[Les Âmes Déchues] Le jour où la foi fendra la pierre...
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Bol d’Jiv’elgg
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Sujet: [Les Âmes Déchues] Le jour où la foi fendra la pierre... Jeu 6 Nov 2014 - 22:51
La terre noire se craquelle, tremble et s'arrache hors du sol. Le long des griffes de fer qui s'en sont saisies, ce n'est pas de l'eau mais bien du sang qui imbibe la poussière et ruisselle sur le métal rouillé. La poignée se rapproche du masque et s'effrite dans le mouvement des doigts. Elle sent la peur. Elle sent la misère. Elle sent la mort. La terre de la péninsule avait une odeur délicieuse, une odeur presque sacrée.
Dans son dos, l'humain tremble, il le sait, il le sent. Comme un prédateur sans sa proie tapie derrière un buisson prête à bondir toutes griffes dehors pour tenter un ultime assaut. Il l'entend aussi. Respiration rapide sous un casque mal ajusté, positionnement du pied rendu incertain par ses tremblements, déglutition parasite pour tenter de juguler l'effroi. Comment aurait-il pu en être autrement?
Le Favori se sentait particulièrement en joie ce jour. La misère de la terre que les hommes nommaient Oesgardie comblait son pouvoir comme l'air fétide des taudis emplissait ses poumons. Et face à l'apparence qu'il devait prendre dans ces esprits simples, il était totalement normal qu'il hésite. De même qu'il était naturel que tous les autres aient tremblé, hurlé ou fuit face à sa seule vue. Tout ça pour tomber sous les coups de la partie du cinquième qui lui avait été alloué.
Trop lent. Ce fut sa pensée lorsque l'autre se mit en mouvement. La Créature avait traqué des Elfes. Elle avait asservi des Hybrides. Elle avait même fait plier les inflexibles Nains. Et ce n'était pas l'homme effrayé, alors qu'il pouvait sentir l'odeur de l'urine ruisseler le long de ses guêtres, qui pourrait lui faire le moindre mal. Il se retourna souplement. Sa chaîne suivit son mouvement comme un être vivant doté d'une incroyable fidélité. Les anneaux ondulèrent, virevoltèrent dans un mouvement fluide que jamais aucun homme ne pourrait imprimer à une arme pareille et se ficha droit dans le bras armé de sa victime, brisant par la même la hampe de sa pique pitoyable.
La douleur eut raison de sa force comme il s'effondrait dans la boue poisseuse. A travers le Masque de Kiel, il pouvait ressentir sa peur qui en était devenue douloureuse. Face à cette homme prostré se dressait donc en lieu et place du Favori, un grand Drow au torse dénudé dont la tête ardente ne laissait voir en guise de visage qu'un crâne riant sous les flammes. La Chaîne, elle, portait sa forme la plus explicite, celle d'un long serpent noir dont les crocs s'étaient fichés dans l'épaule gémissante du gueux.
Il se campa lentement devant sa nouvelle victime. Ses yeux d'ambre sondèrent ceux couleur de merde de ce pitoyable vermisseau. D'un geste sec, il dégagea le crochet de sa chaîne. Au loin, le flot de la Sirilya ponctuait la scène, de même que cette bruine incessante qui donnait au sol d'Oesgardie cette boue grasse qu'il imbiberait bientôt de sang. Le gué était à lui. Bientôt, l'armée de la Souffrance viendrait ravager la baronnie déchéante.
"J'ai un message pour toi. Va vers le Nord, aussi vite que peuvent te porter tes jambes flasques. Va voir le premier seigneur que tu rencontreras et dis lui... Dis lui que Kiel Elghinn vient cueillir son dû sur ces terres. Après cela, tu pourras mourir, je consentirais à ne pas prendre ton âme... Va."
Il y eut un moment de flottement, le temps que la terreur imprime l'ordre et qu'elle se mue en panique. Il se releva, chancela, fit demi-tour et s'élança. D'abord en titubant puis en trébuchant, il s'éloigna finalement en courant. Bol d'Jiv'elgg regarda le mort en sursis disparaître dans le brouillard printanier. La Chaîne revenait à sa place. Lentement, presque pensif, il se saisit du crochet, en essuya le liquide poisseux de son doigt et le porta à son masque. L'odeur du sang mêlée de poison chatouilla ses narines. Qu'il choisisse de se suicider de terreur ou de vivre n'avait aucune importance. Son émissaire serait bientôt pris de fièvre et de nausée. Une fois la seconde Ennéade du deuxième mois de printemps, il mourrait en délirant dans sa couche et ses excréments.
Il se tourna vers le Steea Jabuuk qui avait été témoin silencieux de la scène, non sans un certain amusement. Un sourire que le Favori eut envie de faire crier. Mais si il commençait à soumettre ses alliés aux mêmes châtiments que ses ennemis, il n'aurait jamais les moyens d'arriver à ses fins. La satisfaction des Voix serait déjà en soi un met suffisamment délectable que pour pouvoir passer à coté d'un encas.
"Que les troupes se prépare à l'assaut. Que la construction des machines de siège commence. Il y aura beaucoup d'allées et venues dans notre sillage. Je veux que le premier convoi parte avant l'aube et ce que le Favori désire, Kiel Elghinn l'exige."
"Il sera fait selon votre désir, Éminence."
"Que les sorciers se tiennent en alerte. Que les guerrier affûtent leur lame. Trop longtemps que l'Humain vit en paix. Trop longtemps que les culs-terreux se prélassent dans leur purin. Voici venue l'heure de leur rappeler qui sont les maîtres, de leur apporter la divine souffrance de Kiel Elghinn par l'art sacré d'Uriz. Teweïon comptera les points. Et avant la fin de cette Ennéade, Amblère criera pour moi..."
Et sur ces mots, l'illusion pris fin. Il ne gaspillerait pas les dons divins de sa Mère. Sa mission était sacrée et elle ne souffrirait aucun écart ni échec. Qu'importait la victoire, le but n'était pas là. Kiel Elghinn présidait à la souffrance, pas à la guerre, ni à la mort et encore moins à la cupidité. La Créature fit craquer son coup sous sa cuirasse de fer rouillé. Jusqu'à présent, c'était un coup de maître sur toute la ligne. Béni par Kiel, comment aurait-il pu échouer?
La Légion Sainte, c'est comme cela qu'ils l'appelaient désormais. La moitié du troisième complété par une bande de fanatique, de prêtres, de civiles galvanisés, de mage et de tout drow qui avait pu sentir le désir et obtenir le droit d'accompagner le Haut-Prêtre de la Cruauté. Une ferveur face à laquelle aucun membre du commandement de Yutar ne pouvait faire face tant elle était divinement juste. A la tête de ses hordes, Bol d'jiv'elgg allait bafouer une Péninsule trop longtemps épargnée. Il allait chercher de la chair fraîche là où elle était la plus abondante. Bientôt, la volonté de Kiel serait accomplie.
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