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 Veilles de bataille

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Ril-Vywen
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MessageSujet: Veilles de bataille   Veilles de bataille I_icon_minitimeLun 12 Nov 2012 - 17:12

5.

Veilles de bataille

    L'agitation régnait, seule maîtresse de cette surprenante assemblée. Là, il y avait Hinudèl des Sinaedins, qui pour la première fois depuis plusieurs siècles se risquait hors de l'Eraïson. À ses côtés se tenait fièrement Galina des Eldenwin, qui disait-on pouvait atteindre le cœur de sa cible les yeux fermés, si elle le désirait. Il y avait aussi Ril-Vywen, dont beaucoup rêvait de voir l'ours qui résidait au plus profond d'elle-même. Ils étaient sept, en tout, sept elfes pour sept clans, réunis autour du feu guerrier. Rarement ces sylvains là ne s'essayaient à manier la flamme de la Guerre, mais quand ils prenaient les armes et s'apprêtaient à livrer bataille, ils sacrifiaient du bois mort au Guerrier. Ils formaient ensuite un cercle parfait autour de leur offrande et restaient immobiles jusqu'à ce que les dernières braises ne se consumassent. Bien entendu, si leurs corps demeuraient figés, il en allait différemment de leurs langues qui se déliaient à mesure que le foyer réchauffait leurs mains
    Rarement ils avaient été aussi nombreux à se réunir autour du feu guerrier. Ril-Vywen ne se souvenait pas de sept clans parlant de guerre. Bien souvent, en effet, quand les elfes prenaient les armes, ils le faisaient sous l'appel du cor d'Alëandir. Cette fois-ci, les choses étaient différentes. Le trône blanc demeurait muet, laissant Ardamir affronter seul le danger. La Anaarooma ne nourrissait aucun ressentiment à cet égard, l'attaque sombre avait été violente et furtive et s'il était certain que Dyarque fut au courant de ce qui se passait aux abords de ce qui avait été Ellyrion, il n'avait pu, encore, apporter une véritable réponse. Qu'importait, cette fois-ci, ceux que d'aucuns nommaient les elfes des bois agiraient à leur façon. Gardant le silence, la druide se contentait pour l'heure d'écouter. L'ours qui résidait au plus profond d'elle-même grognait, fatigué de tant de bruits inutiles, et elle percevait les doutes de leurs frères et sœurs les arbres. Pour autant, elle ne se permettait pas de briser le brouhaha qui agitait encore ses semblables. Ils avaient besoin de parler, de s'exprimer, tout comme elle avait besoin de se taire, de réfléchir. Car dès l'instant où elle briserait son silence, tous se tairaient et écouteraient. Ainsi en allait-il depuis le début de leur aventure, parce qu'elle était à l'origine de tout cela, parce qu'elle avait su trouver les mots, parce qu'elle était druide aussi.
    Pensive, elle glissa un regard vers Hinudèl. Le Sinaedin ne cessait de la surprendre. De plus de deux siècles sont aînés, il était un de ces elfes face auquel Ril-Vywen aurait été ravie de ployer l'échine. Il semblait, pourtant, qu'il avait décidé qu'il en irait autrement. S'il n'hésitait pas à donner son avis, il prenait bien garde de ne jamais la contredire et allait toujours dans son sens. Était-ce parce qu'elle avait réussi là où il avait échouer ? C'était vers elle que les clans s'étaient tournés, non lui.. La voix claire et pleine d'autorité de Galina la tira de ses rêveries et elle se concentra à nouveau sur les vifs échanges qui malmenaient l'harmonie des elfes. « Nous ne nous sommes pas réunis, aussi nombreux, aussi forts, pour trembler en attendant de recevoir la protection de ceux qui vivent dans la pierre, s'insurgeait l'archère avec véhémence. Nous sommes prêts. Anaëh est prête. N'est-ce pas l'Almugkarka qui nous a réuni, une druide ? Deux autres ne nous ont-il pas rejoint ? »
    Soudainement, tous les regards convergèrent vers la principale concernée qui ne se permit pas de sourciller alors qu'elle affrontait le regard résolu de Galina. Les deux elfes ne s'appréciaient pas. L'archère reprochait à Ril-Vywen de trop compter sur ceux qui vivent dans la pierre. Pour la druide, se lancer à l'assaut des sombres sans le soutien des épées des pierre était au mieux dangereux, au pire suicidaire. « Ceux de pierres qui vivent dans l'Eraïson et en Wyslena sont venus, non en protecteurs mais en amis. Laissons à d'autres le temps de les imiter. » Elle marqua une pause avant de poursuivre, mue par une autorité nouvelle : « Il ne sert à rien de nous précipiter. Pour l'heure, nous ne représentons pas un danger assez important pour les sombres. Nous sommes sept, mais nous pouvons être plus encore. Il reste des frères et des sœurs à rencontrer et à convaincre. En outre, plus nous attendons, plus nous laissons du temps à la Première Fille de la Mère de se préparer. Deux sont venus. Quelques jours encore, et combien seront-ils ? »
    Tout n'était qu'une question de temps. Trop vite et ils mourraient. Pas assez vite et leur entreprise serait inutile. Il fallait agir au bon moment ; la difficulté résidait justement de choisir l'instant opportun pour se lancer à l'assaut de l'ost et de ses cracheurs de flamme. « Demain, j'irai à la rencontre de ceux qui vivent dans la pierre. Vous livrerez bataille pour la Mère et, si Elle le veut, je vous ramènerai l'acier d'Ardamir. »


Dernière édition par Ril-Vywen le Jeu 29 Nov 2012 - 14:19, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Veilles de bataille   Veilles de bataille I_icon_minitimeMar 13 Nov 2012 - 0:45



Si le goût amer des cendres n’était pas parvenu aux papilles du Roux, c’était les Pleurs de la Symphonie, retentissants à ses oreilles et se répercutant dans tout son esprit, qui le réveillèrent. Ses Frères-Racines étaient brûlés vifs. Leurs corps déchiquetés par d’immenses météores de feu rougeoyants. Impuissants, ils ne pouvaient que ployer l’échine devant une telle puissance et choir au sol telles des marionnettes inanimées, membres brisés. L’humiliation était là, les vestiges de la Création étaient souillés, l’Œuvre elle-même était atteinte. Face aux sombres elfes, les arbres ne pouvait pas se défendre. Les racines étaient bien trop encrées dans le sol pour pouvoir se relever. La menace, trop lointaine, trop grande, trop fugace. Anaëh avait besoin d’aide, mais c’était une toute autre aide que les écorces et les branches épaisses qu’Elle allait recevoir. Car le Roux avait entendu sa lamentation.

Elandril s’était mis en marche quelques minutes après avoir quitté la Verte-Elfe. Une fois l’aura étrange de la gardienne -qui parasitait la Symphonie à ses oreilles d’elfe- éloignée, il avait perçu les premiers cris, par delà l’agitation. Trop de choses s’étaient accumulées ces derniers jours dans le Chant-Nature et dans son esprit, qu’il en était lui-même perturbé. Le Voile, l’Or, la Blanche, le Loup, l’Hirondelle, la Verte et le Feu. Tant de choses qu’il s’en retrouvait perdu. Mais les larmes de la Forêt ne pouvaient être tues. Aussitôt perçues, Elandril avait fui le ruisseau, le daguet.

Ses pieds foulaient le sol aussi vite que son corps d’elfe ne le lui permettait. Il sautait de branche en branche, s’agrippant à lianes, feuilles, racines. La Forêt semblait le pousser vers la blessure, l’amener promptement vers la plaie. Le vent soufflait dans son dos et ses cheveux de flammes volaient dans tous les sens. Son regard, lui, était fixé vers l’horizon, bien que les troncs lui cachaient toute vue à longue portée. Il était au cœur de l’Anaëh, mais ses prunelles semblaient rattachées à un point invisible, si loin… Saut. Pas. L’Elfe redoubla d’allure. L’air sifflait à ses oreilles, ses muscles criaient de fatigue. Son corps avait besoin d’un repos qu’il n’avait pas pris depuis quelques jours. Mais sourd à son appel, il continuait à courir toujours et toujours, obstiné. Il avait beau enjamber, contourner, sauter, grimper, aller plus vite qu’il n’eut jamais traversé la forêt, il n’allait toujours pas assez vite. Il sera trop tard. La sueur perla sur son front. À quelques mètres de lui, il sentit son Frère-Sang se joindre à lui et se rapprocher, essayant de calquer son allure. Mais il ne prit pas la peine de lui accorder un regard, continua à courir, sachant qu’il suivrait. Son échine ondulait à chaque pas. À quatre pattes, il irait beaucoup plus vite. Aussi, il employa jambes et bras pour sillonner sa route. Ses griffes s'enfoncèrent dans la terre pour prendre de l’élan, ses muscles se détendirent, et son corps bondit tout d’un pour franchir un ruisseau. Pas loin, ce fut au tour de sa Sœur-Sang de le rejoindre. Il prit une nouvelle embardée si tôt que ses pattes se posèrent l’autre rive. Petit à petit, ses pas furent plus longs. Plus élancés. De quelques enjambées, il couvrait de plus grandes distances. Les muscles dansaient sur ses os. Le Roux continuait sa route, toujours. Boum. Boum. Boum. Il ne savait plus si c’était son sang ou le bruit de ses pas qui battaient si violemment à ses oreilles. Boum. Boum. Boum. Son poil ondoyait avec la vitesse. Boum. Boum. Boum. Bientôt, son Sang tout entier fut près de lui, la vingtaine qu’ils étaient.





Ce fut l’odeur de la braise et du feu ardent qui le poussa à ralentir l’allure et marcher au pas, à présent. Voilà que j’approche. Bientôt, des visages apparurent près de lui. Des expressions étonnées, perdues, effrayées pour certains. Il y eu même l’acier, mais aucun n’eut le courage de l’abattre sur le Roux. Le Roux qui avait son regard toujours fixé vers ce même point précis, jusqu’à ignorer les Elfes qui le dévisageait, ignorer un Peuple dont il avait jadis fait partie. Les soldats, amassés pour admirer le spectacle inhabituel, furent forcés de s’écarter à son passage. Certains crurent que la folie d’une terrible créature, réveillée par les Sombres, allait s’abattre sur eux, mais à l’évidence, celle-ci était désintéressée de leurs corps. Nul ne prononçait de mot. Le silence n’était accompagné que du seul souffle rauque de son Sang. Les Elfes couvraient un immense territoire. Ils se trouvaient être nombreux, et le Roux se trouvait à traverser le campement entier. Mais il n’était pas venu pour eux. Il sentait les flammes de si loin, qu’il avait presque l’impression de sentir la chaleur lui lécher les babines. Cependant, le Feu était encore loin, il le savait. Beaucoup d’Elfes, respectueux, s’inclinèrent à la vue de l’immense loup mage. D’autres, plus écoutants que d’autres, sentaient le Druide sous le poil dru et le sang chaud. Les plus audacieux s’étaient mis en quête de suivre l’étrange créature, comme le suivait son propre Sang. Plus il s’approchait, plus la gueule du Roux se déforma. La colère muait ses traits, étirait ses bajoues, dévoilait les rangées colossales de crocs qui couronnaient sa mâchoire. Sa truffe se plissa lorsqu’elle rencontra la fumée, l’air rempli de charbon et la cendre.

Quelques pas plus loin, son museau perça les branchages épais.
Le Roux émit un grondement grave et profond, qui résonna dans la clairière, pour prévenir de son arrivée. Les Elfes qui lui tournaient le dos, trop absorbés par le Feu du Guerrier pour s'apercevoir de sa présence, sursautèrent au son. Puis, voyant les yeux d’or luisants, la fourrure rousse, la carrure immense dépassant de loin les têtes des plus grands et la bave suintant de la gueule du Loup, ils s’écartèrent comme un seul. La mer de visage forma un chemin, comme une rangée d’honneur, et le Roux vint rompre le cercle parfait du Feu de la Guerre. Son regard resta un moment fixé sur les flammes dansantes sur les branches mortes. Un regard dur, terrifiant, plein de haine et de fureur. Il s’attardait sur chaque étincelle, chaque rougeoiement de la braise au vent. Il parcourut toute l’assemblée, de son regard froid, les babines toujours retroussées, crocs à l’air. Il détailla chaque visage, chaque elfe, chaque loup, chaque membre du cercle, les dévisageant comme une provocation. Puis lorsque ses yeux s’arrêtèrent sur l’Ours, le Loup hurla.

Le hurlement fut long et ininterrompu. Il éclata dans la nuit, cinglant. Bientôt, d’autres hurlements se joignirent au sien. Celui de son Sang. La meute de loups toute entière se mit à glapir. Un cri en réponse de la souffrance d’Anaëh. En réponse du feu, de la sève, des larmes. Un cri d’avertissement.


Le Sang d’Anaëh se battrait pour la Mère.
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MessageSujet: Re: Veilles de bataille   Veilles de bataille I_icon_minitimeMar 13 Nov 2012 - 12:46

    Deux sont venus. Quelques jours encore, et combien seront-ils ? Ainsi avait parlé Ril-Vywen, quelques minutes plus tôt à peine. Telle avait été sa promesse faite aux sept. Tous l'avaient entendue mais certains avaient douté. Alors, la Première Fille de la Mère avait envoyé sa réponse.
    Le grand Loup était arrivé par le nord, si bien qu'il avait d'abord traversé le campement de ceux qui vivaient dans la pierre. Nombreux étaient ceux qui n'avaient jamais vu de loup-mage auparavant, si bien qu'un silence pesant s'était emparé des lieux, entre recueillement et incrédulité. Quand ils avaient compris que la bête continuerait son chemin sans s'en prendre à eux, certains avaient trouvé le courage de la suivre et d'autres parmi ceux qui vivaient en harmonie avec leurs frères et sœurs les arbres les avaient imités. C'était là une bien étrange procession, au diapason qui différences qui pouvaient séparer les elfes. Il y avait ceux qui portaient l'acier, ceux qui peignait leur visage d'effrayantes marques guerrières, il y avait ceux qui préféraient la pierre, ceux qui préféraient le bois. Derrière le loup, cependant, il n'y avait que ceux qui protègent. Et c'était bien là la grande force des elfes, que de choisir des chemins de vie incroyablement différents mais de toujours parvenir à se retrouver quand l'Histoire le demandait.
    Il ne fallut que quelques minutes à l'impressionnant cortège pour rejoindre le feu guerrier. Sans surprise, les sept levèrent le regard vers lui ; la rumeur avait couru, cette fois, plus vite que le loup. Sans se laisser troubler par l'étrange cérémonie à laquelle ils se livraient, la bête se fraya un chemin jusqu'à l'offrande faite au Guerrier, brisant par la même occasion le cercle et mettant fin à l'hommage. Ril-Vywen ne réagit pas, dardant seulement ses Manaahen sur leur surprenant invité. Il semblait déranger par le feu ; ce n'était guère étonnant, l'ours qui résidait au plus profond d'elle-même aussi n'appréciait guère la vue de cette griffe rougeâtre qui venait déchirer la frondaison d'Anaëh. La Anaarooma, cependant, comprenait l'utilité d'un tel rituel et elle espérait que le loup l'accepterait. Finalement, les regards se croisèrent et l'or vint affronta le vert et le brun. Alors, il hurla. D'abord surpris, soudainement craintifs, les fils de la Mère se regardèrent et ne surent comment réagir. Se joignant à leur semblable, les autres loups qui jusqu'alors étaient resté en retrait, joignirent leur voix à la sienne. Et quelque chose d'incroyable se produisit. Un fils de la Mère leva son arme vers le ciel et joignit sa voix. Quelques secondes plus tard, les sept se joignaient à la clameur et très bientôt, il n'y eut plus un fils ou une fille pour garder le silence. L'avertissement du loup fut repris par toutes les gorges ; l'invasion des noirelfes semblaient désormais bien dérisoire et il n'y avait pas un cœur battant aux alentours pour penser que l'armée qui se porterait bientôt à l'encontre de l'ost noir pourrait être défaite.
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