La guerre civile, la peste, l'hiver, la faim... et la lubie d'un roi fou. Autant d'événements qui avait rempli les cimetières d'Oesgard jusqu'à parfois les transformer en fosse commune. Cela, le Favori n'en avait pas forcément connaissance, la seule chose qui lui importait n'était autre que les dépouilles ensevelies. Il y avait eu trois objectifs jusqu'à l'établissement du siège d'Amblère. Premièrement, rassembler des enfants pour un objectif qu'il gardait jalousement pour lui. En second lieu, amasser des esclaves qu'il envoyait au Sud pour Yutar. Et finalement, entasser les morts, récents d'un coté, anciens de l'autre.
Et c'était bien ces tas d'os parfois encore étoffer d'un peu de chair putride qui avait son attention ce jour. C'était l'accomplissement d'une concertation assez inédite bien qu'en elle-même assez logique entre le Clergé de Teweion et les nécromanciens de l'armée. Il se souvenait encore de se prêtre aux yeux vitreux dont les pupilles avaient presque disparu dans le brouillard des sombres secrets que lui seul devait voir. C'était il y a près d'une Ennéade désormais.
Il était entré dans son pavillon en peau de bêtes à peine tannées et avait d'emblée exprimer sa vision. Teweion les soutenait, du moins c'est ce qu'il avait prétendu. Il en avait reçu la preuve dans une vision. Et cette vision lui donnait un seul indice sur les desseins de sa maîtresse: la mort marcherait vers l'Ouest. Le Favori n'y avait d'abord vu qu'une prophétie inepte, mais voilà qu'aujourd'hui il se tenait devant l'accomplissement de cette sentence sibylline.
Ils avaient fait dresser des pierres en cercle, des monolithes au même nombre que celui des divinités d'Elda, au prix de la vie de beaucoup d'esclaves. Ceux-ci avait rejoint au centre de ce dispositif aussi rudimentaire qu'impressionnant l'heptagone de corps et d'ossement qui encadrait un autel de bois construit comme un bûcher et orner d'oriflammes couvert d'inscriptions sacrées écrite avec un mélange de boue et de jus de corps en décomposition, enfin de ce qu'il avait pu en jugé.
Lui regardait la cérémonie de loin, suspendu par chaines et crochets entre les deux mats qui lui servaient de chaise à porteurs. La nuit tombait sur le royaume des vivants tandis que les cantiques se succédaient. Des chants qu'il connaissait et que toute la masse des fidèles qui s'étendait avec lui autour du cercle connaissaient également pour en avoir été bercé depuis leur plus tendre enfance. Lui ne chantait pas, il attendait et observait, de toute façon, cela faisait longtemps que son âme n'appartenait plus à Teweion.
Pourtant, il n'était pas le seul à ne pas chanté, à l'intérieur du cercle, une litanie à peine audible s'élevait comme une marée tranquille. Des formules disparates emportées par le vent, couvertes par la voix des dévots et noyée dans les ténèbres montante. Le ciel était encore plombé comme depuis leur arrivé en terre des hommes, accentuant encore le caractère de la scène. A un instant, lorsque le crépuscule eut atteint son paroxysme, la Créature put admirer le ciel qui semblait avoir pris feu.
Lorsque l'incendie céleste prit fin, les trois prêtres demandèrent le silence. Dans un commun accord tous se turent, exception faite des nécromanciens qui continuait à psalmodier leurs phrases inintelligibles. On entendait même le vent dans les sapins au loin. Il commença à parler de sa voix pâteuse, parlant du royaume des morts, de la toute puissance de leur Mère à tous et des merveilles que promettait sa toute puissance. Puis il fut question des infidèles qui non seulement foulait une terre qui ne leur appartenait pas mais en plus avait l'arrogance de prétendre se soustraire à la Reine des Âmes.
Le discours se fit de plus en plus véhément. Il en appela aux forces de la mort, aux âmes des anciens héros et à la force de la déesse qui règne par delà le monde terrestre. Il termina en ordonnant qu'on lui amène les impies, le reliquat d'un monastère réduit à l'état de vague souvenir la veille. Titubant, le corps entièrement dévoilé et marqué de symbole que le Favori avait lui-même tracer. Point à point au stylet tout d'abord puis en unissant le tracer au fer rouge. Leur démarche titubante lui arracha un sourire de sous son masque.
Conspués par une foule galvanisée, les quatre humains déchus furent placer au coin de l'autel et ligoter à des mats de bois. Le prêtre et ses acolytes les enduisirent d'onguent en hurlant des formules comme si ils étaient posséder par un tourmenteur leur faisant avouer leur secret par la souffrance. Au pied du tas de cadavre, les nécromanciens devenait de plus en plus fébrile. Certains se jetaient littéralement au sol en criant maintenant leurs paroles ineptes, d'autres faisait de grands gestes avec leurs instruments et d'autres encore, sans doute les plus inquiétant restait immobile, le regard fixe en murmurant.
La tension était à son comble. Les acolytes rejoignirent les rangs des nécromanciens en charriant des encensoirs chargés d'aromates dont l'odeur âcre pénétrait ses narines même à cette distance. Finalement, le prêtre leva les bras en hurlant dans un ancien parlé une allocation qui se rapprochait d'un "Gloire à Teiweion la toute puissante" que chacun repris en boucle comme une litanie. Il jeta une lanterne sur l'autel devenu bûcher et en descendit tranquillement, les jambes léchées par les flammes. La lumière était rendue verte et bleue par les huiles répandues sur le bois de pin. On entendit bien vite les premiers cris des sacrifices s'élever dans la nuit noir.
Autour du feu, le prêtre et ses servants commencèrent à tourner en entonnant des formules sacrées. Bientôt un premier signe fantomatique flotta dans les air au dessus des cadavres. Un signe suffisamment divin pour galvaniser certains fanatiques. Lorsque le second apparu, plusieurs s'effondrèrent en convulsant au bord du cercle. Au troisième, la folie pieuse s'empara d'eux, plusieurs se ruèrent dans le cercle, escaladèrent les morts et se jetèrent dans le brasier qui ne semblait pas vouloir revenir un jour vers le rouge. Les symboles se succédèrent de même que les professions de foi. Tantôt flottant au dessus des corps, tantôt se marquant dans le sol de tourbe.
Le rituel atteignait son paroxysme alors que de véritables serpents de glyphes s'enroulaient autour des monolithes. Quand le dernier toucha le sommet de son roc, le silence s'abattit sur la scène. Lui comme les autres avaient compris que la cérémonie touchait presque à sa fin. Ils attendaient, après quatre heures, ils attendaient encore dans l'air frais et humide de ce qui se rapprochait de plus en plus d'une vision de l'autre monde.
L'onde de choc le fit balancer au bout de ses chaînes et en jeta plusieurs à terre quand le dernier symbole se forma dans la fumée. Puis cette bourrasque furieuse fit demi-tour happant chaque dessin fantomatique et plaquant au sol tous les nécromanciens sans exception. La scène se vit alors envie de brume, telle un rideau tombant pour permettre au magicien de conserver le suspens quant à son illusion.
Des feux follets vinrent progressivement dissiper la purée de poix. Là où se dressait auparavant le tas de cadavre et l'autel se tenait désormais une foule de silhouettes décharnées. Autour de cette horde silencieuse, les nécromanciens, servants et le prêtre se relevèrent un à un. Le monde des morts avait basculé dans celui des vivants, ou l'inverse. D'une main tremblante, le prêtre ordonna à cette meute de non morts, tendant l'index et le majeur vers l'ouest.
"Allez messager de la Dame, allez à l'Ouest! Porter le présage du courroux de votre maîtresse sur vos pas et amener sa colère aux impies et aux hérétiques!"
Les nécromanciens puis la foule après eux s'écartèrent pour laisser passer ces ombres qui disparurent dans la nuit. Bol d'Jiv'Elgg ordonna qu'on l'amène devant le prêtre. Il fut sans doute le seul à ne pas s'étonner de l'état de faiblesse des sorciers, comme si leur corps avait connu un instant la mortalité des humains qu'ils voulaient tant mettre à bas. Un tel dispositif demanda de la puissance, et le nombre ne faisait qu'amplifier le besoin. Il fut poser devant le prêtre, au visage fermé qui attendait certainement de pouvoir aller s'effondrer dans sa tente tant son exploit avait du l'épuiser. Le Favori se détacha des crochets qui perçaient sa peau et glissa sur le sol calciné.
"Parmi les nôtres, tous ont à coeur la piété envers notre Déesse Mère. Mais de tout ceux-là, vous seul avez été choisi par elle pour aider la Sainte Légion. Si la souffrance règne sur le monde, vous incarnez le seul but véritable. Moi, Jaluk Beldro’A Rintheith d’Ilkar d’Jiv’elgg, je t'autorise à choir fils de l'Elda, tu as plus de valeur dans la horde qu'aucun autre ce soir!"
Il ajouta comme un murmure alors que l'autre s'effondrait au sol, suite à cette bénédiction, une mise en garde que personne ne pu entendre. Et ce n'était pas là sa seule gorge qui parlait mais bien l'ensemble des Voix présentes dans son esprit qui énoncèrent la terrible menace.
"Avise toi encore une fois d'essayer de prendre l'ascendant sur mes fidèles et je te ferai crier tous les secrets de ton culte..."