Nebelheïm, elle aussi, devait brûler

       Pendant plusieurs années, Nebelheïm s'était enorgueillit du surnom de son suzerain. Le Terrible avait fait tremblé l'Oësgard, jusqu'à presque la faire ployer sous son joug ; il avait fallu la roublardise — traîtrise ? — d'un sanglier pour mettre à bas l'animal, et c'était dans les cendres d'Amblère que s'était consumée la légende. Dès lors, Norman était appelée à devenir l'Usurpateur jeté à bas du trône, un monstre assoiffé de sang qui n'avait eu de cesse d'écrire dans le sang la déchéance d'Oësgard.
      À Nebelheïm, on ne pensait pas encore à tout cela. Seulement, la ville n'était pas tenue par quelques chevaliers de bonne éducation : c'était à des mercenaires que Norman avait confié son foyer. Et ces derniers en avaient profité, rançonnant « discrètement » les alentours, se payant de fait, puisque le seigneur n'avait daigné leur verser le moindre or. Quand ils avaient entendu les nouvelles, quand il avait su que de Norman, plus aucune trace on ne trouvait, ils avaient fait ce qu'un vrai mercenaire fait dans ces cas là : s'en aller. Mais pas sans prélever avant leur salaire dans les réserves de Nebelheïm, mettant le feu à la ville comme pour traumatiser à jamais ses habitants de l'élément d'Othar. Norman était mort dans les flammes, dirait-on plus tard, et Nebelheïm devait en souffrir les morsures. Si le feu ne fut pas aussi important qu'à Amblère, il fit tout de même ses dégâts et quand on se réveilla, le lendemain matin, il n'y avait plus de traces des mercenaires alonniens.