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 Le Seigneur des Ruines [Libre]

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Hardrek Poing-de-Fer
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MessageSujet: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeSam 17 Oct 2015 - 13:01

Loin au Nord, par delà les épaisses forêts des Wandres, entre les falaises d’Arkans et les montagnes du Septentrion se situent les terres ancestrales de la race naine. Au pied des sommets enneigés se trouve la vallée du Kirgion, au fond de laquelle s’ouvre l’accès vers la plus grande et la plus belle cité naine qui ait jamais existé en ce monde : Kirgan, la cité des Rois.
 
La richesse de ce lieu était légendaire, de même que la qualité sans pareille de ses forges. Au plus profond de ses entrailles, loin sous les sommets enneigés, dans des tunnels où l’on peut presque entendre pulser le pouls du monde, le roi des nains régnait sur ses nombreux sujets. De cette gloire passée, il ne reste plus que ruines et désolation, car lors de la Malenuit le volcan souterrain se réveilla et noya la cité dans des flots de lave. L’ancien accès principal à Kirgan, s’effondra lors du cataclysme et des tonnes de roches bloquent depuis lors le passage vers les anciennes salles royales.
 
Toutefois, les architectes nains avaient depuis toujours prévus d’autres moyens d’accès à leur ville. En continuant à remonter le cours de la Virnée vers sa source, une fois passé devant les anciennes portes de la capitale, le voyageur arrive dans une partie de la vallée de Kirgion assez bien abritée, exposée plein Sud et dominée par un massif éperon rocheux sur lequel se dresse une antique forteresse naine. Au pied de l’éperon, une ouverture dans la paroi révèle l’une des entrées secondaires de Kirgan, encore intacte.
 
~~~~~
 
[Se référer à la fiche d'Hardrek pour avoir le résumé des événements qui l’amènent en ces lieux]
 
4ème ennéade du mois de Verimios, an 8 du XIème cycle
 
Le clan Poing-de-Fer était arrivé dans la vallée au début du mois, après un long voyage depuis la région de Nivor que bordaient les côtes glaciales de l’océan Nordique. Guidés par leur Thane, Hardrek Poing-de-Fer, les nains s’étaient installés dans l’ancienne forteresse dont les ruines leur garantissaient une relative sécurité. L’endroit avait été nommé « Fort Garmin », en hommage au dernier roi des nains, et depuis lors une activité permanente témoignait de la volonté du Thane de disposer d’un bastion solide. Bâtisseurs nés, les nains savaient modeler la roche pour la plier à la leur volonté, et tous les compagnons bâtisseurs du clan se trouvaient réquisitionnés pour réparer les fortifications de Fort Garmin.
 
Installé dans l’ancien donjon, Hardrek suivait l’avancement des travaux. Sa farouche volonté de reconquérir Kirgan lui rendait l’énergie de sa jeunesse, et le vieux nain sentait moins lourdement peser sur lui le poids de ses siècles. Chaque jour, il descendait en bas de l’éperon, et restait à méditer devant le tunnel à l’entrée duquel il avait planté l’étendard de son clan. Son Thryng lui avait proposé de commencer sans plus tarder les expéditions sous la montagne, mais le Thane avait refusé, arguant que maints dangers rôdaient dans les profondeurs et qu’il importait avant tout de disposer d’une place-forte et d’un ravitaillement efficace.
 
Retournant à sa table de travail, Hardrek prit la plume et commença à rédiger une missive de la plus haute importance.

 
Citation :
Au Roi de Lante, aux seigneurs de Thanor, et à tous les Thanes
 
J’ai appris avec satisfaction votre volonté commune de joindre vos forces afin de chasser les infâmes peaux-vertes qui occupent Almis, et ainsi de rendre aux nôtres les terres d’Almion. Il est doux pour le vieux général que je suis de voir une nouvelle génération relever la tête et rendre sa gloire passée à nos armes.
 
Mais un corps n’est rien sans sa tête, et celle de notre peuple git toujours sous terre, dévastée et profanée. Voilà pourquoi moi et les miens avons pris possession de la région de Kirgion, dont je suis désormais le Seigneur. Notre but est clair et nous ne nous en cachons pas : chasser les vermines et les monstres qui rôdent sous la montagne, dégager les anciens tunnels et faire de nouveau entendre le chant des forges dans les grands halls de Kirgan.
 
Sachez que je n’ai nulle prétention envers les terres de Lante ou de Thanor, pas plus qu’envers celles d’Almion. Si nous pouvons regretter l’époque où notre race vivait unie sous le règne du roi Garmin de glorieuse mémoire, nous devons accepter la réalité que nous a imposée la Malenuit et la nouvelle organisation politique dans laquelle chaque cité est devenu un état indépendant et non un vassal de Kirgan.
 
Faites savoir parmi notre peuple que tout nain désireux de se rendre au Kirgion afin de nous aider dans notre reconquête, de commercer avec nous ou simplement de venir se recueillir en ces lieux sacrés qui vit périr tant de nos frères est le très bienvenu, dès lors qu’il respectera les lois du clan Poing-de-Fer. Les autres races, humains, elfes ou drows ne seront par contre pas tolérées.
 
Ecrit à Fort Garmin, bastion extérieur de Kirgan
Hardrek Poing-de-Fer, Thane du clan Poing-de-Fer et Seigneur du Kirgion
 
Le Seigneur des Ruines fit appeler des messagers et leur ordonna de copier son message puis de le porter en autant d’endroits qu’il leur serait possible. Prenant à part le messager qui devait se rendre auprès des armées coalisées en Almion, il ajouta à voix basse :

Et… quand vous verrez mon fils, le roi… dites lui que je suis fier de ce qu’il a accompli.
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeSam 24 Oct 2015 - 18:06

Quelques jours plus tard, une austère procession descendit de Fort Garmin et s’arrêta devant les portes qui fermaient de nouveau le tunnel d’accès à Kirgan. Taillées et installées rapidement par les nains, elles n’avaient aucun objectif militaire et visaient uniquement à empêcher un imprudent de s’aventurer seul dans les profondeurs de la cité. Hardrek savaient que beaucoup de membres du clan rêvaient de la grandeur passée de Kirgan, et il voulait éviter les accidents. Si aucun bruit ne sortait de l’obscur corridor, le vieux Thane ne s’y fiait pas et craignait que la mort ne rode encore dans les galeries.

Ce jour-là toutefois avait une signification particulière. Accompagné par plus d’une vingtaine des siens, le Seigneur du Kirgion fit ouvrir les portes et s’enfonça sous la montagne, l’étendard de son clan dans une main, sa hache de guerre dans l’autre. A l’instant où il passa sous la voute et retrouva la fraicheur humide des souterrains, Hardrek ne put réprimer un frisson.


Je suis de retour, murmura-t-il.

Avançant lentement à la lueur des torches, les nains ne prononçaient pas un mot, émus de se retrouver dans le foyer de leurs ancêtres, dans la sainte cité des Rois. Ils se trouvaient assez éloignés de la zone la plus durement dévastée par la lave, et le tunnel se trouvait donc encore quasiment dans son état d’origine, tout juste fissuré en quelques endroits par les prodigieuses secousses qui avaient ébranlé la montagne en ces jours de colère où la fureur d’un Dieu causa le plus grand génocide de leur race.

Hardrek se souvenait assez bien de la disposition des lieux pour les avoir souvent parcouru lorsqu’il commandait la garnison de Kirgan, aussi ne fut-il pas surpris lorsqu’ils débouchèrent, au bout d’une centaine de mètres, dans une vaste salle soutenue par de massifs piliers sculptés sur toute leur hauteur. Tout autour de la salle, d’autres tunnels similaires à celui par lequel ils étaient arrivés s’enfonçaient dans les ténèbres.

Un poste de garde, affirma l’un des nains.

Le Thane acquiesça en silence. Les réseaux extérieurs des galeries étaient conçus telle une toile d’araignée, les multiples tunnels se croisant et s’entrecroisant dans diverses salles pareilles à celle où ils se trouvaient. Certains tunnels menaient parfois à des culs-de-sac, d’autres bouclaient pour revenir à leur point de départ, et quelques uns seulement permettaient de descendre dans les profondeurs, vers les salles royales où le roi Garmin tenait sa cour. S’il s’agissait d’un redoutable labyrinthe pour un assaillant, les nains pouvaient ainsi déplacer leurs forces rapidement et prendre à revers tout ennemi qui se serait égaré.

Au centre de la salle, les restes d’une baliste montée sur un piédestal prouvaient qu’il s’agissait bien d’un poste de garde. Hardrek pouvait presque se remémorer la salle telle qu’il l’avait connu : une dizaine de gardes en faction, certains se reposant dans le petite dortoir creusé à même le piédestal, d’autres ôtant toute trace de rouille qui apparaitrait sur la baliste, d’autres encore vérifiant les identités des nains qui sortaient d’un tunnel pour entrer dans un autre. Une véritable ruche qui se répétait sur des kilomètres sous terre, un prodige d’architecture tel que Miradelphia n’en connaissait plus.

Grimpant sur le piédestal, le Thane coinça solidement son étendard dans les restes tordus de la baliste, de telle sorte que la bannière du clan Poing-de-Fer domine l’ancien poste de garde. Puis, frappant bruyamment avec le plat de sa hache sur un bouclier fendu qui gisait au sol, il hurla à l’attention des ténèbres :


Je suis Hardrek Poing-de-Fer, Seigneur du Kirgion, et cette cité est mienne ! Fuyez ma colère, misérables cloportes, et quittez à jamais ces lieux, sinon je viendrai vous trancher les couilles et vous regretterez le jour où votre catin de mère s’est laissée culbuter en échange d'une pièce de bronze !

Tout autour de lui et à son signal, les nains acclamèrent avec enthousiasme leur chef, faisant eux aussi s’entrechoquer leurs armes et proférant les pires menaces qu’ils pouvaient à l’attention de tous ceux qui pourraient les entendre. Puis, toujours conduits par Hardrek, ils repartirent à regret vers l’extérieur, le Thane leur ayant expliqué avant de venir qu’ils ne pourraient établir un campement permanent dans la cité même qu’une fois le ravitaillement assuré et les remparts de Fort Garmin consolidés.

Au moment de sortir à la lumière du jour, Hardrek murmura discrètement à l’oreille d’un de ses vieux compagnons d’armes :


Chaque jour, envoie une patrouille pour fouiller cette salle. Le vacarme que nous avons provoqué a forcément été entendu, l’écho porte loin dans ces tunnels. S’il n’y a que des monstres là-dessous, ils viendront renifler notre odeur et nous trouverons leurs empreintes. Mais s’il y a des espèces intelligentes et suffisamment bien armées, leurs chefs ne pourront faire autrement que de monter pour arracher l’étendard. Dans un cas comme dans l’autre, nous saurons contre quoi nous allons devoir nous battre.

Derrière eux, les portes de la cité se refermèrent… temporairement.
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeVen 6 Nov 2015 - 14:13

5ème ennéade du mois de Verimios, an 8 du XIème cycle

Chaque matin, la patrouille suivait le même rituel : après avoir quitté Fort Garmin, les nains descendaient de l’éperon rocheux jusque dans la vallée de la Virnée, saluant au passage leurs compagnons qui vivaient désormais dans de petites fermes servant à alimenter en nourriture le clan. Ayant rejoint le fleuve, ils le suivaient pendant quelques kilomètres à la recherche de toute forme de vie potentiellement hostiles. Puis, ils s’en revenaient sur leurs pas et pénétraient sous la montagne jusqu’à l’ancienne salle de garde de Kirgan, là où leur Thane avait planté l’étendard en défiant quiconque de venir le prendre.

Et ce jour-là comme les autres, ils retrouvèrent l’étendard flottant fièrement au-dessus de la baliste rouillée. Toutefois, une très légère odeur flottait dans l’air, une odeur qui ne s’y trouvait pas la veille. La main sur le manche de leurs haches, les yeux aux aguets, les nains entreprirent une fouille systématiques des lieux. La roche granitique ne permettrait pas de garder des traces, toutefois un jeune guerrier trouva dans un coin de la salle un petit amas collant, qui se révéla à la lueur des torches être des fils de soie.


Des araignées géantes, maugréa un vétéran.

Un de ses compagnons cracha au sol en jurant. Isolée, une araignée géante ne constituait pas un challenge insurmontable pour un nain armé d’une bonne lame, mais elles vivaient souvent en essaim grouillant. Ceux qui en avaient déjà affronté savaient que certaines pouvaient atteindre une taille considérable et peser plusieurs centaines de kilos, en faisant des adversaires réellement redoutables. Cela sans compter leurs fils collants qui pouvaient vous immobiliser, ou leur venin qui vous rongeait en quelques minutes. Ayant vérifié qu’aucun indice ne révéleraient la présence d’autres intrus, la patrouille reprit la route de Fort Garmin.

Une fois mis au courant de la présence d’arachnides dans les boyaux de sa cité, le Seigneur des Ruines tapa du poing sur la table.


Eh bien nous allons trouver leur nid et le brûler, rugit Hardrek. Ces vermines craignent le feu par-dessus tout, profitons-en.

Le jour-même fut acté une expédition au sein de Kirgan, réunissant une trentaine de guerriers, runistes et guérisseurs. Malgré les conseils de prudence des siens, le Thane refusa de rester en sécurité à Fort Garmin, désireux de faire tâter de sa hache aux monstres qui hantaient les galeries. Ses vieux compagnons d’armes le regardaient en souriant, heureux de voir l’éclat guerrier briller de nouveau dans l’œil de leur chef.
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeSam 21 Nov 2015 - 16:19

L’expédition quitta Fort Garmin le lendemain à l’aube, s’enfonçant dans les obscurs boyaux de Kirgan sous les acclamations des nains qui resteraient en sécurité à la surface. Cette fois, il ne s’agissait point d’une simple reconnaissance mais bien d’une attaque en règle contre ceux qui profanaient la sainte cité des Rois sous la montagne. Hardrek avait majoritairement choisi des vétérans ayant connu les lieux avant le Voile, afin de bénéficier d’une solide connaissance du terrain. Plusieurs nains venus de Lante ou de Thanor avaient protesté contre ce qu’ils voyaient comme une inujustice, mais la décision du Thane avait prévalu : tant que la cité ne serait pas sécurisée, seuls ceux qui y avaient vécu pourraient y pénétrer

Partant de l’ancienne salle de garde où flottait l’étendard du clan, les nains empruntèrent un tunnel qui descendait vers les niveaux inférieurs, les yeux et les oreilles aux aguets. A la faible lueur des torches, les galeries prenaient un aspect presque fantomatique, encore renforcé par le silence sépulcral qui y régnait. Pour ceux qui se souvenaient du puissant grondement des forges et des fourneaux qui emplissait autrefois ces mêmes lieux, cette quiétude anormale entrainait un léger sentiment de malaise et de tension. Hardrek lui-même serrait nerveusement le manche de sa hache sans s’en rendre compte, en permanence à l’affut d’une attaque éventuelle.

Plusieurs heures passèrent ainsi, dans cette ambiance d’outre-tombe, juste rythmées par quelques pauses afin de chercher des traces ou de vérifier la solidité d’une voute fendue par les secousses telluriques. A plusieurs reprises, les éclaireurs repérèrent des traces d’araignée, de plus en plus présentes au fur et à mesure de leur avancée, signe qu’ils s’approchaient d’un nid. Sur ordre des officiers, le nombre de torches fut augmenté. Sachant que les araignées pouvaient se débrouiller aisément dans une totale obscurité, les nains préféraient combattre en pleine lumière, fut-ce au risque de se faire repérer les premiers.

Ce fut une odeur qui attira leur attention…

Une odeur douceâtre et désagréable qui agressait les narines, comme celle d’un cadavre en décomposition, venue d’une salle qui avait servi dans le temps d’entrepôt. Lorsqu’ils y pénétrèrent, les membres de l’expédition se trouvèrent face à des amas de toiles d’araignée courant jusqu’au plafond et entourant de leurs fils nombre de cocons. Certains de ses cocons étaient brisés, et des araignées grosses comme une tête y grouillaient, leurs multiples yeux se posant sur les intrus.


Cramez-moi tout ça, ordonna sèchement Hardrek.

Fendant une toile de sa hache, le Seigneur du Kirgion trancha net une de ces araignées nouveau-nées. Tout autour de lui, les nains apposaient leurs torches sur les toiles qui s’enflammaient comme du vieil amadou. En un instant, le calme des galeries s’emplit des cris stridents des araignées prises au piège des flammes ou écrasées par l’acier nain. Il ne s’agissait nullement d’une bataille glorieuse digne d’être chantée par les bardes au fond des tavernes, mais d’une simple extermination de nuisibles que le clan Poing-de-Fer accomplissait avec une froide efficacité.

Le chaos qui régnait dans la pouponnière attira bien vite les adultes, et des araignées grosses comme de petits chevaux jaillirent de plusieurs embrasures, bien décidées à sauver leur progéniture. Plus de la moitié de la salle se trouvait déjà envahie par les flammes, et les combats se déroulaient à leur lueur, le reflet de l’acier jouant sur les ombres des monstres. Les araignées disposaient du nombre et de la taille, mais les nains possédaient dans leur jeu la qualité de leurs armes et leur discipline martiale. Les crochets empoisonnés raclaient les boucliers ou les armures sans parvenir à les traverser, et si un nain tombait, un de ses compagnons le tirait vers l’arrière avant de prendre sa place.
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeMer 25 Nov 2015 - 15:06

Esquivant une vicieuse attaque, Hardrek planta sa hache dans le crâne d’une araignée géante, qui s’effondra lourdement au sol, ses huit pattes encore agitées de soubresauts nerveux. Essuyant la sueur qui coulait sur son front, le vieux Thane regarda autour de lui, la flamme du combat qui brûlait ses veines lui faisant oublier la fatigue de ses longs siècles et le poids de son armure. Le clan face à l’ennemi, le Bien face au Mal, voilà les concepts simples qui structuraient ce combat, permettant aux âmes des vrais guerriers de s’y exprimer pleinement.

L’affrontement touchait cependant  à sa fin, les araignées ayant peu à peu cédé face à l’acier des nains qui tranchait les carapaces en chitine comme du beurre. Dans un coin, un petit groupe de monstres résistait encore, mais il fut bien vite attaqué de tous côtés et réduit à merci. Peu à peu, le calme revint dans la salle, juste troublé par les gémissements des blessés qui appelaient à l’aide le soigneur du groupe, et le crépitement des derniers feux qui baissaient en intensité par manque de combustible. Une odeur de viande grillée flottait dans l’air, quelque peu écœurante tant elle vous prenait à la gorge.


État des pertes ? demanda Hardrek à ses lieutenants.
Trois morts, cinq blessés, nous nous en sortons bien.

Grommelant un assentiment, le Thane ôta son casque et entreprit d’étudier les lieux, ce qu’il n’avait pas eu le temps de faire en arrivant. L’entrepôt dans lequel ils se trouvaient semblait indiquer une proximité avec l’ancien Marché de Kirgan. La zone avait été épargnée par l’éruption du volcan, et si l’on exceptait des fissures lézardant le plafond les lieux paraissaient relativement stables. Accompagné par quelques guerriers, Hardrek parcourut les salles avoisinantes et les corridors obscurs, constatant avec satisfaction qu’ils se trouvaient dans un ensemble de la cité constituant en lui-même un petit sous-réseau isolé du reste.

Nous tournons en rond, non ? demanda l’un des nains
Rien d’étonnant, mon gars, répondit le Thane. A plusieurs endroits dans Kirgan se trouvent des réseaux auxquels on ne pouvait accéder que par deux ou trois galeries bien spécifiques. Nous sommes dans un tel réseau, essayons de trouver les autres accès que celui emprunté à l’aller.

Au bout de quelques heures de recherches, les nains avaient identifiés deux autres tunnels permettant  de sortir du réseau de salles où ils se trouvaient. L’un se trouvait en majeure partie éboulé et de ce fait inutilisable, l’autre s’enfonçait encore plus profondément vers la cavité centrale de Kirgan. Satisfaits, les nains revinrent à l’entrepôt qui leur servait désormais de quartier général et entreprirent d’en évacuer les débris et cadavres qui s’y amoncelaient. Tandis que les blessés et une escorte prenaient lentement le chemin de la surface, un messager les devança afin d’aller annoncer aux habitants de Fort Garmin que le clan Poing-de-Fer s’était installé de nouveau dans la cité de Kirgan.
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeMar 15 Déc 2015 - 11:03

9ème ennéade du mois de Verimios, an 8 du XIème cycle

Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis l’affrontement avec la horde d’araignées au sein des entrailles de Kirgan. Les nains du clan poing-de-Fer avaient déblayé les lieux afin de les rendre de nouveau habitables, et cette partie de la cité reprenaient lentement vie. Des fortifications isolaient le réseau de galeries du reste de la cité, où monstres et autres horreurs rôdaient toujours, permettant ainsi d’assurer la sécurité nécessaire au bon fonctionnement d’une communauté. Certes, Kirgan restait totalement dépendante de Fort Garmin et des fermes à l’extérieur pour son approvisionnement, mais l’objectif principal du Seigneur du Kirgion était atteint : des nains résidaient de nouveau dans l’ancienne capitale.

En son for intérieur, le vieux Thane savait que la réalité restait nettement plus hasardeuse que ce bilan quelque peu enjolivé : moins du dixième de la cité se trouvait colonisé, et ni les salles royales ni les grandes forges n’avaient pu être retrouvées. Les expéditions dans les profondeurs revenaient toutes avec le même constat d’échec : l’éruption avait profondément modifié la configuration des lieux, et aucun tunnel d’accès jusqu’aux niveaux inférieurs ne paraissait encore exister. Ou tout du moins, aucun n’avait été retrouvé intact. Quant aux mines elles-mêmes, le clan Poing-de-Fer avait pu rouvrir quelques filons d’or et de fer, et si cela avait occasionné de grandes réjouissances, tous savaient qu’il ne s’agissait là que des parties supérieures des anciens réseaux, lesquels plongeaient bien plus loin sous la montagne. Si les volumes extraits suffisaient aux besoins du clan, les anciens poussaient des soupirs de tristesse dans leurs barbes grises en repensant aux milliers de wagonnets qui ressortaient remplis de richesses du temps de la splendeur des Rois sous la Montagne.

Malgré tout, la situation s’avérait satisfaisante. L’annonce de l’arrivée du clan Poing-de-Fer au Kirgion avait atteint d’autres cités, et presque chaque jour quelques curieux ou explorateurs intrépides se présentaient aux portes, avides de retourner dans le lieu saint où leurs pères et les grands-pères avaient vécus depuis des cycles. Cela permettait à la petite communauté de s’adjoindre de nouveaux membres, certains d’entre eux étant même acceptés au sein du clan afin de compenser les pertes subies lors du rude voyage depuis Nivor. Fidèle à sa parole, Hardrek laissait libre accès aux nains tant qu’ils respectaient la loi du clan, les rares membres d’autres races à venir se voyant poliment mais fermement reconduits d’où ils venaient.
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeDim 3 Jan 2016 - 15:01


      Ainsi Almia avait tenu. Contre toute attente, défiant ceux qui l’avaient trop tôt vouée à l’anéantissement, la petite colonie avait enduré ce qui ne pouvait être qu’un jugement du Père. Les couloirs supérieurs étaient à présent pleinement reconquis par les Nains ; les salles médianes avaient été purgées de nombreuses fois, et le sang des vertegueules finissait ça et là de dégoutter du plafond de pierre jusqu’auquel les haches tournoyantes l’avaient fait jaillir. S’il restait de vastes puits sans fond, abandonnés de longue date par les Nains à la vermine, déjà les barbes se massaient à leurs abords ; parfois des jeunots s’y précipitaient, repus de hargne, gorgés d’hydromel, et ils y disparaissaient dans un grand fracas. Les barbes plus grisonnantes tenaient la garde près de de ces zones encore sauvages. Patiemment, ces anciens attendaient le jour où la fureur de Mogar aurait recrû, et où les prêtres leur intimeraient de descendre dévaster ces galeries, dans un tourbillon fracassant. Toute cette industrie déployée par les Nains, invaincus dans leur cité, était un spectacle admirable, et c’était sans plus rougir que Dun Eyr pouvait considérer la Perle du Nord reforgée. Une ennéade plus tôt, à la galerie supérieure, les Mogaristes avaient fait exploser les remblais de pierre qui avaient été bâtis à la hâte, quelques saisons plus tôt, pour condamner Almia avant l’assaut des Vertegueules. Ainsi la grand’porte était à présent descellée, et l’air de l’Almion et, plus loin, celui de la Nérania, soufflaient de nouveau dans la colonie rebâtie. Almia retrouvait enfin l’allée auguste qui montait depuis la vaste vallée, pour s’engouffrer dans ses tunnels ; devant ce spectacle retrouvé, les Nains avaient décidé de rebaptiser cette grand’route, en l’honneur de leur premier prophète, la Voie d’Agrarald. En effet, le Dolbarg’Ma aurait été fier de voir sa Perle reconquise, à nouveau triomphante sur le faîte des montagnes, et ouverte aux Nains des cités de l’Ouest qui avaient été récemment aperçus sur les routes. Et c’était en pensant à ce vieux collègue que, quelques jours plus tard, Dun Eyr avait remonté la Voie d’Agrarald, pour s’éloigner vers le Septentrion.
      Car tout ce qu’avait annoncé Agrarald, songeait Dun Eyr tandis qu’il marchait vers le Nord, était vrai, tout s’était révélé exact. Les Nains avaient enduré l’épreuve de Mogar et ils en avaient triomphé, preuve qu’ils étaient toujours les fils privilégiés du Père. A voir Almia réédifiée, à contempler comment une poignée de dévots avaient vaincu et le froid et la faim, et les Vertegueules, et tout le bestiaire hideux déchaîné dans les entrailles d’Almia, nul ne pouvait plus douter que toute la Nanie devait se vouer plus étroitement encore à Mogar. Un rayon de soleil courait sur la neige blanche, et Dun Eyr en considéra la course sur la peau nue de ses bras : son corps n’était plus qu’un cuir, tanné et endurci par la guerre, rendu indestructible par la foi en Mogar. Que pense le rocher sous le burin du sculpteur ? Qu’on le mutile, alors qu’on le façonne. Il en allait de même pour les Nains, songeait Dun Eyr, et c’était la noble mission des Almiens, revenus de l’enfer de la Reconquête, d’en convaincre la Nanie tout entière, feu le Royaume de Kirgan. Voilà pourquoi Dun Eyr avait fait apprêter, par les Prêtres de Mogar à Almia, de longs traités de rhétorique religieuse qu’il ferait porter à Lante et à Thanor ; et dans l’attente que les scribes achèvent leur lent travail de copiste, le Lirganiste s’en était allé vers le Nord, trouver les clans sauvages rebelles à Mogar, pour les convertir.
      Ils ne furent pas difficiles à trouver, ces renégats qui essaimaient dans toutes les Hautes-Terres. A cinq jours de marche d’Almia, trois de ces brutes jaillirent d’une congère et chargèrent contre Dun Eyr. Lui eut à peine le temps de voir la charpente colossale de ces sauvages, dont l’un chevauchait un ours noir comme la cendre, et qui beuglaient leurs imprécations à Briessa en courant au combat. C’était bien la marque de ceux qui s’étaient trop longtemps détournés du Père, d’engager des batailles si inéquitables contre leurs parents, et cette lâche férocité n’inspirait à Dun Eyr qu’un dégoût mêlé de haine. La magie de Lirgan arracha au sol trois pierres, qui filèrent contre les crânes des assaillants ; et une seconde avant le fracas, la colère de Mogar embrasa ces galets furieux, de sorte qu’ils firent éclater et tout aussitôt brûler les cervelles des impies. Les trois cadavres étêtés basculèrent d’un coup, et la neige les recueillit mollement dans un flic-floc spongieux. Ne restait plus que l’ours, soudain désorienté, car les trois traits enflammés avaient sifflé tout autour de lui. Secouant sa gueule bêtasse, l’animal eut un regard idiot pour ses compagnons répandus alentour ; Dun Eyr en profita, bondit à lui, et il fracassa la trogne de l’ours de son maillet luisant, celui d’Agrarald, lorsqu’il guidait Almia. Toute la structure de la bête s’effondra dans l’instant, aux pieds du Nain, où le sang se mit à fuiter par gros bouillons. Dun Eyr arracha les tripes de l’ours, aussitôt il les consacra à Mogar qui lui avait offert ce triomphe facile. Puis le prophète poursuivit la route qu’il traçait vers le Nord et l’Ouest.
      Mais à la fin de ce cinquième jour, à la nuit tombée, des ombres apparurent dans les replis des bosquets environnants. Dun Eyr entendit dans l’air glacial les échos enfiévrés des ours et des loups qui se répondaient, et même de quelques Nains sauvages qui, oublieux de leur nature, ululaient et feulaient pour honorer Briessa, qu’ils croyaient leur Mère. Les arbres clairsemés qui ceinturaient Dun Eyr semblaient se renvoyer les borborygmes des sauvages et des bêtes. L’Almien eut vite ramassé une branche de bois pourrie, à laquelle Mogar apporta une flamme bienvenue, pour aider son fils à percer les ténèbres du Nord. Malheur lui en prit ; voilà Dun Eyr devenue une proie facile pour les Nains sauvages, tandis que les loups le flairaient déjà à la sueur qui s’exhalait par tous les pores de sa peau. Sans rien renier de sa bravoure de Mogariste, mais conscient du massacre au-devant duquel il courait s’il se présentait seul face aux clans, les mains encore rougies du sang des leurs, Dun Eyr courba soudain son chemin vers l’Ouest. Il secouait sa tête comme il courait, pour en chasser l’idée qu’il prenait bassement la fuite, et son maillet passé à sa ceinture lui battait les hanches à chacune de ses enjambées précipitées. L’Almien arriva vite à des falaises dominant des précipices, où la terre semblait soudain s’arrêter : devant ses pieds s’étiraient des coulées de neige qui couraient à la verticale, raides, jusqu’à disparaître au bas de la montagne. Les grognements des bêtes et des Nains se massaient derrière lui, quelques mâchoires claquaient à une distance proche ; aussi Dun Eyr, après avoir carré sa torche entre ses dents, plongea dans les coulées de neige et fila vers les vallées de l’Ouest.
      Les clans sauvages avaient bondi à sa suite, mais dévaler des congères était un jeu dangereux. Dun Eyr sentit la peau de ses mains qui cédait, lorsqu’il plongeait à pleines poignées dans la neige, tantôt à droite, parfois à gauche, pour incurver sa course de ci ou de là ; ses poings bleuis par le froid, comme deux masses de glace, étaient cisaillées aléatoirement par un rocher enfoui sous la glace. Tournant la tête, l’Almien vit filer, plus vite que lui, des loups hurlant à la mort, qui glissaient sans aucune prise sur des pistes de glace et qui aboutissaient dans des ravins. Les bêtes passaient un instant dans le champ de vision du Nain, dont la torche qu’il mordait à pleine dents faisait danser alentour une lumière incertaine. Puis dans un dernier jappement, comme des chiots pleureurs, ces fourrures tétanisées allaient s’écraser mille mètre plus bas. Quelques Nains sauvages, aussi, se bousculèrent ici ou là ; et un qui manœuvrait dangereusement pour rejoindre Dun Eyr, fut soudain tourneboulé par un ours qui filait comme un poids mort vers le gouffre.
      Cette effrayante épreuve dura de longues heures, et peut-être même des jours multiples, mais Dun Eyr en avait perdu le compte. Parfois il s’arrêtait, agrippé de la main à un arbre, et il remontait alors vers les cimes. Ses pas s’enfonçaient mollement dans la neige, et c’était un parcours harassant de quitter ces vallées glissantes. Mais qu’un loup surgisse soudain, ou bien qu’une brute hurle derrière lui ; et Dun Eyr, qui s’était à peine extrait d’un vallon, quittait aussitôt la cime et devait dévaler l’autre versant de la même montagne. Sûrement ses premiers traqueurs, qui l’avaient aperçu la nuit du cinquième jour hors d’Almia, étaient-ils tous morts ou disparus ; mais de loin en loin, les ours grondaient, les loups hurlaient, et la même chasse reprenait perpétuellement.
      Enfin Dun Eyr, harassé par la fatigue, maculé de son propre sang aussitôt saisi par le givre, ayant depuis longtemps égaré sa torche, aperçut au loin les tourelles austères d’un fortin. L’Almien se tenait alors sur une maigre crête enchâssée dans quelques arbres déplumés, d’où s’échappaient des grognements menaçants, des couinements de bêtes en chasse. Sifflant soudain, une pierre vint s’écraser sur son dos, jetée depuis la pénombre derrière lui ; une seconde la suivit, elle le heurta en plein crâne. Dun Eyr goûta sur sa lèvre la saveur âpre de son sang, qui s’écoulait en un filet depuis sa tempe ; la tête commençait à lui tourner. Sans attendre, le Nain bondit en avant, marchant à grandes enjambées, s’enfonçant mollement dans la neige amoncelée sur les pentes de la vallée. D’autres projectiles allaient s’écraser autour de lui, soulevant des gerbes dans le duvet moutonnant de la montagne. L’Almien voulut forcer le pas, se retenant malgré tout pour ne pas glisser. Mais un horrible hurlement le rattrapa soudain : un loup émacié, le poitrail hérissé, avait bondi sur lui et le tenaillait à la gorge. Dun Eyr cria mais sa voix disparaissait, tandis que les crocs de la bête se refermaient sur sa gorge. Après quelques coups en arrière, mais vains, car il ne pouvait plus se dégager, le Nain bondit tête la première dans la neige et, roulant sur la pente au milieu avec le loup, sa barbe indistinctement mêlée dans la fourrure de l’autre, il dévala la crevasse qui filait droit au fortin. Dans son dos, une clameur bestiale le poursuivait ; les Nains et les bêtes, croyant que l’Almien voulait leur échapper, s’étaient tous précipités à sa suite dans la coulée escarpée, défiant la petite citadelle qui se tenait en contrebas.
      Emporté dans la chute, Dun Eyr luttait confusément avec le loup. Un instant, il eut le dessus sur l’autre ; le visage du Nain émergea de la lutte et, en un éclair, il perçut les abords flous du fortin dont ils s’approchaient à toute vitesse. La nuit noire l’empêchait de distinguer si, sur les crénelures de la place, les gardes – mais de quelle faction ? – avaient aperçu la troupe sauvage qui allait s’abattre sur leurs abords. Dun Eyr décocha un coup au loup, et peut-être toucha-t-il une part sensible de la bête, car elle jappa et se tut un instant. Les deux corps filaient toujours à une vitesse abasourdissante, suivis en cela par les claquements pas si lointains de mâchoires avides. La neige jaillissait de toutes parts, le fouettait au visage, remplissait sa bouche et l’étouffait à demi. L’Almien contempla une seconde le désespoir de sa situation, et il ne put que s’en remettre pleinement à Mogar, le Père, qui ne devait l’avoir aussi cruellement abandonné. Peut-être le Guerrier entendit-il la supplique confuse du Nain culbutant ; toujours est-il que, alors que Dun Eyr dévalait toujours la piste, une flamme soudain l’entoura. Cette grande gerbe brûlante dévora le loup, qui geignit pitoyablement avant de crever dans une congère. Ses poursuivants hurlèrent à cris redoublés, mais le feu du Père était toujours avec l’Almien lorsqu’il fila, cerné de flammes, droit sur la porte du Fort Garmin.
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Hardrek Poing-de-Fer
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeDim 10 Jan 2016 - 19:48

Cette nuit-là, les guetteurs en poste sur les murailles de Fort Garmin indiquèrent apercevoir des lueurs étranges dans la forêt qui couvrait les premières cimes montagneuses autour de la citadelle. Depuis quelques temps déjà des groupes de nains semi-sauvages rôdaient dans les alentours, aussi la patrouille qui sortit pour aller enquêter regroupait-elle une quinzaine de guerriers lourdement armés, haches à la main. Les ordres du Thane étaient aussi clairs que concis : n’ayez aucune pitié envers ceux qui ne respectent pas la loi du clan. Le Kirgion demeurait une région dangereuse où seule la force permettrait aux Poings-de-Fer d’y survivre.

Alors qu’ils s’approchaient de l’origine des lueurs, le chef de la patrouille entendit retentir les hurlements des loups. Crachant par terre, il raffermit sa prise sur le manche de sa hache et ordonna à ses guerriers de se tenir près. Les bêtes sauvages servaient parfois de compagnons à des nains rendus à moitié fous depuis la Malenuit. Offrir à ces pauvres déments une bonne tombe constituait presque un acte de charité, et l’officier se sentait d’humeur très charitable.


On y va, les gars, grommela-t-il. Maintenez la formation, personne ne s’écarte du groupe.

Alors qu’ils arrivaient dans une espèce de cuvette naturelle, les nains écarquillèrent les yeux en voyant un bolide enflammé descendre l’une des pentes, plusieurs loups et renégats à ses trousses. Sans prêtez plus d’attention que cela au curieux projectile, la patrouille chargea en hurlant leurs cris de guerre, tomba à bras raccourcis sur les poursuivants trop occupés par la traque pour les avoir vu arriver.

Malgré l’effet de surprise dont ils furent victime, les nains renégats se reprirent assez vite, la brutalité pour laquelle ils vivaient leur enlevant toute idée de peur. La cuvette résonna alors de cris de rage, des jappements des loups blessés et du tintement du métal contre le métal. Dans de telles escarmouches, seules comptent la qualité du matériel et la solidité de l’organisation, domaines dans lesquels les nains du Kirgion dominaient assez nettement leurs adversaires. Conservant toujours leurs cohérence au combat et se couvrant les uns les autres, leurs armes tranchaient chair et fourrure avec avidité.

Lorsqu’enfin les sauvages comprirent l’inutilité de continuer la lutte et s’enfuir vers les hauteurs, plus de la moitié d’entre eux gisaient raides morts sur la neige, leur sang la colorant d’ocre à la lueur des torches. Du côté du clan Poing-de-Fer également on comptait deux morts, et trois blessés sérieux qui nécessiteraient urgemment l’aide des soigneurs. L’affrontement n’avait pourtant duré que quelques minutes, et malgré cela Tyra pouvait déjà compter les âmes que la furie des batailles lui offrait.

Ôtant son casque sous lequel il étouffait, l’officier poussa du pied le projectile enflammé dont s’échappait encore quelques fumées éparses, et jura à voix basse en reconnaissant un nain couvert de sang. Blessé, l’inconnu vivait toujours mais risquait de geler à mort s’il restait là. Conscient que le Thane souhaiterait probablement rencontrer ce mystérieux visiteur, le nain ordonna à ses soldats de le porter, ainsi que leurs propres blessés, jusqu’à Fort Garmin. Une moitié de la patrouille resta sur place pour veiller les morts en attendant qu’on puisse envoyer un chariot permettant de les raccompagner plus dignement jusqu’à leur dernière demeure. Sans doute seraient-ils inhumés dans les profondeurs même de Kirgan, et leurs compagnons se dirent qu’au fond cette fin en valait bien une autre.


~~~~~

Le lendemain matin, Hardrek ouvrit la porte de l’infirmerie de fort Garmin, dans laquelle reposait l’inconnu de la nuit. Ses blessures ayant été pansées, il reposait dans une petite pièce à part, sa santé n’étant pas en danger selon ses soigneurs. Lorsque le vieux seigneur du Kirgion ouvrit la porte et reconnut le blessé, il ne put retenir une exclamation de surprise.

Eh bien, Dun Eyr. Chacune de nos rencontres doit-elle donc avoir lieu à l’occasion d’un combat ?
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeSam 11 Juin 2016 - 23:27

      Hardrek n’obtint aucune réponse à sa question. Ni ce jour-là, ni le suivant : Dun Eyr, qui semblait pourtant hors de danger, demeurait évanoui sur une civière de joncs tressés. Il délirait vaguement dans son sommeil fiévreux.
      Au troisième jour, l’infirmerie était déserte, et l’Almien avait disparu.

      On le retrouva au sommet d’un petit talus, qui surplombait les accès de l’ancienne Kirgan, au-devant de Fort Garmin. Ses habits dévorés par le feu du Père qui l’avait conduit jusqu’ici, Dun Eyr avait reçu de ses hôtes une maigre bure, trop fine pour empêcher le froid de s’insinuer. Cette chemise flottait à présent autour de son corps asséché par le voyage et le jeûne. Les mains du Nain étaient rouges, ses ongles noirs de sang séché : visiblement l’Almien, sitôt réveillé, avait trouvé une charogne quelconque à égorger, dans le petit matin, au nom de Mogar.
      Du regard, Dun Eyr embrassait la véritable petite ville qui s’était étirée autour des ruines de Kirgan. Depuis les contreforts de la Virnée, des fermes nourrissaient les mineurs qui s’échinaient à la reconquête du sous-sol. Une plantation anarchique de cahutes et de tentes indiquait également le pouvoir d’attraction que la ville exerçait sur les Nains du pays entier. Derrière lui, enfin, juché sur sa hauteur, Fort Garmin surplombait l’ensemble, et les palissades de bois étaient comme un reflet des bastions de marbre qui avaient autrefois couru devant Kirgan, la cité du Roi.
      Lui, Dun Eyr, le prophète de la reconquête d’Almia, aurait dû se réjouir des mêmes efforts déployés ici pour rétablir Kirgan, l’ancestrale, l’arrogante mère des cités Naines. Pourtant un quelque-chose froissait l’Almien, qui plissait durement le front et fronçait les narines, méfiant face à ce chantier audacieux. Il huma quelques fois l’air, promena un regard circulaire alentour, et sa conviction fut établie.
      « Le Père n’est honoré nulle part, gronda Dun Eyr pour lui-même. Ils ont chassé Mogar de la nouvelle Kirgan, les fous. »
      Et c’était d’autant plus outrageant, se ressouvint l’Almien, qu’on disait la cité maudite par le Père. Des fragments d’une conversation avec le vénérable Agrarald Dolbarg’Ma revinrent à l’esprit de Dun Eyr, lourds de présages : la colère divine avait verrouillé la zone entière, nul n’aurait dû y pénétrer à nouveau – et certainement pas sans y réédifier, avant toute autre chose, un mausolée à la gloire du Guerrier.

      Il fallait agir vite, songea Dun Eyr. Il héla d’un sifflement un Nain local qui passait tout proche : il faut croire que le jeûne n’avait pas diminué son autorité, car l’appelé répondit docilement à l’appel. L’Almien lui ordonna alors sans hésiter :
      « Va trouver le dément qui orchestre cette folie – inconscient à l’infirmerie, Dun Eyr n’avait pas pu s’apercevoir que c’était Hardrek, le vieux compagnon des luttes – et dis-lui que je prends le contrôle de la cité. Toutes les excavations doivent cesser à l’instant, et qu’on évacue Kirgan dans l’heure. »
      L’autre marqua un temps d’arrêt, puis il s’en retourna à toutes jambes vers Fort Garmin – pour exécuter l’ordre reçu, ou pour alerter ses compères qu’une barbe sénile délirait dans la neige, cela, Dun Eyr l’ignorait bien. Au reste, il s’en désintéressait résolument. L’Almien s’était accroupi dans la neige éternelle qui s’agrippait ici aux montagnes et, indifférent au froid qui perçait sa bure trop fine, le cul humide, il entreprit de mesurer l’ampleur de la fureur du Père.
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeJeu 14 Juil 2016 - 8:10


Sans doute l’histoire aurait-elle tourné différemment si Hardrek s’était trouvé à Fort Garmin, mais le vieux Thane venait de s’enfoncer dans les souterrains de Kirgan suite à des nouvelles intéressantes quant aux explorations devant permettre de trouver l’ancienne salle du trône. Persuadé que Dun Eyr resterait encore de longues journées dans son sommeil comateux, ou à tout le moins qu’il tiendrait le lit et suivrait les conseils de repos des soigneurs, le Seigneur des Ruines n’avait laissé aucune instruction concernant l’Almien ni même expliqué qu’il s’agissait d’une vieille connaissance et presque d’un ami. Cet oubli allait hélas s’avérer fort dommageable, en particulier pour notre doux dingue autoproclamé prophète de Mogar.

Le jeune nain porteur du délicat message diplomatique pouvant s’apparenter à « vous êtes des crétins, fichez le camp ! » alla directement voir Gründ Forge-Chaude, l’un des lieutenants de Hardrek depuis l’époque de l’exil au Nivor et dont les réserves de patiences ne pouvaient se mesurer qu’à l’échelle atomique. Gründ n’avait pas vu d’un bon œil l’arrivée de Dun Eyr, persuadé que ce dément en guenilles qui marmonnait dans son sommeil des louanges à Mogar ou des menaces de destruction ne pouvait que constituer une source de problèmes. Le message du jeune nain confirma ses craintes, et c’est accompagné d’une douzaine de robustes guerriers que le vétéran alla apporter sa réponse à l’ultimatum.

Dun Eyr se trouvait toujours sur son promontoire à regarder le cloaque de déchéance qu’était devenu Kirgan. Des laïcs ! Quelle horreur ! Il y avait dans cette communauté tellement de sentiments frôlant l’athéisme que cela devait lui hérisser les poils, exploit remarquable vu l’abondante pilosité du nain. Nulle part Mogar ne se trouvait honoré, aucun temple ne se dressait en son honneur, aucun feu ne brûlait pour honorer le Père. Sans doute Dun aurait-il continué dans ses sombres pensées si une main massive ne s’était pas à cet instant posée sur son épaule, le forçant à pivoter sur lui-même. L’Almien se retrouva face au regard courroucé de Gründ, remplacé dans la seconde par le poing du guerrier qui s’abattit avec la puissance d’une avalanche.

Affaibli, épuisé par le voyage et les privations, mal nourri, tenu plus par la force de sa foi que par ses muscles, Dun Eyr n’avait plus l’endurance pour encaisser un tel coup et fit un magnifique vol plané conclu par un atterrissage douloureux contre un rocher.


Alors comme ça, c’est toi qui veux qu’on parte d’ici, hein ?

S’approchant, Gründ flanqua un coup de pied dans les côtes du nain à terre, se fichant bien de lui en casser une ou deux au passage. Ses lourdes bottes ferrées frappèrent de nouveau, arrachant un gémissement de douleur à sa victime.

Tu sais quoi, barbe-à-poux ? Je n’aime pas que des pouilleux fanatiques comme toi viennent flanquer le bazar parce qu’ils croient que Mogar leur parle.

Deux des gardes relevèrent Dun Eyr, le malheureux Almien pouvant à peine tenir seul sur ses pieds. Alors qu’il ouvrait la bouche… pour parler ou simplement pour reprendre son souffle ?... le poing de Gründ vint s’abattre sur son estomac, lui coupant la respiration.

Je suis en charge de la sécurité de cette colonie, et j’ai bien assez à faire pour ne pas m’encombrer de fauteurs de troubles.

Un uppercut vint saisir Dun Eyr au menton, lui déchaussa plusieurs dents au passage.

Foutez-le en geôle ! Qu’il y croupisse quelques semaines, ca l’aidera à réfléchir avant de parler. Le Thane décidera de ton sort lorsqu’il reviendra… s’il y pense, bien sur ! Mais tu n’es pas pressé, n’est-ce pas ? Ah ah ah !

Et ce sont des gardes, fort amusés par la plaisanterie pourtant plutôt médiocre de leur chef, qui traînèrent le corps pantelant de Dun Eyr en direction de Fort Garmin pour lui faire découvrir les joies de la réclusion dans les anciennes caves de la forteresse, reconverties depuis lors en prison.
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeDim 14 Aoû 2016 - 20:50

      « Crétins ! », grogna Dun Eyr pour lui-même, en passant la pointe de sa langue entre ses dents. Ses incisives, l’uppercut de Gründ les avait balayées ; il restait un trou béant dans la gencive, d’où s’écoulait du sang mêlé d’un peu de pus. Le Nain cracha un glaviot brunâtre, et ses lèvres arrondirent un sourire percé, tout édenté. Il n’aurait su dire combien d’heures, ou de jours, il était resté inconscient, ici, dans sa geôle. Mais à présent ses esprits lui étaient pleinement revenus, et il jubilait intensément : on l’avait enfermé dans une prison de pierre ; de partout, alentour, Dun Eyr pouvait humer l’essence fébrile de la roche, ce vieux cœur de montagne où logeait Kirgan. Croire que la puissance arcanique de Mogar saurait être contenue par la roche, c’était espérer freiner un Holwerm avec un feu de paille. Dun Eyr bandait déjà toutes ses potentialités magiques, comme il flairait sa geôle de pierre : on aurait pu dire qu’il s’apprêtait à percer la roche, comme si ç’avait été une pucelle qui lui offrait ses jambes grandes ouvertes – si la sexualité Naine avait eu le moindre rapport avec celle des autres races…

      Le Nain fit trois pas en arrière, pour se placer au centre même de sa cellule. Sa main gauche, il l’étira devant lui, comme il aurait épaulé pour viser au javelot ; et la droite, elle plongeait vers le sol de pierre, presque pour appeler à elle la fureur de Mogar qui avait imbibé ces terres ancestrales depuis des siècles. Alors Dun Eyr ouvrit sa bouche aux dents fracassées, et il convoqua les torrents de magie : ces courants dérivés de la hargne du Père, il les plia, il les courba, et il leur ordonna qu’ils ruissellent à pleins flux !

      Mais le flux, c’est de sa bouche édentée qu’il jaillit, et à grandes gerbes. L’instant d’après, Dun Eyr roulait par terre, vomissant en jets gigantesques. Hors de ses entrailles, et à travers ses lèvres, cela roulait, cela ricochait, cela rebondissait à tout-va : de la bile de Nain, il y en eut bientôt sur toute la cellule, du sol au sommet, par rasades ravageuses. Il cracha et cracha encore, à n’en plus finir : jamais on ne vit un seul corps autant arroser. La performance défiait la nature, et pour cause : c’était bien un reflux magique qui agitait le Haut-Prêtre, à cet instant petite forme informe, tordue à terre, se roulant dans tout ce qu’il avait lui-même rendu. Une odeur infecte imprégna bientôt toute la cellule, propre à retourner l’estomac du Nain – s’il cela n’avait déjà été le cas.

      Alors Dun Eyr comprit que la vallée était maudite ; il sentit, dans les soubresauts de la magie rebelle, tout le ressentiment du Père pour cette Kirgan nouvelle qu’il avait interdit qu’on fît naître. Mais on avait tant profané alentour, que l’énergie de Mogar, ne sachant plus où cogner, refusait de se laisser discipliner. Alentour, sur tous les environs soumis à la fureur du Père, ce n’était plus qu’un océan déchaîné de magie indomptable. Que les Nains qui creusaient ici leur propre tombe ne l’aient pas encore perçu, c’était proprement stupéfiant – et terrifiant, songea-t-il.

      Lorsqu’il arrêta de se contorsionner au sol, lorsqu’un peu de souffle lui fut revenu, Dun Eyr se remit sur ses pieds. Soudain, des tréfonds de sa cellule couverte de vomissures, sa mission lui apparaissait avec limpidité. Il alla, manquant de glisser dans ses glaires, vers la porte close de sa cellule : c’était de là qu’il pouvait espérer être entendu. Aussitôt, animé par toute la puissance du Père, et sans avoir nettoyé ses dents et sa barbe, il se mit à hurler, à tempêter, à claironner à tous les vents, dans le parler almien le plus infâme : les mots roulaient dans les postillons grumeleux, la voix tremblait terriblement. Ce qu’il envoyait transpercer Kirgan au-dessus de lui, c’était un immonde brouet d’insultes et de malédictions, de maléfices et d’injures : soudain, il était pleinement Prophète, mais un Prophète qui crachait des strophes lourdes de catastrophes. La Kirgan impie, qui jamais n’aurait dû être reconstruite, il la vouait à une nouvelle chute, au pire des massacres, à la destruction par le feu sacré du Père ; et les Nains dégénérés qui avaient osé profaner la zone prohibée par Mogar, Dun Eyr les abreuvait de qualificatifs dont seule la langue almienne – formée par des siècles d’insultes à destination des Elfes au-delà de la mer – pouvait exprimer les nuances.

      Et cette agitation atroce, ce soliloque d’insultes scabreuses, il avait les poumons et la rage pour le déverser pendant des heures, si pas des jours.
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeVen 28 Oct 2016 - 18:27


Plusieurs jours passèrent ainsi dans les ténèbres souterrains des geôles de fort Garmin, laissant Dun Eyr seul face à sa folie, à ses désillusions et à sa rage. Les cris et les injures n’atteignaient pas les niveaux supérieurs où Hardrek apprit à son retour de Kirgan les actes pour le moins surprenants de cet encombrant invité. Le cas de Dun Eyr crispait tout le clan, obligeant le Thane à réunir le conseil pour recevoir leurs avis et prendre la seule décision qui pouvait à la fois convenir au code de l’honneur et à celui de la raison.

La porte de la cellule s’ouvrit, dévoilant la massive silhouette du Seigneur des Ruines. Une unique torche portée par un garde n’éclairait que fort peu la scène qui aurait pu sortir tout droit des pires cauchemars, tant le prisonnier avait causé du chaos à la mesure de ses moyens. Prudence ou tout simplement dégout face aux flaques peu ragoutantes qui empuantissaient l’endroit, Hardrek ne s’avança pas et resta au niveau du chambranle de la porte.


Dun Eyr ?

Deux yeux se fixèrent dans les siens, deux yeux où se lisaient un fanatisme, une folie n’ayant plus rien à voir avec l’ironie joyeuse du nain rencontré durant le Voile. Hardrek ignorait par quelles épreuves son ancien compagnon avait du passer, mais il n’en était pas revenu intact.

J’ai été mis au courant de tes actes depuis que nous t’avons recueilli et j’ai eu du mal à y croire, malgré la confiance que j’ai dans ceux qui m’ont narré les faits. J’ignore quels motifs te poussent à agir ainsi, mais ta présence risque d’être source de troubles, ce que je ne peux tolérer. Il ne t’appartient pas de remettre en cause la cause sacrée que j’ai entreprise en reconquérant Kirgan et en chassant à coups de haches les monstres qui hantaient ces couloirs où mille générations des nôtres ont vécu, travaillé et combattu.

Une courte pause, tandis que les deux nains se jaugeaient du regard, comme dans un duel silencieux.

La cité des Rois doit revenir à notre peuple. J’ai juré que tous les nains pourraient de nouveau fouler les galeries de nos ancêtres, mais ton fanatisme risque de tout remettre en cause. Plusieurs parmi mon conseil m’ont demandé de te mettre à mort par sécurité, mais en mémoire du nain honorable que tu fus autrefois, j’ai refusé.

Hardrek fit signe à plusieurs robustes soldats d’aller chercher le prisonnier.

Dun Eyr, tu es banni des terres du Kirgion. Ces soldats t’escorteront jusqu’à la route de Lante et te laisseront quelques provisions pour que tu puisses continuer seul. De là, tu trouveras bien ton chemin jusqu’à d’autres contrées. Adieu !

Sans ajouter un mot de plus, le Seigneur des Ruines tourna les talons et quitta les geôles. Avait-il refusé d’écouter la réponse du prisonnier par pitié ou par crainte ? Lui-même aurait été bien en peine d’y répondre.
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MessageSujet: Re: Le Seigneur des Ruines [Libre]   Le Seigneur des Ruines [Libre] I_icon_minitimeSam 29 Oct 2016 - 8:52

      Le bannissement fut exécuté sans attendre. L’heure suivante, Dun Eyr gravissait les chemins enneigés hors du Krigion, vers les lignes de crête qui annonçaient les deux Virnés et, au-delà, le Lörn. Les soldats qui l’encadraient avaient cru bon d’enchaîner l’Almien, et c’était les poignets entravés de liens d’acier, qu’il devait remonter les pentes escarpées de la vallée maudite. Dun Eyr dut cependant admettre, dans un demi-sourire, que l’idée n’était probablement pas de Hardrek ; que son vieil ami ne serait jamais tombé si bas. Du reste, la précaution était inutile. C’était l’effroi qui entravait Dun Eyr à cet instant, l’effroi de ce qu’il avait aperçu à Fort-Garmin ; et ce sentiment sinueux le poursuivrait longtemps après avoir quitté le Kirgion.

      Lorsque Hardrek l’avait vrillé de ses deux yeux profonds, tout à l’heure, Dun Eyr avait été saisi de spasmes d’horreur. Un Nain sans Père, voilà ce qu’il avait découvert dans son vieil ami. L’Almien n’avait pas retrouvé, logé au fond des prunelles du Thane, le feu sacré, l’éclat rouge qui animait les guerriers dans la Perle du Nord. C’avait été comme voir une monstruosité contre la nature, un Nain misérablement diminué ; comme s’il avait manqué à Hardrek sa barbe. Dun Eyr avait détourné doucement le regard, gêné. Il n’avait pas vraiment écouté les paroles du Thane, même s’il n’avait pas pu en ignorer le sens général – à présent qu’il en comprenait la cause.

      Comme ils s’éloignaient à présent de Fort-Garmin, Dun Eyr jetait par instants des regards dérobés à son escorte. Dans leurs prunelles, il croyait deviner le même vide, la même absence béante du Père – et s’éloigner du cœur maudit du Kirgion ne semblait rien y faire.

      Et Dun Eyr ressassait le dernier regard que lui avait jeté le Thane. Il était incapable d’oublier ces deux prunelles qui lui avaient semblé si vides. Comme souvent depuis le Voile, l’Almien sentit une immense pitié l’envahir, en considérant à quelle distance infinie du Père certains Nains avaient échoué. Mais que pouvaient-ils chercher, ces Nains perdus qui profanaient les décombres de la cité maudite, si ce n’était la délivrance par l’acier et les flammes ? Et pourquoi Hardrek l’aurait-il rendu à la liberté, plutôt que de simplement l’exécuter, s’il n’espérait pas que Dun Eyr lui offre le salut un jour prochain ?

      Hardrek avait été un allié loyal, et un ami fidèle. Dun Eyr se jura alors de le rendre lui-même à Mogar – de le tuer de ses propres mains.

* * *

      La ligne de crête était encore lointaine ; Dun Eyr devinait que leur petite troupe remontait à présent, et péniblement, ce qu’il avait dévalé si rapidement, il y avait une éternité de cela, semblait-il. Lorsqu’ils attendraient le sommet, l’Almien quitterait le Kirgion. Il marcherait encore de nombreux jours, par-delà la Virné, et à travers le Lörn, pour rejoindre son bel Almion. Il entrerait dans la Perle du Nord par les portes centrales, exhumées quelques saisons plus tôt, et devant lesquelles brûlait un bûcher éternel pour le Père. Il passerait dans les galeries intérieures, vers les premiers niveaux pleinement reconquis, et il irait jusqu’au temple nouveau de Mogar à Almia, qu’on achevait d’excaver. Là, il sonnerait dans la trompe de cuivre, qu’on avait retrouvée dans les profondeurs détruites de la cité ; et il ordonnerait aux prêtres qu’on batte les tambours de peau. Cette mélodie nouvelle traverserait Almia, elle s’insinuerait dans tous les tunnels, elle résonnerait dans toutes les cavités. Lorsqu’elles parviendraient, ces quelques notes battantes, jusqu’à eux, les Nains arrêteraient un instant leur labeur. Ils tendraient l’oreille et écouteraient ce son qu’on n’avait jamais entendu depuis la Reconquête, mais que tous connaissaient. Peut-être hésiteraient-ils un instant, harassés, exténués qu’ils seraient ; mais ils s’en remettraient au Père en toute chose, et reprendraient le labeur, animés d’une nouvelle fureur. Ce jour-là, Almia serait en guerre.
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