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| Les ruines même ont péri. | |
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Arsinoé d'Olyssea
Ancien
Nombre de messages : 262 Âge : 31 Date d'inscription : 10/05/2012
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 28 ans Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Les ruines même ont péri. Mar 11 Juin 2013 - 23:30 | |
| Dernière ennéade de Favrius, septième année du onzième cycle. Edelys, bel hôtel et chastel qu'Aetius d'Ivrey avait au dehors de Diantra, et résidence estivale de ce qu'il restait de la famille royale. De son balcon, Arsinoé d'Olyssea observait la prime cité et ses hautes tours baignée de la froide lueur des deux astres. Entre la prière et le songe, toute son intelligence était tournée vers le jeune roy malade qui ferait en cette nuitée l'objet des sombres incantations des sorciers de l'Arcanum ; à tort ou à raison, elle ne saurait dire. Il était loin ce temps où le garçonnet s'affairait dans la basse-cour, faisant ses premières passes en compagnie des pages de la mesnie. Lointain aussi ce jour où excédé par les piques de son propre fils, il avait mandé en vain à ce qu'Adrian soit bastonné. Un des rares points saillants de ces jours paisibles passés à voir son époux accomplir sa fonction de régent, elle se rappelait bien des quelques mots glissés plus tard au jeune fieret lui servant d'enfant : « que on devait toujours être bien de son seigneur » . Ses paupières lourdes de fatigues profitèrent de ces douces divagations pour se clore un instant. Instant qui se prolongea plus longtemps qu'escompté. Lorsque enfin elle les entrouvrit, son regard fut accueilli par une éclatante lumière bleue face auquel il ne pouvait que se détourner. Elle croyait déceler au centre du halo cobalt un astre, un œil cruel flottant au dessus de Diantra et l'irradiant de son éclat. Sans mots et éprise d'une horrible frayeur, la dame fit volte face et détalla précipitamment, s’enfonçant dans les entrailles du château et loin de la colère des dieux. Le terrible grondement s'éteint aussi vite qu'il était survenu, la trouvant affaissée dans une alcôve au détour d'un couloir anodin. Ce n'est qu'alors qu'elle pensa à l'Arcanum, au régent, au roy. Regagnant sa chambrée et le ciel ouvert, elle jeta à nouveau son regard vers Diantra. La tour des sorciers n'était plus. À sa place un vide, au dessus duquel de titanesques spirales de fumées d'une pâleur déconcertante se perdaient dans un ciel de sang. ****
Une heure plus tard, au plus profond de la nuit.
Diantra était effervescente. La colonne armée qui avait précipitamment quitté Edelys se heurtait désormais aux masses de bélîtres. Certains n'avaient quitté leurs pénates que par vulgaire curiosité, d'autres n'y voyaient là que le prélude d'une vengeance plus acerte encore et fuyaient folement. On croisa ainsi un hôtel arsé et un autre pavoisant de banderoles bigarrées ; mais la dame Arsinoé n'avait d'yeux que pour la haute colline où trônait le chastel des roys, le Fort de la Valliance, et jadis l'Arcanum. Les hommes l'environnant – des chevaliers de l'Atral clairsemés de fidèles de l'Ivrey – reboutaient avec force ces fols, mais d'aucuns demeuraient insensibles à leurs cris et erraient en travers des sabots de leurs montures. Des pauvres frappés de soudaine cécité comme elle l'apprit plus tard. On franchit la seconde enceinte, sa herse retombant lourdement après leur passage, pour déboucher dans une grande place donnant sur les hauts-lieux de la royauté Diantraise. Ici aussi les gens s'activaient, hommes d'armes et nobliaux accourant en grand nombre et en ordre douteux vers le cœur du cataclysme. Atteignant le parvis de la Tour, fort heureusement préservé du pire de la cohue par les bons soins de l'ordre des Baudriers d'Argents, on se précipita vers l'abysse en son centre. Une abysse oui, profonde d'une trentaine de toises et aussi large. La battisse avait-été excisée racines et cœur. Scrutant longuement ces tréfonds qui n'offraient nulle réponse, elle releva la tête et chercha en vain réconfort auprès du mage que son or entretenait. Mais Le gras Scylléen se tenait transi devant le spectacle voisin: une troupe de soudards - Brandois au premier abord – efforçant durement un rescapé du collège. Car si la spire maudite s'était volatilisée avec l’entièreté de la lignée Fiiram et le millier de sorciers l'habitant, les hauts et riches hôtels l'environnant demeuraient et vomissaient les familles d'iceux ainsi que des apprentis sorciers, flots braillards qui ne laissaient de doute sur la finalité de la chose. Quelles forces démoniaques avaient-été éveillée par le rituel impie ? Une autre belle maison prit flamme, puis deux, des lueurs chaudes qui égayèrent un tant soit peu son esprit délité. « La princesse Lyhann aidera le garçon par sa seule présence, notre magie sera grandit de cet amour pure, leur avait assuré Ascilin la veille. Les dieux savent que nous ne pouvons trop grandement pourvoir la salvation de notre bon roy. »Et tant s'exploita le maître de l'Arcanum que fort de ses asseurances le prince-régent avait trop légèrement accédé à chacune de ses demandes. Ascilin, ce suppôt du roy aveugle, se serait-il parjuré à la manière du renégat Nakor, son esprit sénile s'abandonnant à des pulsions régicides ? L'Arcanum et ses gens cauteleux et malicieux enfuis au gré d'un maléfice vers quelque repaire démoniaque ? Oui décida simplement celle qui avait toujours reconnue en son fort intérieure la magie comme le mal pernicieux qu'il était, corruption atavique de la lignée Fiiram. Elle ne voulait pas imaginer le sort de son époux, ne le voulait pas. « Les mages...» murmura t-elle colérique, assez fort pour que son entourage l'entende. Un cri, et une sorcière portant les robes du collège était jetée dans la fosse. Et pour la première fois, le fossé dans le cœur des Diantrais qu'avait creusé la Révolte des Arbalètes se trouvait battu en brèche. Loup du Landnostre et royaliste convaincu unis par leur haine du sorcier. Observant désintéressée les exactions qui s'ensuivirent, entourée de chevaliers inquiets et lames au clair, elle sentit soudain comme une main sur son épaule, froissant le tissu écarlate de sa cotardie. « Ma dame...» , se retournant, elle trouva à sa grande surprise l'habile d'Argoth, son faciès un masque de contrition : « Votre enfant ma dame. Où est l'enfant du régent ? »« Il sommeille là où il se doit messire, derrière le rempart d'Edelys. »« Alors il nous faut aussitôt le mettre sous bonne garde, répondit l’âme damnée d'Aetius, s'il avint qu'Eliam soit voirement occis... »
Dernière édition par Arsinoé d'Olyssea le Mer 26 Juin 2013 - 11:37, édité 4 fois |
| | | Hans
Ancien
Nombre de messages : 1666 Âge : 33 Date d'inscription : 19/03/2010
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 44 ans Taille : Niveau Magique : Eveillé / Néophyte.
| Sujet: Re: Les ruines même ont péri. Mer 12 Juin 2013 - 10:12 | |
| Après qu'il eut adressé ses recommandations à la nouvellement veuve, Hans s'empressa de gagner la tour désormais en ruine de l'Arcanum. Avant qu'il n'entreprenne d'en gravir les escaliers, le conseiller héla avec rudesse la bedaine proéminente au nom d'Ascilin, comme s'il eut été un vulgaire laquais. S'il n'avait jamais bien été en odeur auprès du pouvoir, qui lui avait successivement préféré le magicien Nakor du temps de Sa Cécité, ou la compagnie de porte-glaives moins érudits lors de la régence, Ascilin s'était gardé de se plaindre lorsque sa Némésis s'était volatilisée, et avait accédé aux hautes offices magistèriennes. Aujourd'hui, cette position semblait promise à basculer, de même que l'avait fait la pauvre arcaniste deux minutes plus tôt.
Alors qu'ils atteignait les sommet nu et dévasté de la tour, semblable désormais à une souche dont on aurait calciné le bois, Hans se retourna vers le mage, dont la figure rubiconde traduisait l'essoufflement, et s'adressa à lui en ces termes : "Votre incurie vient de décapiter le royaume, maître, et votre disgrâce n'est qu'une question de temps. L'influence protectrice de feu le Roy évaporée, vous serez livré en pâture aux plébéiens, sous l’œil bienveillant d'une veuve dont votre hubris a pris le mari. Mais je suis un homme de raison et sais que vous servirez mieux le royaume vivant que mort, aussi vous conseille de vous ranger incontinent à mon service... et vous faire oublier un peu, aussi, en échange de ma protection, si modeste soit elle. Cela vous convient il, maître ?"
Peu après, les deux hommes retournaient en bas de ce qui avait été la plus haute des cinq cent soixante quinze tours de Diantra, se dirigeant vers la veuve du régent. "Madame, la tour n'est plus que poussière avant même d'atteindre la courtine... Il me peine de vous annoncer que les funérailles de feu votre époux se feront sans sa dépouille, laquelle a déjà regagné les Cinq. Il marqua un temps d'arrêt, laissant la veuve se remettre de ce second coup dur. Quant à Maître Ascilin, il m'a témoigné là haut le désir de faire repentance en prenant l'habit religieux, auprès des frères loqueteux de Saint-Mercatouille... Je gage qu'une pareille fin saura lui faire expier ses terribles fautes plus que la mort elle-même." acheva-t-il, sous le regard médusé du magistère.
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| | | Cléophas d'Angleroy
Ancien
Nombre de messages : 314 Âge : 39 Date d'inscription : 22/12/2011
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 42 ans Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Les ruines même ont péri. Mer 12 Juin 2013 - 12:14 | |
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De son refuge il n’avait rien entendu d’autre qu’un terrible grondement, comme si un orage eut déchiré la terre en plus que du ciel. Les arcades qui diffusaient la douce lumière de la Lune s’étaient transformées en brasiers ; les cieux avaient pris l’apparence des entrailles du monde et l’espace d’un instant, tout était voué au chaos. Lorsqu’il se pencha sur le balustre pour apercevoir la source de ces maux, Cléophas ne vit rien d’autre qu’une tour décoiffée de sa couronne et les cheveux encore en feu. Un cratère et quelques murs autour.. Les échos des litanies funèbres s’étaient tus, un long silence pris sa place et pendant quelques minutes le Baron n’entendit rien d’autre que le murmure de la fumée s’élevant vers un firmament lavé de ses couleurs et de ses étoiles. Sans céder aux paniques, il resta ancré dans ses chausses et regardait la ville et son grondement sourd s’élever de là où il était ; et les gardes et les mages qui couraient vers le point du désastre, l’œil hagard et la bouche grande ouverte devant le sordide spectacle. La roche semblait encore chaude, des silhouettes s’agitaient dans les autres tours du château et Cléophas, dans la fascination de l’irréel ne savait s’il devait sourire ou doler. Même le page qui déboula dans la pièce ne le tira pas de cette torpeur et ses mots empressés tombaient dans l’oreille du Baron comme les balbutiements des prêtres dans leurs retraites. La stupeur le tint ainsi pour ce qui sembla des jours. Des ténèbres de la ville, pourtant, il crut reconnaître des formes familières ; silhouette fine à dos de cheval ; grande et verte pelisse ; gardes en arrière : et le cri ténébreux qu’elle lança aux ouailles qui vint rebondir sur les parois de la tour et saisir les viscères de Cléophas. Voici la douleur des veuves.
Pourtant, lorsque Cléophas était arrivé il y a bien quelques semaines, son esprit n’avait pas envisagé que les affaires tournent en ce sens. En compagnie de la marquise, ils étaient arrivés au point du jour à Diantra, portant la nouvelle de la trahison des langecins au régent et à ses dignitaires. La hâte les avait menés à trouver sans grand peine les interlocuteurs qu’ils devaient et la dame fit montre de tant de bravoure dans son verbe qu’il leur avait alors semblé impossible que leur requête de retourner à Langehack avec une compagnie des hommes du Roy fut déclinée. Dans l’étouffant apparat de la salle du trône, le régent les pria de retourner à leurs occupations ; la marquise à son enfant et Cléophas à sa Baronnie. L’affaire, avait-il dit, serait réglée lorsque le temps l’exigerait et il clamait qu’il n’y avait pas d’urgence à laisser le trône langecin vacant pour quelques temps. Le Baron, irrité, quitta la salle non sans adresser ses respects aux époux ; et alla vaquer dans la ville et dans les domaines du Roy afin d’aérer son esprit. Perché sur sa monture, il voyait au loin les tours de Diantra fendre l’horizon et aller griffer l’azur : voilà à quoi tenait le Royaume. Aux cloches et aux tours d’une cité meurtrie. Le Baron se prit de fouler la lande et de rallier l’hôtel de négoce d’un autre de ses vieux amis et il chevaucha quelques heures avant d’apercevoir la façade penchée de la bâtisse, toute entourée de grands pins et de cyprès, dressée au milieu d’un bourg modeste. La dernière fois qu’il était venu en ces lieux, il avait reçu l’ordre du régent d’aller parcourir l’Eraçon et d’y rétablir la justice et l’amer était encore au fond de sa gorge lorsqu’il avait ressouvenance de ce jour-là. Poussant péniblement les portes de chêne, il eut cru voir se dresser un fantôme.
L’âge s’était épris de son compagnon de route qui naguère avait la peau cuivrée et la chevelure couleur-de-feu. L’odeur du styrax qui brûlait dans les brasiers ne parvenait pas à ôter les relents de putréfaction qui avaient pris ses cuisses ; ni celle des selles qui noircissaient ses draps. Tout aminci, ce vieil homme allait sans doute perdre, après sa dignité, ce qui lui restait de forme pour n’être plus qu’un monceau de glaise et de chair mangée par la mort. Cléophas tenta d’ouvrir une discussion après avoir ouvert les fenêtres, mais l’un des laquais qui semblait possédé de la même maladie lui apprit qu’il n’était plus qu’en condition de délirer et de mourir. Devant les écuries, le Baron vit que l’on brûlait les draps et les vieux vêtements et tout ce qu’avait touché son hôte-ami. N’attendant guère, il se réfugia dans les caves où l’air était frais et plus pur et se mit à rédiger une missive à l’attention d’Anaste pour l’informer de l’état du vieillard et du refus du régent. Les mots furent concis, écrits à la hâte et lui intimaient de ne point agir et de laisser se dérouler la situation ; que le Roy allait intervenir d’ici quelques lunes ; qu’il ne fallait outrager le palais ; qu’il fallait même s’y rendre en volonté de paix. Cléophas se résolut à se reposer dans l’humidité du souterrain et décidai qu’il rejoindrait la capitale au matin suivant et de là regagner son fief. Le réveil fut brutal alors que la nuit était à peine achevée. Les bruits venant de l’au-dessus encouragèrent le Baron à sortir de son obscur repaire et sa surprise ne fut pas des plus heureuses. Le vieil homme avait fini par rendre son soupir, laissant au bon-vouloir de Cléophas ses quelques comptoirs disséminés sur la Péninsule dont l’état s’était dégradé ; et la fortune qui lui restait. Dans le même temps, un autre des domestiques avait rejoint son maître dans son destin et était porté à son tour à l’extérieur de la bâtisse, posé à même les cendres encore chaudes du feu de la veille. On fit venir un prêtre pour bénir les dépouilles et veiller à ce que leurs âmes rejoignent la demeure de Néera puis, sur l’injonction de Cléophas, l’on brûla les corps dans un grand feu de camphre et une fois les corps calcinés, le Baron envoya sa missive et retourna sans attendre à Diantra.
Une fois dans le Palais, la marquise le vint trouver par le moyen d’un valet à sa livrée, lui demandant de la rejoindre en ses appartements. Lorsque le Baron fit état de sa volonté de rejoindre son pays, la marquise le pria de rester encore quelques temps au service du régent, confiante en ses dons de diplomate. L’amitié qui les liait et la confiance qu’avait Arsinoé en son dessein convainquit Cléophas qui alla faire amende de ses maladresses passées au régent et lui offrit ses services de lettré. Ils passèrent grand temps ensemble, à discuter de nombreuses choses qui touchaient au Royaume et à ses frontières. Ils reparlèrent des troubles de l’Erac et évoquèrent ceux qui secouaient la région d’Oësgard. Le régent hésitait à repartir en campagne, Cléophas le persuada de rester et de laisser faire les pourparlers ; le régent s’inquiétait aussi de la situation dans le royaume immortel et voulut y envoyer le Baron en ambassade. Tout ce temps durant, Cléophas savait qu’Arsinoé appuierait ses talents et ses bontés auprès de son époux et le don qu’avait la Berthildoise pour persuader ceux qui croisaient son chemin n’avait plus à être vanté. Les fruits de son travail n’eurent pas à se faire attendre et passées deux ennéades, le régent fit venir Cléophas dans son cabinet et lui fit part de son désir de l’élever à l’office de la Grand-Chancellerie. Il disait que la cour périclitait et qu’il sentait qu’il ne pouvait assumer seul la régence d’une péninsule aussi bouillante que celle-ci et il accepta de déléguer quelques de ses charges au Baron qui était resté fidèle au Roy au cœur même des remous qui secouaient Cantharel. Ce jour-là, Cléophas vit que le Soleil brillait très haut et il alla visiter le jeune Roy qui avait montré des signes de grande fatigue. Ce même jour, il alla consulter les livres des mages de l’Arcanum et s’entretint avec eux ; alla voir la marquise pour la remercier chaleureusement de ses services ; alla au colombier rédiger une lettre à destination de Merval ; alla visiter ses quarts dans la tour de la chancellerie et le soir venu il était encore à dévaler les escaliers du château. Il ne lui sembla pas que le collier d’office pesait lourd sur ses épaules et cette idée le fit sourire.
« Les mages ! ». Le cri le tira de ses souvenirs. Il vit en contrebas une foule qui fonçait sur les sorcières et se délectait de leur sang. L’image lui glaça le sien, lui qui était le gardien des Alchymistes. Quand il se tourna, il aperçut le page qui était toujours là, haletant et qui lui disait, l’œil paniqué.
« Monseigneur… le roi… le régent…le…tous envolés…tous disparus…pfft…c’est pas possible…pas possible…Néera… » « Laissez les Dieux hors de cette affaire et allez plutôt trouver le chef de la garde. J’ai des mots à lui confier. »
La panique ambiante n’avait pas laissé le temps à Cléophas de mettre ses colliers d’ordre et il dévala sous une grande pelisse d’un rouge écarlate les marches de la tour de la Grande-chancellerie, désormais son office. Dans la grande cour pavée, entre les fumées et les cris, il cherchait du regard la veuve-marquise et se hâta vers elle ôtant de son chemin les parasites qui étaient restés sur place. Il régnait dans l’air une odeur de soufre qui faisait suffoquer certains et à laquelle Cléophas s’était habitué. Lorsqu’il vit la marquise, dont le visage contrit était partagé entre dolence et vengeance, il ne prit le temps de lui offrir des mots de réconfort mais se contenta de s’enquérir de l’état de son enfant. Dans l’ombre, il voyait s’approcher l’Argoth tenant au bras un des maîtres-mages de l’Arcanum. Ce dernier avait apparemment renoncé à la trahison et accepté l’ordination et le chancelier renfrogna lorsqu’il entendit ceci. Il voulut dire bien des choses au sujet d’Ascilin mais le temps ne lui fut pas laissé. Le chef de la garde déboula dans le cercle, le front suintant et les joues rougies par la chaleur qui s’était dégagée de l’œil azuré. A peine eut-il le temps de saluer la marquise que le chancelier le prit à part. « Prenez tous les mages qui traînent ici et parquez-les dans un des entrepôts à grain du château et débarrassez-moi la place de cette foutue plèbe. Débrouillez-vous pour sauver les égorgés qui peuvent encore l’être. »
D’acquiescer et de s’en aller, mais le chancelier le reprit par l’épaule et lui adressa encore quelques mots noyés par le vacarme et la fumée. Le chef de la garde inclina un peu plus bas la tête. Cléophas leva la tête vers le ciel et vit que l’œil bleu s’était dissipé dans les nuages et n’était plus resté qu’une lueur rougeoyante, comme si ce soir, la voûte céleste s’était embrasée d’un feu inextinguible.
Dernière édition par Cléophas d'Angleroy le Sam 15 Juin 2013 - 15:12, édité 2 fois |
| | | Arsinoé d'Olyssea
Ancien
Nombre de messages : 262 Âge : 31 Date d'inscription : 10/05/2012
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 28 ans Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Les ruines même ont péri. Jeu 13 Juin 2013 - 10:42 | |
| Morts, cela ne laissait aucun doute. Les minutes s'écoulaient agonisantes en ce lieu enfumé, les milles feux de joies de Diantra alimentant un ciel rougeoyant. Mais nul ne pouvait comparer aux noirâtres fumerolles en provenance du Templerond, repaire Mogarite au patron désormais trépassé. N'oubliant pas son devoir, elle appela le maître de sa garde messire deux-gueules à se présenter devers elle, qu'il rende aussitôt compte de la sûreté de Bohémond, le plus précieux nourrisson qu'il soit.
Non loin d'elle l'Argoth et sa prise gravissaient les restes squelettiques de l'Arcanum, tentant le sort à chaque pas. Un miracle que le tout ne se soit pas effondré sous leur poids jugea t-elle lorsque enfin ils se retrairent. Observant du coin de l’œil le conseil que tenaient l'Angleroy et un des doyens de la troupe Heldiroise qui servait de milice, elle retourna son attention vers le reître cadavérique et l’infâme qu'il tenait. Consentant enfin de croiser le regard apeuré de ce dernier, elle ne trouva alors qu'à donner libre cours à son fiel en s'esclaffant : « Voyez-là messires. qui put croire, si il le vit, que ce soit un droit mage loin de toute méchanceté. Vous le dites enclin à confesser, bien maigre redevance pour le crime terrible dont il se trouve accusé m'est avis. Aussi n'ai-je cure de ses grands parlemens, et le veux loin de moi. Tempérant sa fouge, elle ajouta alors : Messire d'Argoth, l'apostat Ascilin est en votre pouvoir et votre charité vous porte honneur...Mais le roy est mort, et justice doit être faite. »
Comme souvent depuis l'arrivée du sombre inconnu à la cour, elle ne parvenait à sonder ses intentions. Sa réputation ne laissait guère croire à un élan de pitié, une impossibilité qui dans l'esprit méfiant de la marquise se mua bien vite en d'infamantes suspicions. Une angoisse qui balaya les prémices d'un chagrin endeuillé, la dame ne désirant alors rien de plus que de quitter ce parvis maudit. Ce qu'elle fit assez-vite, laissant les capitaines royaux mais aussi ses propres feudataires Estienne et Jean à leur œuvre, soit la pacification de Diantra la meurtrie.
Elle gagna le palais et sa vaste salle d'apparat, marchant comme dans un songe sans accorder la moindre pensée aux gens l'accompagnant. Scrutant la voûte débile qui avait jadis eu raison de son oncle le Semoras, elle trouva l'endroit où la pierre avait cédé et sourit. Partout résonnaient les tintements eschatologiques du grand temple de notre Mère. Les cloches sonnaient pour les milles âmes damnées de cette nuit terrible. Pour le salut du roy. Pour la fin d'une ère. Reprenant ses esprits, elle poursuivit son ascension jusqu'à trouver table, encre et plume, rédigeant une missive aussi brève que lourde de sens à l'attention de son Sénéchal, qu'il lui fasse parvenir autant de lames qu'il y en avait en ses fiefs de l'Atral. |
| | | Hans
Ancien
Nombre de messages : 1666 Âge : 33 Date d'inscription : 19/03/2010
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 44 ans Taille : Niveau Magique : Eveillé / Néophyte.
| Sujet: Re: Les ruines même ont péri. Ven 14 Juin 2013 - 19:38 | |
| "Il en sera fait selon votre bon désir, Madame." Le factotum se fendit d'une révérence, avant de faire volte-face et de s'éclipser, emportant dans son sillage un magicien à la mine déconfite. Après qu'ils eurent passé les portes du château, Anseric prit le chemin de sa résidence, gardant Ascillin sur ses tallons. "Je vous recommanderais la plus grande discrétion, maître, et vous avez pu deviner par vous même le sort qui attend les gens de magie. Je ne vous ai toutefois pas soustrait à la geôle qui vous guettait par bonté de cœur, et si je puis vous aider à disparaître, j'entends bien compter désormais sur votre loyauté... et dans un premier temps, votre silence. Les frères mendiants de Saint-Mercatouille ne seront pas une si mauvaise compagnie, finalement ; lorsque j'aurais besoin de vous, c'est moi qui vous trouverais, n'ayez crainte."
Alors qu'ils remontaient les ruelles jusqu'à la place Léandre, leur avancée fut interrompue par une procession de loqueteux arborant la brique du mercatouillisme. L'occasion ne pouvait être plus rêvée. "Allez, maître, soyez un peu plus guilleret! C'est presque une fin heureuse, pour qui est responsable de la mort d'un roi." Anseric regagna sa demeure d'un pas léger, s'endormant le sourire jusqu'aux oreilles, alors qu'échappait de tous les beffrois de la ville un son de cloche assourdissant. |
| | | Cléophas d'Angleroy
Ancien
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 42 ans Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Les ruines même ont péri. Sam 22 Juin 2013 - 21:23 | |
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Le chancelier contemplait devant lui ce temple de désolation. Les gardes poussaient loin des flammes la foule d’enragés mais il y avait un sol jonché de débris, de cendres, de sang qui s’écoulait entre les lignes des pavés. Les mages étaient conduits à l’écart du chaos ; l’on ramassait les corps ; et toute la cour bouche bée qui se tenait dans l’aperture des portes. L’Argoth s’était emparé d’Ascilin puis éloigné, la marquise était retournée dans le palais en grande hâte et le Chancelier était resté seul témoin de la désolation. Il fallut peu de temps avant que la clameur des cloches vînt étouffer le crépitement des pierres chaudes et de quelque cour lointaine on entendait s’élever comme un murmure uniforme, des litanies funèbres. Cléophas ne s’attarda sur les lieux et alla rejoindre incontinent les magiciens qui grondaient derrière une lourde porte de chêne. Il s’étonnait de ce qu’ils n’avaient pas encore fait usage de leurs dons maléfiques pour s’opposer à la volonté de la cour mais qui était-il pour les en blâmer ? Flanqué de gardes aux piques encore brillantes, il fit irruption dans la pièce sombre et voûtée. Son constat était accablant : le palais allait manquer de grain lors du prochain hiver. Le temps ne lui fut pas laissé de décider des mesures à prendre que l’assemblée de sorciers rugissait déjà, lançant menaces et supplications. Il leva le bras et attendant qu’ils se taisent, fit signe à ses hommes d’armes de reculer de quelques pas, et la tension s’apaisa. Devant lui, les yeux des mages semblaient injectés de haine, d’incrédulité et de flammes aux reflets étranges mais il avait déjà vu les mêmes, lui semblait-il, dans les yeux des Alchymistes, lorsqu’il pénétra dans leur antre après le décès d’Eulalie. Aussi, son cœur ne s’arrêta-t-il pas de battre. « Messieurs, paix. Ce que je fais maintenant, croyez que je le fasse pour votre bien et non pour votre fin. A mon désarroi, je crains que ce qui ne vienne de se passer dans l’Arcanum ne reste un mystère à jamais, mais s’il est une chose certaine, c’est qu’il y a été question de sorcellerie. Le peuple vous tient pour responsables de la mort du Roi, la marquise du régent. Quant à moi, je me demande à quand remontait la dernière fois que la Couronne a eu à vous remercier. Le temps de Trystan est loin, passée la nostalgie de ses tours et de ses éclairs ; l’heure qui s’annonce est celle qui refuse de vous voir. La tour de l’Arcanum n’étant plus, il ne faudra que quelques jours avant que l’ordre ne soit dissous. Je ne tiens pas à un bain de sang, aussi je vous prie de bien vouloir suivre les gardes jusqu’au fort où vous resterez jusqu’à ce que l’on trouve un endroit plus propice à vos activités et que nous soyons fixés sur votre devenir. Comme je ne suis pas cruel, je suis certain que nous trouverons une solution à ce problème…momentané. » Filé, le chancelier, par la porte encore entrouverte. Les mages n’eurent pas le temps de répondre ou de crier encore qu’une longue file de hallebardes les mena rapidement, entre les maisons et les auberges, jusqu’au fort. La foule s’était dissipée de la place pour s’amasser ailleurs et une rixe entre les mages et eux n’aurait pu qu’aggraver la situation. La nuit était redevenue normale et l’on eut presque oublié que quelques heures auparavant, le palais disparaissait dans une tempête de lumière bleue. Le pas pressé, le chancelier fonçait, fendait les groupes de notables qui lui demandaient entretien et s’étonnaient de ce qui s’était passé. Du haut d’une chaire, un héraut tentait de se faire entendre, ajoutant la sienne au nombre des voix qui résonnaient entre les voûtes. On dit au chancelier qu’Arsinoé était retournée dans ses appartements murée dans un étrange silence et lui de se rendre dans un des petits temples du palais où l’on faisait brûler du bois de ciste et de la myrrhe dans les encensoirs. Une baie laissait filtrer la lumière de l’extérieur pour éclairer faiblement l’autel élevé en l’honneur de Néera. A peine entré, les quelques diacres présents s’inclinèrent et quittèrent l’endroit pour laisser Cléophas seul. Les genoux posés sur un tabouret de velours, il pria dans le tonnerre des carillons et les nuages parfumés. Il demandait à Néera… Il s’était reposé jusqu’au lever du jour. Les carillons sonnaient encore, mais on sentait la fatigue dans le bras de ceux qui les agitaient. La chambre sentait le suif et la sueur et Cléophas ne trouva rien d’autre pour se rincer la gorge qu’une coupe remplie d’eau vinaigrée. Quelques valets se hâtèrent lorsqu’ils entendirent ses pas dans la pièce et lui furent offerts quelques fruits sur un plateau et du vin dans une carafe. Congédiant les bonshommes, il but quelques gorgées de liqueur, empoigna une pêche et sortit de ses appartements tout vêtu de noir. Sur le chemin, il croquait dans le fruit mûr qui laissait perler ses gouttes de sucre sur son menton. Arrivé devant la porte des quartiers de la marquise, il attendit quelques minutes pour reprendre son souffle et se débarrasser de son noyau. Enfin, il entra et la découvrit, drapée de deuil et de mystère. Le visage d’Arsinoé pourtant n’avait pas semblé bouffi par les larmes ou contorsionné par la douleur, simplement frappé d’une étrange froideur. Passées les convenances des saluts et des condoléances, Cléophas trouva un siège et s’adressa à elle plus gravement. « Ma Dame, je suis venu ici pour vous donner mon conseil. Il nous faudra agir promptement et correctement. Vous n’êtes pas sans souvenance de la grande période de flottement qui suivit la mort de l’Aveugle et de ce qui s’ensuivit. Grâce à l’action de feu votre époux, l’Erac et le Berthildois se sont apaisés mais je crains que le brasier ne se ravive si nous n’agissons pas dans l’urgence. Avant toute chose, il s’agirait d’organiser les funérailles du Roi et dans la foulée celles du régent. Je me suis entretenu avec quelques-uns des prêtres qui rôdent dans le palais et ils m’assurent que toutes les dispositions peuvent être prises rapidement. Donnons au peuple une occasion de se rallier derrière la Couronne et d’oublier l’épisode des mages qui aurait pu être bien plus sanglant qu’il ne l’a été. Je me chargerai d’envoyer les missives commandant aux vassaux de la Couronne de venir se présenter aux funérailles ; ils seront nombreux je l’espère à répondre à notre appel. Si nous commençons les préparatifs dès le zénith d’aujourd’hui, nous pourrons pleurer la mort du Roi d’ici une ennéade au plus tard ; les lettres pourront partir avant le soir. Ce sera d’ailleurs une occasion de réconcilier la Couronne avec ceux qui ont souffert de la régence de votre époux. Cela vous semble-t-il convenable ? » A sa grande surprise, Cléophas vit dans une des coupes, une pêche qu’il s’empressa d’attraper. Celle-ci était plus rouge et plus juteuse encore que la précédente. Tout en écoutant la marquise, le chancelier se délectait du sucre qui en coulait et qui imbibait ses lèvres et le bout de ses doigts. La veille et ses tumultes lui semblaient déjà très lointains.
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| | | Arsinoé d'Olyssea
Ancien
Nombre de messages : 262 Âge : 31 Date d'inscription : 10/05/2012
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 28 ans Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Les ruines même ont péri. Dim 23 Juin 2013 - 17:11 | |
| Longtemps la dame demeura attablée, rédigeant à la hâte missive après missive. À Hubert le Scylléen, le chargeant de défendre avec hardiesse les intérêts du futur comte Bohémond auprès de viguiers et conseilliers de son pays. À ses parents Sharassiens, qu'ils garnissent de droits hommes leurs maisons nouvellement acquises en les ports de Berdes et Pharembourg. Au baillis du Christabellois, que l'on informa du décès de sa charge mais aussi de son devoir. À la Calmerrèse et à Cantharel. Puis dernièrement et au gré d'un caprice délicat à la Roseraie. Cela fait, la dame lâcha nonchalamment sa plume, éclabotant ainsi d'encre sa peau albâtre, et put enfin s'abandonner à la mélancolie que mandait telle tragédie.
Elles reconnaissait trop bien ces appartements ; son balconnet tout découvert, ses dalles et murs bariolés de teintes fantasques, la jolie fresque évoquant les mythes de la création recouvrant la toiture. Mais surtout en son sein tout enclos un lit paré et ordonné, véritable autel de luxure coiffé d'un dais garni de tentures soyeuses, et que son bon prince lui avait jadis fait découvrir. Elle se tenait sans l'ombre d'un doute dans la chambrée de la feue princesse du royaume, la dame Kamilia de Diantra. Le lieu même où un sombre spadassin s'était autrefois infiltré, violentant et se saisissant de ladite gourgandine qui jamais ne devrait retrouver son bon père. Ouy da, les coussins et draperies témoins de l’exaction avaient-été arsées il y a dix ans de cela, mais là souillure demeurerait à jamais.
Ayant seulement prise la peine de se déchausser, Arsinoé se vautra mollement dans cet océan de volupté. Laissant ses jambes pendre dangereusement de son rebord, le balayant de ses mains à la recherche du moindre pli dans le tissu. Elle se mélancolia, enfin, à la pensée de son Ivrey disparut à tout jamais. Il ne restait même pas un os du pauvret, pas un cheveux qu'elle pourrait pleurer drapée de blanc. Une larmette solitaire glissa alors le long de sa joue, arrêtant sa folle course sur un ongle qu'elle porta aussitôt à ses lèvres, goûtant de son chagrin qu'elle connut alors pour vrai. Elle aurait pu adonc sombrer dans un sommeil sans caprices, si ce n'était pour le frottement qui vint troubler sa triste quiétude : Une douceur mystérieuse se mouvant sous ses jupons et contre ses pieds. Engourdie, elle se redressa et retroussa sa robe, révélant la plus ravissante créature qu'il soit.
« Ô délice, Ô merveille ! »
Un chien oui, au poil de loup et pourvu d'un museau de renard, si petit qu'elle put s'en saisir sans heurts et le placer à ses cotés. La gentille bête entreprit alors de purifier ses yeux larmoyants, avant de se lover adextrée à sa maîtresse désormais assoupie.
Le matin vint, et avec lui toute une cohue de troubles et inquiétudes que lui porta grandement le sire Cléophas d'Angleroy, chancelier sans roy et baron sans duchesse. Écoutant avec attention son conseil qu'elle jugea probe et convenable, elle lui répondit simplement que : « Ceci est voire bel ami. Aussi vous avez mon congé, et avec la charge de Justiciaire de cette cité qui devra être apprêtée aux solennités qui l'attendent. Corrigez ceux qui l'auront desservi, oyez les complaintes des bonnes gens, faite inquisition sur les officiers de l'Arcanum mais aussi les Diantrois qui jamais n'ont tenu mon époux en grand amour. Je ressoigne à issir de ce chastel sans en connaître plus sur la nature du complot, mais je le ferai si besoin est. Disposez en attendant de ma soldatesque à votre convenance...mon deuil m'attend messire. »
Et si bellement honoré le baron s'en alla, la dame priant que l'emprise ne lui perde ni corps ni chevance. Prière qui en annonçait d'autres, la veuve faisant passer les heures la séparant du dîner cloîtrée dans le temple de la bâtisse, prenant enfin le temps d'imaginer et d'appréhender son futur bouleversé. Le dîner fut lui une maigre affaire parfumée de girofle, la marquise mangeant seule, ses mœurs adoucis par les chants moult mélodieux et doux de sa cousine Aélais de Saint-Aimé. L'enfant diaphane pleurait à chaudes larmes, au nom de son amie la petite Lyhann sans doute. Arsinoé entretint momentanément la notion de renvoyer l'enfant à son père, de l'éloigner de Diantra et ses mœurs perfides, mais se ravisa à la vue de sa beauté naissante qui faisait déjà le bonheur des artistes de la cour.
L'ennui mais aussi la curiosité la gagnant, elle décida alors d'aller à l'encontre du maître déchu Ascilin, apprenant assez-vite que jamais le renégat n'avait mis pieds dans le chastel. Déconfite, elle fit mander le loyal et capable Estienne de Sillé, captal du Theil et chevalier œuvrant à son service. Il fut chargé d'à son tour faire mander les diverses doyens et capitaines des routes et compagnies qui du temps d'Aetius avaient formé le cœur de l'ost royal ; Brandois, Heldirois où Landnostriens pour la plupart, qui avaient depuis longtemps achevé d'évincer les milices traîtresses de la cité. Mais d'abord, il devait se présenter à l'hostel de l'Argoth, avec lequel l'Olyssea désirait faire parlemens. |
| | | Cléophas d'Angleroy
Ancien
Nombre de messages : 314 Âge : 39 Date d'inscription : 22/12/2011
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 42 ans Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Les ruines même ont péri. Sam 29 Juin 2013 - 21:50 | |
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La marquise avait accepté sa requête et voilà que Cléophas s’affairait depuis quelques heures déjà à la rédaction de ses lettres destinées à tous les nobles et nobliaux qui peuplaient la péninsule. Dans son office, encore pesant de l’odeur de cire brûlée, d’ambre et de suif, il avait fait remonter des bibliothèques les armoriaux les plus récents. Il n’était pas un seigneur qui ne recevrait pas la missive de la Couronne, première de toute à être envoyée et qui marquerait le début des cérémonies de deuil en l’hommage du Petit-Roy, tel qu’affectueusement Cléophas se plaisait parfois à le nommer. Quoique doté d’un talent lorsqu’il s’agissait de parlementer et de correspondre, le Baron eu grand mal à trouver les mots justes pour une occasion aussi délicate que celle de la mort de toute une lignée de princes. Il était conscient de la situation du Royaume, encore fragile parce que sorti de la guerre et toujours en proie aux frondes vassales et aux velléités des seigneurs parfois contraires au bien même de la Péninsule. Pourtant, il souhaitait simplement que ces funérailles pussent être l’occasion d’oublier les différends et de se recueillir dans la lumière de la Damedieu et de ses acolytes bénis. Il lui fallut grand temps pour que le modèle fût écrit et ci-fait, il fit quérir un page et lui ordonna de monter des dizaines de vélins, de grands tubes d’encre et quelques poids d’argent à faire fondre. L’une après l’autre, Cléophas écrivit les lettres et les frappa du grand-sceau de la chancellerie. Odélian, Etherna ; Sybrondil, Ancenis ; Olyssëa et Berthilde ; Serramire et Soltariel ; Missède et Velteroc ; Hautval et l’Eraçon ; et les autres pays d’Ydril et d’Ysari et d’Alonna et tous les autres encore, sans compter les bannerets qui avaient naguère juré de servir le Roi, désormais éteint. Les sceaux brillants s’entassaient les uns sur les autres, dans la lueur des bougies, et dans la cour adjacente à la chancellerie, on voyait déjà des messagers apprêtant leurs montures et leurs quelques bagages ; ajustant leurs tenues et leurs étendards aux couleurs du Roi. Quand il eut fini de tout écrire, Cléophas alla remettre lui-même les lettres à leurs porteurs, leur intimant l’ordre de rallier aussi vite qu’ils le pourraient leurs destinations et de respecter les honneurs dus à leurs futurs hôtes. Il les vit, l’un derrière l’autre, quitter la capitale ; la bannière royale flottant au vent du crépuscule. Alors, il remonta et se pressa de s’effondrer dans une pile de coussins, la main encore usée de son effort. Dans la foulée, un page de la livrée de la marquise débarqua dans les appartements du Baron et lui remit la lettre qui officialisait sa nomination au poste de Justiciaire de Diantra, lui donnant autorité sur les gens de la cité et ses nombreux corps ; ainsi que les insignes qui allaient avec cette dignité. Une dernière fois, il relut la lettre qu’il avait envoyée aux nobles, s’assurant de n’avoir commis d’impair. Dans deux jours, elle allait irriguer la péninsule comme le sang avait jadis irrigué les plaines devant Diantra. "A tous les seigneurs, présents et à venir du Royaume, Salut.
Depuis que se sont élevées dans le Royaume des factions de félons, disputant notre autorité, il nous a semblé qu’une main divine s’est servie de nous pour en abattre la puissance et nous rendant l’instrument de la gloire, nous a permis d’avoir rétabli la féauté à la Couronne et de relever les contrées abattues où la violence de la trahison en avait effacé les marques. Lorsque nous avons entrepris la protection de nos alliés, il nous a semblé que les Dieux donnèrent des succès si heureux à nos armes qu’à la vue de tous, et en dépit de toute espérance, nous les rétablîmes en possession de leurs droits états. Si les plus grandes forces des ennemis communs de la Couronne se sont ralliées contre nous, les Dieux ont confondus leurs desseins. Mais, si d’un côté ils permirent de raffermir notre unité, ils nous ont aussi fait connaître que les plus grands héros ne sont pas exempts de la condition commune à tous les Hommes, ils ont permis au milieu de toutes ces prospérités, que nous ayons ressenti les effets de la faiblesse de la nature. La peine est grande pour nous d’avoir perdu en une journée le Roi et son Régent, le Comte de Scylla, et malgré la douleur qui prend nos os, nous pensons avant tout au bien du Royaume et à l’union de ses fils.
A ces causes, de notre certaine science, puissance et autorité conférée par la Couronne, nous avons ordonné et ordonnons, voulons et vous invitons par la présente missive à vous présenter aussi promptement que vos chevaux vous pourront porter, à la capitale où seront inhumées au cours d’une dolente et solennelle cérémonie, les âmes du Roi Eliam Ier, de la princesse sa sœur et de son oncle, le Comte de Scylla. Nous pourrons réaffirmer l’union du Royaume face aux menaces qui se dessinent au-dehors de nos frontières et ensemble nous pourrons penser à une ère plus belle et glorieuse que celle du chaos et du fracas dans laquelle nous sommes englués. Le Royaume a bien fait voir naguère qu’étant uni il était invincible et que d’icelle union dépend autant sa gloire que sa ruine et sa dissolution. Aussi les mauvais sujets seront retenus de fomenter aucune entreprise, jugeant bien qu’elles ne réussiront qu’à leur confusion lorsqu’ils verront l’autorité de la Couronne appuyée sur de si fermes fondements qu’elle ne pourra être ébranlée.
Aussi, la mort prématurée du Roi et du Régent nous forcent à penser aux mesures qui nous permettront de venir à bout du mal qui s’éprend de notre Royaume et des moyens pour réunir les fils de la Couronne sous sa bienveillante protection. Lors, sachant comme la charge de Régent est de si grand poids, sur laquelle repose le salut et la conservation entière du Royaume et qu’il est impossible qu’un seul homme puisse avoir la connaissance parfaite et si nécessaire à la résolution de si grandes et difficiles affaires qui ne s’acquiert qu’au terme d’une très longue expérience ; nous avons jugé à propos d’établir un Conseil par les avis duquel les délicates et importantes affaires du Royaume seront résolues suivant la pluralité des voies. Déclarons aussi que toutes les affaires de paix et de guerres ou importantes à la Couronne, même celles qui regarderaient la disposition de ses dignitaires, seront délibérées audit Conseil par la pluralité des voix. Par votre présence aux funérailles, nous pourrons éventuellement réfléchir ensemble à une façon d’assurer à tous, enfants de la Péninsule, un intérêt équitable dans la gestion de notre Royaume afin que nous puissions parvenir à retrouver la paix qui nous fait défaut depuis tant d’années et de pourvoir aux charges manquantes au sein dudit Conseil et au service de la Couronne.
Si donnons en mandement à nos féaux et agents de la Couronne, que cette présente missive ils aient à faire lire et registrer pour être ponctuellement gardée et observée sans qu’il puisse être contrevenu de quelque sorte ou manière que ce soit.
Ainsi déclare Cléophas d’Angleroy, Baron de Merval et Seigneur Justiciaire de Diantra, Chancelier de la Couronne par la grâce du Conseil."
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