sous la vigilances de chiens-ours et de deux jeunes dawis, paissent tranquillement des chèvres, mangeant a peu près tout ce qu'il y a de comestibles à leur portée.  

Quand nous nous approchons, nous remarquons quelques choses d'étranges à propos de ce muret. Les pierres semblent poreuses, irrégulières… Certaines ont des trous. S'approchant encore un peu plus, nous nous apercevons que ce sont des crânes, anciens et nouveaux, de gobelins et d'animaux raclés à l'os, emmêlés sans les roches plus solides.

Tentative d'intimidation? Peut-être. Mais le pragmatique Brand pense plus à un moyen d'alerte. Un crane s'écrasera si quelque chose monte le muret et ca lancera l'alerte…. Et c'est vrai qu'un peu d'intimidation n'est pas pour lui déplaire. Au milieu de la tente, il regarde la carte du Bigleux.

-j'pensais pas que c'était comme ca. Je pensais deux trois cavernes pas plus. Pas autant… Ca nous attendais faut croire, un don du Dieu.  On pourrait loger dix fois notre nombre là dedans… Et tu dis que y'a de l'eau?

Le vieux nain pointe la caverne la plus basse…

Ouip chef! Elle doit connecter avec dehors, parce que ya de la poiscaille…

Mogar se fout pas de notre gueule. Ya d'autres sorties?

Le vieux a un signe négatif de la tête.

Nope, on a pas vérifié pour savoir si le lac souterrain débouchait quelque part.

Le chef de la tribu sourit.

Ca doit, ya de l'eau pas loin, c'est pour ca que j'ai choisi ici. Si on n'a pas à se trimballer ca en plus, on a le cul béni. Ya de la bouffe en masse, on a un vrai paradis et une forteresse… Les familles ont choisies leur place je présume?

Waip chef, le plus dur ca va être d'aérer et d'assécher tout ca dans les règles de l'art. Ca fait longtemps…

Brand a un moue songeuse…

Wais, ca fais longtemps, trop longtemps qu'on se fait les dents partout dans le nord pour survivre… Il est temps de renouer avec le monde de Mogar…

Un gamin passe en courant à côté de lui. De sa grosse main calleuse, Brand le ramasse par le fond de braies avant de le caller confortablement au creux de son bras musculeux. Manifestement, c'est une habitude chez lui parce que le petiot ne rechigne pas, rigole plutôt.

Faites le moins de vidanges possibles et choisi une place loin. Je veux des sorties inaccessibles sauf pour sortir. Et dérangez le moins possible les arbres autours. Tant qu'on n'est pas prêts. On a quelqu'un pour nous faire une porte digne de ce nom? Quand on aura fini, on s'occupera de se ménager une sortie par la derniere caverne. Pas avant. La discrétion pour le moment est notre meilleur atout.

Le vieux opine du chef et voilà nos deux lascars dans une discussion animée, parlant sur les moyens de défenses possibles et envisageables pour le réseau de cavernes. Ils sont habitués aux évictions, ca se voit et ca s'entend.

Et creuse des tranchées à pieux ici, ici et ici... oublie pas d'avertir les gamins pour pas qu'il se plantent dedans.    

Cinquième ennéade de Barkios, an 17 du XI e cycle,
trois jours de marche au nord d'Almis

Quatres dawis regardent l'entrée de la caverne qui a été seulement équarrie, taillée en rond pour acceuillir quelque chose qui, manifestement, n'est pas là. Un trou, un simple trou. pas grand, environ un mètre cinquante de diamètres de pierre renforcée à la facon dawi. préparée pour la première défense du complexe. Mais, il manque quelque chose.  

Non mais elle est où cette porte?

Demande le rouquin d'une voix calme. Les trois qui l'entourent ont l'air embarrassés.

….
Heu….
Comment dire…

Brand inspire profondément, confortablement appuyé sur sa Az-Drengi.

Ok, c'est quoi. Le .Problème?

C'est juste pas prêt, on manque de matériel. On a la pierre de herse, bien belle et ronde.  on a creusé les rigoles, mais on manque de métal pour faire les barrures.  

Les prunelles d'acier se tournent vers celles, marrons, de son compatriote. Sans émotions, Brand  fixe les trois nains qui semblent mal à l'aise.

Allons voir.

A l'intérieur, il regarde le tout, pendant que les dawis font rouler la pierre qui s'insère avec précision dans le trou taillé, ils prennent des madriers. mais effectivement, il n'y a pas de ferrures.

Calez ca avec des madriers en attendant. D'ailleurs… Je pense que c'est le meilleur moyen. Deux rangées, quatres en haut, deux en bas, trois au milieu, angles de 45.  creusez un peu à terre pour les caler. Prenez le plus dur que vous pourrez trouver. On a tu assez de fer pour se faire une porte de bois? J'aimerais bien voir leur gueule quand ils vont penser avoir défoncé la première couche.  

Le vieux nain s'éclaircit la gorge.


Parlant de ça, on a tâté un peu, on est chanceux, à fin du mois prochain, on va avoir la majorité des postes sentinelles d'ouvertes. Elles pourront servir de sorties quand on va les connecter. Et la caverne-chapelle de Mogar est prête…

Un sourire soulève la grosse moustache

Le bruit des pics, des marteaux et des pioches se font entendre. Un peu plus bas, le forgeron du clan s'affaire à rétamer quelque arme. Un autre rescapé d'Almis…

Les enfants, on pourra rien faire de plus ici pour le moment. Il est temps d'aller chercher de quoi les remplir ces cavernes là. L'hivers arrive… Faut y voir. Trois groupes d'explorations. Il y a surement des mines abandonnées dans le coin depuis La Colère. Cherchez les traces. Si Mogar est de bonne humeur, on aura peut-être une caravane ou une patrouille à se mettre sous la dent. La Louve, je te laisse gérer ça. J'ai autre chose à faire.

Comme escalader la montagne, aller voir de lui même les environs éloignés. En hauteur, peut être trouvera t'il quelque chose de sympa. Du genre une caravane imprudente, une bestiole à combattre… Le sang bouille dans ses veines. Brand n'est plus habitué de rester en place longtemps.

sixième ennéade de Barkios, an 17 du XI e cycle,
trois jours de marche au nord d'Almis

Il y a un sentier… Les chèvres l'ont trouvées avant moi, la jeune barbe l'a grimpée un peu… Il me l'a montrée… Un pied devant l'autre, le vent me cingle la barbe, le grésil me pince les joues. une fine couche de glace rend ma progression traitre.

Ce n'est pas grave. Au contraire. Chaque inspiration m'amène de l'air frais qui m'ouvrent les poumons et m'emplit de contentement. Ici, en haut, au fur et à mesure que l'air se raréfie, mon poid s'allège. J'ai l'impression que je pourrais m'envoler si ce n'était de ma Az-Drengi. Je n'ai pas froid… Il en faut plus que ça pour venir à bout de ma carcasse…

Je ne me rend pas totalement en haut du pic. Si nous étions l'été, je me risquerais. Mais nous sommes l'automne. Bientôt l'hivers… La neige recouvre déjà les sommets et une bonne partie des vallons, des gorges et des plateaux visibles. D'ailleurs, bien à l'abrit dans une cuvette naturelle, en bas, pas trop loin, je vois un lac et un endroit à l'abrit des regards, secret. Avec un peu de chance, si nous sommes bénis, au printemps prochain, on pourra voir ce que ca nous offre… Si Mogar approuve, d'après moi, il y aura assez de place pour y emmener le troupeau paître… Je ne suis pas expert, mais il me semble aussi que le relief comme ca est propice aux gisements… Je devrai demander à La Taupe qu'il aille regarder ca… Le plus dur ca va être d'atteindre la place.

Relevant les yeux, je contemple le panorama…D'où je suis, j'ai une vue imprenable sur des lieux à la ronde… Il faut placer quelqu'un ici, ca vaudra bien vingt sentinelles… Pendant un moment, je goûte cette solitude, ce vent me tenant compagnie. Alors je sors, de sous les lourds replis de ma fourrure, la corne de guerre de la Tribu, creusée à même la corne d'un Bélier de guerre que j'ai moi-même tué voilà des années, quand nous avons rencontrés notre première tribu hostile….

Emplissant mes poumons, je la porte à ma bouche et souffle longuement, par quatre fois, me tournant à chaque points cardinaux… Réclamant ce territoire pour l'hivers, défiant les ennemis à subir notre courroux s'ils viennent nous faire chier.

L'écho des montagnes renvoie et amplifie mon appel à la Bénédiction de notre Père… Et bientôt, sur des kilomètres et des kilomètres, c'est comme si nous étions une flopée à sonner du cor… Déclenchant par ailleurs une avalanche au loin.

Rangeant l'instrument, je souris à pleine dents. Oui, Il est content de nous… Alors je balaie encore les étendues indomptées du regard.  Je suis un dawi libre et heureux d'une tribu libre et heureuse… Si tout va bien, au printemps, je pourrai me relancer sur les routes avec ceux qui veulent, les jeunes barbes et les autres pourront s'établir s'ils le veulent. Librement.