Lamenoire une âme égarée à la recherche de son avenir(feat. Veole)[abandonné]

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Thaar des curiosités, Thaar des flux colorés. Aussi loufoque que la Veole put l'être, dans ces ruelles de bric et de broc aux tintants discordants elle était tout à fait à sa place. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle elle n'y demeurait jamais très longtemps.

Il fallait toutefois admettre que lorsque la finance battait de l'aile, il n'y avait pas meilleure place que la Thaarie sinueuse pour se remplir la bourse, surtout lorsque l'on prétendait lire les mystères du Monde à travers les obscures volutes d'une boule de toc achetée trois sous deux ruelles plus loin.

Allons bon, Veole n'était pas de ceux là. Son art était véritable, bien que la différence entre ses quartiers et ceux de ses charlatans de voisins ne soit pas flagrante aux néophytes. La saltimbanque était suffisamment détachée pour croire que ceux qui passeraient sa porte auraient d'ores et déjà fait preuve de l'intuition nécessaire pour la bonne réception des messages cosmiques qu'elle distribuait gracieusement - moyennant la modique somme de quelques scintillances bienvenues.

A cette heure là de la soirée elle se tenait adossée à la large roue cloutée de clochettes de la fameuse caroulotte carrousel et poivre, fière arpenteuse de la Veine. L'animal n'était pas farouche. Fort peu vêtue malgré la fraîcheur de l'air, elle comptait sur cet étalage de chair nacrée pour encourager l'intuition cosmique et tout le bazar dont nous parlions précédemment. Sans doute n'avait-elle pas conscience qu'un peu de rembourrage à l'échancrure l'aurait aidée dans cette entreprise, mais peu importait. Fièrement rousse et roussement fière, elle était parfaitement l'inloupable du bas coté. A qui traînerait l'oeil qu'elle virevoltait de la jupe en poussant la harrangue en chanson.

- Où cours-tu donc, joli Thaari ? Ainsi qu'on t'a pas dit, à l'endroit jamais de nuit ! Nulle part ailleurs c'est par ici !

Rien à faire, ils étaient vraisemblablement pressés. Bast. Affairée quelques instants en bataille avec divers ustensiles odorants, elle se redressa bientôt pour laisser filer vert le ciel un long filet de fumée tortillante. C'est à cet instant qu'elle remarqua que le nigaud d'en face avait une cliente. Il fallait réagir, et réagir efficacement !

- Ayoult mignonne ! Le gouzeux tu l'y trouveras pas à moins d'un oeil vers les latrines ! Mais c'est ta bonne fortune, car la Veole elle sait demeurer là où besoin se fait sentir de son talent bien modeste !

Et courbette, courbette. Celles de Veole étaient étonnantes, difficile toujours de se décider entre voir cela comme un geste de génie de l'élégance ou plutôt comme le comble de la gaucherie. Cette façon de se tenir sur les orteils, de sauter d'un pavé à l'autre et toujours de se pencher dans le mauvais sens en agitant les bras comme une bannière au vent... Finirait-elle par tomber un jour ? C'en devenait agaçant !

Elle tira le rideau, dévoilant une antre bien sombre où semblaient luire quelques chandelles, de l'autre main elle invita l'étrange jeune femme aux cheveux blancs à entrer - ou plutôt l'enjoignit, mais elle avait toujours été bonne élève en classes de manipulation.

- Allons, charmante... Quelques pas, quel piètre effort ! La rue à traverser, c'est tout !

Bientôt l'aimable cliente découvrirait l'envers - ou l'endroit, dépendant de vos goûts personnels et de la façon dont vous admettez la réalité - du décor. La roulotte semblait bien plus vaste à l'intérieur qu'à l'extérieur, c'était indéniable, et pourtant l'espace viable était plus que réduit. En effet, la majorité de celui-ci était encombré de... de choses. Par soucis de concision il serait bien délicat de tenter une description plus exhaustive, tant diverse la diversité de ces "choses". Un bordel, et pas dans le sens libidineux du terme. Sans donc s'attarder sur les formes, il fallait tout de même retenir les couleurs - ainsi en existait-il autant de différentes ? - les textures et les odeurs... L'enivrement ne tarderait pas à prendre possession des sens de la "mignonne charmante" et, tandis que ses yeux s'accoutumeraient à l'obscurité ambiante, elle pourrait enfin distinguer au milieu de ce fatras deux sièges dépareillés et très - trop - décorés que séparait une petite table sans doute moisie sur le dessous mais lustrée sur le dessus. Du velours, des cartes, et deux mains sur ses épaules pour la faire asseoir.