La Ronde du Printemps [Les Anoszia]

L’immensité du ciel s’offrait à elles, les belles hirondelles ne cessaient leur danse ritournelle  entêtante et enivrante si bien que sous son ombrelle, la jolie damoiselle les regardait comme de splendides merveilles. Ashraï était désormais bien loin, les beaux rivages de son magnifique royaume avait été abandonnés au profit d’une escapade sur la mer Olienne. L’équipage avait fait halte à Nelen pour ses somptueux diamants puis ils reprirent leur route jusqu’à Port-Réal où ils rejoignirent le Domaine de Caïssa. Malheureusement, son séjour fut de courte de durée puisque la Rosière était sommée de se rendre à Ydril afin de répondre de quelques menues affaires. A nouveau, la caraque si finement nommée l’Hirondelle appareilla et mena sa route jusqu’aux côtes d’Ydril, accostant un port de Calozi. La suite du voyage se fit en diligence tandis que la bélandre poursuivrait son périple jusqu’au port d’Ydril. Durant deux ennéades, les diverses provinces du Comté furent parcourues jusqu’à atterrir en la Demeure du régent. Sur le chemin, Danaé croisa ces fameux oiseaux rappelant un des joyeux naval de son père, pensive, elle daigna être guidée à l’intérieur du palais ydrilote...


Déjà, une journée entière était passée mais le seigneur Anoszia n’avait pu se libérer pour la saluer, elle et sa suite. Elle s’était parfaitement accommodée des lieux ayant par le passé séjournée plusieurs fois en ces terres.  Une petite kyrielle des Dames de la cour ydrilote l’avait mené en ce jardin délivrant une vue imprenable sur la mer pour savourer quelques gouteuses sucreries. On l’avait félicité sur sa tenue inventant la mode du lendemain, sa coiffure sophistiquée  ou encore ses vertus. L’origine de ses compliments n’étaient pas le fait de sa prestance mais différents présents qu’elle avait pu leurs offrir ce qui amusait fortement l’Immaculée.

Sous l’astre éternel, l’amusement battit son plein, entre rire, gaieté et taquinerie, la Malicieuse amadouait les Dames d’Ydril avec autant d’élégance qu’un maestro guidant son orchestre d’une main de fer dans un gant de velours. La Rosière façonna son chef d’œuvre susurrant les plus doux mots aux creux des oreilles de ces nouvelles amies. Donner à une femme ce qu’elle désire entendre et elle vous ouvre les bras. La prudence était malgré tout mère des vertus car les caprices font souvent partie intégrante de la gent féminine souvent aussi avide qu’un Rynx insatiable. La Rosière aimait ce monde, un monde qui était un jeu d’esprit où la sapience triomphait  avec une bonne maîtrise. Et elle n’avait de cesse d’aiguiser celui-ci telle une ronde sempiternelle car notre Ingénue aime la victoire. Les fadaises cessèrent et firent place à cette voix forte et virile. Les regards se tournèrent vers le régent pour certains envieux, sensuels, convoiteux ce qui n’échappa à Danaé qui mémorisait le visage des rêveuses indolentes. Il lui vint à l’esprit combien se serait amusant de pousser ces femmes à avouer, à se jeter corps et âme perdus dans leurs fantasmes les plus secrets. Ce serait un spectacle si attrayant. Naturellement, l’Immaculée dissimulait ses lippes rosées derrière un petit flabellum de plumes blanches en lui présentant sa main. Les robes sophistiquées des nobles péninsulaires avaient été délaissées au profit d’un chiton beige en lin retenu par deux fibules couleur cuivre au niveau de ses épaules. Une ceinture marquait sa taille.

« Ma journée fut à la hauteur de mes espérances. Les femmes d’Ydril sont aussi merveilleuses et délicates qu’une fleur d’aurore. » Minauda-t-elle dans un sourire tout innocent, respirant fraicheur et volupté à la fois. Rien de sa surprise ne fut légué à son hôte qu’elle étiqueta d’abrupte et un brin expéditif. Ayant déjà fait face à ce genre de comportement, l’Etoile des sables était en mesure de deviner l’intérêt de l’Ydrilote envers sa personne. Sur une échelle de un à dix, elle pouvait espérer tout au plus un cinq ou un quatre. Pour autant, elle ne lui en tint pas rigueur.

« Mes pauvres jambes s’engourdissent à force d’être restée assise, serait-ce grossier de vous proposer de m’accompagner ? » Ne se doutant certainement pas d'une réponse négative, Danaé prit les devants et amorça quelques pas en direction des allées de haies et d’arbres, il était évident qu’elle désirait discuter tranquillement avec lui. L’un de ses eunuques suivait à la file indienne. « J’ai ouïe dire que vous avez à nouveau introduit des esclaves dans la Péninsule, mon père, Myrdine en tant que Prince-Marchand de Thaar et Seigneur du domaine de Caïssa vous conseille prudence. En effet ma mère, la Reine Sharess de Shamash peut parfois se montrer capricieuse et n’apprécie guère qu’on empiète sur ses sphères de prédilection. » D’une œillade, l’Immaculée sonda quelques instants son hôte avec tout la douceur et la fragilité qu’elle inspirait. « N’y voyez là aucune bravade. Les femmes des côtes thaaries ont souvent des réputations tempétueuses et n’ont pas la sagesse de la gent féminine péninsulaire. » Un soupire fut relâché par sa fine bouche.