Jeu de dupes [Clos]

May'Inil se tenait au milieu du temple d'Isten, tandis qu'autour d'elle s'affairaient les disciples et adeptes pour dresser les préparatifs. Elle avait dépensé des centaines de pièces pour se procurer les tapisseries qui ornaient les colonnes et les coussins qui recouvraient le sol. Elle avait veillé à ce que tout soit au plus fastueux et n'avait lorgné sur aucun sacrifice. L'un des autre prêtre du temple, un drow bien plus âgé qu'elle et qui se complaisait très bien dans l'organisation des disciples et de la vie du temple, s'approcha d'elle.

« Ils vont vous en vouloir, vous le savez ? » Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, sur la grande soierie qui recouvrait ce qu'on devinait être une statue au centre du temple.
« Qu'importe. C'est avec ce genre d'action d'éclat que l'on change les choses !
-Le Gardien n'est toujours pas arrivé.
-Il ne viendra pas, c'est dommage mais nous ferons sans.
-Bien. »

May'Inil souriait. En ce jour, le temple s'apprêtait à célébrer ce qu'elle présentait comme la célébration des premier pas d'Isten parmi les drows. Ce n'était bien sûr que conventionnel, elle le faisait maintenant parce que ça l'arrangeait bien. Si tant est que quelqu'un ai un jour connus la date où Isten pris pour la première contact avec leur peuple, c'était tombé dans l'oubli des centaines de fois depuis lors. Mais pour l'occasion, elle avait convaincus la grande majorité des religieux des autres cultes à venir assister à la cérémonie. Et elle leur avait réservé une petite surprise. Mais pour l'heure elle se retira en compagnie du haut-cercle dans la pièce où ils effectuaient leur prière. Ils n'avaient pas tous été facile à persuader, mais la plupart avaient finis par adhérer à ses idées. Tous ne partageaient pas sa vénération, mais aucun ne s'y opposait. Elle n'en demandait pas plus.

Plus tard, les premier invité pénétraient dans le temps. D'abord de simples prêtres d'autres dieux mineurs, puis les responsables de chacun des cultes. Ils commencèrent à remplir les places les moins pratique. Après eux entrèrent les prêtres et prêtresses d'Uriz et Teiweon. Les cultes du Père et de la Mère marchaient traditionnellement côte à côte dans la cité franche, contrairement au Puy où le Père présidait. Enfin, les responsables de chacun de deux cultes vinrent prendre les dernières places, aux premières loges installées par les disciples d'Isten, presque au pied de la statue couverte. Quant aux disciples d'Isten eux-même, ils étaient installés en demi-cercle derrière la statue et seuls leur plus haut officiel prenaient place juste devant la foule assemblée. Avant que ne commence la cérémonie, l'on permit à tous ceux qui le désiraient de rentrer dans le temple et d'assister aux célébrations, debout derrière tous les autres présents. Puis l'on ferma les portes et l'on alluma les braseros et les encensoirs. Et tandis que la salle s'emplissait de fumée, May'Inil s'avança devant la foule assemblée et s'éclaircit un peu la voix.
Elle commença par les prières classiques, les hommages à la déesse et les plus basiques des enseignements. Puis elle commença à raconter l'histoire d'Isten telle que lui avait expliqué Elystrel. Sans de prime abord expliquer son lien à Arcam. Elle narra l'installation de la déesse en Aduram et les soins qu'elle avait accordé à leurs ancêtres sylvains en les invitant à goûter au désir et à la jalousie. Puis elle parla de son œuvre totale, du nom sous lequel les autres peuples la connaissaient, Cybelle la Prime Muse. Déjà elle vit certains parmi les plus éduqués aux autres cultures dans l'assistance arborer un air suspicieux. Et lorsque enfin elle évoqua Arcam et les liens qui unissaient Isten à lui, les présentant comme amants, elle put tout voir des réactions diverses. Certains prêtre, principalement parmi les dieux mineurs, semblaient approuver, d'autre restaient réservés tel que le responsable du culte d'Uriz. Mais ce qu'elle apprécia le plus fut incontestablement l'air de profond dégoût qui se peignit sur la majorité des prêtres de Teiweon. Mais il restait encore à dévoiler le tout. Elle fit signe à quelques novices dans le fond du temple et aussitôt ceux-ci tirèrent les cordages à proximité, qui vinrent soulever la soierie et révéler la nouvelle statue qui occupait le centre du temple.

On y voyait bien sûr la représentation d'Isten, sous la forme d'une femme drow à la grande beauté. L'artiste l'avait représenté en plein mouvement, comme dans une danse mais dont la position donnait l'impression d'une perpétuelle chute en avant. Les étoffes de pierre qui la recouvraient avait été très soignées pour rendre l'impression de mouvement palpable, tant qu'on aurait pus s'attendre à la voir prendre son envol à chaque instant. Elle tenait dans l'une de ses mains la coupe qui symbolisait la soif insatiable et son visage doux mais au orbites vides semblait fixer quelque chose bien au-delà de l'enceinte du temple. Un bel ouvrage mais qui, seul, n'avait rien de si particulier.
C'était sans compter l'autre silhouette à son côté. L'origine de l'homme était plus délicate, il ressemblait à ces hybrides que l'on voyait parfois, fruits bâtards de l'union du peuple sylvain et sombre. Lui aussi avait été représenté entraîné dans la danse d'Isten, laquelle posait une main délicate sur son épaule. Son visage était très particulier, séparé qu'il était en deux parties distinctes. Celle de gauche était apaisée, douce et bienveillante. L'autre avait au contraire des traits marqués,un rictus mauvais et semblait torturé par quelque douleur. Au bout de son bras il tenait un amas de ronces aux épines acérées dont les branches remontaient sur sa peau, comme enfoncées dedans et allant jusqu'à enserrer son torse. Et par-dessus, quelques fleurs avaient été sculptées, aux pétales voluptueux. Le contraste était flagrant. Le regard de l'homme semblait absorbé par l'amas de ronces, sans que l'on ne puisse distinguer ce qui ainsi focalisait son attention.
Les deux personnages étaient rigoureusement de la même taille.

Les murmures emplirent le temple tandis que les plus connaisseurs informaient les plus ignares que c'était le dieu Arcam qui étaient représenté devant eux. Les réactions furent plus nombreuses et surtout faites à vive-voix. Bien que la cérémonie n'eut pas été clos, c'était tout comme et chaque prêtre y allait de son commentaire. May'Inil ne s'intéressait qu'à celle des principaux responsables. Celui du culte de Teiweon pointa vers elle un doigt rageur et s'apprêtait sans doute à la menacer ou l'insulter mais se retint finalement, il était encore dans la maison d'Isten. Le patriarche du culte d'Uriz se contenta de l'observer d'un air las et de secouer la tête. Les esprits les plus échauffés quittèrent rapidement les lieux, les autres attendirent que la cérémonie soit clos dans les formes. Mais surtout certains restèrent même à la suite et s'entretinrent avec les prêtres d'Isten et avec May'Inil, discutant de ce qui venait de se passer et du pourquoi de ce geste, sans forcément le condamner. Elle se laissa entraîner au fil des discussions, sans remarquer que certains de ses propres subalternes s'éclipsaient du temple un peu trop rapidement. Cela s'était mieux passé qu'elle n'était en droit de le craindre et elle s'en félicitait.