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 Croustillant d'armures brisées sur coulis de fruits rouges et son calisson

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Arsinoé d'Olyssea
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MessageSujet: Croustillant d'armures brisées sur coulis de fruits rouges et son calisson   Croustillant d'armures brisées sur coulis de fruits rouges  et son calisson I_icon_minitimeMer 24 Sep 2014 - 20:45



Septième ennéade de Favrius de Printemps, An 8,  Cycle XI




Ce printemps, les moissons de goemons et de varech sécheraient plus longtemps qu’à l’accoutumée. À leur retour, les milices achetées du littoral Berthildois retrouveraient des greniers pleins. Ils pourraient exposer leur butin à la chaleur d’un âtre ardent, et raconteraient comment ils avaient défait le grand larron de Velteroc : « Il avait désiré des terres ? Et bien, on lui en a donné, des bonnes, dont jamais il ne sortira ! »

Dans cet ost, il n’était si faible gonze qui ne sût corriger les errances de Velteroc. Ores, ils serpentaient encore, à l’enfilade, dans les terres boisées du nord eraçon ; mais le soir, on improvisait des saynètes le ridiculisant. Le plus souvent, on se contentait d’estropier et de farder de blanc les acteurs des soties ; mais une troupe particulièrement inspirée mit en scène les épousailles : celles où Nimmio bredouillait son amour, promettait monts et merveilles, à une Splendeur Obsidienne enceinte jusqu’aux dents ; et tandis que les bourgeois se tapaient sur les cuisses, pleuraient à gros bouillon, des malandrins coupaient les bourses impunément.

Ces manants parlaient du comte manchot comme s’il eut été un cousin un peu simplet, un niquedouille du quartier.

Parmi eux, on distinguait des marins au balancement de leur démarche, tandis que les hommes de métairies sentaient la fouace, la bouse séchée et le suint des laines. Sur leurs chefs, chaperons et calottes dépareillées permettaient un examen plus poussé : les coiffes à bourrelets de la milice d’Eyroles essaimaient largement entre les contingents,  plus menus, des villes-sœurs qu’elle protégeait. Ils se regroupaient selon l’ordre préétabli des microcosmes citadins, – le cadastre des parentés, des métiers et des guildes –, par rapport auquel l’armement n’était qu’une afférence méprisée. Ces mastroquets brandillaient de longues lances, ces pécheurs cachaient des arbalètes sous des gaines pisciformes, ces ribauds fourrageaient à la pointe de leur coutelas. Tous puaient l’huile de marsouin, comme si Eyroles brûlait la graisse du poisson-cochon quand le bois et le goémon faisaient défaut. C’est pour cela que les jurats se parfumaient d’ambre gris, la fragrance musquée en faisant des centeniers naturels ; tandis que leurs fils, eux, s’assemblaient en escadres montées, singeaient la chevalerie, allaient l’aubin sur des rosses poussives, et y gagnaient les lazzis de tous les fer-vêtus qu’amenait le sire de Badefols. Ceux-ci étaient le véritable fer de lance de cet ost : son étrave ; et si leurs paupières lasses, striées de sel, car cinglées par l’embrun et les poudrins, donnaient à toute leur personne un air indolore, alors les stigmates d’antiques balafres en dédisaient le fondement.

Leur seigneur répondait au nom de Dreux, mais on l’avait depuis longtemps affublé d’un sobriquet amplement mérité : Le Sauvegrain, pour sa méchante tendance à piller les navires qui s’échouaient contre ses récifs et ses îlots. La quarantaine bien croquée, il gardait un physique banal jusque dans sa cotte d’arme, et semblait toujours avoir une pomme en main : « Apportez-m’en des vertes, des sades, des douces, des sures ! » criait-il à ses goujats entre deux libations d’abricotine.

Parfois, il s’élevait des chicanes à l’arrière. Entre ceux d’Eyroles et d’Anzème, ça ne bichait pas. Alors, le Sauvegrain buccinait qu’Harren leur ferait bombance et plus encore ; elle était proche, de l’autre côté des collines, cachée par le coude des montagnes ! Aux jurats, il gageait et promettait sans compter, puisque les félons des deux vals payeraient. Après tout, c’était la volonté du roy, ses hérauts avaient jeté l’anathème ! Secrètement, il se réjouissait d’avance à l’idée de se gorger du miel du Hautval ; il trouvait aux autres un goût aigret, et cela faisait trop longtemps qu’on avait claquemuré la baronnie derrière ses cols.

Mais Harren, quand on la voulait gracieuse vivandière, jouait plutôt les prudes sous sa vêture de chênaies, – plus encore que Nisétis avec ses dunes et ses mirages. L’équipée s’embourbait dans des roselières grossies par le redoux printanier, et elle manquait de s’égarer dans la tourmente des rus, des caillebotis et des sentes. Sous les falaises qui éventraient la terre, tout prenait des airs de nemetons et de forêts sacrés. Parfois, des pierres levées émaillaient l’humus gras des dolines. Tous alors se sentaient tricards, cherchaient à se préserver du Maloeil. D’aucuns tripotaient des torques voués à Mogar trismégiste ; d’autres fourraient leur tabard de plumes de hiboux, animal fatidique consacré à la Déesse Douce ; et les plus riches dégainaient des petites dagues en corne de narval, au pommeau taillé en profil des deux visages de l’Omniféconde, la dernière inventée.

Aussi, l’ost s’accrochait au chemin comme on s’accrocherait à une main. Vaille que vaille, Harren serait leur. Et puis, il était trop tard pour ordonner la contremarche. Hier, on avait déjà dépêché dans tous l'Eraçon des hérauts choisis pour la largeur de leur poitrine : il n'était plus questions de renier leur secourables intentions, celles que faisaient mousser leurs devanciers, à peu près comme suit.


D'Aedán de Vercombe, Sénéchal du Royaume, et Arsinoé d'Olyssea, Régente, aux nobles seigneurs d'Erac,

Beaux amis, c'est avec une grande peine que la couronne a appris le conflit qui vous déchire. Erac, en proie aux dissensions, est menacé de sa dissolution. Des actes préjudiciables furent commis, des dispositions hostiles entreprises et ce jusqu'à de véritables rencontres des uns contre les autres. Depuis, la situation n'a eu de cesse de se détériorer. De là est ressorti l'évidence qu'Erac ne pouvait trouver en lui-même les moyens de se reconstituer. L'ancienne affection de la couronne pour cette terre recommandable, les liens qui nous unissent et les dangers communs qui nous guettent nous font un devoir d'interposer notre médiation entre les partis qui la divisent.

Toutefois, comment la raison pourrait-elle prendre le pas sur les armes alors même que vos places vivent sous une menace extérieure? Le parjure de Velteroc, riche du seul droit de la force, presse ses gens à vos portes. Sachez ceci braves seigneurs : tout comme autrefois Erac soutint la couronne par les armes, le Royaume soutiendra par toute l'étendue de sa puissance militaire Erac.

Aussi, nous en appelons à tous les louables seigneurs de l'eraçon afin qu'ils mettent de côté leurs différends dans le but de repousser l'invasion. Le traître du Médian vous croyait faibles de toute votre faiblesse individuelle, il vous trouvera forts de la force de tous. En conséquence, nous demandons au Duc Léandre et à son louable fils Tibérias de ne pas porter les armes l'un contre l'autre, de se prêter secours et assistance mutuelle dans ce conflit ainsi que de conjuguer leurs forces afin de défaire l'ennemi commun.

Que personne n'ignore que la couronne ne saurait tolérer l'usage du droit de conquête sur les terres soumises à sa protection! D'autres féaux sujets, outrés par l'attitude déshonorable du manchot, se joignent déjà à nos forces pour défendre cette juste cause. Ensemble, nous ramènerons la paix du roy à Erac!




 


Dernière édition par Arsinoé d'Olyssea le Dim 19 Oct 2014 - 13:21, édité 1 fois
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