Où la Déesse s'amuse et les routes se recroisent...finalement [Johann]

Retourner vivre parmi les hommes, quelle idée ? Vivre chez les elfes était une chose, une vie bien plus simple tant que l'on évitait les rituels étranges de ces êtres qui l'étaient encore plus et qui n'avaient pas la même notion du temps. Ils étaient presque autant butés qu'elle en rejetant ceux qui n'étaient pas de leur peuple, comme quoi la tolérance n'était pas vraiment quelque chose d'universel, par contre l'inverse était valable !
Retrouver les "biens de consommation" typiquement humains avec les étoffes diverses et variées, les vivres travaillés pour la conservation en toute saison avec du sel ou d'autres méthodes. Des choses habituelles qui finissent par nous faire réaliser toute leur importance une fois qu'on ne les possède plus. Rien qu'un forgeron qualifié qui accepte de travailler les matériaux humains était un grand pas en avant ! Et avant tout, l'accès y était beaucoup plus simple, l'or ayant beaucoup de valeur aux yeux des hommes, contrairement au troc elfique, rendant la vie beaucoup plus simple et facile d'accès pour la jeune femme qui n'en manquait pas vraiment.

Négocier ? Il fallait toujours négocier, c'était la base du commerce car tous les prix étaient volontairement surélevés pour que le commerçant puisse faire son bénéfice sans grande difficulté et la plupart des négociants repartaient avec le prix réel de ce qu'ils avaient acheté, voire même inférieur pour les meilleurs d'entre eux. C'était d'ailleurs le moment des négociations pour les vêtements adaptés à la saison plus chaude qui approchait à grand pas. Revendre ou échanger une partie des fourrures usagées contre des vêtements plus légers allait bientôt être a la mode et c'était d'ailleurs ce qu'elle comptait faire jusqu'à ce que...

Ce n'était pas un visage familier, de toute manière il n'y en avait plus ou presque dans cette partie du monde, surtout après avoir disparu tant d'années, pour un humain il n'y avait pas des milliers de possibilités que de supposer la personne décédée d'une manière X ou Y quand l'on savait tous les troubles qui frappaient la péninsule ou l'estrévent.

"Il arrive souvent de croire voir des personnes qui sont mortes."

Le ton n'avait rien de très accueillant, après tout comment aurait-il pu l'être quand l'on prétendait être bien intensionné mais avec une main armée ? Dans ce monde de requin, un joli sourire pouvait aussi révéler une machoire pleine de crocs prête à vous dévorer vivants à la moindre occasion et ce sans la moindre once de remords... Après tout, heureux pouvait très bien être à sens unique selon ce qui avait été planifié pour la personne en face.

"Surprise peut-être, heureux, tout dépend pour qui. Peut-être serait-il plus simple pour moi d'appeler la garde pour vous ôter toute mauvaises idées."

Elle avait désigné la main mal placée d'un signe du menton. Méfiante ? Oui certainement. Menaçante ? Ce n'était pas vraiment une menace, la garde lui offrirait une diversion pour prendre la poudre d'escampette et semer tout ce petit monde dans la foule et les ruelles et au pire "emprunter" un cheval pour fuir et quitter le nid de serpent. Après tout une menace ne l'était plus une fois mise à exécution non ? C'était un fait !

"Cela fait longtemps qu'on ne m'a plus reconnue juste pour tailler le bout de gras."

C'était bien autre chose qui était généralement taillé, et ce n'était rien d'autre que la chair et les os à l'aide de tout type d'armes en possession de chacun des protagonistes.

En guise de réponse, la fugitive le regarda de haut en bas, le dévisageant sans vraiment se soucier si l'homme allait s'en vexer ou non. Dans tous les cas ce regard n'était pas des plus hospitalier, un mélange de méfiance et d'hostilité flagrante qui n'était pas vraiment de bonne augure quant aux suites de la discussion. Lui cogner dessus aurait été très tentant en effet dans d'autres circonstances, les nobles et autres types de ce genre n'étaient pas vraiment sa tasse de thé, se croyant généralement tout permis et celui là n'y allait pas vraiment avec le dos de la cuillère ! Bon, on ne pouvait pas lui reprocher d'être vicelard et de ne pas y être allé par quatre chemins au moins...

"hum..."

Elle retourna à ses affaires, laissant le pauvre humain avec une absence totale de réponse, alors que le marchand avec lequel elle était en négociation quelques instants auparavant allait repartir vers d'autres clients... La négociation était presque foutue en l'air à cause de cette interruption mais elle n'allait pas laisser les choses trainer ainsi. Elle n'obtint d'ailleurs pas le prix recherché lors de la négociation, mais ce n'était pas vraiment grave... Elle avait récupéré une partie de ce pourquoi elle était venue en ville.
Le pauvre "chevalier" pu se sentir seul en l'absence de réponse claire et devrait user de patience s'il voulait arriver à obtenir quelque chose, on ne pouvait pas dire que l'approche "coucou, je veux voir un dragon." soit très diplomatique, pas plus diplomatique que l'était la fugitive d'ailleurs mais la demande était toute aussi maladroite que malvenue.

"Si vous recherchez La Blanche, ce n'est pas auprès de nous que vous aurez des informations."

Le ton était assez catégorique pour empêcher toute discussion ou tentative de négociations. Avait-elle des informations ? Il ne le savait pas, mais même si elle en avait ces dernières n'auraient jamais été révélées peu importe les circonstances, seuls ceux qui avaient réellement besoin de savoir auraient été informés. Et s'il s'essayait à la menace... Après tout libre à lui de tenter sa chance, mais ce ne serait certainement pas la meilleure idée qui lui passerait par la tête. La solution la plus sécuritaire serait donc de faire l'intermédiaire dans un endroit bruyant et peuplé depuis lequel il ne serait pas compliqué d'éviter un certain type d'ennuis.

"L'auberge du coin est accueillante à ce que j'ai entendu dire, je vous laisse l'opportunité de m'y inviter pour le repas du jour et le vin qui l'accompagne."

De la négociation ? L'offre était à prendre ou à laisser, ne laissant ainsi pas d'autres choix au "Chevalier" que de la suivre s'il voulait des réponses à ses questions, ou plutôt une chance d'avoir ses réponses car les choses pouvaient être très bien à sens unique. Mais les endroits animés pouvaient assurer à l'un comme l'autre une sécurité relative quant aux coups fourrés de l'autre partie de l'échange.
Ce fut sans attendre sa réponse qu'elle partit en direction du fameux bâtiment à quelques enjambées de là ou ils étaient. Une auberge tout ce qu'il y avait de plus classique à cette heure de la journée ou les négociations allaient bon trains et se soldaient à l'aide d'un tonnelet de vin local. Et à cette heure d'affluence, les premiers ivrognes commençaient à se manifester après une demi-journée de travail arrassant.
La suite ? Ce serait le "chevalier" qui la déciderait. Après tout c'était lui qui rinçait donc autant lui laisser faire toutes les démarches sous l’œil critique et méfiant de la fugitive !

Son interlocuteur avait compris les règles du jeu. Il était le demandeur et elle avait potentiellement l'information ou plutôt le pouvoir d'obtenir cette dernière sans beaucoup de difficulté si ce dernier trouvait les arguments nécessaires et suffisants pour la convaincre de la lacher. Et ce ne serait certainement pas le harcèlement qui fonctionnerait, elle dicterait ses règles et si l'homme n'était pas preneur ? Tant pis pour lui, au départ elle n'avait strictement rien à vendre donc rien à chercher à y gagner dans cet échange. Perdre la négociation était donc au final le dernier de ses soucis.

L'homme "l'invita" donc à l'auberge du coin, sans d'autre choix que de lui payer ce qu'elle pouvait demander. Oh, on ne pouvait pas dire que la fugitive avait de grands gouts de luxes alors qu'elle ne commanda que le plat qu'ils servaient habituellement avec le vin qui allait bien avec. Autant dire qu'elle n'avait pas vraiment l'intension d'abuser plus que de raison de l'invitation. Sauf peut-être avec le vin et la quantité qu'elle en commanda, c'est à dire assez pour que les deux protagonistes ne repartent pas très nets de l'établissement et au verre qu'elle servit à son interlocuteur il était assez clair qu'il était également destinataire de cette commande.

"Si on ne demande pas, généralement on n'a pas."

Elle lui avait forcé la main ? Et alors ? Qui ne demande rien, n'a rien ! C'était le monde dans lequel ils vivaient tous. Et généralement les choses s'obtenaient moyennant un prix quel qu'il soit ! Il suffisait jusque que l'autre partis y ait quelque chose à gagner d'une valeur suffisante pour payer.

Elle le laissa donc montrer sa main, dans ce jeu qu'était celui de la négociation. Jouer une partie de ses cartes pour tenter d'entrapercevoir le jeu de l'adversaire qu'elle était. Il commença donc par se justifier de qui il avait pu être alors que Trystan était encore de ce monde, il avait bien révisé son texte et s'était quelque peu renseigné sur elle. Renseignements qui étaient passablement erronés mais encore assez réalistes sur le fait qu'elle n'appréciait pas vraiment ceux qui étaient nobles. Après tout comment les apprécier ? Ils ne valaient pas mieux que n'importe quel paysan mais pétaient plus haut que leur cul !
Elle le laissa parler, s'attaquant à son plat sans aucune autre forme de procès, invitant simplement son interlocuteur à faire de même, au moins avec le vin, d'un signe de la main. Elle ne prit même pas la peine de l’interrompre et laissa même le silence s'installer entre eux quelques instants, de longues secondes qui pouvaient être interminables au point qu'il était difficile de s'imaginer qu'elle finisse par le rompre.

"Si je vous avais considéré comme un ennemi, alors nous ne serions pas là pour en discuter et l'un de nous deux serait en train de se vider de ses tripes dans une ruelle déserte."

Elle avait brisé le silence, délaissant l'instant de quelques secondes son plat principal avant d'y retourner comme si de rien n'était. Cherchait-elle à jouer avec ses nerfs en procédant ainsi ? C'était comme si rien n'avait d'intérêt et qu'elle profitait juste de l'instant présent pour s'attaquer à un plat chaud sans rien avoir à payer.
Son interlocuteur finit par arriver au sujet principal de l'interrogation... Le dragon Blanc. Oh, oui il y en avait bien un en vie quelque part et des rumeurs circulaient certainement à son sujet, mais certainement moins qu'à celui du doré qui s'était fait plus visible pour attirer l'attention sur lui afin que le petit puisse grandir dans la paix.

"Le blanc est joueur et tout aussi insaisissable que le vent qu'il représente." commenta-t-elle entre deux bouchées. "Il ne se laisse pas facilement approcher, sauf s'il avait quelque chose à demander car rares sont ceux à pouvoir le faire sans son consentement."

Mais parlaient-ils du même dragon blanc ? Ce n'était peut-être pas le cas. Mais y en avait-il d'autre au final ? Dans ses voyages la fugitive n'en avait pas rencontré d'autre, en même temps sa retraite avait été tellement loin de tout que même la dragonne dorée avait été incapable de donner des nouvelles du petit blanc qu'elles avaient laissée derrière elle. Mais dans ses souvenirs le petit blanc qui avait tout de même bien grandit avait représenté un sacré défit pour la dragonne dans les poursuites qu'il avait engagé par jeu et les seuls moment ou il se laissait approcher c'était parce qu'il le voulait bien.

"Et que voulait-il de vous ? Si vous ne me dites pas tout, je ne pourrai pas vraiment répondre à votre question quand vous la poserez."

Elle le torturait et s'amusait indirectement avec lui. Après tout le silence était la pire des choses dans ce genre de situation ou l'on se retrouve demandeur et ou l'on dépend de la réponse de l'autre. Et puis autant dire que s'il ne crachait pas le morceau et ne faisait pas le premier pas en montrant tout son jeu, il n'y aurait strictement aucune réponse en face. S'il voulait de la confiance, il devrait la mériter, et ce n'était pas parce qu'il avait été dans la confidence qu'il l'aurait d'office... Les êtres humains ne fonctionnent que par intérêt et égoïsme, et d'ailleurs la voyageuse fonctionnait quelque peu de cette manière également, mais après avoir autant été trahie et obligée de fuir pendant des années à cause d'une "nature" différente de celle du commun des mortels, on apprend vite à se méfier et surtout de perdre foi en l'être humain.

Elle le laissa donc s'exprimer, en silence tout en s'occupant de son assiette et de son verre de vin, comme si ce que l'humain pouvait raconter était sans aucune importance. Comme s'il venait de révéler son jeu pour strictement rien à part du vent.

Pourquoi le blanc aurait-il agit ainsi ? Si sa liées avait été dans la taverne et qu'il y aurait eut un problème, l'homme en face d'elle aurait réagit et ne serait certainement jamais venu lui demander de l'aide puisqu'il aurait eut toutes ses réponses. Il ne serait d'ailleurs même pas dans cette ville. Alors quoi ? Un second dragon blanc ? Dans ce cas là pourquoi aurait-il agit ainsi ? Le témoignage soulevait plus de questions qu'il ne pouvait en répondre, quelque chose pouvait laisser à penser que ce dernier testait les réactions humaines à sa présence, comme pour voir si cette race était apte à cohabiter avec lui, ou à minima lui être utile. Non, ce fait n'était pas une erreur, c'était calculé.
Dans tous les cas ce n'était pas vraiment bon signe, se faire trop visible serait attirer les mauvaises convoitises et comme l'avait à juste titre soulevé l'homme en face d'elle, les nobles ne seraient pas curieux pour une raison purement scientifique mais plus militaire à essayer de contrôler et d'user une telle créature pour répondre à leurs besoins guerrier de conquête. De protection ? Oui, ce dernier en aurait certainement besoin, mais pas de la part d'un humain. Un humain seul ne pourrait rien faire mis à part servir de messager pour tenter de raisonner des fous furieux, par contre deux dragons pourraient beaucoup mieux s'en sortir.

Le blanc est le dragon le plus rapide dans les cieux, lui courir après c'est un peu comme essayer d'attraper une chimère ou un mirage. C'est impossible à moins qu'il ne soit d'accord. Même la dragonne d'Or n'était pas aussi vive que lui dans les airs et pourtant elle n'était pas en reste comparé à d'autres.

"Le chaos a élu domicile sur ces terres et ou qu'il aille, le blanc ne sera jamais en sécurité. Que ce soit le blanc, l'or ou n'importe quel autre d'ailleurs, ils seront toujours victime de la convoitise des hommes car ils représentent un pouvoir bien dangereux s'il venait à tomber entre de mauvaises mains."

Oui, un dragon c'était dangereux, trop dangereux. Son point de vue n'avait jamais changé à ce niveau là bien qu'il ait subit de grands changements depuis la première fois qu'elle avait eut le "malheur" d'en rencontrer un. D'ailleurs ces créatures sont assez intelligentes pour connaitre l'étendue de leurs pouvoirs et de ce qu'ils pouvaient faire avec, heureusement d'ailleurs que ces dernières aient décidée de rester neutres dans les conflits qui opposent les différents peuples afin que la balance ne soit pas déséquilibrée, sinon ce serait une guerre totale...
Mais tout cela était connu. Tout n'était que logique et il n'y avait pas besoin d'avoir inventé l'eau chaude pour le comprendre.

"Le comprendre et le protéger sont des justifications bien poétiques, comment un homme seul pourrait protéger une telle créature ? De quoi veux-tu le convaincre Arthur de Melasinir ? Tu nous as peut-être convaincues que tu n'as pas de mauvaises intentions, mais même les meilleures au monde peuvent conduire à des choses terribles et des conséquences que personne ne peut imaginer."

Elle le regardait droit dans les yeux en prononçant ces mots, un regard perçant et froid comme le métal doré qui lui avait donné leur couleur, comme si ce dernier essayait de le sonder et de comprendre ses raisons les plus profondes. Les deux êtres liés partageaient leurs esprits, leurs êtres en étant fondus ensembles au plus profond d'eux même tout en gardant la part d'individualité qui leur était propre, ce lien peut différer en intensité par les personnes et être fragile, tout comme conduire à des périodes de symbiose parfaite ou les deux êtres s'expriment d'une seule et même voix, l'un influençant l'autre et vice versa. Mais pour cela fallait-il que les choses soient acceptées dans leur totalité, ce qui pouvait semblait étonnant pour la fugitive quand on connaissait son rejet farouche et inébranlable envers la créature depuis le début. Peut-être y avait-il eut un déclic ?

"Nous acceptons de t'accompagner dans ta quête, mais sache bien une chose : si tu deviens une menace, nous ferons le nécessaire."

Pourquoi accepter malgré la méfiance ? Laisser les hommes faire comme bon leur semble sans leur imposer des limites risquait de voir les choses dégénérer en voyant ces derniers se tourner vers d'autres moins scrupuleux. Une sorte d'arbitrage ou de surveillance ? C'était une petite victoire pour l'humain, si tenté qu'il puisse la considérer ainsi, mais au moins les choses étaient claires !

Spoiler: