Trempette accidentelle [ PV le premier ou la première ]

Unéra aimait bien marcher. Goûter le vent, l'air, la nature, le ciel, le silence, la solitude..

Elle aimait bien la solitude, aussi. Personne pour vous déranger. Personne pour vous arracher aux délices de la brise. Personne pour vous parler et vous demander si ça va.

La jeune fille se raidit et baissa la tête tandis qu'une raffale lui fouettait en plein visage.

Elle n'aimait pas, en revanche, qu'on lui demande si elle allait bien. Parce qu'en général, elle ne savait pas et n'aimais pas ne pas savoir.

Parce qu'en fait, elle ne savait pas si elle allait bien. C'était agréable de pouvoir courir tant qu'elle voulait où elle voulait, découvrir de multiples paysages, de voyager à sa guise entre les merveilles du monde, d'être libre, de se sentir libre. Mais était-elle vraiment heureuse ? Elle ne savait pas. Que lui manquait-il ?

Elle s'arrêta de marcher et regarda le lac. L'eau ondulait paisiblement et le reflet du soleil dansait avec elle. Beau spectacle d'un slow entre l'eau et le soleil, qui parvint un moment à la distraire. Mais lorsqu'un oiseau frôla la surface pour gober un insecte, l'image du soleil se troubla et elle redescendit sur terre.

Où en était-elle, déjà ? Ah oui, les questions à la con.. Elle soupira et s'assit au bord de l'eau, s'amusant à y lancer des cailloux. Depuis combien de temps vagabondait-elle ? Aucune idée.. Non, le temps s'était arrêté depuis la seconde où ses yeux se sont posés sur le cadavre de son père. Elle frémit à ce souvenir et se concentra sur ses ricochets. Pas question de penser au passé, même s'il était inévitable..

Incapable de rester en place, elle se releva bientôt et s'appuya contre une branche morte. Elle aurait bien chanté, mais préféra éviter au cas où quelqu'un se trouverait pas loin.

Un craquement sonore se fit entendre. Unéra n'eut pas le temps de se remettre sur ses pieds. Elle tomba à la renverse.

"Aaahh !"

Elle se retrouva à patauger dans l'eau qui lui montait jusqu'à la taille.

*Manquait plus que ça..*

Agenouillée au milieu de hautes herbes, enveloppée dans sa longue cape noire, Kaïlà Naïrayn contemplait son reflet ondulant à la surface du lac translucide. Les ans n'avaient nullement altéré ses fins traits, uniques traces de sa douce jeunesse. Sa peau parfaitement lisse, ses lèvres vermeilles, ses cheveux de blé et son teint pâle n'avaient guere changé. Mais ses yeux... Ses grands yeux bruns et profonds brillaient maintenant d'une sagesse ancienne. Bien des années s'étaient écoulées, depuis qu'elle avait pour la dernière fois observé ainsi son image en ces eaux, et bien des événements avaient marqué son histoire; elle avait vu la mort, tué même. La jeune elfe insouciante était devenue une femme mure.

La vagabonde jetta un regard d'emblée sur les alentours; elle semblait être seule. Elle se dévêtit lentement et, après avoir installé ses vêtements et son arc à portée de main, entra lentement dans le lac. L'eau était fraîche, mais pas froide, le sable parsemant le fond était fin et doux. L'elfe entra marcha jusqu'à ce que l'eau lui arrive à la taille, avant de se caler contre une large pierre pour se laisser flotter. Elle ferma les yeux, savourant la sensation de l'eau contre son corps nu, et replia les bras derrière sa tête. Elle repensa à l'Oracle, plongeant dans une bienfaisant méditation.

L'Oracle sans visage, la conseillère, le guide de ses rêves, était assise sous un grand chêne, sa longue robe aux nombreux voiles diphanes flottant autour d'elle.
-Les Elfes Noirs, lentement, s'organisent. La guerre semble imminente. Le...

Kaïlà fut brusquement tirée de sa méditation régénératrice par un craquement sonore, un éclat de voix. Elle sauta sur ses pieds, nagea vers ses effets personnels, jettant des regards scrutateurs aux alentours...

Unéra tenta d'avancer dans l'eau, mais ses pieds s'enfonçaient dans la vase. Avec ses vêtements qui alourdissaient le tout, elle n'était pas sortie de l'auberge.. Enfin, du lac, plutôt.

Elle montait lentement et put bientôt se pencher pour attraper une branche du bout des doigts. Mais le courant l'emporta quelques centimètres en arrière et sa peau glissa sur le bois.

L'eau n'était pas extrêmement froide mais ce n'était pas très agréable. Surtout complètement habillée. En tout cas, ses cheveux étaient complètement secs. C'était déjà ça.

Elle rattrapa la branche mais celle-ci cassa vite.

*Et zut !*

Unéra continua à bouger à petit pas et à tendre désespérément le bras pour s'accrocher quelque part. Quand soudain..

Elle se retourna dans un bruit de clapotis. Quelqu'un nageait vers elle..

Kaïlà se hissa finalement sur la berge, dégoulinante de la tête aux pieds. Sous elle se formait une grande flaque dans le sable fin. Sans perdre une seconde, l'elfe sauta sur ses pieds, enfila simplement sa cape de voyage couleur de nuit dont elle rabatit le large capuchon sur sa tête, puis attrapa son arc auquel elle encocha une longue flèche noire.

S'avançant sans plus faire de bruit qu'une araignée sur les plantes semi-aquatiques du bord du lac, elle s'approcha de la provenance des clapotis.

Se débattant dans l'eau se trouvait une jeune humaine aux chevaux couleur de blé, tentant désespérément de se tirer hors de l'eau.

La vagabonde, se dissimulant entièrement dans l'ombre de deux immenses hêtres, comme le font si bien ceux de son espèce, observa longuement la scène en silence, orientant toutefois la pointe effilée de la flèche alfique vers la pointrine nue de la femme en précaution.

Une douce brise soufflait, semblant glacial sur la peau toujours mouillée de l'elfe à peine vêtue, mais Kaïla longtemps demeura immobile.

Si souvent elle avait du ainsi rester figer pour ne pas être découverte. Mais, cette fois, rien d'intéressant n'était à observer.

Elle s'en retourna, ne quittant toutefois pas des yeux l'Autre, restant tapie sour le couvert des arbres, vers ses effets, restés sur la berge. Vive et rapide, elle fit un pas au soleil, prit d'un mouvement circulaire ses vêtements et son carquois de cuir, puis s'éloigna sans un bruit vers un petit boisé, guettant toujours l'emplacement de l'humaine.

Personne.. Unéra aurait pourtant juré qu'il y avait quelqu'un.

Elle se tourna à nouveau vers la gerbe et reprit son courage à deux mains. Cette fois, il fallait qu'elle sorte d'ici.

Elle plongea en avant, se raccrochant au dernier moment à une touffe d'herbe qui poussait tranquillement au bord de l'eau.

Une ombre passa. Unéra s'immobilisa et releva brusquement la tête. Non, toujours personne.. Si, il y avait quelqu'un. Elle en était sûre. Mais en tout cas, ce "quelqu'un" avait du talent pour jouer à cache-cache..

Unéra eut une petite moue de réflexion puis reprit sa sortie. Elle tendit la jambe pour chercher une pierre qu'elle toucha du bout des pieds. Elle s'élança sur le côté, assez haut pour saisir une branche plus solide et pivota habilement pour se retrouver sur la pointe des pieds dans l'herbe. Enfin !

Elle lâcha la branche. Elle était trempée jusqu'à la taille. La lame qu'elle portait toujours sur elle luisait à sa ceinture. Pas très discret.. Elle fit tomber un pli de sa tunique dessus pour dissimuler les reflets.