Le début d'un voyage. [PV]

Le soleil se faisait de plus en plus rare. L’hiver approchait, cela se sentait, même dans les alentours de Thaar qui offrait un climat plus doux que sur la péninsule. Une chute de température ressentie par la jeune femme. Mais bref, arrêtons de parler de la pluie et du beau temps.  Noémie…  elle se dirigeait vers le nord. Les petits vols dans les auberges ou les marchés étaient terminés. Elle venait de finir un gros coup et pour la peine, elle s’était offert un petit voyage, un peu comme une nouvelle vie le temps de profiter de cet argent. Rêvant de visiter les contrées elfiques pour ensuite voir la Nanie, Noémie prit une décision assez vite alors pourquoi ne pas… voyager !

Mais avant cela, il fallait traverser l’Aduram, forêt qui peut être accueillante mais aussi très dissuasive vu le nombre d’hors-la-loi qu’on trouve au mètre carré. Vu les richesses que Noémie transporte, il était sûr et certain qu’elle devait être très vigilante. Campant de préférences près d’arbres serrés les uns contre les autres plutôt que dans des clairières. Eviter les feux de bois en soirée et éviter d’en faire un trop grand pour limiter la fumée.  Toutes des précautions que la voleuse exécutait à merveilles.
Mais… ce n’était pas suffisant. Alors qu’elle venait de terminer son repas un bruit de pas la fit raidir. Elle scruta les environs pour ensuite se rendre compte que les pas se dirigeaient vers elle. Se cachant en grimpant sur une branche, la jeune femme attendit le bon moment pour sauter sur une personne.

Sortant son couteau, Noémie était prête à se défendre. Alors que l’inconnu avait la tête face au sol, la voleuse lui demanda.

« Qui es-tu et pourquoi me suis-tu ? »

Cela fait déjà quelques jours qu'elle ne le suit plus. Il est soulagé, oui. Libre, oui, aussi. Mais, quelque chose le gêne. Il ne sait toujours pas qui a commandité cette poursuite, il aimerait savoir, oui. Bien qu'il ne s'y risquerait pas au péril de sa vie. Non pas qu'il ait retrouvé un semblant d'envie de vivre, plutôt qu'il ne porte qu'un intérêt moindre à cette information. Le principal étant que cela ne se reproduise pas. Il devrait, lui, faire attention certes. Mais s'il en avait l'occasion, il devrait aussi mettre fin à la vie de celui qui l'avait souhaité mort. Parce qu'il ne souffrirait pas une seconde traque, non. Et serait beaucoup moins clément quant au sort de celui ou celle qui le chasserait alors.

Il vient à peine de se réveiller, le soleil se couchant à l'horizon. Le froid se fait de plus en plus pénétrant, et il sait qu'il doit bouger pour ne pas être engourdie, finir amorphe, bon à rien, dans un coin de la forêt. Ses os craquent lorsqu'il s'étire et ses muscles se délient lentement après une nuit passée à même le sol. Il n'a pas eu, au levé du jour, la force de se hisser en haut d'un arbre, et s'était endormie là. Qu'importe que ce soit moins sur, qu'importe qu'il ait faillit mourir. Parce qu'il est toujours en vie. Alors qu'il se remet en marche, un craquement, puis un bruissement de vêtements de font entendre. A quelques pas de lui, un peu au sud.

Totalement éveillé, il s'y dirige, sans bruit. Grimpant à un tronc, il observe mieux. Une humaine. Seule, et armée. Que vient-elle faire ici, sans escorte, sans personne, exposée à tout les dangers ? Qu'importe au fond. Cela ne le regarde pas. Mais cela l'intrigue. Alors, il la suit. Pendant quelques temps. Jusqu'à ce qu'elle se retourne et plaque au sol un pauvre hère qu'il avait repéré depuis quelques jours déjà. Un homme, assez âgé, sans le sous, et surtout mourant. Il a du la suivre, espérant la dépouiller ou mendier une aide quelconque.

 - Qui es-tu et pourquoi me suis-tu ?  

Bon, allez, un geste pour ce pauvre homme qui mourra de toutes manières rapidement. Il saute à bas de son arbre, à une distance respectable de la jeune femme.

 - Lâchez donc ce pauvre homme, ne voyez-vous pas qu'il est inoffensif ? Non, celui dont vous devriez réellement vous préoccuper se tient devant vous. Celui-ci vous suit pour vous demander à manger, ou pour voler votre or, mais rien de bien grave à vrai dire. Moi, en revanche, je ne vous suis pas pour ces raisons.

Il lit la surprise sur son visage lorsqu'il atterrit dans le tapis de feuilles morte. Et quand elle a compris, enfin, que l'homme qu'elle tenait n'était pas le bon, elle relâche la pression et le laisse filer sans demander son reste.

 - Vos questions sont-elles les mêmes ou souhaitez vous m'en poser d'autres ?

Il ne sait pas tellement ce qu'il fait là, ce qui va se passer ensuite, mais il pense pouvoir prendre le temps de parler quelques peu avec une humaine. Peut-être saurait-elle quelque chose sur ce massacre qui avait eu lieu dans l'Estrévent.

Alors que Noémie tenait une vie entre ses mains, elle se rendit vite compte que c’était un homme et d’un certain âge. Il peut paraitre inoffensif aux yeux de certains mais Noémie se méfiait de tout le monde. Certains savaient très bien cacher leur jeu. Surtout que la voleuse fut entraînée par de nombreuses personnes, et plusieurs d’entre eux étaient vieux. Alors que l’homme prisonnier gémissait de douleur, suppliant la jeune femme de le libérer, une autre personne fit son entrée. Cette fois-ci, il n’était plus question de vieillard mal famé puant l’alcool à pleine né. Non, cette fois-ci, ce fut encore un homme, où comment dire… un « mâle » car l’individu en question était d’une autre race.

Alors que la voleuse relâcha le vieillard après avoir compris que le réel danger ne venait pas de lui, elle analysa le nouveau venu.

« Hum… J’en ai vu des Drows, ainsi que des elfes, mais toi, tu m’as l’air d’être aussi bien l’un que l’autre… »

Noémie n’était pas bête, ce genre de personnes était rare mais elle eut le plaisir d’en lire la description dans certains livres.

« D’habitude, l’on vous appelle « abomination » mais je dois avouer que vous êtes loin de l’être »

La jeune femme éclata de rire, ne craignant à aucun moment l’hybride qui se trouvait en face d’elle. Même si elle semblait avoir baissée sa garde, il n’en fut rien. Disons que c’était une manière de déstabiliser l’adversaire. Et encore, pouvait-on parler « d’adversaire » alors qu’un seul échange verbal n’a été fait ?

« Je n’ai aucune question pour vous, juste une requête ; laissez-moi tranquille sinon je me verrais… de devoir… faire en sorte que vous le fassiez contre votre gré. »

Noémie le regarda, fixement.

« J’aimerais finir mon repas, avec de l’intimité ! »

Il se met à rire. D'un rire franc, qui traduit sa perplexité. L'humaine lui solde de partir, de suite, sous réserve d'un emploi de la force. Jamais personne ne lui a demandé une telle chose, et d'une telle façon. Elle a dans ses yeux une assurance et une foi en ses paroles qui le fait sourire. Comment une humaine peut-elle penser surpasser un hybride ? Parce que bien sûr, elle a reconnu sa race. Mais ce n'est pas ce qui le désarçonne le plus ceci dit.

- Ma Dame, je n'oserais me mesurer à vous. Vous me semblez bien trop sûre pour que je vous contrarie. Aussi, je ne resterais que pour vous assurer cette intimité que vous demandez. Vous ne connaissez peut-être pas cette forêt, mais vous pouvez être sûre que vous n'y serez jamais seule.

Un repas dans l'intimité. Pour quoi donc ? Un repas, c'est quelque chose que les gens partagent, que les gens utilisent pour communiquer, ou pour simplement être ensemble. Un prétexte, il le savait. Mais il ne pose pas de question, et se poste un peu plus loin. La nuit tombe petit à petit, et il sait que les hommes n'y voient pas si clair que lui dans la pénombre. Et il sait aussi qu'elle aurait préféré qu'il s'en aille. Non qu'il s'éloigne seulement. Mais qu'importe ce qu'elle veut. Il restera là. Parce qu'il l'avait décidé. Parce qu'un peu de compagnie ne lui ferait pas de mal. Et que surtout, il était d'humeur bavarde.

Bavarder avec Elle, ça va un temps. Bavarder avec lui même, ça va un temps aussi. Mais ensuite, ce n'est plus tant intéressant. Et il en était arrivé à ce stade. Il en avait plus qu'assez de sa voix et s'ennuyait de lui. C'est pourquoi, au bout de quelques instants de silence il reprend la parole.

- Où allez vous comme ça ? Je vois bien que vous êtes une de celle qui savent se défendre, mais je crois aussi que vous ne connaissez que très mal cette forêt. Vous cherchez quelque chose en particulier ? Si c'est le cas, je pourrais sûrement vous aider.

Il n'a pas pour habitude de proposer son aide, mais cette fois, il s’ennuie trop. Depuis qu'il n'est plus suivit, que l'adrénaline ne coule plus dans ses veines, il a l'impression qu'il ne vit plus. Ou tout du moins, pas assez. Et s'il ne savait si elle lui donnerait tout ça, il se disait qu'il pouvait toujours tenter sa chance.

Tiens tiens, la belle Noémie ne s’attendait pas à pareille réaction de la part d’un être de son espèce.  C’est dans un calme olympien que la demoiselle finit son repas qu’elle avait commencé un peu plus tôt. Alors qu’elle avala ses morceaux de viandes, la voleuse réfléchissait quant au voyage qu’elle venait d’entreprendre. Sa route était pas du tout tracé, elle marcherait, suivant des cartes pour ne pas trop s’éloigner de points d’eaux. Oui, pour elle, tout était correcte. Il était temps, à présent de partir, découvrir.

Alors que le feu s’éteignait de plus en plus elle sursauta lorsque l’hybride lui parla à nouveau.

«Je ne cherches rien de bien particulier, juste de la tranquillité. Et l’endroit où je me rends ne vous regarde pas, tout simplement. » Lui répondit-elle.

Cette arrogance, mon dieu… qu’ils pouvaient être chiant ces humains.

« Vous allez me suivre peut-être ? Je sais ce que cache cette forêt, et je sais que je peux y arriver seule, sinon je ne serais pas ici. »

Noémie jeta quelques branches dans le feu pour lui redonner un peu de vigueur. Elle se rendit compte qu’il lui restait un peu de ragoût. Son estomac était plein, elle se demanda alors… oh et puis pourquoi pas.

« Vous en voulez ? » Lui demanda-t-elle en lui tendant un bol de ragoût encore fumant.

Un peu de gentillesse ne lui fera pas de mal après tout. Pourquoi tout le temps se battre ?

« Et vous ? Que faites-vous ici ? » Et si ! Alors qu’elle-même n’avait pas répondu à ses questions, la voilà que l’humaine se permet de lui demander à son tour.

« Je veux dire. Vous vous cachez ? …. Non pas que je vous croit être un criminel mais j’ai rarement vu des personnes comme vous. »

Le but n’était pas de le vexer, il est vrai que Noémie s’y prenait assez mal, d’habitude, elle l’aurait déjà charmé pour pouvoir ensuite lui voler sa bourse. Mais cette fois-ci ce fut différent, non pas qu’il était repoussant, au contraire, il surpassait certains de ces anciennes victimes. Disons qu’elle souhaitait faire les choses proprement, cette fois-ci.

Lorsqu'elle lui répond, il est d'abord surpris. Elle sait ce qui se passe ici, mais elle y reste pourtant. Imprudent. Ou alors, elle pense savoir. Ce qui est largement pire. Mais puisqu'elle affirme être au courant, il n'insiste pas. C'est cependant la seconde question qui laisse flotter son sourire sur ses lèvres.

 - Bien sûr que je vais vous suivre. Et ce n'est pas tellement un question d'ailleurs. Sinon, vous comprenez bien, je m'ennuierais.

 - Vous en voulez ?

Il prend le bol qu'elle lui tend, en hochant de la tête. Mais il ne porte pas de suite la nourriture à ses lèvres. Non qu'il doute qu'elle y ait glissé quelque chose, ou que ce soit mauvais, plutôt qu'il n'a pas réellement faim. Il a mangé il y a peu, et son ventre ne cri pas famine. Loin de là. Mais au bout d'un moment, il avale tout de même deux ou trois morceaux de viande, pour ne pas être trop impoli. C'est étrange comme il se souci désormais de la politesse. Peut-être parce qu'il passe ainsi, au yeux des autres, pour quelqu'un d'à peu près correcte et que cela lui assure une certaine sécurité.

 - J'habite ici. Avez-vous déjà croisé d'autres sangs-mêlés tels que moi ?

Il se souvient d'une hybride, nommée Cewiel. Il l'a rencontré non loin de l'Oësgard. Il ne sait pas ce qu'elle est devenu. Si elle est toujours en vie. Où elle est. Il n'a pas à savoir, non, mais se dire qu'un être comme lui ère quelque part, peut-être non loin de lui, ne le rassure pas, non, mais le fait se sentir moins seul peut-être. Il sait qu'il appartient à une race, à part entière. Qu'il n'est pas à cheval sur deux. Enfant, il aurait été si soulagé de la rencontrer. Il l'aurait prise pour compagne de jeu, et lui aurait peut-être donné son amitié, voire son cœur. Il aurait, dans tout les cas, été heureux. Mais aujourd'hui, il s'inquiète plus de sa propre survie, se sait dangereux et n'a pas le temps de retrouver un hybride.

Debout, de l'autre côté du feu, il regarde l'humaine. La peau légèrement hâlée. Les cheveux bruns, lisses et longs. Les yeux bruns. Les traits de son visage ne forment pas un tout désagréable. Son corps est élancé, travaillé. Il n'a pas tellement de doute sur sa profession, ou plutôt, sur son absence de profession. Ça, plus l'homme de tout à l'heure ne lui laisse aucun doute.

 - Comment puis-je vous appeler ?

L'humaine n'esquive plus. Elle ne cherche plus la réponse dans une autre question. Elle n'élude plus sa question comme si ce qu'elle veut savoir est plus important que ce que lui demande à connaître. Elle commence à lui faire confiance. Oh certes, une confiance inconsciente, fine et facilement anéantissable, mais tout de même. Elle se met à échanger. A donner, à recevoir, et à partager. Toutes ces choses si implicites lorsqu'on y réfléchit bien.

- Je ne crains, Noémie, que nous n'ayons pas d'habitude particulière, si ce n'est sauver notre peau. Nous ne sommes, pour cela, malheureusement pas assez nombreux.

Cependant, elle se trompe certainement sur les raisons qui le poussent à chercher de la compagnie. Il est clair que c'est par ennuie, mais non pas par ennuie de la solitude, mais plutôt de soi. D'Elle. Il en a assez de tourner en rond avec ses propres pensées, avec sa propre voix, et avec sa seule opinion. Lui qui n'est pas si bavard, ou tout du moins, ne l'est jamais pour rien, se prend à aimer cette discussion naissante. Discussion qui s'achève rapidement ceci dit, mais discussion qu'il apprécie, et qu'il compte continuer. Une fois la tente montée, elle lui fait amèrement remarquer qu'il n'aura pas sa place.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, je me réveille à peine. Je ne crois pas que dormir de suite soit ce qui m'attend. Je vais plutôt guetter votre sommeil.

Et là, il sait pertinemment que ça ne plaira pas à l'humaine. Une surveillance, pour quelqu'un d'aussi orgueilleux, c'est le monde à l'envers. Mais c'est ce qu'il compte faire, alors, qu'il lui dise maintenant ou qu'elle s'en rende compte demain, l'effet sera toujours le même. Et il préfère, une fois n'est pas coutume, être honnête. Lorsqu'elle s'engouffre dans la tente, il reste un moment à regarder la faible ombre qui se dessine sur la toile. Puis il détourne les yeux et éteint le feu, désormais devenu braises.

Pour perchoir, il choisit l'arbre en face du pseudo campement. Ici, il devrait avoir une vue assez dégagée, et un champs d'action assez large. Bon, il compte tout de même se reposer, parce qu'elle avait un rythme diurne, et qu'il a décidé de suivre l'humaine. Pour s'évader un temps et mieux apprécier ce qui lui appartient plus que tout au monde, il est près à changer ses habitudes. Parce qu'au fond, les habitudes ne sont là que pour être changées, sinon à quoi bon ?