Heureuse rencontre en des temps funestes [PV Glinaina]

Verimios... L'hiver était là. Depuis de nombreux jours déjà le temps était frais, et la neige avait commencée à tomber. Le sol comme les arbres étaient couverts d'un manteau blanc. Une partie des habitants d'Anaëh hibernaient, les autres cherchaient un lieu où s'abriter, ou de quoi se nourrir. L'hiver était rude... Et il l'était d'autant plus pour certains de ces habitants de la prime forêt.

Au milieu d'un grand espace où les arbres étaient espacés, des tentes étaient dressées. Blanches et argent, elles se fondaient au mieux dans le paysage, évitant qu'on ne les repères trop facilement. Plusieurs sentinelles étaient dispersées dans les arbres alentours, dont les hautes frondaisons couvraient le campement. Dans le campement lui même, les soldats allaient et venaient à leurs tâches quotidiennes. Cela les réchauffait en même temps, et ils ne rechignaient pas. A vrai dire, il valait mieux, car cela signifiait qu'au moins il n'y avait aucune menace pour le moment. Du moins l'espéraient-ils. C'était l'un des nombreux campements installés le long de la ligne de front. Chaque division, chaque armée de protectorat disposait du sien, et parfois les camps se mêlaient. Ici, la bannière flottant sur les tentes faisait comprendre qu'il s'agissait d'une partie de l'armée royale elfique. Et les nombreux arcs et carquois laissaient supposer que c'était une partie des archers de cette même armée. Une soixantaine de soldats environs, hommes et femmes.

Au centre du campement, une tente à peine plus grande que les autres arborait une bannière bien plus décorée. C'était là que Delnwë Iridwen, lieutenant de l'armée royale elfique au service du trône blanc, s'était installé. L'intérieur n'avait rien de l'opulence des officiers dans les armées humaines. Une chaise et une table rudimentaires, un coffre simple, quelques cartes et un lit de campagne. Rien de plus. Il avait toujours tenu à partager le quotidien de ses soldats. Son grade, il ne le méritait pas seulement de par ses faits d'armes, mais aussi parce qu'il aimait les siens, et qu'il savait prendre en compte les besoins de chacun. Et c’était là une des meilleures manières de maintenir courage et cohésion. Car la période était dure.

Observant les cartes étalées devant lui, il soupira. Une épaisse ligne parcourait le sud de l'Anaëh. Le front avec les sombres s'était figé depuis le début de l'hiver. L'armée elfique avait d’abord pensé pouvoir assaillir l'ennemi par surprise, et avec assez de forces pour que leur attaque éclair les repousse au delà de leurs frontières. Mais la triste réalité était autre. Les elfes avaient trop tardé, et les sombres s'étaient bien installés, érigeant des avants postes solides et faisant venir de puissant mages et prêtres. Résultat, les pertes avaient étaient importantes, et l'avancée minime. Et désormais, le temps devenait rude... Pire, les sombres avaient commencé à attaquer les caravanes de ravitaillement. Les réserves étaient encore importantes mais cela ne durerait pas. Il allait falloir faire quelque chose. Mais quoi?

Soupirant à nouveau, l'elfe remarqua à peine que l'un de ses soldats était entré dans la tente.

«Lieutenant Iridwen? Excusez-moi mais je souhaiterais vous parler... »

Le soldat se nommait Tulnir Teldirion. Il était l'un des compagnons d'armes proches de Delnwë. Ils avaient fait une partie de leur formation ensembles, et ne s'étaient guère éloignés depuis, malgré leurs affectations différentes. Lorsqu'ils avaient appris pouvoir être regroupés au sein de l'archerie royale, ils avaient eu réel plaisir à se retrouver. Depuis, ils avaient mené des batailles ensembles, et se considéraient comme de véritables amis.
Delnwë releva la tête et se rendit enfin compte de sa présence.

«Tulnir? Qu'est ce qui t'amène? Et depuis quand me vouvoie tu lorsque nous sommes seuls mon ami? Allons...»

Un franc sourire accompagna ses paroles, auquel Tulnir répondit par un autre sourire, avant de reprendre son sérieux.

«Bien sûr mon ami. Pardon. Je venais te voir car nos sentinelles ont repéré quelqu'un aux alentours du campement, et...»

Delnwë se leva calmement.

«Un sombre? Un messager?»

«Pas vraiment non. Nous l'avons escortée jusqu'ici. Tu devrais venir voir.»

Intrigué, le lieutenant enfila sa cape, saisi son arc et son carquois, et sorti avec le soldat. Là, au centre du campement, autour d'un des feux de camp, quelques soldats tentaient de se réchauffer. Et parmi eux, une jeune elfe aux cheveux blonds comme l'or. Surpris, Delnwë n'eut que quelques paroles, accompagnées d'un sourire des plus sincères

«Glinaina? C'est bien vous?»

Glinaina regarda la carte que lui tendit le lieutenant en charge du campement. Dessus étaient dessinés une longue courbe représentant la ligne de front actuelle ainsi que plusieurs points représentant, quant à eux, les différents campements elfiques et drows. Pour les Sombres cela s'arrêtait aux avant-postes repérés, contrairement aux Elfes. La jeune femme suivit du regard la longue courbe tracée avec soins et minutieusement détailllée pendant que le militaire lui expliquait où elle devait se rendre et quelles étaient les zones à éviter à cause des combats réguliers qui s'y faisaient : il lui faudrait se rendre à un campement de l'Armée du Sud, plus couramment appelée Armée Royale, et apporter au lieutenant de l'unité d'archerie qui s'y trouvait la missive que son interlocuteur venait de lui confier. Rien de bien compliqué en somme, surtout qu'elle avait de quoi faire quelques petits détours afin d'éviter de trop s'exposer. Mais c'était une preuve de confiance que son lieutenant lui donnait et elle n'avait aucune envie de la perdre. Pourquoi donc l'avoir choisie elle plutôt qu'un autre ? Il n'avait pas été explicite sur le sujet ; elle se doutait cependant que c'était dû à l'implication qu'elle avait montré depuis qu'elle s'était rattachée à cette zone de combat en tant qu'auxiliaire. Et le fait qu'elle n'était pas du style à parler à tort et à travers avait certainement dû faire pencher la balance de son côté. Peut-être.

Toutes les informations données, elle s'inclina avec respect et sortit de la tente. Au-dehors un fin manteau de neige recouvrait le sol là où les soldats ne passaient pas régulièrement, ainsi que sur les frondaisons. Le froid commençait à les prendre, annonçant un hiver assez rude, mais cela restait tout à fait vivable. Pour autant, des mages avaient déjà allumé des feux magiques pour qu'il n'y ait pas trop de manque de châleur. Et dire que les Elfes étaient moins susceptibles au froid que les Humains... Elle se demandait si les Humains du Nord de la Péninsule, normalement habitués au froid, seraient capables de remonter plus au Nord pour y faire la guerre. Peut-être seraient-ils dépaysés par autre chose que la luxuriante végétation et la magie que l'on pouvait ressentir dans la Prime Forêt. Enfin... Magie qu'elle ne ressentait pas, du moins pas consciemment, grâce à la petite pierre qu'elle portait en médaillon autour du cou. Une pierre donnée par la Princepts du Firmament, Y'Shahinn Nehlean, afin qu'elle ne ressente plus trop la magie et donc évite les crises causées par cela. Glinaina avait essayé de faire attention à ne pas trop la porter, mais la peur de mal réagir à la Symphonie et autres avait fini par la faire remettre cette amulette autour du cou après quelques temps dans la forêt. C'était bête, elle le savait, mais elle préférait ne pas trop jouer là-dessus, même s'il aurait peut-être été préférable qu'elle s'habitue au lieu et aux feux magiques.

Ayant déjà tout ce qu'il lui fallait pour le voyage sur elle, ce qui revenait à ses armes, sa cape et un petit sac de nourriture au cas où qui était loin d'être envahissant, elle se dirigea directement vers ce qui servait d'écurie pour y emprunter un cheval puis partit. Elle savait parfaitement par où il lui faudrait passer et le chemin se révéla être facilement reconnaissable par rapport à ce que lui avait dit son supérieur hiérarchique. Elle avait un peu plus d'une demi-journée de chevauchée à faire et pendant la majorité du trajet, rien ne se passa réellement. Ses cheveux volaient au vent, ce même vent ayant tendance à lui faire mal aux oreilles et à traverser ses gants en cuir pour essayer d'engourdir ses doigts. Voyager à cheval avait beau être utile en certaines occasions, être à pieds était parfois plus confortable. Mais une fois le dernier point de repaire dépassé pour aller jusqu'au fameux campement, la fortune de Glinaina sembla un instant vouloir faillir, passer à autre chose. Elle savait qu'elle n'était plus bien loin de sa destination lorsque le cheval sur lequel elle était s'écroula subitement, l'envoyant valser quelques mètres plus loin. L'Elfe se releva immédiatement tout en dégainant son épée, scrutant les bois. Elle remarqua au passage que du sang s'échappait du cou de sa monture, tranpercé par ce qui ressemblait par un carreau d'arbalète. Pauvre cheval... Et elle, elle se retrouvait non loin d'un ennemi qui ne devait pas être seul et qui possédait une arme envoyant ses projectiles avec force et vitesse. Connaissant assez l'arme et le temps qu'il fallait pour la recharger, elle ne se posa pas trente-six questions et se mis à courir, l'arme toujours à la main. Il allait falloir qu'elle sème l'arbalétrier avant qu'il n'ait pu tirer et elle aurait plus de risques de se retrouver à combattre au corps-à-corps qu'à distance. Et ce fut en effet le cas : rapidement elle se confronta à un Sombre, fit quelques échanges avant de le tuer d'un coup sec et dut juste après se coucher sur la neige pour éviter d'être embrochée par un carreau à son tour. Plusieurs ils étaient encore et l'Elfe se voyait déjà avoir du mal à échapper à ce petit groupe.

C'est alors qu'un sifflement se fit entendre, aussitôt suivi de flèches venues des frondaisons. Etait-elle plus proche du campement qu'elle ne le pensait ? Peut-être. En tout cas, elle était heureuse que la fortune ait de nouveau voulu lui sourire. Les premières flèches étant passées, elle se releva et continua le combat, qui ne dura pas longtemps d'ailleurs. Ce n'est qu'après qu'elle put rencontrer ceux qui lui avaient sauvé la vie, des archers de l'Armée Royale. Elle s'inclina devant eux, les remercia et leur expliqua qu'elle avait un message pour leur Lieutenant. Ils la conduirent donc jusqu'au campement et pendant qu'un soldat alla prévenir celui à qui elle devait donner sa missive, elle put rejoindre d'autres auprès d'un feu magique. Elle en avait bien besoin, mais le fait de savoir que c'était magique la rendait mal à l'aise. Elle y alla quand même et put se rendre rapidement compte que le fait d'être entourée de l'élite des Elfes ne lui faisait rien de spécial, contrairement à ce qu'elle aurait pu penser. C'était ainsi et puis c'est tout.

"Glinaina? C'est bien vous?

La concernée se retourna et sourit en reconnaissant Delnwë. Elle n'avait pas vraiment fait le lien entre le nom de famille de l'Elfe et le prénom qu'elle lui connaissait, si bien qu'elle n'avait pas été sûre qu'elle s'adresserait bien à celui qui était venu découvrir sa vie et lui offrir son aide. Elle se releva et s'inclina en portant l'index et le majeur à sa bouche et ainsi lui faire comprendre que ce dont elle parlerait serait sérieux.

-C'est bien moi, Lieutenant Iridwen. Contente de vous revoir.

Elle se redressa pour le regarder droit dans les yeux.

-Il m'a été confié un message à votre intention. Serait-il possible d'en parler ailleurs ?

Elle ne savait si le message qu'elle portait soulèverait des questions de la part de Delnwë, aussi préférait-elle qu'ils ne se retrouvent pas au milieu de tant de soldats au moment où il lirait la missive. Le lieutenant accepta sa requête et l'emmena dans une tente un peu plus grande que les autres, d'un blanc se confondant avec la neige qui tombait dessus. A l'intérieur se trouvait juste une table, une chaise, des parchemins, un lit de campagne et une petit coffre. Une simplicité plaisante en somme. Désormais seuls, elle prit sa missive et la tendit à son comparse.

-Tenez, elle est du Lieutenant Cemkred de l'armée d'Eraïson. Je n'en connais pas le contenu."

Il n'était pas l'heure de discuter de tout et de rien, de juste se donner des nouvelles. Elle le ferait, mais une fois seulement que l'histoire de la missive serait réglée.

Il y eut un instant d'arrêt. Comme si le temps s'était figée. Elle s’était retournée. Lui savait que c'était bien elle. Mais elle semblait douter. Incertaine. Sans doute ne s'attendait-elle pas à cela. Lui même ne s'y était pas attendu. Il se demandait ce que la jeune elfe, au service de Naelis, pouvait bien faire en ce lieu. Elle était vêtu telle un soldat. Elle se leva et s'inclina de manière très formelle, avant de s'adresser à lui. Elle se disait contente de le revoir. Pourtant, ce ton si formel... Cherchait-elle à garder les apparences? Delnwë n'y tenait guère rigueur. Il était ici, au milieu de femmes et d'hommes qui avaient combattus de nombreuses fois avec lui. Ils étaient ses sœurs et ses frères. Et si la relation hiérarchique était conservée, l'amitié et l'attachement l'était aussi. Les humains cultivaient la distance dans leurs armées. Les elfes tenaient à ne pas oublier qui ils étaient. Des êtres pensant et aimant avant d'être des soldats.

Elle se redressa et le regarda dans les yeux. Elle disait être porteuse d'un message, et semblait ne pas vouloir en parler ici. Il acquiesça d'un signe de tête et lui fit signe de le suivre jusque dans sa tente. Là, elle observa un court instant l'environnement avant de lui tendre une missive.

-Tenez, elle est du Lieutenant Cemkred de l'armée d'Eraïson. Je n'en connais pas le contenu."

Il acquiesça. Pendant qu'il dépliait la lettre, il observa la jeune elfe. Si... froide n'était certes pas le mot. Distante? Non... rigoureuse, sans doute. Comme si sa mission passait avant tout. C'était certes une bonne chose. Mais peut être un peu extrême. Son regard parcouru rapidement la missive. Ce n'était pas une de ces lettres qu'on écrivait à un de ses parents ou ses amis. Les mots et phrases étaient simples et directes. Il fallait être concis, écrire le maximum en un minimum de mots. Aller à l'essentiel. Un rapport de l'armée devait respecter cela. Bien sûr, le message était codé, mais le lieutenant connaissait ce code par cœur, aussi n'eut-il aucun mal à le déchiffrer dans son esprit.

Il finit par poser la lettre sur son bureau, et se reculant sur sa chaise, soupira. Puis il observa la jeune elfe, toujours debout, devant lui.

«Sans doute voudriez-vous connaitre le contenu de cette lettre? Ce n'est rien de très important à vrai dire. Enfin, c'est très relatif. Il s'agit d'un rapport détaillant l'ensemble des positions sombres proches de ce campement. Effectifs, fortifications, et autres données qui auraient pu nous être très utiles. Auraient pu...»

Il se leva et chemina doucement jusqu'à un des côtés de son bureau.

«Seulement voilà, l'hiver est là. Il est rude, et nous empêche de progresser. Nos vivres s'amenuisent, d'autant que les sombres détruisent certaines de nos caravanes. Alors nous attendons, et nous observons. Mais rien de plus. Je ne peux me permettre de lancer un assaut quelconque. Nous irions au désastre...»

C'était bien le mot. Désastre. Et puis, il avait d'autres soucis... Mais pour le moment, il voulait s'en détacher un peu. Relevant la tête vers la jeune elfe, il lui adressa un sourire franc et sincère.

«Mais assez de tout cela. Je crois que vous n'avez guère répondu à ma question de tout à l'heure. Et à en juger par votre accoutrement et ce que vous m'avez amené, vous semblez être... intégrée à notre armée. C'est surprenant, j'avoue, mais je ne sais si je dois m'en réjouir ou non. Non que je ne sois pas heureux de vous revoir, Glinana. Mais j'aurais aimé que ce fut en d'autres circonstances...»

Il tira le coffre du coin de la tente, et vint s'assoir dessus, avant d'inviter la jeune elfe à prendre son siège.

«Asseyez-vous. Oubliez mon grade un moment, et dites-moi plutôt comment de dresseuse de chevaux aux alentours de Naelis, vous en êtes venue à vous en retourner parmi les vôtres. Je pense que cette rencontre n'est pas uniquement due au hasard. Peut être pourrions-nous le vérifier...»

Dernière édition par Glinaina le Jeu 31 Oct 2013 - 21:32, édité 1 fois

Glinaina n'avait pas été mise au courant du contenu de sa missive pour la simple et bonne raison que son lieutenant n'avait trouvé cela très utile de lui en parler et qu'elle n'avait pas eu la curiosité de lui poser de questions autres que sur sa destination. De plus, elle ne souhaitait pas spécialement connaître le contenu du message, à moins que la réponse de Delnwë ait besoin d'un éclaircissement oral. Alors qu'elle allait répondre à l'archer qu'elle ne voulait pas vraiment savoir ce qu'il se tramait, il enchaîna comme si elle venait de répondre affirmativement. Cela la surprit quelque peu, mais les dires étant prononcés, elle écouta juste, comprenant sans problème qu'elle avait transporté un rapport militaire concernant les différents postes ennemis. Rien d'extra-ordinaire, en somme.

"Seulement voilà, l'hiver est là. Il est rude, et nous empêche de progresser. Nos vivres s'amenuisent, d'autant que les sombres détruisent certaines de nos caravanes. Alors nous attendons, et nous observons. Mais rien de plus. Je ne peux me permettre de lancer un assaut quelconque. Nous irions au désastre...
-Je ne sais si le Lieutenant Cemkred vous demande explicitement d'attaquer, mais il peut toujours être intéressant de connaître l'état des troupes à un endroit qui n'est pas très loin du sien. Même lorsque l'on est bloqué par la neige.

A nouveau un sourire vint se dessiner sur ses fines lèvres ; elle connaissait le métier et cela son interlocuteur le savait très bien. Elle le comprenait donc et ce sourire était plus celui adressé d'une personne à son collègue, quoi que ce n'était pas là sa place. Elle voyait très bien pourquoi ces informations lui étaient inutiles, mais dans quelques jours ? Peut-être que les événements feront qu'il en aurait besoin...

L'Elfe reprit alors la parole, changeant complètement de sujet. Que pouvait bien faire une dresseuse de chevaux sur le front, surtout qu'elle travaille chez des Humains ? Avant de répondre à sa question, elle s'assit sur le siège qu'il venait de lui montrer et laissa un petit rire s'échapper de sa gorge. Elle sembla se "réchauffer" un peu, acceptant une conversation plus amicale que conventionnelle. L'histoire de la missive n'était pas forcément toute à fait réglée, mais si le lieutenant Iridwen lui-même le demandait, pourquoi se focaliserait-elle absolument sur la missive avant d'accepter cette tournure de conversation ?

-Les bruits de la guerre se font entendre là où porte le vent, Delnwë. Je suis donc venue aider dès que j'ai pu, avant que le temps ne vienne m'empêcher de venir jusqu'ici. Je ne puis qu'être en accord avec ce que vous m'aviez assuré la dernière fois : je suis une Elfe et malgré le fait que je sois devenue différente, le sang ne ment pas. Alors me voilà... Cela m'a permis d'aller voir ma famille avant d'aller me battre à vos côtés en tant qu'auxiliaire, ne serait-ce que pendant deux mois.

Elle avait dit cela en toute sincérité, même s'il lui avait fallu omettre quelques petites précisions sans grande importance.

-Peut-être pourrions-nous vérifier que notre rencontre n'est pas due qu'au hasard ? Que souhaitez-vous dire par cela ?"

Elle répondit avec calme et sérieux, affirmant que de telles informations restaient utiles. Elle avait raison... Connaitre l'ennemi, ses positions, ses conditions, était un sérieux atout. La connaissance pouvait changer l'issu d'un affrontement, d'une bataille, d'une guerre. Voir permettre de l'éviter, simplement. Ainsi, cette missive d'apparence si anodine avait en fait une véritable valeur. Mais cela il le savait. Il déplorait simplement de ne pouvoir l'utiliser en cet instant. Ajoutant un sourire amical, la jeune elfe lui fit comprendre qu'elle cherchait à lui redonner espoir. Au fond, il ne perdait pas vraiment cet espoir. Il doutait simplement que cette guerre puisse un jour connaitre une fin...

Après le changement de sujet, Glinaina accepta le siège, s'installa tout en écoutant attentivement. Lui-même, assit sur son coffre, l'interrogea brièvement. La conversation était plus détendue. Et cela leur ferait du bien, à tous deux. Ainsi elle était revenue pour son peuple. Son héritage n'était pas totalement effacé. Elle était encore la jeune elfe aux cheveux d'or, souhaitant défendre Anaëh, son héritage et les siens. Elle était prête à donner sa vie pour cela. Un changement des plus agréables pour Delnwë. Mais l'idée de la voir périr sous les flèches sombres manqua de le faire frissonner. Il avait tant entreprit pour elle, pour la guérir, qu'il n'y tenait certes pas. Et d'après ses éclaireurs, cela avait failli arriver.

-Peut-être pourrions-nous vérifier que notre rencontre n'est pas due qu'au hasard ? Que souhaitez-vous dire par cela ?"

En effet, que voulait-il dire? Au fond, c'était plus un ressenti, comme s'ils avaient été tous deux guidés à se rencontrer à nouveau. Et dans quel but, cela restait à découvrir. Mais malgré tout, il savait quelques détails qui le firent sourire.

«Disons que depuis que nous nous sommes quittés, j'ai effectué une rencontre des plus... intéressantes, qui m'a amenée à envisager plusieurs pistes concernant ce qui vous touche. Des idées, pouvant vous être appliquées. Malheureusement, la guerre m'a empêché de venir vous voir et vous en parler. Cette guerre qui me retient depuis longtemps déjà. Et finalement, incapable de venir vous voir, c'est vous qui venez là jusqu'à moi. Ne croyez vous pas qu'il y a de drôles de coïncidences?»

Peut être l'était-ce réellement. Mais en presque deux cent cinquante années de vie, il avait apprit que le hasard était bien rare, et que tout événement pouvait avoir sa justification si on prenait le temps de la chercher. Il n'y tenait pas vraiment, mais se doutait qu'il y en eu une. Nakor, peut être?

«A vrai dire, peu importe la réponse à cette question, l'important est que nous ayons pu nous revoir si tôt. J'ai pu constater que votre conseil concernant l'archimage humain s'est révélé des plus censés, et je pense pouvoir dire que je dispose d'un nouvel allié dans ma quête vous concernant. Un allié fiable et digne de confiance, pour venir à bout du mal rongeant une jeune elfe que je croyais totalement perdue... Et qui me prouve aujourd'hui qu'elle a bien plus de ressources que je ne le pensais. Ce qui m'incite à me battre davantage.»

Il esquissa un sourire franc un sincère, avant de se lever.

«Mais j'oublie que nous sommes en guerre. Après un tel trajet vous avez sans doute faim ou soif?»

Un simple sourire répondit à la première question de l'Elfe, ni énigmatique, ni vraiment affirmatif. Glinaina ne pouvait dire s'il s'agissait bien du hasard ou s'il s'agissait d'une volonté qui n'était aucunement liée à eux deux mais plutôt à des êtres que l'on pouvait qualifier d'immortels dans tous les sens du terme, les dieux donc... Non, de cela elle ne voulait pas vraiment y penser. Autant rester rationnelle et ne pas se perdre dans ces histoires de dieux, ne pas se perdre dans des suppositions alors que ce n'était vraiment pas le moment, qu'elle avait encore besoin de stabilité et de recul, entre Kÿria, Kiel et d'autres dont elle ne devait même pas connaître l'essence.

Sans attendre de réponse plus explicite que cela, Delnwë laissa ses paroles s'enchaîner au même titre que ses pensées, parlant en premier lieu de Nakor avant d'enchaîner sur elle-même, comme quoi qu'elle avait plus de ressources qu'elle n'y paraissait, alors qu'elle avait semblé complètement perdue face à l'archer lors de leur première rencontre. Aujourd'hui, elle se montrait bien plus comme une femme forte qui savait se prendre en main et qui n'avait pas peur d'aller de l'avant, qui cherchait à aller dans cette direction encore inconnue, même. Elle en voulait et ce pour une raison que seule elle - et peut-être les dieux, qui sait ? - connaissait et qui était à la fois très précise : retarder au maximum son "autodestruction" pour mettre des bâtons dans les roues de Kiel et se rapprocher de son peuple d'origine avant qu'il ne soit trop tard, pour une raison qu'elle ne connaissait pas vraiment encore, dans le fond. Et elle était déterminée à cela, quoi que ça puisse donner au final.

Avant qu'elle n'ait pu prendre la parole, Delnwë se leva du coffre lui servant de siège du moment et lui proposa de se restaurer, supposant qu'elle devait avoir faim ou soif après sa course à cheval - cheval qui n'était plus, malheureusement. Lina réfléchit deux secondes à la proposition, n'ayant pas encore pris le temps de faire attention à son estomac ou encore à sa gorge, avant de répondre.

"Ne vous décarcassez pas pour moi, Delnwë. Juste un peu d'eau me suffira, j'ai pu manger en cours de route.

Elle laissa l'archer aller chercher le précieux liquide pouvant accroître toute vie et n'attendit aucunement avant de reprendre la parole, son ton étant bien plus sérieux que lors de sa dernière et courte prise de parole.

-En parlant de notre dernière rencontre... Je ne sais si Nakor a pu vous mettre au courant mais nous avons eu du nouveau concernant ce que j'ai, il y a quelques ennéades. Nous avons rencontré une personne qui de par ses dons magiques et son savoir a pu trouver ce qui me rongeait ; et me ronge toujours, d'ailleurs.

Elle prit la gourde que Delnwë lui tendait et but une gorgée, laissant le temps à son comparse de s'asseoir. Etait-ce une bonne idée d'avoir commencé la discussion ? Peut-être pas, d'autant plus que cette histoire concernait de près les Drows (du moins certains) et que les Elfes étaient actuellement en guerre contre eux. Mais elle lui avait promis de le tenir au courant et elle ne doutait pas que Nakor en avait fait de même ; alors autant en parler là maintenant plutôt qu'à un moment complètement inopportun.

-Je suis maudite par une déesse, tout simplement. La déesse Kiel, pour être précise, la déesse liée à la douleur et à la torture chez les Sombres. Je ne sais pas encore comment on va pouvoir m'enlever cette malédiction, enfin ne serait-ce que si elle peut s'enlever. Il y a eu une proposition, mais je ne suis pas prête pour... Mais bon, je verrai cela en temps voulu. Pour l'instant, je suis partie prenante dans une guerre, que ce soit en tant qu'auxiliaire ou autre."

De nouveau un sourire, cette fois-ci plus pour alléger la nouvelle. C'est alors qu'une voix provenant de l'extérieur appela le lieutenant, une voix d'homme qui laissait plus transparaître de l'inquiétude qu'autre chose. Glinaina fronça les sourcils tout en regardant vers l'entrée de la tente et laissa Delnwë gérer cette affaire qui se présentait à lui.

Manifestement, il ne s'était guère trompé dans ses paroles. Elle était plus forte qu'elle ne l'avait été la première fois qu'il l'avait vue. Elle tenait le choc, semblait en bonne forme, et disait pouvoir se contenter d'un peu d'eau. A demi surpris, il sortit du coffre une bouteille et une gourde. Le tout était assez rudimentaire, taillé dans un cuir quelconque. L'eau n'avait rien d'exceptionnel mais il conservait toujours un récipient à portée de main. L'eau douce était assez rare en temps de guère, alors... Tout en tendant une gourde à la jeune elfe, il observa encore cette jeune elfe, encore si fragile il y a quelques énéades, et désormais plus... forte.

Alors qu'elle récupérait le récipient, elle évoqua la dernière rencontre avec l'archimage, et expliqua en avoir appris davantage. Son ton se fit plus sérieux, et Delnwë s'assit en face d'elle, sur le coffre, se penchant légèrement en avant pour montrer qu'il était entièrement attentif. Elle évoquait un mal qui la rongeait encore. Connaissait-elle la nature de ce mal? Alors qu'elle buvait une gorgée de la gourde, il espérait en son fort intérieur que ce n'était rien d'insurmontable, si tant est qu'elle sache exactement ce qu'il en était. Et d'ailleurs, qui était donc cette personne lui en ayant dit davantage? L'archimage lui même? Non, elle évoquait quelqu'un d'autre. Mais qui?

-Je suis maudite par une déesse, tout simplement. La déesse Kiel, pour être précise, la déesse liée à la douleur et à la torture chez les Sombres. Je ne sais pas encore comment on va pouvoir m'enlever cette malédiction, enfin ne serait-ce que si elle peut s'enlever. Il y a eu une proposition, mais je ne suis pas prête pour... Mais bon, je verrai cela en temps voulu. Pour l'instant, je suis partie prenante dans une guerre, que ce soit en tant qu'auxiliaire ou autre."

Le silence plana quelques instants. Pas simplement un silence qu'aimaient laisser les elfes dans leur discours. Non, ce silence là était lourd et pesant pour Delnwë. Il se prolongea, et fut finalement interrompu par la gourde tombant sur le sol. L'elfe se demandait s'il avait bien entendu. S'il avait bien compris. C'était ... Impossible! Comment pouvait-il en être ainsi? Qui avait pu faire ça? Et surtout, comment combattre la malédiction d'une déesse? Les yeux dans le vide et pourtant braqués sur la jeune elfe, son regard se fit mélange de tristesse, de colère et d'amertume, alors que le reste de son visage se fit neutre. Tout ce qu'il avait imaginé pour l'aider. Tout ce qu'il pensait être possible. Anéanti. En un seul instant. Il n'était pas pratiquant de magie. Il n'était pas prêtre. Il n'avait aucun pouvoir face à celui d'une déesse. Il ne pouvait qu'observer et subir. A son grand désarroi. Elle essaya un sourire. Lui ne voulait pas sourire. Il n'en avait pas envie. Il s'était juré de protéger les siens. Et s'était attaché à cette jeune elfe qu'il n'avait pourtant vu qu'une seule fois. Et désormais, il savait qu'il serait impuissant à la sauver. Qu'il devrait la voir vivre ou mourir, sans rien pouvoir faire. Il n'avait jamais aimé être incapable d'aider, encore moins en cet instant cruel.

Une voix vint de l'extérieur. Inquiète, à n'en pas douter. Un de ses soldats. Mais s'il l'entendit, Delnwë n'y répondit pas immédiatement. Il était désemparé, et pendant encore un instant, garda la même position. Il ne savait ce qu'il devait faire. Mais il avait un devoir envers les siens. Pourtant, il hésitait. Puis il finit par se lever. Mais il semblait étrangement las. Prenant la direction de l'extérieur, il fit signe à Glinaina.

«Venez. Allons voir ce qu'il en est. Nous reparlerons plus tard.»

La voix se voulait neutre. Mais elle tremblait légèrement. Très peu, mais assez pour être tout juste perceptible.

Sortant de la tente, il vit un de ses soldats venir vers lui et lui murmurer quelques paroles. Il écoutait, hochant la tête. Mais à son regard, il semblait presque absent. Le soldat sembla le remarquer, mais n'en dit mot, poursuivant son rapport. Ainsi lorsque le lieutenant revint vers la jeune elfe, ce fut avec un ton plutôt neutre qu'il annonca ce qui se passait.

«Nos sentinelles ont trouvé quelques choses aux abords du camp. Nous devrions aller voir. M'accompagnez vous?»

Il ne fallut pas attendre bien longtemps avant d'obtenir une réponse gestuelle à ses mots. Glinaina regarda sans grand état d'âme Delnwë accueillir la nouvelle, plus mal qu'elle ne l'aurait pensé ; elle y avait mis les gants, pourtant, ou du moins avait essayé... La gourde qu'il tenait en main tomba au sol, montrant tout le désarroi qui s'était emparé de lui. Que pouvait-il penser à l'instant même ? Elle ne pouvait que supposer et de toute façon ne se serait pas permise de lui poser la question. De toute façon, le regard vide qu'il posa sur elle en disait malheureusement beaucoup. Pourquoi avait-il fallu qu'elle lui en parle ?! Bon, d'accord, c'était une promesse, mais elle n'avait pas envie de retrouver tout Elfe la croisant dans un état tel que celui-ci.

Intervint alors la voix provenant de l'extérieur de la tente. Le lieutenant mit quelques instants avant de se décider à y répondre, se levant et marchant comme si le poids du monde entier s'était abattu sur ses épaules, écrasant de toute sa puissance le guerrier qu'il était. Las, il fit signe à Glinaina de le suivre, remettant à plus tard leur discussion. Ainsi soit-il ! Que pouvait-elle faire d'autre ? L'obliger à continuer à discuter sur le sujet, alors qu'il n'avait pas l'air en état ? Peut-être... Quoi qu'il en soit, elle se contenta juste de mettre ses interrogations plus inutiles les unes que les autres, se leva, prit la gourde restée allongée sur le sol maintenant presque vidée de son contenu, la referma et la posa sur le coffre avant d'aller rejoindre celui qui était pour cet hiver son frère d'arme. Elle attrappa juste sa cape au passage et sortit de la tente blanche.

"Nos sentinelles ont trouvé quelques choses aux abords du camp. Nous devrions aller voir. M'accompagnez vous ?
-Il semblerait que j'ai quelques temps devant moi, donc... Et il me semble également avoir une dette envers les vôtres, donc si je puis aider ce serait volontiers.

Sans attendre plus qu'il ne fallait, son visage arborant à nouveau une expression froide et fermée, elle suivit le soldat qui parlait précédemment à son supérieur hiérarchique. Il suivit mais elle voyait bien que son esprit ne voulait pas revenir sur terre. Alors, au bout d'une bonne dizaine de pas, voyant qu'il ne se reprenait toujours pas, elle se retourna brusquement vers lui et l'agrippa fermement par le col, le secouant un peu en même temps. Les Elfes qui voyèrent la scène réagirent aussitôt mais Lina s'en ficha royalement : toute son attention était concentrée sur une seule et unique personne qui avait besoin d'être brusquée un peu. Au moment où elle prononça ses mots, Delnwë put lire dans son regard une forte détermination, une qu'elle n'avait su avoir lorsqu'il était venu la rencontrer.

-Réveillez-vous, Delnwë. Ce n'est pas à vous de porter mon fardeau et encore moins à moi de porter le vôtre. Vos soldats ont besoin de vous alors ne fléchissez pas ! Si vous vous tombez et ce juste pour ça..."

Son ton était froid et implacable. Elle venait de parler d'une voix assez basse, de sorte à ce que le moins d'Elfes possibles ne puissent l'entendre. Sentant qu'elle devait le relâcher, au risque de se retrouver une flèche en pleine tête d'une seconde à l'autre, elle releva doucement sa main vers sa propre épaule avant de reculer pour montrer qu'elle ne ferait aucun mal à celui qui se trouvait devant elle. Diplomatie, diplomatie, quand tu ne nous tiens pas... Et dire qu'elle s'était retenue au dernier moment de lui crier dessus comme elle l'aurait fait envers n'importe quel soldat sous son commandement ou bien ami...

Lorsqu'elle lui répondit par l’affirmative, il se contenta de hocher la tête. Cela lui suffisait. Il n'en voulait pas davantage. Suivant le soldat qui était venu le voir, et précédant la jeune elfe, Delnwë se laissa guider, sans vraiment se soucier de quoi que ce soit. La nouvelle qu'il venait d'apprendre lui hantait encore l'esprit. Comment? Pourquoi? Des questions, un choc... Mais pas de réponses. Glinaina s’aperçut bien vite de son état. Il croyait qu'elle l'acceptait. Qu'elle tolérait qu'il puisse être ainsi atteint. Mais au bout d'une dizaine de pas, elle se tourna vers lui, l'agrippa par le col, et le secoua légèrement. Elle, qui il y a quelques temps seulement, avait été tout aussi atterré, pleurant dans ses bras. C'était cette jeune elfe, aux cheveux d'or, celle qu'il avait juré d'aider. Celle qu'il avait sentie en détresse, et qui avait éveillé un sentiment de compassion. Non plus que cela, d'amitié et de nécessité. Il s'était juré de la secourir, en tant qu'elfe, en tant que l'une de ses sœurs, en tant que nouvelle amie. Et voilà qu'elle le tenait, à bout de bras, le secouant comme un vulgaire linge, quoiqu'il opposa plus de résistance. Les soldats autour firent mine d'intervenir, certains saisissant leurs arcs ou leurs épées. D'un simple geste ferme de la main, il les stoppa net.

-Réveillez-vous, Delnwë. Ce n'est pas à vous de porter mon fardeau et encore moins à moi de porter le vôtre. Vos soldats ont besoin de vous alors ne fléchissez pas ! Si vous vous tombez et ce juste pour ça..."

Le ton de la jeune elfe était froid, comme si elle sermonnait un de ses soldats. Le regard en réponse ne fut plus vide ou perdu. Les sourcils étaient froncés. Les pupilles traduisaient une colère. Elle le relâcha finalement. Les mains dans le dos, il toisa celle qui venait de lui faire la leçon comme s'il avait été une nouvelle recrue ayant commis une grave faute. Il l'observa encore quelques instants, avant de lui répondre. La voix était dure et presque profonde pour un elfe. Il ne plaisantait guère. Ses soldats avaient appris à le connaitre, et savaient que ce ton, qu'il employait rarement, ne présageait rien de bon.

«Est ce là tout? Je suppose que ces propos avaient pour but de me faire la moral. On peut dire que vous y êtes parvenue. Je n'entendais pas laisser les miens sans meneur. Ne vous inquiétez pas pour cela, je connais mon rôle. Et je pense qu'il serait bon de vous rappeler le vôtre... Auxiliaire Glinaina!»

Il passa sur le côté et continua son chemin, alors que ses soldats retournaient à leurs tâches. Mais il n'avait pas fait trois pas qu'il s'adressa de nouveau à la jeune elfe.

«Je ne suis pourtant pas ingrat. Je vous remercie de ce que vous avez fait, quoique vous ne sembliez pas mesurer la gravité de ce qui vous affecte. Toutefois, vous ne m'avez pas rendu entièrement service. M'aider à me ressaisir est une chose. Me sermonner devant mes soldats en est une autre. Je me devais donc de vous faire comprendre votre poste. Ne le prenez pas mal. Il en va de ma crédibilité, si vous voyez ce que je veux dire. Tous ici me connaissent. Je suis moins leur chef que leur protecteur et leur frère. Je ne donne pas des ordres, j'assure une cohésion. Chacun sait ce qu'il doit faire, et fait selon ce qu'il estime juste, pour peu que cela n'aille pas dans le mauvais sens. Mais je dois garder crédibilité malgré tout.»

Il reprit sa marche à la suite de son soldat. Espérant que celle qui le suivait aurait compris. Il n'avait pas voulu la vexer. Simplement lui faire comprendre les raisons de sa réaction.
Quoique la colère ait été un peu présente malgré tout...

La réaction du lieutenant refroidit aussitôt l'atmosphère : n'ayant visiblement aucunement aimé l'intervention de la jeune femme, il croisa ses mains dans son dos et détailla l'auxiliaire comme si elle venait de faire à son tour une faute très grave. Tout autour personne ne discutait, regardant la scène se dérouler jusqu'à ce qu'elle soit terminée. Alors que Delnwë enguirlandait Glinaina comme se le devait un haut-gradé face à un simple soldat, la jeune femme eut d'abord tendance à le regarder droit dans les yeux mais elle se retint de le faire trop longtemps, sachant quelle était la valeur d'un lieutenant dans une armée et surtout sachant que ses propres soldats les regardaient. Le plus dur fut quand il lui rappela le "grade" qu'elle portait désormais : Auxiliaire Glinaina. Elle baissa d'autant plus les yeux à ce moment-là, un pincement au coeur à cause de sa propre histoire, du fait qu'elle était au départ elle-même du même grade que son interlocuteur. Elle ne répondit aucunement au sermon, laissant Delnwë repartir avec plus de force moral qu'il y avait seulement quelques secondes. Au moins, elle avait gagné cela...

Alors qu'elle s'apprétait à le suivre, le lieutenant se retourna à nouveau pour lui parler, cette fois-ci moins fort que sa dernière tirade. Glinaina l'écouta sans broncher, à nouveau les yeux dans les siens, en toute franchise. Elle comprenait tout à fait sa réaction et en aurait certainement fait autant auparavant. Aussi lui répondit-elle, cachant très bien le mal que lui avait causé la dernière pique de l'elfe.

"Je comprends très bien Delnwë et je vous prie d'accepter mes excuses. J'aurais dû attendre, j'ai été trop rapide si je puis dire. Il est normal que vous deviez gardé le maximum de crédibilité possible aux yeux de vos soldats, vu votre rang.

Puis elle suivit les deux elfes, paraissant comme habituelle, le visage fermé et la tête sur les épaules. Ils marchèrent un certain temps dans la neige froide et blanche, suivant un chemin que le soldat semblait être habitué à prendre. Au bout de quelques minutes ils croisèrent un autre groupe de quelques elfes qui donnait la nette impression d'être prêt à se battre à tout moment tant l'ambiance était tendue, ce qui fit froncer les sourcils de la jeune femme. Qu'avait-il bien pu se passer ? Sa question aperçut bientôt un début de réponse lorsque du sang se fit voir sur la neige jusque là immaculée. Le soldat marcha à côté de ce sang tout en parlant à son lieutenant et emmena les deux êtres sous les arbres où un spectacle qui n'était pas des plus beaux les attendait : trois elfes appartenant à l'armée royale étendus morts, décédés suite à un combat assez long à première vue, ou du moins un combat qui avait dû se traîner sur le terrain. Cependant, quelque chose n'était pas vraiment banal sur deux des trois corps. Ayant demandé puis obtenu la permission de Delnwë, Glinaina s'avança vers l'un des corps et s'agenouilla auprès de lui, regardant attentivement l'une des marques qui avaient été tracées au couteau sur la peau du mort, comme une signature. La plaie avait saigné à cet endroit, le pauvre elfe ainsi que ses camarades avaient donc dû subir la "signature" avant d'être achevés d'une façon ou d'une autre (et certainment pas de la plus rapide et indolore). Elle prit donc la gourde qui était à sa ceinture et déversa un peu d'eau sur le corps froid pour essayer de décoller le sang à cet endroit. Lorsqu'elle vit nettement la signature, elle ferma les yeux et s'empêcha de retrousser l'une de ses propres manches pour vérifier si cela correspondait bien... La plaie était du même ordre que les traces magiques sur sa peau, ce qui ne laissait que peu de doutes sur la race des malfaiteurs, quoi qu'elle ne pouvait que supposer.

-Des Sombres..."

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