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| Où l'on cherche encore et toujours à nommer l'innommable [Dandelo] | |
| | Auteur | Message |
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Kassandra
Ancien
Nombre de messages : 1120 Âge : 32 Date d'inscription : 23/09/2009
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 28 ans Taille : Niveau Magique : Eveillé / Néophyte.
| Sujet: Où l'on cherche encore et toujours à nommer l'innommable [Dandelo] Ven 26 Juil 2013 - 16:29 | |
| L’aube blafârde inonda la vieille bicoque d’une lumière grisâtre, touchant le visage à moitié enfoui sous une chevelure rousse éparse qui ne s’éveilla pas de suite. La nuit avait été rude, Morphée pouvait encore bien lui laisser un peu de répit. Un œil s’ouvrit, paresseux, pour se refermer la seconde d’après : il y avait des matins où on aurait préféré ne jamais se réveiller, et ceux-là se faisaient de plus en plus nombreux. Le corps engourdi, la jeune femme s’étira lentement, faisant rouler chaque muscle avec peine avant de se retourner sur le dos, paupières écarquillées, souffle lent. Le plafond décrépi s’offrit à elle comme une vision assez concise de son quotidien depuis la disparition de son père, de Katalina, et de Manolesti. Si elle avait fini par taire la froide rancœur à l’égard de sa demi-sœur, se retrouver lésée de toutes ses promesses d’or, d’aventures et de navigation en compagnie de la vipère noire du jour au lendemain avait été une douche froide qui l’avait fait déchanter. Le reste de l’auguste troupe qui s’était formée à leur évasion de Diantra s’était dissous, pour un bien ou un mal, peu lui importait à présent. La somme de tous ses points de repère, ou du moins de ses récents nouveaux guides s’était annulée, se ramenant à un néant qui avait très vite succédé à l’ennui, puis à la débauche, refuge facile quand on se situait sur l’île de Meca. De cette manière, l’ivresse et les paradis artificiels permirent de faire rapidement taire les remords et autres regrets susceptibles de faire surface.
Mais Kassandra ne pouvait jamais bien longtemps oublier, et ce malgré les levures les mieux fermentées, les rhums les mieux élaborés et les hydromels les plus soigneusement confectionnés, que ce quotidien d’ivrogne dans lequel elle s’embourbait progressivement ne présageait rien qui vaille. Encore quelques mois et elle pouvait finir par croupir six pieds sous terre aux côtés de son géniteur d’adoption. Elle était sur la bonne voie, elle qui s’était bien longtemps moquée de l’affection sordide de son paternel pour la boisson. Sa bouche pâteuse lui rappela comme un amer relent les restes avinés de la veille qui ne passaient pas, et lorsqu’elle se redressa dans son lit de fortune, ce fut une douloureuse et violente nausée qui accompagna ses gestes. Portant sa main à ses lèvres, la jeune femme ne put cependant réprimer plus longtemps un hoquet et rendit pêle-mêle le peu de bile qu’elle avait encore dans les tripes. Le pathétique de la chose la fit renifler amèrement et elle repoussa soudainement les draps, écuelles et autres futailles qui jonchaient le sol rongé par l’humidité. Ses pieds rentrèrent en contact avec les planches froides et elle se saisit du corselet et du pantalon sombre qui reposaient contre l’une des chaises bancales composant le mobilier de la pièce, s’en allant faire un brin de toilette dans un bassinet archaïque empli d’une eau aussi claire qu’anormalement fraîche. Quelques minutes encore plus tard, elle sortit de la baraque branlante avec un de ces sacs en toile de jute dont on ne sait s’en accommoder autrement qu’en les portant sur l’épaule. Sa main gauche, elle, s’était resserrée sur une drôle de clé ouvragée qu’elle glissa dans sa poche.
L’eau et le vent qui lui fouetta les joues raviva quelque peu son énergie et acheva d’effacer une partie de sa gueule de bois, alors qu’elle affrontait les rayons d’un soleil visiblement peu enclin à se dévoiler entièrement. L’automne avait commencé à s’installer, c’était la meilleure période pour retourner là où elle le souhaitait. Serramire n’avait sans doute rien à lui offrir de plus que les autres territoires du continent, mais c’était la seule piste qu’elle avait décidé de suivre, sans être totalement sûre d’y trouver quoi que ce soit qui la satisfasse. N’ayant rien à perdre et tout à gagner, le risque pouvait être cependant pris sans difficulté.
La rouquine entama de fait sa marche, lente mais réfléchie, jusqu’aux sentiers qui la guideraient sur les pontons du port principal mecan. La demeure de feu Rhamyr en était quelque peu excentrée, mais il suffisait de connaître les bons chemins pour pouvoir rapidement déboucher dans l’animation des quartiers et des venelles embaumant l’air salé et le poisson séché du cœur de la cité océanique. Il lui parut soudainement étrange de s’approcher au plus près des navires et de les scruter, alors que la rouquine n’avait pas mis pied sur un pont depuis ce qui apparaissait comme une éternité à ses yeux fatigués. Elle fronça le nez, scrutant avec un peu plus de minutie que d’envie les différents bâtiments arrimés et leurs noms, leurs mâts plus ou moins fièrement dressés, leurs moindres signes distinctifs, espérant peut-être que l’un se rappelle à son bon souvenir, qu’elle connaisse l’équipage de celui-ci ou qu’elle puisse s’intégrer facilement à ce rafiot-là : en vain. Elle ne pouvait pas emprunter un navire commercial sans avoir à payer son accès en espèces sonnantes et trébuchantes, et n’avait pas envie de s’enrôler dans une compagnie de fortune miséreuse où elle risquait davantage de finir dans une cale en piteux état qu’à bon port à Serramire.
Ses iris clairs s’arrêtèrent finalement sur une galère aux dimensions plutôt honorables, dont l’agitation sur le pont attirait d’ailleurs l’attention de temps à autre des passants. Son intuition lui soufflait que le capitaine de la galère devait être suffisamment fiable au vu de sa monture, et elle eut tôt fait de s’esquiver alors qu’un garnement qui l’avait repérée tentait de l’interpeller pour lui vanter les mérites de son fameux « verjus du pays ». Lorsque la rouquine s’approcha de l’imposant bateau tout en s’écartant du drôle de charlatan, franchissant quelques mètres supplémentaires le long des pontons, sa curiosité prit le dessus et à sa question candidement posée à un jeune bleu qui en descendait, l’air rougeaud et préoccupé, ce dernier lui répondit que la belle bête de bois à laquelle elle faisait face n’était autre qu'un de ces rafiots où la place était aussi exorbitante de prix que d'inconfort, et qu'à moins d'avoir du temps et des souverains à perdre, il lui valait mieux se faufiler dans une coquille de noix en attendant la prochaine vague. L'échec de sa recherche la fit rapidement perdre patience, alors que sa main droite vint naturellement fouiller dans l'arrière-poche de son pantalon pour y recueillir une poignée de petites feuilles de khat, d'une teinte proche de la mousse, qu'elle se mit à mâchonner après une profonde inspiration. Un coup de pouce sûrement salvateur qui lui donnerait les idées claires et les prémices d'un nouveau plan, du moins l'espérait-elle.
Tournant les talons pour refaire en sens inverse le trajet du ponton, la rouquine eut la désagréable surprise de se retrouver de nouveau confrontée au vendeur de verjus, décidément d'une humeur fort commerciale ce matin-là. Le voilà qui lui exposait, plus en caquetant qu'en ne parlant, les vertus bienfaitrices de son breuvage aux volutes suspectes, lui confiant là qu'il possédait un « fameux remède, digne des plus grandes cures de jouvence dont toute femme rêverait ».
« Sans rire, c't'une bin belle affaire qu'vous avez là ! Prof'tez-en hin ma bonne dame, pasqu'vous savez, les jolies fleurs, ça s'fâne vite ! 'Plus c'pas bin bin cher, trente écus pour une gorgée ? » « Ah oui, vraiment ? » demandait-elle sans vraiment s'intéresser à la chose, tentant de continuer son avancée en esquivant le marchand à la sauvette qui traînait dans ses pattes. « Ouais, m'fin vous savez, 'vec vos jolis yeux, j'vous en donn'rais bin deux ... Pis si vous êtes bin gentille, v'pourriez r'cupérer une fiole pour l'même prix ... » Les coups d'oeils concupiscents qui accompagnaient l'invitation scabreuse à peine voilée firent le reste. La pente devenait de plus en plus graveleuse, et Kassandra n'avait guère la patience de discourir plus longtemps. Problème majeur, cependant : il était difficile de se débarrasser sans heurts d'un tel parasite.
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| | | Dandelo
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on cherche encore et toujours à nommer l'innommable [Dandelo] Lun 29 Juil 2013 - 23:05 | |
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Dandelo se réveilla brutalement. Un vive douleur lui tiraillait les côtes et lui coupait le souffle. Il se redressa tant bien que mal, s’égratignant douloureusement la main sur le sol rocheux traîtreusement dissimulé sous un tapis d’herbes grasses. Il resta sur ses appuis malgré tout et poussa pour se hisser sur ses pieds. Une fois accroupi il se laissa quelques secondes pour reprendre sa respiration puis se leva péniblement.
L’aube n’avait pas encore jeté dans le ciel ses rubans lumineux mais la nuit se faisait déjà assez pâle pour que le saltimbanque parvienne à identifier la pierre acérée qui l’avait lâchement agressé dans son sommeil. Il identifia le buisson à côté duquel il s’était allongé quelques heures plutôt et fut surpris de voir qu’il s’était décalé de cinq bons pas durant en dormant.
« Bigre, dit-il à voix haute, sans cette caillasse j’aurai passé ma grasse matinée fracassé sur les rochers. Belle idée de dormir sur une falaise ! »
Il déglutît en jetant un regard au bord de l’abîme au fond duquel s’écrasaient les vagues salées d’Eris au rythme sempiternel des marées. Belle idée n’est-ce pas ! Le jeune homme resta immobile et silencieux quelques instants, guettant la petite voix de sa conscience qui aimait à lui verser quelques remarques désobligeantes dès que l’occasion se présentait. Mais rien ne vînt. Une bourrasque lui arracha un frisson. Le crachin nocturne de l’île avait suffi à le tremper jusqu’aux os. S’il n’y prenait pas garde le vent marin lui ferait attraper la mort. Il avança vers le buisson identifié tout à l’heure et ramassa son manteau qu’il avait laissé en dessous. Il avait pris l’habitude par soucis de discrétion de draper ce dernier dans une cape sombre d’une teinte aussi quelconque que délavée. S’il regrettait de ne plus pouvoir se la jouer avec son arc-en-ciel textile, ce stratagème lui avait au moins permis de garder un vêtement sec.
Il s’emmitoufla dans la toile et approcha du bord de la falaise admirant les flots qui se révélaient sous les premières lueurs du jour naissant avant de disparaître sous le couvert de la brume. En revenant sur la côte son regard tomba sur le port et l’enchevêtrement de bâtisses qu’il précédait. Il contempla les toits, songeur avant de revenir à la falaise et aux eaux qui ne cessaient leur caresse langoureuse. Une étincelle brilla dans ses yeux bleus et il plongea une main dans une des larges poches de son manteau pour en tirer un morceau de parchemin usé et un bout de fusain si maigre qu’il peinait à le tenir entre deux doigts.
Tirant la langue pour mieux s’appliquer, il griffonna quelques mots à la hâte avant de ranger le fusain afin de contempler sa composition. Le sourire qu’il arborait s’estompa en même temps que l’engouement né de sa soudaine inspiration. Il fronça les sourcils et sans un mot observa le papier se tordre sur lui-même et noircir doucement jusqu’à ce qu’une flamme jaillisse et le consume en quelques secondes. Les cendres s’étaient envolée, mais Dandelo conserva la flamme au creux de sa main, l’observant danser au rythme effréné que lui imposait les caresses de la brise. Un sourire triste passa sur ses lèvres et il laissa son sort s’estomper. Il alla ramasser la cape qu’il avait laissée près du buisson et la passa sur ses épaules cachant au mieux les couleurs vives qu’il abritait. Puis sans un mot, il prit la direction de la ville où il espérait trouver un peu de chaleur.
Une fois arrivé, il tourna dans les ruelles pendant un bon moment avant de se rendre à l’évidence : la plupart des gens dormaient et ceux qui ne ronflaient pas était trop occupés à cuver le fruit d’un alambic crasseux pour s’occuper de lui. Résigné, il regretta d’avoir brûlé ses quelques mots de tout à l’heure songeant qu’il aurait préféré écrire un poème – même mauvais – plutôt que de se morfondre face à une aube pâlotte. Il se dirigea vers le port, espérant retrouver face à l’Océan un peu de cette émotion qui l’avait saisi là-haut.
C’est en s’engageant sur le ponton principal qu’il la vit, sa crinière rousse agitée par le vent. Il n’en croyait pas ses yeux et même si son cœur battant lui criait d’abandonner toute retenue pour se précipiter aux côtés de la désirée, Dandelo n’avait eu que trop de désillusion ces derniers mois et l’idée de retrouver Kassandra six ans après l’avoir abandonnée à Olyssea lui paraissait cent fois trop belle pour être vraie.
Il continua de s’approcher d’un pas lent, le col de sa cape relevé jusqu’au nez. Il entendait d’ici l’insistance du marchand et songea un instant que si la rousse le voyait maintenant elle le prendrait probablement pour un type des plus louches avec sa dégaine de brigand. Mais la belle semblait plus occupée à essayer d’échapper au parasite qui la suivait de près, ses mèches se soulevant à chacun de ses pas rapide.
« Ah oui, vraiment ? »
C’était-elle, plus le moindre doute à présent. Il réfléchit un instant et sourit en apercevant les vapeurs peu engageantes qui s’échappaient des fioles du type de trop. Mobilisant un peu de son pouvoir, il laissa sa magie prendre peu à peu possession de cette fumée jusqu’à être capable de la maîtriser. Les volutes cessèrent de se disperser et se concentrèrent rapidement autour de la tête du commerçant. Pendant que ce dernier toussait et agitait la main pour échapper au fumigène, Dandelo s’élança vers les eux. Il tira sur l’agrafe de sa cape pour la défaire et jeta la large pièce de tissu sur l’avorton pour achever de l’aveugler. La victime se débattait toujours sous la toile et le clown n’hésita pas très longtemps avant de donner un coup de pied dans le tas qui tomba à l’eau à la manière d’un sac de patates. Dandelo observa le corps toucher percer la surface des flots dans un « plouf » retentissant et se tourna vers Kassandra qui avait également profité du spectacle jusqu’au bout. Leurs regards se croisèrent et le jeune homme lui servit un de ses sourires en coin.
« Et ben… Salut ! » Souffla-t-il avec son tact habituel.
Le gnome ne savait apparemment pas nager et commença à brailler dans la flotte. On finirait sûrement par le remarquer. Sans ajouter un mot Dandelo saisit le poignet de Kassandra et, après un clin d’œil complice, l’entraîna dans une course effrénée pour fuir la scène de crime.
La journée ne serait peut-être pas complètement pourrie.
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| | | Kassandra
Ancien
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| Sujet: Re: Où l'on cherche encore et toujours à nommer l'innommable [Dandelo] Lun 19 Aoû 2013 - 14:37 | |
| « Alors, c’vout dit, pasque m… » L’homme avait pour lui une honorable persévérance, peut-être un peu trop prononcée, et la rouquine, de guerre lasse finit par suspendre sa marche pour faire subitement volte-face, le regard qui se joignit à ses mots signifiant tout l’agacement et la perte de patience qui découlaient d’un tel acharnement commercial. Le petit homme manqua de trébucher sous la promptitude du geste et fit tinter quelques fioles fumantes dans l’hésitation. « Bon écoutez, j’ai pas le temps pour ça, allez voir d’autres matronnes et demandez-leur par la même occasion si … » La vision qui se fit dans son champ lui ôta les derniers mots qu’elle aurait pu prononcer à l’encontre du charlatan, trop surprise pour pouvoir vraiment considérer qu’elle avait toute sa tête. Car s’il était bien une personne qu’elle ne s’attendait pas à recroiser de manière aussi impromptue, il s’agissait bien du personnage autrefois haut en couleurs qui s’affairait dans le dos du marchand.
Et Dandelo, car c’était lui, eut tôt fait de rappeler aux bons souvenirs de Kassandra ses talents magiques ; sortie de nulle part, une étrange vapeur entêtante prit à la gorge le pauvre hère, qui se retrouva ensuite plongé dans un noir absolu alors qu’une cape s’abattait à son insu sur lui. Privé de sa vue, la gorge piquetée par d’âcres volutes, il ne suffisait plus au mage que d’administrer le dernier coup de pouce, ou plutôt coup de pied final pour mettre l’individu hors d’état de nuire. Et après tout, comme disaient ces braves serramirois, un bon bain ne faisait jamais du mal ! Ainsi, le dernier son que l’on entendit de la part du vendeur de fioles fut un retentissant et rafraîchissant PLOUF !, ponctué d’un petit rire de la rouquine qui n’en croyait toujours pas ses cinq sens.
Elle aurait pu espérer bon nombre de miracles divins ou d’interventions de la main d’Eris en personne pour se débarrasser d’une plaie vivante pareille, mais de là à ce que son imaginaire florissant lui fasse émerger de nulle part un ancien amant plutôt convainquant pour jeter au bouillon le malotru, ça, Kassandra ne l’avait pas vu venir et n’aurait pas misé un souverain là-dessus.
Se laissant entraîner avec une certaine exaltation retenue par la poigne de son acolyte revenu de loin, la pirate se plut à repenser avec une nostalgie qui la surprenait de plus en plus ces derniers temps à ce que leur fuite lui évoquait. Les similitudes avec le passé et leur rencontre lors de ce fameux tournoi à Diantra étaient flagrantes et son esprit ne les repoussait pas, trop séduit par l’éventualité de pouvoir revivre des instants de ce genre. Ce ne fut que lorsqu’ils s’arrêtèrent à la naissance d’une venelle où les marchands de poissons commençaient à éployer leurs étals et à s’agiter qu’elle reprit son souffle, un sourire – partiellement et indubitablement dû à la feuille de khat – s’accrochant à son faciès alors qu’elle n’avait, en plusieurs années, pas perdu une miette de son piquant habituel.
« Toi, ici ! Tu te fiches de moi. Tu sauves la veuve et l’orphelin maintenant ? » Son sourire s’était accentué avant de s’estomper peu à peu, ses sens reprenant la mesure de leur petite course effrénée pour mieux évaluer la situation. Pour l’heure, elle venait tout juste de retrouver un vieil ami et une pluie de questions se mettait à fourmiller en tout sens. Qu’avait-il fait pendant tout ce temps ? Pourquoi diable était-il à Meca, et comment avait-elle fait pour ne pas le voir plus tôt – pour cette interrogation-là, la réponse était facile à trouver : on arrivait rarement à retrouver des gens quand on avait une fameuse biture depuis un mois - ? Et surtout, quels étaient ses futurs plans ? Les continentaux avaient souvent quelques peines à s’implanter sur l’île pirate, aussi fallait-il une véritable motivation pour cela.
« Tu m’as l’air perdu. Tu sais, ici, tu n’es pas vraiment à côté de Diantra ou d’Olyssea. » Son regard balaya de pied en cap le saltimbanque un court instant. Le temps n’avait rien altéré, et c’était appréciable, mais quelque chose manquait. « Tiens tiens. La jolie Lucie n’est pas là ? » Un sourire goguenard vint se peindre sur ses lèvres alors qu’elle égrenait les dernières miettes de la khat, les savourant sans pour autant véritablement en ressentir la saveur toute particulière. Le souvenir de la petite fée qui accompagnait sans cesse le saltimbanque lui était également revenu avec une vivacité presque inhabituelle pour quelqu’un qui avait vécu ces dernières semaines dans un flou artistique éthéré. |
| | | Dandelo
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on cherche encore et toujours à nommer l'innommable [Dandelo] Lun 2 Sep 2013 - 13:41 | |
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Leurs mains s’étaient liées avec un naturel des plus agréables. Milles pensées et pas moins de souvenirs se bousculaient dans l’esprit du jeune homme. Autant de choses auxquelles il ne prêtait aucune attention, trop obnubilé par ce contact à la fois doux et ferme.
Ils ralentirent finalement et Kassandra prit l’initiative, se moquant gentiment de lui et de sa présence sur l’île de Meca. Sa dernière question fit grimacer intérieurement le magicien, creusant à nouveau le vide laissé par l’absence de son acolyte – vide qu’il s’était appliqué à boucher dans l’alcool et les plaisirs charnels sans jamais réussir à le combler tout à fait.
« Elle est partie, souffla-t-il avec un sourire légèrement forcé. Retournée chez elle, dans une quelconque forêt. »
Il agita vaguement la main pour accompagner ses propos. En vérité il n'en savait rien bien sûr, Lucie avait simplement disparu. Il s'était réveillé un matin et la fée n'était plus là. Il l'avait cherchée dans toute la région demandant après ce petit brin de femme glissé entre deux ailes translucides dans une robe de pétales. Mais il n’avait pas même trouvé l’ombre d’une piste et il en était réduit à ce genre d’explications incertaines. Avancer une telle supposition comme des faits lui permettait de ne pas se relancer dans l'interrogation constante et muette de l'Inquiétude tout en sauvant la face devant la beauté qu'il venait de retrouver.
Ils marchaient maintenant dans les rues de la cité portuaire. Ici et là des portent s'ouvraient en grinçant dans la fraîcheur matinale. Il en sortait toutes sortes d'individus de la fille mal rhabillée à l'ivrogne bileux. Des marchands déployaient leur marchandise n'accordant qu'une très sèche indifférence à ces rôdeurs alcoolisés qui allaient de l'un à l'autre bavant quelques revendications baveuse avant de s'effondrer entre deux flaques boueuses.
Dandelo s'esclaffa quand un de ces malheureux tomba tête la première dans un abreuvoir au contenu trouble et malodorant. Le clown se revoyait basculer d'une manière identique dans une semblable cuve remplie d'une eau glaciale. Dans les rue d'Olyssea, six ans plus tôt.
« Six ans ! S'exclama-t-il en sursautant presque. Ça fait un bail en fait, j'ai l'impression qu'on s'est quitté hier. »
Il adressa un large sourire à sa belle en serra un peu plus la main qu'il tenait en ajoutant :
« Je me sens vieux et ridé du coup. »
Il tira la langue à la rousse d'une manière tout à fait infantile et lâcha sa main pour passer un bras autour de son épaule, caressant doucement sa peau du bout des doigts. Il aurait aimé s'arrêter là et se placer face à elle pour pouvoir la contempler et peut-être pousser l'audace jusqu'à voler un baiser sur ses lèvres moqueuses. Il continua de marcher à côté de la jeune femme et lui jeta une œillade à l’arrachée. Mais son regard croisa les iris violines de son amante sans pouvoir s’en détacher. Il sentit comme un picotement dans sa nuque, son souffle se fit court et il entrouvrit la bouche.
C’était incroyable comme cette femme parvenait à le charmer aussi facilement. Elle avait cette intensité naturelle, cette séduisante spontanéité qui rappelait aussitôt au jeune homme les instants délicieux qu’ils avaient passés ensemble et le même désir qui les avait unis ces jours-là.
« Je suis arrivé hier plus ou moins clandestinement, confia-t-il à la belle. J’avais entendu pas mal de choses séduisantes à propos de cet endroit mais le côté « trou pluvieux » m’a vite fait déchanter. Enfin c’était avant de te croiser bien-sûr ! Ta présence rend toutes ces médisances obsolètes ! (Il fit une brève pause, comme hésitant, avant de reprendre d’une voix suave en glissant à son oreille) Tu es la meilleure chose qui me soit arrivé depuis bien longtemps, depuis six ans en fait. »
Il déposa un baiser sur sa joue et se détacha d’elle. Il la dépassa d’un pas dansant et tourna sur lui-même pour la précéder tout en lui faisant face.
« Tu me fais visiter ? » Demanda-t-il presque innocemment.
Presque.
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