Rencontre autour d'un livre (PV Walter Lamel)

Nakor avait quitté la réunion des soit disant sages avec pleins d'idées dans la tête. Il avait rencontré le très étrange mais non moins sympathique Celindel de Delebrimir. Ils avaient parlé de projet, de guilde et d'alliance, de paix et de moyens d'y parvenir. Il y avait des divergences minimes de visions mais c'était tout à fait normal. Altiom avait été de la partie et le vieillard en manque de voyage avait décidé de faire la route avec son protégé et de se rendre jusqu'en Ydril avec son petit fils d'adoption. La route fut longue mais éminemment intéressante et amusante. Sur le chemin et au détour de quelques tavernes et de nombreux litres d'alcool descendu, le vieillard avait entendu des rumeurs. Rumeurs qu'il garda pour lui et qui lui firent étrécir le regard. Plus il avançait vers le domaine de l'Archonte, plus la rumeur devenait précise. Au début un murmure, et maintenant un presque message courant par mont et par vaut dans tout Miradelphia. En tout cas au moins le long du chemin du vieux fou. Altiom était trop occupé pour pouvoir de nouveau quitter ses terres et partir à l'aventure, mais ça n'était pas le cas de Nakor. Il resta une nuit au palais chez son cher petit Alty comme il aimait l'appeler. Il profita du calme et de la sérénité de la nuit pour rédiger un courrier.

"Cher Celindel

J'espère que votre route en direction des terres de Hautval, à destination du palais de la Baronne Blanche de Hautval, s'est déroulé sans peine. Il faudra me compter avec précision votre rencontre et les effets de vos discussions. Leurs tenants et surtout leurs aboutissants. De mon côté, en raccompagnant l'Archonte Altiom d'Ydril jusqu'en sa place forte, j'ai eu vent d'une rumeur grandissante. Une rumeur qui, si elle dit vrai, contre une petite aventure, nous permettrait sans doute d'entrer en contact et de faire nos preuves auprès du collège des érudits. Rejoignez moi en Langehack, je vous y attendrait d'ici quinzaine, dans une taverne fameuse du centre de la cité principale. Elle se nomme le Fleuron. Je vous en dirais alors plus et nous continuerons notre route. Ouvrez les oreilles durant votre voyage mon ami et je n'aurai sans doute plus rien à vous raconter sur cette possible visite des ruines de Nisetis et sur les dragons.
Amicalement.

Nakor"

Et ainsi il cacheta la lettre et la fit porter jusqu'en Hautval. Le temps que la lettre parvienne là bas et que Celindel parte jusqu'à Langehack, il faudrait bien quinze jours, voir un tout petit peu moins, ce qui laissait le temps à l'elfe de se retourner et finir ses affaires là bas. En écrivant Nisetis et dragon, Nakor savait qu'il attiserait la flamme de son ami philosophe. C'est donc le sourire aux lèvres qu'il confia la missive au messager d'Altiom et qu'il le vit partir en direction du nord. L'astre sol pointa le bout de son nez et le vieux magicien serra l'Archonte dans ses bras avant de lui dire au revoir. Il savait que la vie mettrait encore ce jeune garçon fasse à lui et il en était heureux. Il lui donna sa bénédiction, sa protection et quitta les lieux. Il fit le voyage aussi vite que possible, marchant tout son soul, arpentant de nouveau les chemins de la Péninsule comme autrefois, heureux de retrouver la terre, les arbres, les routes, les caravanes et les visiteurs de tout bords. Cette vie là, libre comme l'air lui avait un peu manqué quand il était conseiller du roi. Il finit enfin par arriver à Langehack, un brin poussiéreux mais content d'être à destination. Il s'épousseta et entra dans la ville. C'était agité aujourd'hui, jour de marché. Il y avait encore quelques jours avant que Celindel ne vienne le rejoindre à la taverne comme prévue dans la missive. Son bâton martelant le sol, Nakor tourna et vira, il acheta même un fruit juteux et s'en régala sous les rayons du soleil. Les heures s'écoulèrent et le vieil homme arpentait une rue dans laquelle on trouvait de nombreuses échoppes et il leva la tête en direction du ciel. Pas un nuage à l'horizon, un soleil vivace et une très légère brise rafraîchissante. Son bâton frappait continuellement le sol comme à son habitude presque millénaire. C'était une belle journée qui s'annonçait quand soudain! Un choc. Irréversible, dur et direct, sans échappatoire! Il venait de rentrer dans quelqu'un. Pour une fois il ne trébucha pas mais sa langue et sa bouche partirent au quart de tour

"Ho foutu nondidiou mais vous pouvez pas faire att ... "

Et il se stoppa net. Il avait devant lui un jeune garçon qui venait, par sa faute, de faire choir l'ensemble de ce qu'il avait dans les mains. Et il en avait des choses le pauvre bougre. Nakor eut un hoquet de stupeur, comme gêné d'être responsable de tant de grossièreté et termina ainsi

"Euuuu ... enfin, je veux dire ... non ... pardon, je vais vous aider à ramasser tout ça."

Et sans attendre un mot de son jeune acolyte du moment, qui semblait pressé comme un cheval au triple gallot, le vieil homme s'abaissa et ramassa un livre. Il se redressa alors et lit les mots de la couverture : une Utopie Humaine. Nakor n'avait nul besoin de lire le nom de l'auteur. Il se mit simplement à rire, le livre à la main. Comment le jeune garçon allait réagir à tout cela. Il allait bientôt le savoir puisque sa petite crise de fou rire durait toujours au moins quelques longues secondes.

Aaah ! Langehack... Cette cité qui lui était pourtant encore inconnue il y a quelques jours lui devenait de plus en plus familière. A mesure que les courses s’enchaînaient pour le maître, Walter apprenait à trouver vite et bien les bonnes échoppes. Un remède, des parchemins, des plumes, de l'encre, un nouveau livre, des parfums... Les demandes étaient toutes différentes. Mais Langehack était faite de telle sorte que l'on pouvait s'y retrouver en suivant les grandes avenues. Bien sûr, tenter de passer par les ruelles minuscules n'était réservé qu'aux plus entraînés et Walter ne se sentait pas de tenter le diable.
Aujourd'hui, il avait une liste précise aussi longue que le bras. Il savait qu'un voyage se préparait. un long voyage. Son maître ne lui disait rien, bien sûr, mais la liste laissait présager à qui savait regarder. Il y avait beaucoup de parchemins, quelques couvertures, beaucoup de plumes, quelques livres à propos des dragons, de Nisétis, des temps anciens, de la magie, des serpents... et d'autres choses. Les maigres connaissances de Walter ne lui permettaient pas de savoir les tenants de l'expédition.
Et pour ajouter difficulté à la tâche, la ville était bondé. Jour de marché semblait-il. Bien que levé tôt, il n'avait pu éviter les allers-retours des marchands, leur installation, leur étal, puis plus tard, l'arrivée des clients. Nombreux, légion, ils s'entassaient et se piétinaient afin de faire leurs petits achats. Et lui, bien que de taille moyenne, se sentait étouffé, écrasé, dominé par ce flux incessant de couleurs, d'odeurs et de bruits.

Il poussa la porte d'une boutique et souffla un peu. Quelques gouttes de sueur, qu'il devait à la chaude journée, coulait le long de son front et ses joues étaient rougeâtres. Observant autours de lui, il vit une basse étagère sur laquelle il put déchargé ses bras. Son sac en bandoulière qu'il ne quittait jamais était déjà plein de choses et d'autres, à tel point qu'il n'arrivait pas à le fermer. Il s'étira pour détendre ses muscles et en profita pour vérifier sa cargaison. Quatre livres, c'était bon. Deux lettres, c'était bon. Son livre (qu'il avait été obligé de sortir de son sac), c'était bon. Il n'avait rien perdu en cours de route.
Il esquissa un sourire de fierté puis s'approcha du comptoir afin d'appeler le vendeur en tapotant sur le bois.
Il se trouvait dans une boutique de chaussure et c'était la dernière course pour la journée. Son maître lui avait expressément demander d'acheter de bonnes bottes en cuir. Il lui avait passé quelques pièces afin de réaliser son achat en toute tranquillité et ne lui avait absolument pas préciser le pourquoi du comment. Comme à son habitude.

- Jeune homme, que puis-je faire pour vous ? lança d'une voix aiguë un homme maigre et d'allure hautaine. Sa fine moustache entretenue et sa chemise bleutée impeccable le classait dans la catégorie "bourgeoisie".
- Bonjour Monsieur. Je viens acheter des bottes en cuir. De bonnes qualitées et me permettant de parcourir de nombreuses lieues en toute tranquillité.

L'homme virevolta sur place dans un rapide bruit de bouche afin de se rendre dans les rayons de chaussures. Il longea une étagère en secouant ses doigts fins au dessus de chaque paires tout en lorgnant de temps en temps vers les pieds de Walter puis se pencha sur deux hautes bottes en cuir noir.

- Monsieur, puis-je vous demander de vous asseoir ? demanda t-il en désignant un tabouret de la main. Vous allez devoir les essayer. Je crois que ce modèle-ci sera parfait. Talons épais, semelles en cuir renforcé, doubles fermetures à boucle... de quoi passer des voyages des plus agréables pour les pieds. Essayez-les donc, essayez !

A peine eut-il le temps de s'asseoir que le vendeur lui avait déjà retiré ses chaussures et lui enfilait ces paires neuves.
C'était étrangement confortable... C'était loin des vieilleries que Walter traînait depuis des années n'importe où. Et confortable comme il était, il ne fallut que peu de temps pour qu'il les acheta et qu'il se dépêcha d'aller les essayer dans les ruelles de Langehack. Il reprit ses affaires, bottes aux pieds, anciennes chaussures sur la pile qu'il transportait, puis sortit en trombe, pressé d'enfin rentrer chez lui.

Et VLAM ! Le drame. Sans comprendre, il se retrouva au sol, affaires étalées tout autour de lui et une douleur à la mâchoire.

"Ho foutu nondidiou mais vous pouvez pas faire att ... "

Walter se secoua rapidement la tête afin de se ressaisir puis, avec des gestes maladroits, essaya de rassembler ses affaires rapidement, n'osant pas lever la tête sur la victime de sa maladresse/

"Excusez-moi, excusez-moi.. Je suis désolé Monsieur.. je n'avais pas vu.. j'étais pressé.. pardonnez mon idiotie !"

Il ne savait plus où se mettre et se cachait dans ses manoeuvres de ramassage.

"Euuuu ... enfin, je veux dire ... non ... pardon, je vais vous aider à ramasser tout ça."

Oh ? Était-ce un de ces rares hommes ne piétinant pas sans honte ses autres confrères ? Il vit une main se tendre vers l'un des livres afin de l'aider, et dans son champs de vision, il put découvrir le bas d'une robe violette, d'une longue barbe blanche, et d'un bâton. Il put également noté la vieillesse des mains qui l'aidaient. Et enfin, il l'entendit rire. C'était un rire affectueux, plaisant, presque rassurant.
Walter cessa un instant son ramassage, ses yeux tirés par la curiosité et observa plus attentivement ce vieil homme. Ce chapeau pointu gigantesque, sa barbe millénaire et son bâton ne pouvaient que signifier qu'il était un mage. Son allure générale était amusante. Quoi que riche et très sage, il avait un air loufoque et amusant qui sans doute était entretenu par son gros nez et la poussière sur ses vêtements. Sa compagnie devait être à la fois pleine de sagesse et d'amusement.
Walter souffla un instant, rassuré, puis finit d'empiler dans ses bras les dernières affaires restées au sol, laissant ainsi le temps à l'homme de rire tout son content.

" Veuillez m'excuser Monseigneur, je..." Il s'arrêta alors qu'il s'inclinait tant bien que mal, pile de livres dans les bras, remarquant le titre du livre "Une Utopie Humaine". Walter avait trouvé ce livre par hasard dans la bibliothèque de son maître et, voulant en apprendre plus sur son peuple, l'avait emprunter. Il ne l'avait pas entièrement fini, mais déjà, il avait pu y découvrir une nouvelle vision des hommes, plus objective, moins innocente. Rien dans ce livre ne prêtait au rire. A la moquerie de l'humain, parfois, dans certains passages, mais rien de plus. Qu'est-ce qui pouvait faire rire le vieil homme ?

"... je.. ne vous avais pas vu" reprit-il finalement.

Nakor avait percuté un jeune homme fort courtois, voir même effacé. Le magicien avait mentalement noté cela mais c'était empressé de répondre quelques excuses aussi, après tout c'est surtout lui qui ne regardait pas où il allait, la tête dans les nuages. Le pauvre enfant se confondit en excuse avant de relever un peu la tête, comme surpris par la réaction de Nakor. Le magicien se redressa lourdement, comme un vieux fou et se mit à rire en lisant le titre de l'ouvrage, il riait car il connaissait l'auteur et se demandait bien ce que Celindel devait réellement et profondément penser des humains. Le titre en disait déjà tellement : utopie. Cela résumé sans doute avec force et puissance l'avis que le philosophe elfe, aux moeurs peu louables parfois, devait avoir des hommes. Nakor allait tendre l'ouvrage au jeune garçon quand il l'entendit l'appeler par un titre fort courtois une fois de plus et une petite voix pas si sûre d'elle que cela. Nakor passa en revu ce drôle de personnage. Il avait des bottes neuves et un habit plutôt correct et de bonne facture ... un fils de noble? Non, il était trop effacé et trop, bien trop courtois pour être un fils de notable, il ne se serait pas excusé sinon et l'aurait jeté comme un vieux chiffon usé. Mais il avait quand même des bottes neuves et ... haha! Des livres, beaucoup de livres, des parchemins, des plumes ... un érudit? Non, trop jeune, un étudiant érudit peut-être, mais là encore, il semblait pressé, puisqu'il ne regardait pas la route quand il avait percuté le sorcier. Un étudiant serait plutôt plongés dans ses livres et surtout serait en train d'étudier auprès de ses maîtres à cette heure ci. Il ne restait qu'une seule solution, un page, ou un valet, valet d'un homme de lettre, un valet d'érudit peut-être. Nakor sentait qu'il n'était pas loin. Sa réflexion n'avait duré que quelques secondes, durant lesquelles il avait tendu l'ouvrage en silence. Il étrécit alors le regard et devint quelques instant, très sérieux.

"Il n'en est rien jeune homme rassurez vous. Et ne m'appelez pas Monseigneur, c'est inutile, je ne suis le seigneur de rien et surtout de personne. Appelez moi Nakor, mon prénom est bien plus doux à mes oreilles qu'un titre trop pompeux ... Monsieur ... ?"

Le ton de ses derniers mots étaient d'une clarté sans limite : il demandait le nom du jeune garçon qui avait l'air fort respectueux. Et avec plein de malice, mettant enfin en oeuvre toutes ses réflexions, Nakor ajouta

"Votre érudit d'employeur doit être fort aise de vous avoir à son service, vous avez l'air pressé d'accomplir votre tache et de l'accomplir bien. Vous réunissez là, jeune maître, des qualités qui feront sans doute de vous, un érudit des plus intéressant par la suite ... si c'est là le but que vous vous êtes fixés ... car ce livre est à vous n'est-ce pas?"

Puis Nakor pointa du doigt l'ouvrage qu'il lui avait tendu : un vieux livre, rapiécé, qu'il avait sans doute eut au rabais et qui ne sied guère à un homme de rang notable. Toujours intéressé et amical, Nakor termina là dessus

"Et dites moi donc, vous l'avez déjà lu ce livre? Quelle vision donne-t-il des humains? Cela m'intéresse énormément car ..."

Tout en parlant il invita d'un geste, le jeune garçon à reprendre sa route, cela inversait le sens de déplacement de Nakor, mais s'il en croyait le choc, le jeune homme allait évidemment dans la direction opposé du magicien

"Voyez vous, je suis un ami de l'elfe qui a rédigé cet ouvrage. Un personnage fascinant, qui a eut une longue vie déjà. Mais parfois, il a des idées ... enfin ... c'est Celindel!"

Puis Nakor explosa de rire, comme à son habitude, lui qui aime tellement ça et attendit de voir comme le jeune acolyte allait réagir après tout cela.

Le garçon balbutiait encore un peu mais il semblait trouver en Nakor quelqu'un suffisamment digne de confiance pour sourire un peu et accepter les propos du vieil homme. Ainsi il parvint à le nommer comme il se nommait! Sacré prouesse quand on y pense? Non! En tout cas pas dans un monde ou les titres ne voudraient rien dire. Ainsi il faisait face au bien jeune maître Lamel. Le magicien en prit note et continua ses tirades. Ils prirent la route et machinalement, le garçon le mena sur des chemins qui lui étaient mentalement acquis, au point qu'il ne réfléchissait plus et que ses pieds le portaient. Les déductions de la vieille barbe blanche firent rougir le pauvre enfant, qui dû, une fois de plus depuis des milliers d'années, se demander si un magicien était capable de lire dans les pensées. Nakor leva les yeux au ciel, et souffla, comme s'il était fatigué de tout cela, quoi qu'encore un peu amusé et ils se mirent à marcher. Walter devait être dans ses pensées, tout en se disant qu'il fallait absolument qu'il parvienne à les cacher. Nakor se disait que cela aurait été le moment parfait pour lui parler par télépathie, mais cela aurait peut-être achevé le jeune garçon d'une terrible crise cardiaque. Et c'est alors que le magicien, tout de violet et je jaune vêtu, allait continuer à parler puisque le pauvre enfant ne prenait pas la parole, qu'il put entendre la voix de stentor de Walter, s'il avait seulement osé parler un peu fort. Le magicien écouta et ouvrit de grands yeux. Il planta un regard étonné dans ceux de son ami du moment et garda une vilaine réflexion pour lui. Il se mordit la langue quelques instants, qui permirent au jeune maître de prendre de l'assurance et de parler de nouveau. Avant de finir par poser une question. Dieux du ciel, il avait vraiment prit de l'assurance, il posait une question. Nakor se mit à rire gentiment et commença ses réponses

"Non, je ne l'ai pas lu. Celindel est mon ami certes, mais cela ne signifie pas que j'ai lu tous ses ouvrages, il est un elfe des plus prolifique quand il s'agit de prose. Et quand bien même il fut son seul livre, je ne le lirai sans doute pas, ou alors maintenant si, à mon âge, mais cela ne comporte plus beaucoup d'intérêt. Non ce qui m'intéresse plus c'est de voir à quel point une nouvelle fois, sous couvert d'une objectivité de pointe, intrinsèquement, les elfes sont sûr au fond d'eux même, qu'ils sont supérieurs aux humains. Je me demandais si ce trait de caractère ressortait aussi dans leur plume, ou si la folle douceur de leur encrier apaiser cette distinction."

Nakor s'arrêta, content de la tournure de sa phrase, c'était là une bien belle phrase dis donc! Le mage s'étonnait lui même! Après un petit rire de coutume, presque inconscient, il continua

"Car voyez vous jeune maître Lamel ... si je puis me permettre, avec ma modeste expérience de la vie, un petit conseil ... vous êtes un humain ... vous vivez parmi les humains ... alors pourquoi, par ma barbe, allez-vous chercher des informations sur votre propre race, auprès des écrits d'un elfe?"

Nakor étrécit son regard, devenant un peu plus sérieux et continua

"Vous êtes jeune et plein d'entrain, votre maître est sans doute un peu trop exigeant au niveau de votre emploie du temps, mais cela finira par changer. Et alors, à ce moment là, souvenez-vous de ces quelques mots et de notre rencontre : la vie doit être vécu, découverte par vous même et pleinement subi, pas lu et vécu au travers d'un autre, encore moins d'un elfe! Vous voulez en apprendre plus sur les humains ... laissez vos livres quelques instants et partez, partez Walter et découvrez le monde, rencontrez des gens, parlez leur, apprenez, souffrez car il faut souffrir sur cette terre pour en apprendre le plus possible sur la nature des êtres vivants. Et une fois votre propre expérience faite, testez vos homologues, lisez, apprenez encore plus, ouvrez votre esprit sur ce qui vous avez échappée jusqu'alors ... mais n'essayez pas de faire l'inverse, car vous vivrez dans un monde bercé d'illusion et donc en somme, vous ne vivrez pas, vous reverrez, en blanchissant votre barbe et que ferez vous alors quand vous vous éveillerez, trop tard? Plus rien car les années et les folies que l'on trouve dans les livres vous feront trop peur."

Nakor s'arrêta là, sentant qu'il était peut-être allé un peu loin, il ne voulait sermonner le jeune garçon, c'était une bonne chose d'apprendre, mais il fallait aussi penser à vivre et plutôt que de le voir avec un livre sur les humains pour apprendre comment ils se comportent, un livre écrit par un elfe, il ferait mieux de vivre lui même. Nakor aurait préféré le voir avec un livre sur la construction d'un navire, sur la linguistique, sur l'histoire, mais pas sur la vie ... une livre sur la vie, par tous les dieux! Quelle folie, quelle ineptie que d'user d'une telle chose pour avancer sur le chemin difficile du temps qui passe. Le sorcier se tourna vers lui et avec un sourire renouvelé, termina ainsi

"Pardon, je n'avais aucunement envie de vous sermonner, ça n'était pas le but, vraiment! Je voulais simplement vous rappeler à quel point les livres sont intéressant mais qu'il y a une chose encore plus intéressante : c'est de vivre. Je ne crache pas sur les livres, j'en ai moi même écris un il y a bien longtemps ... ho oui, très longtemps oui. Un livre qui ne cherchait pas à expliquer quoi que ce soit sur qui que ce soit, j'énonçais quelques souvenirs en début puis je développais une technique de rupture de boucliers ... enfin bref, des choses de magiciens qui n'intéressent sans doute pas un jeune homme."

Le chemin qui menait jusqu' la demeure du maître ne devait plus être très long encore. La discussion allait-elle se prolonger encore? Nakor n'était pas contre du tout, mais le jeune garçon risquait ensuite de manquer de temps. En tout cas, voilà une rencontre fort intéressante que celle-ci!

Le jeune sembla un peu désarçonné d'abord, par les propos de ce vieux fou de magicien, mais ensuite il écouta et prit plus de contenance. Il se ressaisit et développa son point de vue. Nakor avait insisté sur un point précis : le fait que sur la vie et les êtres vivant, jamais un livre ne pourrait en apprendre autant qu'une rencontre, un échange réel et des discussions. Mais voilà que Walter se justifiait encore en disant qu'il ne lisait ce livre que pour apprendre sur les hommes depuis un seul point de vu, tout en sachant qu'il en existait bien d'autres évidemment. Le magicien aurait aimé l'entendre surtout, dire que la vérité sur le monde et les hommes de toutes races ne se trouvait que dans le monde qui s'étendait sous ses pieds mais c'était déjà un début de bonne réponse. Nakor allait même lui faire remarquer quand celui ci sortit son argument de choc. La vieille barbe paru très satisfaite et, avec un sourire non feint et profond

"Là mon cher Maître Lamel, là vous tenez le bon bout! Apprendre! J'espère que jamais votre soif d'apprendre ne pourra se tarir, car même après une longue vie, une très très longue vie, on continue à apprendre, chaque jour qu'il nous est donné sur ce sol poussiéreux! Je vous prie de me croire mon garçon."

Puis, avec des yeux un peu étonnés, grand ouvert durant quelques instants, mais sans mépris, il ajouta

"Vous vous intéressez à ces petits rats des champs, qui sont censés porter chance? Vous en manquez mon jeune ami?"

Il parlait de la chance bien. Puis en riant un peu il prit un air soupçonneux, inquiet mais aussi conspirateur et glissa dans sa frêle oreille

"Des expériences inédites ... attention, parfois, l'inédit n'est pas loin du danger, et s'approche du gouffre sans fond de la folie! ... Et ... là aussi, je sais de quoi je parle!"

Puis Nakor explosa encore plus de rire, voilà une phrase bien énigmatique que celle-ci. Ils avaient encore un peu de marche avant d'arriver à destination apparemment et Walter indiqua qu'il serait très intéressé de découvrir la magie au travers de l'oeuvre du magicien. Un peu flatté, Nakor sourit timidement et se frotta l'arrière du crâne, geste de gêne un brin évidente.

"Ho ... et bien, si vous y tenez ... au moins, si nous sommes ensuite amené à nous croiser de nouveau, vous pourrez me donner votre avis sur le style et le contenu. Je l'ai intitulé De la Découverte des Catacombes, c'est une petite étude de quelques centaines de pages ... deux cent quarante je crois. Je suis certain qu'il y a quelques exemplaires à la bibliothèque de la ville, j'en ai déjà vu deux ou trois versions ... haaaaa la magie ... si par contre j'avais fais une étude, que dis-je une oeuvre sur la magie, par tous les dieux, j'aurai remplie autant de pages qu'un dictionnaire en compte."

Puis sans trop faire attention à ce qu'il faisait, Nakor leva sa main droite, la gauche tenant son bâton qui martelait le sol régulièrement, et invoqua ses pouvoirs. Une boule de flammes ardentes se forma dans sa main. Flammes qui se mirent à vibrer jusqu'à devenir une boule d'eau, pleines de courants remuants. L'eau se solidifia alors en roche, un bloc de terre solide, qui se désagrégea littéralement pour donner naissance à une petite tornade dans la main de Nakor, d'une hauteur de dix centimètres. Cette tornade se changea en un arc électrique lumineux qui s'éteint enfin. Comme s'il revenait sur terre, le mage venait de baisser les yeux sur sa main et il venait donc de dissiper sa magie. Pendant cette petite démonstration, Nakor avait continué à parler tout en marchant

"Oui Walter, la magie, passionnante, changeante, belle, naturelle, puissante, qui peut aider à construire, à réparer et à défaire le mal. La magie qui a aussi sa part d'ombre, de capacité de destruction et sa complexité, son lien intime avec la vie ... enfin bref ... la magie!"

Puis se taisant en même temps que ses sorts, le vieil homme se tourna vers Walter, et précisa, avec un peu de malice dans la voix encore

"Et tant que j'y suis, pensé à bien regarder la date de parution de mon ouvrage, c'était il y a tellement longtemps que je l'ai oublié. Ainsi, si nous nous recroisons, vous pourrez me rafraîchir la mémoire."

Puis le vieux fou se mit à rire doucement, dans sa barbe, comme un léger gloussement. Une oreille très attentive, aurait put entendre Nakor dire ces quelques mots, entrecoupés de ricanements

"Des expériences inédites hein ... ho oui, inédite! Inédite oui, inédite!"

La maison du maître érudit devait être proche, ils venaient d'entrer dans un quartier fait de belles battisses, de grandes maisons où de riches ornements indiquaient que le rang du peuple vivant ici était bien plus élevé que celui de simple paysan.

"Là mon cher Maître Lamel, là vous tenez le bon bout! Apprendre! J'espère que jamais votre soif d'apprendre ne pourra se tarir, car même après une longue vie, une très très longue vie, on continue à apprendre, chaque jour qu'il nous est donné sur ce sol poussiéreux! Je vous prie de me croire mon garçon."

Walter ne put retenir un léger sourire de fierté et de joie. Il n'avait pas fait peur à cet étrange vieil homme, il ne l'avait pas déçu, et il l'avait finalement satisfait. Cela faisait étrangement plaisir. Comme une sorte de satisfaction à rendre son père fier de ses propres choix. Il s'imagina être le fils du vieil homme puis secoua la tête en se disant que celui-ci était bien trop vieux. Ou alors, qu'il aurait forniquer bien tard...
Encore une fois, il fallait espérer que le mage ne lise pas dans sa tête. Un jour, il faudra tout de même qu'il se renseigne là dessus.

"Vous vous intéressez à ces petits rats des champs, qui sont censés porter chance? Vous en manquez mon jeune ami?"

Walter sourit un instant puis secoua la tête.
"Oh non, je ne crois pas en manquer. J'ai la chance d'avoir intégrer le Collège alors ! Non non, ce qui m'intéresse c'est tout le mystère qui les entoure. L'impossibilité de les analyser à des fins personnelles sans qu'elles n'en meurent par exemple.. C'est un mystère très attirant. Le plus attirant que j'ai eu a rencontrer pour le moment. Mais je reste conscient qu'il en existe bien d'autre évidemment."

Puis l'air de confidence de Nakor lui fit se rapprocher également afin d'écouter ce qu'il avait à dire.

"Des expériences inédites ... attention, parfois, l'inédit n'est pas loin du danger, et s'approche du gouffre sans fond de la folie! ... Et ... là aussi, je sais de quoi je parle!"

De la folie... Hé bien, cet homme était étrange dans son apparence amusante.Etait-il fou ? Il ne le semblait pas. La folie pouvait-elle s'en aller ? Aucune idée. Peut-être... Ce qui supposerait que c'était un ancien... fou. Étrange... Cet homme, peut-être, était finalement un mystère plus inquiétant encore que celui des Jerboa Fortuna. Le rire qui suivit cette phrase aurait pu lui donner un air de blague, mais, Walter était persuadé que quelque chose de véridique s'y trouvé. Finalement, le jeune étudiant ne savait plus trop quoi répondre à ceci mais par chance, Nakor se souvint de la dernière partie de son discours et enchaîna sur la magie.

"Ho ... et bien, si vous y tenez ... au moins, si nous sommes ensuite amené à nous croiser de nouveau, vous pourrez me donner votre avis sur le style et le contenu. Je l'ai intitulé De la Découverte des Catacombes, c'est une petite étude de quelques centaines de pages ... deux cent quarante je crois. Je suis certain qu'il y a quelques exemplaires à la bibliothèque de la ville, j'en ai déjà vu deux ou trois versions ... haaaaa la magie ... si par contre j'avais fais une étude, que dis-je une oeuvre sur la magie, par tous les dieux, j'aurai remplie autant de pages qu'un dictionnaire en compte."

Pour sûr, Walter n'hésiterait pas. Il se fit une note mentale afin de le lire dès que possible. Il en apprendrait peut-être un peu plus sur le vieux mage. Et puis en apprendre d'avantage sur la magie serait bénéf...
Les pensées du jeune homme furent interrompues par la main de l'homme. C'était beau... Étrangement mystérieux et attirant. Voir tous ces éléments se mélanger, se changer, s'unifier ainsi dans la même main. Il n'avait jamais vu de magie auparavant et cela avait quelque chose d'incompréhensible tout simplement. Comme si elle sortait des lois de la nature. C'était à la fois effrayant et attirant.

"Oui Walter, la magie, passionnante, changeante, belle, naturelle, puissante, qui peut aider à construire, à réparer et à défaire le mal. La magie qui a aussi sa part d'ombre, de capacité de destruction et sa complexité, son lien intime avec la vie ... enfin bref ... la magie!"

Que répondre à cela ? Walter était impressionné, choqué. Il venait de découvrir quelque chose d'incroyable et peu de personne en ce monde n'avait du voir cela. Du moins pas dans son niveau de classe sociale.

"Et tant que j'y suis, pensé à bien regarder la date de parution de mon ouvrage, c'était il y a tellement longtemps que je l'ai oublié. Ainsi, si nous nous recroisons, vous pourrez me rafraîchir la mémoire."

"Heu.. Oh ! Heu.. Oui.." Dit Walter en secouant la tête pour se ressaisir. Il osait changer de sujet aussi vite. Sans doute n'était-ce rien pour lui... mais tout de même !

"C'est.. impressionnant Monsieur Nakor. Vraiment ! Je ne doute pas que vous soyez capable de faire bien plus encore mais je reste effroyablement impressionné."

Il replaça sa pile de livre et reprit sa respiration avant de reprendre :

"Vous savez ? Je ne crois pas vouloir toucher à la magie. D'ailleurs, je ne sais pas si je le peux. Je veux la comprendre, car, elle fait partie de notre monde, elle est liée à tout et l'éviter reviendrait à ne jamais comprendre le monde, je crois, mais je ne pense vouloir être capable de faire... ces choses là. J'ai entendu beaucoup sur la magie, et surtout sur le mal qu'elle peut produire. Enfin, je crois que cela est un sagesse compréhensible que d'éviter l'utilisation de tel pouvoir."

Il sourit finalement et ajouta :

"Vous allez me sermonner encore une fois sans doute, ou me dire que je crois à de stupides rumeurs"

Il s'arrêta finalement, ses paroles, mais aussi ses pas, car ils venaient d'arriver devant le bâtiment de Sire Di Vestini. Un vieille mais riche bâtisse digne de cette partie de la ville. A la voiture qui attendait devant la porte, on pouvait deviner du rang notable du propriétaire. Walter leva la tête vers le bâtiment puis sourit d'un air navré au vieil homme.

"Nous voilà malheureusement arriver Monsieur."

Ce jeune garçon était attachant, il était gentil, poli, prenait légèrement de l'aise au fil de la conversation et s'exprimer dans un langage appréciable et correct. Rien qu'en pensant à cela, le magicien regarda Walter en souriant chaleureusement. Ils discutèrent, il expliqua son intérêt pour les petites souris étranges et soit disant porteuse de chance. Le magicien ajouta simplement

"Ho ça oui, des mystères, il y en a à Miradelphia ... tenez, prenez les nains par exemple ... comme des gens aussi petits peuvent-ils boire autant d'alcool?"

Puis le vieillard explosa de rire, ça n'était peut-être pas très sympathique, ni pour les Jerboa Fortuna, d'être comparés aux nains alcooliques des tavernes-cavernes, ni pour Walter qui voyait sans doute sa discussion sérieuse lui échapper, mais tout même, sacré blague! Le magicien enchaîna donc sur les expériences inédites et la magie, un domaine que le vieux fou préférait largement à la chance, supposé coup de main du destin, comme si tout était écrit à l'avance. Sans trop y prendre garde il fit un peu de magie, de la magie élémentaire de base qu'un étudiant pouvait espérer contrôler à peu prés au bout de .... Et bien au bout de plusieurs années en fait! Mais quand on a six cent ans, quelques dizaines d'années paraissent en réalité très courtes. Le pauvre enfant sembla impressionné. Mais enfin, comment pouvait-on être impressionné par ce genre de chose? La barbe blanche se dit qu'il devait se tromper et que le jeune garçon devait être impressionné par autre chose : le poids de sa pile de livre sans doute. Il mit ça de côté mais finalement Walter retrouva la parole et s'expliqua un peu. Nakor ouvrit des yeux tout ronds et étrécit ensuite le regard, avant d'afficher quelques amusements sur le visage. Il dit donc cela, voyant que le chemin touchait à sa fin pour aujourd'hui et pour ces deux personnes

"Non non, pas de stupides rumeurs malheureusement ... la magie est terrible, manipulé par des êtres mauvais, elle est sans doute l'arme la plus dangereuse qui soit. Pour devenir magicien, il faut bien souvent y sacrifier une partie non négligeable de sa vie car elle demande des efforts et des études très longues et fastidieuses. Lorsqu'on en devient un maître, on peut réellement faire beaucoup trop de dégât et donc, mis entre de mauvaises mains ... les conséquences peuvent en être funestes Walter, vous avez donc raison de trouver en vous suffisamment de sagesse pour ne pas vous y intéresser de trop prés. D'autant plus si vous êtes impressionné par ces quelques sorts élémentaires."

Puis souriant avec un peu de malice dans les yeux et la voix il termina ainsi

"Si jamais nos chemins se croisent de nouveau, ce que j'espère jeune Maître Lamel, peut-être vous montrerai-je quelques sorts qui là, pour le coup, vous autoriseront à être réellement effroyablement impressionné!"

Puis se mettant à rire, Nakor vécu dans sa mémoire, quelques souvenirs de combats magiques assez dangereux mais stylistiquement mémorable! Nakor plongea son regard sur la pile de livre de Walter et employa sa magie de télékinésie pour entourer les livres, les plumes et autres parchemins et les maintenir bien liés et il les souleva dans les airs afin que Walter se libère au moins une main. Nakor tendit l'autre, pour serrer la pince du jeune futur érudit et le saluer

"Nos chemins se séparent ici, alors bon vent et que la connaissance guide vos pas!"

Puis, faisant un peu d'esbroufe, Nakor activa sans mot dire, le sortilège de dissipation qui était ancré dans son bâton et devint soudainement invisible. Les livres redescendirent dans les bras de Walter et le magicien se recula un peu avant d'observer le pauvre enfant. Puis une fois Monsieur Lamel entré, Nakor parti en direction de la taverne dans laquelle Celindel devait le retrouver. Quelle sympathique rencontre en tout cas.