[Ruven][Terminé] Loin du chant des glaives, là où tout recommence. (PV Glenn)

[PNJ : Tharam Silen, Maître Guérisseur de Naelis]

Le jeune homme alla s’asseoir sur l'unique tabouret de la pièce, épuisé. Cela faisait plus de six jours qu'il se tuait à la tache, usant de ses dons médicinaux pour garder en vie ceux qui avaient déjà eu la chance de survivre à la dernière bataille. Une guerre contre des drows : leur Prime Sorcière, parait-il, avait réunifié l'Ost chargé de "veiller" sur l'Ithri'Vaan pour les mener sur Naelis. Ils n'étaient fort heureusement pas arrivés jusque là, la bataille finale ayant eu lieu au village de Ruven... Un combat qui s'était bien terminé pour les Humains (tout comme les Elfes et le Nain), ce qui changeait fort de l'habitude pour les habitants de cette région. Certes des villageois avaient été capturés et devaient maintenant servir d'esclaves, certes des familles étaient déchirées... mais pour la première fois depuis bien longtemps - le Maître Guérisseur ne devait être né, à l'époque - ils ne s'étaient pas mis à ramper devant les drows et avaient réussi à assez s'unir pour pouvoir vivre encore quelques temps libres. De cela, Tharam ne se souvenait pas avoir connu pareille liberté pendant son enfance et était fier de l'avoir enfin à portée de main.

L'humain passa rapidement sa main devant ses yeux pour remettre en ordre ses idées, arrêtant de penser à sa petite vie et à la philosophie d'une bataille terminée. En même temps, il n'avait été que plus touché que tout cela se passe à Ruven qui restait son village natal et celui de sa famille. En parlant de famille, il serait peut-être bien qu'il appelle son frangin...

"Dorian ? Dorian... Dorian !
La bouille d'un gamin de douze ans sortit d'une pièce adjacente, un air étonné peint sur ce visage juvénile.
-Oui grand frère ?
-Dorian, va voir le lieutenant resté au village. Dis-lui que tu viens de la part du Maître Guérisseur Tharam et que... euh... la lieutenant a repris conscience. Il saura quoi faire."

Le pré-adolescent se mit à courir au dehors, laissant son aîné de nouveau seul dans la petite pièce. Celui-ci avait bien envie d'aller dormir, mais son travail n'était pas terminé : ce n'est pas parce qu'une personne sort d'une dizaine de jours de comma qu'elle est forcément sauvée. Et puis il n'avait pas envie d'être en train de dormir sur la table lorsque quelqu'un entrerait dans cette modeste maison ! Même s'il devait avoir quelques heures devant, lui il se résolut à prendre un thé avant de retourner à sa patiente dont il avait refusé le déplacement près d'une semaine auparavant.

Une bonne heure plus tard, dans Naelis même, un cavalier confiait son cheval à un garçon d'écurie avant d'aller rejoindre son Seigneur. On lui dit qu'il faudrait patienter quelques instants, une réunion des plus importantes (selon les dires de nobles m'as-tu-vu, entendez par là tout ce que vous voulez...) occupait sa Seigneurie. Le garde, après un long soupir mal retenu, attendit donc une vingtaine de minutes devant la porte... C'est qu'il y avait une charmante damoiselle de Ruven qui l'attendait, il n'avait plus que ça à faire ! Mais bon. Restons sérieux, il était encore de service, ne l'oublions pas !
Enfin, la porte s'ouvrit. Le garde laissa passer plusieurs personnes avant d'aller respectueusement s'adresser à son supérieur Glenn Hereon, auquel il apprit la nouvelle du réveil de l'elfe. Peu de temps après, il repartait avec son seigneur pour Ruven.

"Grand frère, grand frère !
Un superbe sourire illuminait le visage de l'enfant, heureux d'accueillir dans la maison de ses parents un invité "de marque". Tharam s'était endormi au bout de quelques minutes, le thé ayant eu l'air de faire l'inverse de ce qu'il aurait dû faire sur le jeune homme. Apercevant Glenn derrière Dorian, le Maître Guérisseur se releva en sursautant avant de le saluer assez malhabilement.
-Mon Seigneur...
Il fit un signe de tête à son petit frère qui déguerpit aussitôt, malgré la curiosité qui le rongeait.
-Venez, je vous prie. Il indiqua une pièce adjacente. Ne vous étonnez guère si elle dort encore, mais si ce qu'elle détient est urgent...
Il ne finit pas sa phrase, laissant comprendre que la réveiller ne la tuerait pas (normalement). Il ouvrit la porte, laissa Glenn entrer mais ne le suivit pas. Au lieu de cela, il les laissa seuls.
-Je vous laisse. Si jamais vous avez besoin de moi, je reste dans la maison."

Puis il referma la porte. Dans la petite pièce de bois, seuls un lit, une commode et un tabouret y étaient installés, sans compter une petite bassine d'eau. L'endroit n'était pas à envier aux bâtiments de pierre de Naelis, mais Tharam avait été clair quand au pourquoi de son refus d'emmener l'elfe jusque là-bas : la fièvre ayant déjà mené la jeune femme loin du monde terrestre, il valait mieux ne pas la balader de trop et la guérir le plus vite possible (pour toutes ses blessures externes), de plus qu'ils voulaient vraiment la garder en vie, comme si son rôle était de la plus haute importance.

L'elfe était allongée sur le lit, les yeux clos. Sa respiration était lente et calme, bien plus visible que lorsqu'ils l'avaient retrouvée. Les nombreuses blessures qu'elle avait endurées depuis sa dernière rencontre avec les drows étaient pour la majeure partie « guéries », ne formant plus que quelques cicatrices à certains endroits... Dans le fond, on ne pouvait ignorer la beauté donnée à chaque elfe, peinte sur un visage apparemment serein. A savoir si son cœur avait réussi à garder cette sérénité.

Pensif Glenn écoutait d’une oreille distraite ses alliés débattre. Lui n’avait cure de la discussion, il avait déjà dit ce qu’il avait à dire et il ne reviendrait pas là-dessus, ayant dans tous les cas, le dernier mot de cette affaire. S’il les laissait discuter, c’était uniquement pour qu’ils se rendent bien compte de l’opportunité qu’il leur offrait. Aussitôt la bataille de Ruven terminée, Glenn avait rédigé plusieurs lettres à l’intention de ses anciens alliés, qui l’avaient aidé à prendre la ville Naelis et qui s’étaient reconvertis en mercenaire, faute de pouvoir payer une solde à chacun. De là avait découlé trois guilde de mercenaires dirigés par des chefs charismatiques : Merissa l’ardente, Romuald Demrick et Celtibald le hardi. Il était temps pour eux de retourner à la place qui leur revenait de droit, soit être sous les ordres du Seigneur Hereon, comme au temps de la prise de Naelis. Pour ça, Glenn leur avait promis terres et titres et tous avaient répondus présents. Ils étaient arrivés le plus vite possible, comprenant l’urgence de la situation. L’objectif était simple, profiter de la victoire pour lancer une contre-offensive sur les trois fiefs, tous frontaliers à Naelis, que possédaient les Crocs Sanglants, une des bandes qui s’était allié à la Prime Sorcière. Suite aux révélations d’un prisonnier, la majorité de l’armée des Crocs était à Sol Dorn afin de surveiller les convois d’approvisionnement. Très peu de soldats devaient donc garder leur territoire, les capturer serait un jeu d’enfant. Il fallait frapper vite et fort, comme l’avait écrit Glenn dans ses lettres.

Un soldat se présenta ensuite dans la salle du trône, interrompant le débat. Après avoir salué son seigneur, il lui délivra son message : la lieutenante Glinaina Wylenaryn venait de reprendre connaissance. Glenn eut un pincement au cœur, cinq jours s’étaient écoulés depuis qu’il l’avait détaché du pilori et ramené à Ruven aux mains du maître guérisseur. La voir dans cet état l’avait plongé dans une rage terrible, malgré les appels de Raymond, il s’était élancé droit sur la position de la jeune elfe. Sur place il engagea un terrible combat contre quatre combattants d’élites drows et en récolta plusieurs entailles ainsi qu’une blessure profonde au ventre. Après plusieurs jours de coma, Glenn avait perdu espoir. Non seulement la mission qu’il lui avait donné se soldait par un échec mais il n’y avait pas que ça, le seigneur de Naelis estimait beaucoup sa lieutenante et même plus qu’il le devrait.

-Bien, j’y vais de ce pas. Celtibald, Merissa et Romuald, rassemblez vos troupes devant le bourg de Ruven, ce soir nous établirons notre stratégie définitive et nous attaquerons donc à la tombée de la nuit. Mais avant ça, il vous faut me prêter serment d’allégeance. »

Les trois capitaines mercenaires avaient fait leur choix, s’était pour eux une occasion unique de grimper dans la hiérarchie sociale. Glenn était en train de constituer une nouvelle noblesse, basé sur le mérite. Que ces derniers ne soient pas reconnus par les nobles de la péninsule, il en avait cure. Il apposa un par un son épée sur leur épaule avant de les laisser réciter leur serment. Naelis venait d’avoir ses premiers châtelains, qui formeraient désormais le premier rempart de la cité.

Quelques heures plus tard, Glenn arriva au village de Ruven. Accompagné de Raymond, son épée lige, il pénétra dans la demeure de Tharam Silen, le maître guérisseur qui s’occupait de soigner Glinaina. Un autre jour, il aurait souris au petit garçon qui tremblait d’excitation à l’idée que son suzerain soit en ce moment même dans sa maison. Glenn avait été un garçon de ce genre-là lui aussi… Tharam le laissa entrer dans la petite pièce où reposait l’elfe, avant de refermer la porte. Raymond resta lui aussi dans la salle principale. Glenn se saisit du tabouret et s’installa proche du lit. Elle avait les yeux clos mais elle respirait. Contemplant ce beau visage, Glenn caressa doucement les cheveux blonds de l’elfe.

-Pardonne moi, je n’aurais pas dû t’envoyé si loin… J’aurais dû te confier plus de soldats, j’aurais dû… Laisse-moi une chance de réparer mes erreurs, s’il te plait, ouvre les yeux, prouve moi que je n’ai pas eu tort sur toute la ligne… »

Les vagues venaient lentement s'affaisser sur le sable, effaçant sur leur passage toute trace laissée par les êtres vivants. Assise sur une roche, une elfe restait là, silencieusement, à regarder ce spectacle qui ne s'était offert que deux fois à elle, seulement deux fois où elle avait pu profiter d'un soleil naissant, du calme et d'une rare sérénité. Presque aucun son ne parvenait à ses oreilles, personne ne passait, comme si tout cela n'était qu'un rêve. La matinée ne devenait jamais après-midi, même le vent semblait absent. L'elfe se demandait parfois ce qu'elle faisait là à regarder les vagues aller et venir sur le sable fin au lieu de veiller sur ses frères d'armes, mais comme tout semblait rentrer dans un ordre naturel, elle laissait faire. Pouvait-elle faire autrement, de toute façon ?

Ce n'est qu'un temps indéfini plus tard qu'elle tourna la tête vers sa gauche, ayant sentit l'arrivée de quelqu'un. Un sourire se dessina sur son visage. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne l'avait pas vu, et pourtant il avait été pendant un bon moment comme un guide pour elle, alors que l'ombre prenait sur la lumière. Il s'assit à ses côtés, regardant également la grande étendue d'eau.

"Tu as choisi un bel endroit pour te reposer, Glinaina.
-Je ne l'ai pas choisi... Je ne sais même pas ce que je fais ici, pourquoi je suis loin des miens.
-Des tiens ? Des Elfes ou... des Humains ?
-C'est la question que je me pose. J'aimerais dire que les "miens" sont les Elfes, mais en même temps je me sens beaucoup proche de mes frères d'armes ces dernières années. Et puis même les sylvains, du moins pour la plupart, ne me considèrent plus comme l'une des leurs...
-Ne les écoute pas. Tu as beau te transformer en drow ou bien travailler pour des humains, tu restes encore une elfe.
Elle ne réagit pas, reporta juste son attention sur l'eau limpide. Seulement après quelques minutes elle reprit la parole. L'elfe la regardait, patient et bienveillant.
-Pourquoi es-tu là, Aendel ?
-Pardon ?
-Je suis la seule à savoir tout ce que tu m'as dit. Cela fait combien ? Trois, quatre ans que nous ne nous sommes pas vus ? C'est impossible que...
-Je sais bien, Lina, je le sais. Je suis heureux que tu ais encore assez d'esprit pour voir que certaines choses ne vont pas. Et ce que je fais là, je n'en sais rien moi-même. Peut-être est-ce parce que je suis en ce moment dans le même état que toi, ou peut-être ne suis-je que le fruit de ton imagination.
-J'ai du mal à te suivre...
-Ah ! Disons qu'en ce moment tu es entre la vie et la mort suite à une petite séance de torture avec des drows, qu'ils n'ont pas hésité à mettre à bout ton corps... Te souviens-tu de cela ?
-Non, pas vraiment. Mais ce n'est pas ta façon habituelle de présenter les choses.
-Alors c'est que je viens de ton esprit. Tu te souviendras de tout cela, une fois que tu te seras réveillée. Faut-il déjà que tu le souhaites.

Glinaina regarda son ami droit dans les yeux, essayant de bien comprendre ce qu'il venait de lui dire. Elle avait du mal à se dire qu'elle dormait tout en étant réveillée, ne serait-ce qu'elle ne se rappelait plus d'une chose qui devait être marquante (être torturée ne devait pas faire de bien). Mais petit à petit, les choses se firent de plus en plus logiques à son esprit. Elle finit par se demander si elle voulait vraiment "se réveiller", si elle ne préférait pas rester dans ce lieu sain. Elle repensa alors à ses frères d'armes, à Glenn... Quelque chose s'éveilla dans son coeur, une tendresse et le désir de le revoir, d'aller au bout de sa mission... Quelle mission ? Elle n'arriva pas à s'en rappeler, mais elle sentait que c'était important. Qu'il fallait qu'elle aille jusqu'au bout. Oui, elle voulait se réveiller. Elle voulait les revoir, vivre auprès de ceux qui avaient tissé avec elle les liens de l'amitié.

-Lèves-toi, Glinaina. Le soleil t'attends, un nouveau jour se lève dans ta jeune vie."

Sans réfléchir, comme portée par l'évidence, elle se leva et se dirigea vers l'astre diurne. Un dernier regard pour son guide, reconnaissante. Un dernier sourire. Ils ne se reverraient plus jamais, il le savait. Il la laissa partir, la svelte silhouette de la jeune femme disparaissant magiquement au fur et à mesure qu'elle se dirigeait vers l'eau. Bientôt elle disparut de sa vue et il en fut presque attristé. Un sourire se dessina sur son visage : il était vrai qu'il n'avait jamais fait beaucoup preuve d'humour jusqu'à présent... Cela changeait de d'habitude, ce n'était pas plus mal. Enfin, Aendel se leva à son tour, mais prit la direction de l'Est, là où l'ombre prenait le pas sur la lumière.

"Bonjour Lieutenant. Vous êtes à Ruven et il est environ dix heure du matin. Je suis Tharam, Maître-Guérisseur de Naélis."

L'elfe s'était réveillée brutalement et avait manqué sa première respiration. Elle avait du mal à reprendre son souffle malgré les paroles de Tharam, qui venaient de l'ancrer dans le monde réel. Elle avait l'impression de ne pas pouvoir ressentir son corps, qu'il était vide de tous nerfs, désossé même. Elle essaya de parlé mais aucun son ne se produisit, elle put juste sentir à la place que sa gorge était asséchée. Le médecin le comprit rapidement et alla lui chercher de l'eau, mais lorsqu'il revint dans la pièce, l'elfe s'était déjà rendormie.

Plusieurs heures plus tard, Glinaina se réveilla une nouvelle fois, ses sens éveillés par la main de Glenn caressant son visage. De sa discussion avec Aendel elle ne se souvenait de rien, mais tout lui était revenu pendant son sommeil : les drows, les elfes, le roi, la missive... Un message qui ne pouvait plus être qu'oral. Pendant un instant elle regarda son Seigneur, puis ses yeux se baissèrent. Un masque triste était apparu sur son visage, la honte prenant le pas sur toute autre émotion. Comment avait-elle put perdre ceux qui lui étaient confiés ? Donner une information qui pouvait s'avérer importante aux yeux des Drows ? Pourquoi était-elle seulement encore en vie, une nouvelle fois ?

Son regard resta baissé, sa gorge sèche, l'impression qu'elle n'avait plus rien dans les membres aussi... Elle ne souhaitait pas parler, ne s'en sentant plus digne.

Elle ouvrit les yeux. Quand elle le regarda, le souvenir de leur première rencontre revint instantanément dans la mémoire du seigneur de Naelis : C’était à Serramire, lors d’une simple mission d’escorte… Il pleuvait, elle avait donc rabattu sa capuche et aux premiers abords, Glenn la prit pour une humaine et fut charmé par ce beau visage. Mais quand la pluie cessa et qu’il remarque les oreilles pointues, il comprit alors d’où venait cette beauté. Glenn n’avait rencontré que trop peu d’elfes et il connaissait peu de choses sur eux, non sans savoir que ces êtres pouvaient vivre des millénaires… Glinaina baissa soudainement les yeux, comme si elle avait honte. Honte d’avoir échoué dans sa mission ou honte de s’être fait capturer par les drows ? Peut-être un peu des deux… Elle ne paraissait pas vouloir parler.

-Comment tu te sens ? Ce guérisseur a-t-il fait du bon travail ?

Ce Tharam Silen avait une acquit une bonne réputation dans les faubourgs de la cité, il soignait les gens de Ruven comme d'ailleurs très bas prix. D'ailleurs on pouvait le voir à l'état de sa demeure, malgré un travail acharné, le pauvre homme parvenait simplement à se nourir lui et son frère correctement. Avec des talents de ce genre, il aurait pu faire fortune sur la péninsule... Glenn attendit quelques minutes avant de poursuivre.

-Alors, raconte-moi le déroulement de ta mission, au rapport lieutenant !

Il ajouta à la dernièrepartie de sa phrase un franc sourire, après tout ils avaient décidés de passés outre le protocole depuis leur dernière discussion.

"Comment tu te sens ? Ce guérisseur a-t-il fait du bon travail ?

Silence. Ce ne fut qu'un silence qui répondit à Hereon, un silence glaçant qui représentait bien l'état d'esprit de la jeune elfe. En même temps, que voulait-il qu'elle réponde ? Quelle allait très bien, se sentait en pleine forme et était heureuse d'être en vie ? Elle avait plutôt envie de dire qu'elle se sentait complètement vidée, comme si les drows lui avaient retiré ses muscles tout en s'amusant à la laisser en vie, encore une fois. Encore une fois, oui ! Et cette fois-ci elle aurait volontiers prié Tari pour échanger sa vie contre celles de ceux qui lui étaient confiés... ou tout simplement pouvoir mourir à leur côté. Et si ce guérisseur - il devait parler de Tharam - a fait du bon travail... Il devait avoir fait ce qu'il devait faire, sinon elle ne serait pas là, allongée dans un lit à ne pas pouvoir bouger.
Glenn dû certainement trouver sa "réponse" dure puisqu'il lui en posa une autre, cette fois-ci sous forme d'ordre même si cela restait sur un ton amical. Il souriait. Elle se demandait s'il était content de la revoir, même si elle avait failli à sa mission. Enfin... Elle était quand même arrivée à bon port, elle avait vu le roi des Elfes, mais avait perdu les siens et avait laissé une information qui pouvait s'avérer essentielle aux mains des Sombres. Une information qui, à ses yeux, valait plus que sa petite vie. Bref, elle broyait du noir plus que jamais.

Comme elle recevait un ordre de son supérieur, elle alla donc contre son envie de silence pour obéir, ne serait-ce que par principe. Mais sa gorge était toujours sèche, chose fort désagréable, si bien qu'elle lui demanda d'un signe de tête un peu d'eau en désignant le récipient contenant ce précieux liquide. Etant encore trop faible pour se relever ou autre, ce fut au seigneur de prendre soin de son lieutenant. Un faible sourire apparut sur le visage de l'elfe, juste un court instant. Même infime, elle devait avouer avoir aimé leur rapprochement, en amis. Elle le remercia d'un petit signe de tête, puis laissa le temps passer. Par ou commencer ? Aller droit au bout en donnant directement tout ce qu'il y a de travers ou commencer par le début ? Il lui fallait raconter le déroulement de sa mission... Elle commencerait donc par le but.

-Je n'ai eu aucun problème pour aller jusqu'en Anaëh. Sa voix était faible. Comme tu dois le savoir j'ai rencontré, en plus de nombreux Elfes, des Sombres. Il y a eu quelques batailles, les choses se sont bien terminées. Tes soldats sont retournés à Naelis pendant que je suis allée voir ma famille. A cette pensée un sourire sincère vint se glisser sur ses lèvres, étincelle de lumière au milieu des ombres. J'ai un petit frère, Glenn. Isarian. Un an, à peu près. Sinon nous sommes partis pour Alëandir, la capitale, où j'ai rencontré le roi. Le premier contact entre les Hommes et les Elfes est établi, mais j'ai hum... La lettre qui t'était destinée est entre les mains des Drows. Son regard se baissa de nouveau, la honte reprenant place en son coeur. Et ceux qu'Erestor m'a confiés sont tous morts. Je... Je ne suis pas digne de ta confiance, Glenn. Et encore moins de celle d'un Seigneur.

Ça y est, le rapport était fait. Elle avait volontairement passé sous cape son entretient avec Nakor, ne voulant aucunement que Glenn lui pose de questions à ce sujet et ne s'inquiète plus qu'outre mesure. Elle n'était pas encore dangereuse, surtout dans cet état. Pour l'instant, du moins...
Elle laissa son interlocuteur répondre à sa petite tirade puis laissa de nouveau le silence prendre place, accusant chaque mot. Une unique larme coula sur sa joue, qu'elle ne prit pas la peine de sécher. Elle sentit son armure lentement se fissurer, sa noirceur voulant peu à peu se changer en chagrin. Elle ne voulait plus se taire, maintenant que les choses commençaient à se délier, elle voulait qu'il reste auprès d'elle, que leur amitié restait, malgré tout cela. Elle redemanda d'un geste de l'eau et le remercia oralement une fois qu'elle eut bu.

-Et toi, comment vas-tu ?"

Glinaina, bien qu’éveillée restait dans un piteux état… Le guérisseur avait prévenu Glenn là-dessus et sur le coup il se demanda s’il n’aurait pas mieux fait de revenir plus tard. Mais outre le rapport sur la mission diplomatique en Anaëh qu’il se devait d’écouter, il avait envi de la revoir avant de partit afin de mener la contre-offensive sur les terres des Crocs sanglants. Même s’il ne s’exposerait pas comme il l’avait fait pour la bataille de Ruven, une bataille restait une bataille et on n’était jamais à l’abri d’une flèche, perdue ou au contraire bien ajustée… L’elfe ne répondit donc pas à la première question de son seigneur et lui demanda poliment un peu d’eau du pichet qui était posé sur la petite table de chevet. Glenn lui servit volontiers à boire et Glinaina commença son rapport.

Elle évoqua les quelques escarmouches entre des bandes de pillards drows qui s’étaient déroulés le long de la frontière et où Glenn avait dépêché une unité de guetteurs sous les ordres d’Erestor. Elle lui parla aussi de la visite rendue à sa famille, chose intime qu’un seigneur n’avait nullement besoin d’entendre dans une mission, un seigneur certes, mais pas le seigneur de Naelis. Sa famille, Glenn l’avait perdu depuis plus d’une dizaine d’années… Un petit frère, voilà une nouvelle qui devait la ravir. Elle avait aussi pu rencontrer le Roi des elfes en personne, son retour plus rapide que prévu s’expliquait donc enfin… Elle n’avait pas dû perdre son temps à faire le tour de tous les protecteurs environnants, une bonne chose. Mais elle avait perdu la missive que le Roi lui avait confié, d’où son embarra inhabituel…

- Oui je suis au courant de ces escarmouches, heureusement que ce vieux bougre de Nakor se trouvait là, sinon je n’aurai pu envoyer personne… Un petit frère ? C’est une bonne nouvelle. Si tu as pu avoir un entretien avec le Roi c’est plus que j’en espérais, tu me raconteras votre discussion en détail plus tard, j’imagine que ce message devait simplement contenir des formalités, inutile de te morfondre pour ça. Indigne de ma confiance ? M’as-tu trahit ? Non, donc tu en es toujours digne. Personne n’est à l’abri de l’échec. »

Une petite larme coula sur la joue de l’elfe que Glenn s’empressa d’enlever avec son pouce, d’un geste délicat. Elle redemanda à boire et il lui servit une nouvelle fois de l’eau. Après l’avoir remercié, elle lui demanda poliment comment il allait.

- Ma foi bien, nous sommes victorieux et c’est l’essentiel. J’ai fait venir nos anciens partenaires qui ont participés à la prise de Naelis dans le but de réaliser une contre-offensive. Nous attaquerons à la tombée de la nuit, soit dans quelques heures… Je suis content que tu t’en sois tiré et j’espère que c’est la dernière fois que j’aurais à te voir dans cet état… Au moins ce bourreau a payé ses crimes au centuple ! »

La voix de Raymond l’interrompit un instant, ce dernier rappelé à son seigneur que le conseil de guerre devait se tenir d’une minute à l’autre. C’est vrai qu’il n’avait pas beaucoup de temps mais après tout, pour une seule fois il se décida à mettre ses intérêts avant ceux de sa ville, en envoyant paitre son épée lige.

- En tout cas ne me donnes plus de frayeur comme ça, quand je t’ai détaché de ce pilori, j’ai vraiment craint de me retrouver avec un cadavre dans les bras… Plus jamais tu m’entends ? »

Et il sourit.

Ainsi donc c'était au tour de Glenn de partir... Pas aussi loin qu'elle n'avait pu aller, bien sûr, mais vers un endroit où il ne serait en sécurité. Glinaina ne dit rien, n'en pensant déjà pas grand chose, juste qu'elle ne souhaitait pas le voir partir. Après, en ce qui concernait le bourreau, elle était loin d'être heureuse de savoir qu'il était passé sous une main plus dure que la sienne ; la colère ne venait pas en elle, aucun désir de vengeance. Juste un vide profond ainsi qu'une impression de lassitude, voire de solitude. L'elfe ferma les yeux un instant avant de les rouvrir, la fatigue imprégnant déjà son visage.

"Ne te laisse pas aller à la colère ou la haine, Glenn. Cela ne peut rien donner de bon, crois-moi.

Puis vint la voix de Raymond qui rappela à son Seigneur qu'un conseil de guerre était sur le point de commencer. Ce dernier le rembarra quelque peu, préférant certainement prendre son temps avant de courir après les Drows. De nouveau tranquilles, ils purent reprendre leur petite discussion qui ne saurait tardé d'être achevée.

-En tout cas ne me donnes plus de frayeur comme ça, quand je t’ai détaché de ce pilori, j’ai vraiment craint de me retrouver avec un cadavre dans les bras… Plus jamais tu m’entends ?

Lina regarda Glenn dans les yeux, les sourcils froncés. Était-ce lui qui l'avait détachée ? Lui-même ? S'était-il risqué de se jeter en plein sur ses ennemis juste pour la délivrer ? Folie. Il aurait dû faire attention à lui, sa vie valait bien plus que la sienne... Elle ne savait pas s'il fallait qu'elle le remercie pour cela. C'était la moindre des politesses, certes, mais dans le fond elle aurait préféré se trouver dans un royaume tout autre à l'heure qu'il était. Toujours la même pensée, toujours ce même étonnement vis-à-vis de ce "don" qu'elle avait de toujours survivre aux Sombres. Un don qu'elle considérait plus comme une malédiction qu'autre chose !

-Merci... Il ne fallait pas."

Elle ne répondit cependant pas à sa question. Une soudaine fatigue s'empara alors d'elle, la faisant à nouveau sombrer dans le sommeil. Elle ne comprit ce que son ami lui dit, sa tête se laissa juste doucement basculer sur le côté pendant que ses paupières cachaient comme un voile ses yeux bleus.
La chose avait été brusque et libérait maintenant Hereon de tout soucis pouvant l'empêcher de mener à bien sa mission de Seigneur.

Pendant plusieurs jours durant, cette même fatigue ferai plonger Glinaina dans le sommeil et ce ne sera seulement qu'une bonne semaine plus tard qu'elle serai amenée à la maison de soin de Naelis, lieu beaucoup plus propice à un rétablissement qu'une maison de bois dans un village en reconstruction.

Et voilà que l’elfe centenaire venait de faire un conseil et avisé au seigneur de Naelis… Certes ce conseil était des plus sages mais s’était mal connaitre Glenn, qui avançait grâce à cette haine et cette colère. Pour ne citer que les principaux exemples : sa famille avait été tuée par les drows, lors d’une sombre nuit et son meilleur ami avait été tué par les drows, lors d’une sanglante bataille… C’est la colère qui lui a permis de d’avancer et de sortir de prison la tête haute et non abattu. C’est la vengeance qui guidait ses pas.

- Sans la colère et la haine je ne ferais déjà plus parti de ce monde Glinaina. »

Venant de se réveiller, Glinaina ne devait pas savoir que c’était lui qui l’avait détaché du pilori et ramené ici dans la maison du guérisseur. Elle n’avait donc aucune idée du sanglant combat qui s’était déroulé à ses pieds qui avait opposé Glenn à cinq membres de la garde noire… Peut-être que ce Tharam lui rappellerait ces quelques détails une fois dans un meilleur état… A cette révélation, elle paraissait gênée.

- Merci… Il ne fallait pas. »

- Détrompe-toi, j’ai besoin de ma lieutenante. »

Voyant qu’elle commençait à sombrer de nouveau, il quitta la pièce sur cette phrase. Il remercia le guérisseur avant d’enfourcher son cheval aux côtés de Raymond et de prendre la direction du campement où s’était installé les mercenaires qui allaient bientôt ne plus en être. Il pénétra dans la tente où était rassemblé Celtibald, Merissa, Romuald et leurs officiers supérieurs. Le conseil de guerre pouvait débuter.

A suivre

» [grottes]Tout commence là où tout s'est terminé (solo)
» Le chant de la vie {PV Anorn} [Terminé]
» Le chant d'une Lyre.[Terminé]
» {Terminé} Un entraînement comme peu d'autres. (PV Glenn)
» Jamais bien loin | Castielle [Terminé]

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