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 Bas les masques | Daneva

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Kahina d'Ys
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MessageSujet: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeVen 2 Jan 2015 - 18:33

« Retourne dans tes cuisines, gamine. L’estréventine a interdit à quiconque à part elle de franchir cette porte. »


Kahina, dont la petite taille l’empêchait de prendre de haut le malheureux, se contenta de lui adresser un rictus mauvais. Sortant de l’ombre, Ryl’antar se posta dans son dos. Lui dominait de plus d’une tête l’impudent qui, le reconnaissant, pâlit. Si sa maîtresse apparaissait plus sobrement vêtue qu’à l’ordinaire, lui était égal à lui-même. « Je ne sais pas si je devrais me réjouir de ton zèle ou m’offusquer de ton mépris, fit répondit Kahina avec perfidie. Après tout ce que j’ai fait, ne suis-je donc encore qu’une étrangère à tes yeux ?


Princesse, je… » Il n’eut pas le temps de continuer ; le poing massif de Ryl’antar mit fin à ses tourments. Son compagnon, qui avait eu l’intelligence de se taire jusqu’à présent, se contenta de les laisser passer. Quand il ouvrit, non sans précipitation, le cachot qu'il gardait et que la lumière agressive des torches s'y fraya un chemin, un cri étouffé en jaillit, suivi de près par une odeur rance de chair décomposée.


« Attends-moi dehors, ordonna Kahina au sang-mêlé tandis qu’elle se saisissait d’une torche. N’entre sous aucun prétexte.


— Si c’est ce que tu désires.


— Ça l’est, » répliqua-t-elle au moment où la porte se referma derrière elle. Elle tendit la flambeau devant elle et sourit, contentée par le spectacle misérable d’un homme plongé dans l’obscurité depuis plusieurs ennéades. « Bonjour, père. »


Elle inclina le bras sur sa gauche et ses lippes se crispèrent légèrement. « Bonjour, mère. »


Le cadavre ne lui répondit pas.


Avec toute la simplicité dont elle était capable, la jeune femme s’adossa contre la porte et se laissa glisser au sol. Avec la cruauté de l’enfant qui joue avec une sauterelle en arrachant ses pattes une à une, elle tendit sa torche une nouvelle fois en direction de son géniteur. Qu’il était doux de l’entendre gémir, de sentir le pouvoir qu’elle avait sur lui, après tout ce qu’il avait comploté contre elle ! Il pouvait bien geindre, désormais, personne ne le pleurait plus.


« Qu’est-ce… que tu veux ? » demanda-t-il finalement et c’était les premiers mots intelligibles qu’il prononçait depuis plusieurs jours. Il gardait toujours ses bras contre ses yeux et n’essaya même pas de se redresser. Il en aurait de toute façon été incapable.


« Ce que j’ai toujours voulu de toi, » répondit-elle. Elle détourna un instant le regard, s’intéressant au cadavre qui pourrissait lentement à côté d’eux. Elle avait été jetée ici telle qu’elle, sans que personne prît la peine de changer sa robe couverte de sang ou recoudre la plaie béante qui barrait sa gorge. « Me hais-tu, pour ce que je lui ai fait ?


— Qu’est-ce que tu veux, Kahina ?


— Comprends-tu seulement pourquoi je l’ai fait ?


— Qu’est-ce que tu veux ? »


Il était si facile de le détester ; l’homme l’avait toujours traitée comme une pestiférée. Elle n’avait jamais compris pourquoi. Son frère avait simplement décidé de la haïr et son père l’avait soutenu sans se poser plus de questions. « Mère n’a jamais rien fait pour moi, dès l’instant où j’ai trouvé mon chemin hors de son ventre. Je n’ai fait que réparer ses torts. Son sang a donné assez de force à Maciste pour qu’il parle une dernière fois à sa cour. Grâce à elle, j’ai pu garder mon trône et Athanase héritera de l’empire qui lui revient de droit.


— C’est pour ça que tu es venue ? Pour te justifier ? »


Le visage de Kahina se décomposa lentement et elle finit par pousser un profond soupir. Dans l’obscurité de la cellule, assaillie par l’odeur entêtante et dégoûtante de la mort, son masque se fissurait. Elle n’avait pas dormi une nuit convenable depuis trop longtemps, ses ennemis étaient toujours plus nombreux et ses succès la fortifiaient autant qu’ils la rendaient vulnérable. « Quel crime pourrais-tu me reprocher, sinon d'avoir voulu le soutien de mère ? C'était le moins qu'elle pouvait faire pour moi ! C'était son... son dévoir. » Elle marqua une pause, presque hagarde. « Sais-tu seulement ce que je suis en train d’accomplir ?


— Non. » Il déglutit péniblement. « Je m’en moque, Kahina. Tu as tué mon fils… j’aurai dû savoir que tu reviendrais pour nous. Tu es un démon, c'est pour cela que la sorcière t'a trouvée. Tu n’apportes que la destruction et la mort. Tu plongeras cette terre dans le malheur, ils suivront Maciste dans sa tombe. »


Elle n’aurait jamais cru qu’il pouvait encore la blesser ; pourtant, ses mots, même s’ils étaient ceux d’un homme désespéré et qui n’avait plus rien à perdre, lui coupèrent le souffle et elle lui sauta dessus dans un hurlement féroce. Ses doigts enserrèrent sa gorge et il était si faible qu’il ne put rien faire pour l’en empêcher. « Sois maudit ! Sois maudit ! Sois… » Elle lâcha prise, seulement pour récupérer une dague dissimulée dans ses robes. « … maudit ! »


Une main ferme emprisonna son poignet avant qu’elle ne put l’abattre sur le cœur du malheureux. « Assez. » Sa voix était aussi sombre que son regard et il tint bon quand elle voulut se dégager.


« Ne cesseras-tu jamais de le protéger, Ryl’antar ? » Elle lâcha son arme, cependant, puis se leva prestement. Elle tenta une nouvelle fois de se libérer et il ne s’y opposa plus. « Je t’avais interdit d’entrer.


Elle quitta les lieux sans rien ajouter. Le sang-mêlé la laissa faire échangea un regard avec le garde encore conscient, bien malgré lui, avait assisté à la scène. « Je… Je n’ai rien vu, il ne s’est rien passé. Personne n’est venu… Par pitié. »


Le regard sombre du colosse fut son unique réponse et il comprit qu’il ne passerait pas la nuit.




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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeVen 2 Jan 2015 - 23:13

    [Reprise du RP Vendetta velterienne, ou la Brune au crépuscule

    Il y avait eu tout d'abord un murmure, une rumeur dans le vent. La vieille chaumière avait doucement craqué, comme un avertissement. La brune avait levé la tête comme un animal dérangé. Malgré l'heure tardive, elle était encore loin de sa couche. A vrai dire elle se trouvait encore les pieds dans la boue, à nettoyer l'auge des porcs... C'est ce qui lui avait sauvé la vie. Lorsqu'elle avait distingué les premières silhouettes à la clarté lunaire, elle avais compris tout de suite qui ils étaient. Cette sorte d'instinct étrange qui planait au dessus d'elle et dont elle n'avait jamais compris la provenance l'avait subitement envahie et elle s'était cachée derrière Gros Jean, silencieuse comme une ombre. Ils s'étaient approchés de l'habitation solitaire, nombreux, une meute de loups de la ville. Jamais ils ne s'étaient aventurés jusque dans ces basses-ténèbres. Les deux sorcières avaient toujours tout mis en oeuvre pour décourager ce genre d'entreprises, et elles avaient plus d'un maléfice dans leur jeu. Pourtant cette nuit-là sonna leur fin. Peut être étaient-ce les relents de la guerre lointaine ou bien la disette de plus en plus préoccupante... Au feu les pièges de magie ! Au feu les vieilles terreurs ! Ils étaient venus, ils étaient là, il n'y avait plus à penser. Seulement à fuir.

    Les hurlements de Mélune et Crécerelle poursuivirent la brune aussi longtemps qu'elle courut. Au croisement du buisson doré, elle s'arrêta brusquement et porta la main à son cou pour effleurer l'épais collier de cuir grossier qui lui couvrait la jugulaire. Son regard se fit inquiet. Elle se retourna pour apercevoir au dessus de la cime des arbres la rougeur flamboyante de ce qui était désormais un immense bûcher. Les sorcières brûlaient. La jeune femme n'eut pas l'air peinée... Au lieu de ça son visage se tendit un instant et ses yeux brillèrent d'espoir. Se pourrait-il que ... ? La peur revint bien vite. Non. Non, non, non, plus jamais. Au souvenir de cette atroce sensation d'étouffement, elle ne put réprimer un frisson d'horreur. Elle n'en avait réchappé que de justesse la dernière fois, et Mélune l'avait battue ensuite. Elle avait juré de ne plus tenter de s'enfuir et on l'avait prévenue : si elle ne tenait pas parole, elle mourrait de toute façon. Elles avaient demandé au sortilège d'être plus cruel cette fois. Elles avaient resserré les liens.

    Un dernier cri fusa dans la nuit, plein de haine. Il y eut une explosion formidable et le sol trembla. Les voix reprirent de plus belle, mais cette fois-ci elles étaient masculines. La brune quant à elle s'était figée, hébétée, fixant sans y croire le collier de cuir qui venait de tomber inerte à ses pieds. Elle était libre.

    *** Pharembourg ***

    La première ennéade fut la plus difficile. La seconde le fut un peu moins. En fait, tout alla beaucoup mieux quand elle fut accueillie dans une petite maison chaleureuse sur les rives de la Gavria. On lui permettait de dormir sur une paillasse plus confortable que celle de la chaumière et on lui servait un repas chaud par jour. Parfois même on lui glissait une ou deux pièces dans la poche. Elle ne cessait de s'émerveiller de tant de bonté. Tout ce qu'elle avait à faire en échange, c'était sourire, être aimable et s'allonger avec les hommes qu'on lui désignait. Ce n'était pas bien difficile, et puis ainsi elle n'avait plus froid.

    Ravie de sa nouvelle situation, la brune n'avait pas manifesté le désir de prendre la route. Les jours se mirent à défiler sans qu'elle tienne le compte. Peut-être était-elle tout simplement effrayée par l'idée d'affronter à nouveau l'inconnu, mais il lui fallait tout de même admettre que cette ville l'intriguait. Il y avait quelque chose, une sorte de poids nerveux dans son ventre à chaque fois qu'elle levait les yeux vers les hautes murailles de la forteresse. Qu'y avait-il là haut pour provoquer en elle cette tempête émotive si confuse ?

    La brune venait d'ailleurs, la brune venait de nulle part et elle n'était jamais parvenue à raconter quoi que ce soit de vraisemblable concernant ses origines. Quelque chose bloquait le flux de ses souvenirs et elle avait depuis longtemps cessé de lutter pour ouvrir ce passage, qu'elle considérait désormais comme définitivement clôt. Ses amies la pensaient sotte, mais tout le monde s'accordait à dire qu'elle était belle. Elle était loin d'être la plus jeune ou la plus gironde de la joyeuse bande mais elle avait de la prestance, une certaine fluidité dans ses mouvements qui donnait l'impression qu'elle dansait à toute heure du jour. A vrai dire, il n'y aurait eu ces affreuses cicatrices rougies dans son dos, elle aurait sans doute eu droit à une chambre privée. Seules les plus jolies filles de la pension pouvaient y prétendre et elles étaient très enviées par leurs camarades, mais la brune ne s'y trompait pas : on n'était jamais longtemps seule dans cette maison.

    Un soir que la pluie avait fait fuir la plupart des passants, la brune s'était portée volontaire pour "donner en devanture" comme on disait. C'était une bonne excuse pour être dehors et fuir la tenace moiteur de ces sombres salons imbibés de parfum. En outre le perron offrait une splendide vue sur le fleuve que jalousaient beaucoup de bourgeois du quartier supérieur.

    C'est ainsi que, accoudée à l'abri des intempéries sous l'auvent de la maison de passe, elle héla l'étrange silhouette qui s'approchait depuis la ruelle adjacente. Vêtue d'étoffes légères et colorées, les joues rosies par le froid et les yeux pétillants de bonne humeur, la brune comptait bien rabattre celui-ci à ses gloussantes amies calfeutrées près de la cheminée.

    - Holà joli seigneur ! Que vous presse-donc tant ? Je n'ai pu voir votre visage dans son entier, daignerez-vous me le dévoiler ?


    L'homme ralentit et leva la tête pour la regarder avant de s'arrêter complètement. Tout sourire, la jeune femme se pencha par dessus la rambarde, buste en avant. Ca marchait à tous les coups, et ça ne loupa pas non plus ce soir là.

    - Eh bien voilà déjà mon visage ma jolie. Si tu me fais entrer, on pourra peut être lever le voile sur d'autres choses toi et moi...

    Ils en levèrent beaucoup, et souvent, car l'homme revint plusieurs fois visiter la maison pour allonger la brune. Il s'agissait là du premier client régulier de la nouvelle mais elle ne sembla en tirer la moindre satisfaction personnelle, contrairement à ses camarades. Tout glissait sur elle, du compliment le plus fleuri à l'insulte la plus basse... La brune se contentait de sourire distraitement et d'agiter ses bijoux pour les faire cliqueter. Toujours d'humeur égale, elle se montrait patiente, discrète, charmante. Son nouvel ami lui posa de nombreuses questions qu'elle fut forcée d'éluder. Quel était son nom ? D'où venait-elle ? Quel âge avait-elle ? Qu'était-il arrivé à son dos ? Loin de le décourager, ces mystères ne firent que renforcer sa curiosité à son égard. Il semblait apprécier plus que tout le reste les spectacles donnés toutes les fins d'ennéades durant lesquels les filles dansaient et exécutaient divers tours selon leurs talents. La prestation de la brune lui arrachait à chaque fois d'enthousiastes applaudissements.

    Un soir, il vint accompagné d'un autre homme, d'allure bien plus riche mais surtout obèse comme vingt dindons. Il plissait le nez comme si l'odeur l'incommodait. Les filles s'écartèrent avec prudence lorsqu'il entra, mais la brune était moins farouche. Du dos de la main elle vint caresser le velours pourpre de sa veste, fascinée par la qualité de l'étoffe.

    - Est-ce celle-ci ?
    - Celle-là même, monsieur.
    - Je ne sais pas si... fit-il d'un air dédaigneux en la jaugeant rapidement d'un regard acéré.
    - Attendez de la voir danser.

    Elle ne posa pas de questions, elle dansa. Le soir même elle rassembla ses affaires et fit ses adieux aux filles de la maison avant de disparaître dans l'obscurité des ruelles en compagnie des deux hommes. La maquerelle les observa s'éloigner, jouant pensivement avec deux pièces dorées qu'elle faisait tourner entre ses doigts.

    *** Soltariel ***

    "Tu danses comme une guerrière." lui avait répété le ventripotent monsieur au velours pourpre. A en juger par son sourire, cela devait être une flatterie. La brune ne se l'expliquait pas. Elle bougeait, voilà tout, cela lui était parfaitement naturel.

    - ... et tu aimes comme une danseuse. Te battrais-tu comme une amante, jolie brune ?

    Il passait un index replet sur les stries qui ornaient le bas des reins de la jeune femme. La lumière s'infiltrait à l'oblique par la large fenêtre de la chambre pour l'habiller d'un orange de plus en plus soutenu.

    - Si cela fait ton plaisir, Tibaldo.
    - Nous le saurons bien assez tôt. Va te préparer, les costumières doivent déjà t'attendre.

    Tandis qu'elle se redressait, s'arrachant à la moiteur de la couche, il la retint par le bras. Son ton se fit plus grave. Si il n'avait pas du supporter cet affreux faciès de porcelet il aurait sans doute eu quelque chose d'effrayant.

    - J'ai misé beaucoup sur toi, la brune. Ne me déçois pas.

    La brune ne put s'empêcher d'observer la grosse goutte de sueur qui perlait à sa tempe. Elle lui trouvait une jolie forme, presque parfaitement ronde. Sa lente descente jusqu'au menton de l'amiral ne fut accompagnée que de silence. L'étau de ses doigts ne s'était cependant pas détendu, signe de sa nervosité. Elle composa alors son plus joli sourire et se pencha vers lui.

    - Les soltarii se souviendront longtemps du spectacle de ce soir.

    ***

    La nuit était tombée depuis quelques heures déjà lorsque l'imposant personnage fit son entrée dans la vaste galerie pompeusement décorée du palais. La fête battait son plein, en une explosion de sons, de mouvements, d'odeurs et de couleurs. Il salua plusieurs invités avec une bonhommie assez bien feinte malgré la sueur qu'il épongeait régulièrement de son front, avant de prendre place au siège qui lui était réservé.

    La pièce immense n'avait d'autre fonction que celle d'accueillir les diverses réceptions mondaines de la noble foule qui fréquentait le palais. Les tables étaient disposées de façon à ménager au centre de la galerie un large espace surélevé qui servait de scène où venaient se produire la fine fleur des artistes du duché et même d'au delà. La meilleure place pour assister aux divers spectacles était celle qu'occupait la duchesse, bien sûr, assise au centre de la table principale installée en front de scène.

    L'amiral bedonnant s'épongea une nouvelle fois le front. A coté de lui, plusieurs convives conversaient avec nonchalance des réjouissances de la soirée.

    - Avez-vous quelque information à propos de cette "Brune" qui doit se produire ce soir ? C'est la première fois que j'en entends parler. Elle est étrangère, assurément...
    - Une estréventine, m'a-t-on dit.
    - Vraiment ? On m'a assuré qu'elle venait de Méca.
    - Voilà qui est curieux.
    - Ne serait-ce pas elle justement ?

    La musique changea de tempo. Le brouhaha ambiant fluctua un instant, le temps de saluer l'entrée en scène de la brune danseuse en costume rutilant. Elle cilla, agressée par l'éclat de la fête si soudain après la pénombre des coulisses, avant de bondir d'un pas fluide jusqu'au centre de la scène. L'étoffe qui l'habillait voltigea dans son sillage comme une longue queue de chat couleur malachite. La robe couvrait son dos, bien entendu, mais s'ouvrait au niveau de ses hanches pour dévoiler un ventre caramel déjà tendu par l'effort à venir. L'étoffe était cousue de breloques dorées qui s'entrechoquaient de façon discrète à chacun de ses mouvements. Ces bijoux ceignaient ses hanches, son front, ses poignets et ses chevilles. Le plus impressionnant demeurait cependant son imposante coiffe travaillée qui, tout en laissant sa longue chevelure s'égayer autour de son visage, s'élevait en un compliqué entremêlement de plumes, des chainettes d'or et de perles.

    Elle entama un premier mouvement. Son regard croisa celui de la duchesse.
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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeSam 3 Jan 2015 - 1:55

« On dirait une catin, » fit remarquer Camélia, non sans que son ton indiquât clairement tout ce qu’elle pensait des filles de joie. Quittant un instant du regard la danseuse pour se concentrer sur sa dame de compagnie, Kahina poussa un léger soupir en répondant : « Elle l’est sans doute, en effet. » Elle se souvenait avoir pris un malsain plaisir à disséquer chaque réaction de la Pharétane, mais depuis quelques ennéades, la lassitude menaçait. C’était comme si la Sybronde n’avait plus aucun secret pour elle. Or, l’estréventine n’avait que faire d’une victime qui ne la surprenait plus. Levant les yeux au ciel, Kahina se laissa aller contre le dossier de sa chaise et massa doucement ses cervicales douloureuses. C’était la première fois qu’elle apparaissait en public sans sa coiffe. Depuis, l’arrivée triomphale de l’Angleroy et du petit Bohémond, elle n’avait eu de cesse de se glisser dans la peau du personnage qu’elle s’était créé. Elle avait été la Princesse des Deux Soleils, maîtresse du Sud et protectrice d’une couronne vacillante, bien plus souvent que Kahina.


Si seulement cette coiffe avait pu être moins lourde, cela aurait sans doute posé moins de problèmes ; malheureusement, l’Unique avait voulu que l’or lui pesât plus sur les épaules que le destin de son royaume.


Quelques murmures impressionnés saluèrent une pirouette particulièrement audacieuse de l’artiste et ramenèrent Kahina à l’instant présent. Elle ne lui fit pourtant pas honneur et préféra balayer l’assistance du regard, jusqu’à trouver le visage qu’elle cherchait. Tibaldo de Martirigi était comme un caillou dans sa botte — si tant était qu’elle n’eut jamais porté de bottes — dont elle aurait apprécié se défaire des ennéades plus tôt. L’homme était de ceux qu’elle ne pouvait pas supporter : lâche, paresseux et surtout, peu enclin à la suivre. S’il avait eu son mot à dire, jamais la Cour de Justice n’aurait dépossédé Margot de son trône et certainement pas en faveur de Maciste.


« Crois-tu qu’il sait ? » interrogea Camélia à mi-voix, qui commençait elle aussi à connaître assez sa maîtresse pour deviner assez précisément ses pensées. Elle s’était penchée vers l’Yssoise et son visage inquiet trahissait sa culpabilité. Si Kahina avait dû chercher un fautif, qu’importait le crime, elle l’aurait accusée sans hésiter ; cette idée ne fit qu’accentuer encore un peu plus son aigreur et elle se contenta de la foudroyer du regard. Que Tibaldo de Martirigi sût ou non qu’elle était derrière la — maladroite — tentative de Montecale de lui arracher sa charge ne changeait absolument rien. Elle ne pouvait pas se permettre de laisser ses flottes aux mains d’un seigneur dont elle était certaine qu’il la trahirait un jour. C’était déjà bien assez rageant d’avoir dû le faire amiral royal à la place de Maciste.


La petite faisait cependant bien s’inquiéter, car si Martirigi l’avait invitée ce soir-là, c’était pour une raison bien précise. Dans le tumulte des jours passés et une fois sa charge acquise, il s’était effacé si bien qu’elle avait fini par l’oublier ; revoir son visage débonnaire au petit matin avait été un rappel des plus désagréables de la menace qu’il pouvait représenter. Elle s’était attendue à ce qu’il l’assaillît de civilités dès son arrivée, mais il l’avait une nouvelle fois surprise en l’évitant soigneusement.


« Peut-être que je devrais te pousser dans sa couche, Camélia, murmura finalement Kahina sans trouver aucun réconfort sous le regard horrifié de la demoiselle. C’est sans doute là-bas que tu trouverais les réponses aux questions qui te tourmentent. »


Au même moment, le spectacle se rappelait à son bon souvenir, tandis que la danseuse entrait dans ce qui semblait être un nouvel acte.



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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeLun 5 Jan 2015 - 16:22

    "Attendez de la voir danser."

    Le ventre nu qui ondule, le bras élégant qui se déploie, la chair entremêlée d'or qui sursaute. Le gros ne la trouvait pas laide, mais des danseuses il en avait vues déjà. Il s'était assis lourdement pour observer l'étrange manège qui se mettait en place autour de la brune. On bougeait des planches peintes, on les asseyait aux murs, tandis que la fille marquait le rythme de la cheville. Elle n'était pas sans exotisme. Il avait fait la moue.

    C'est alors que, dans un mouvement aussi furtif qu'imprévisible, elle avait sorti d'on ne sait où un petit couteau dont l'éclat avait miroité un instant à la chaude lumière des lanternes. Il avait levé un sourcil, et son acolyte avait souri. Le premier trait fut fluide, vif, fatal pour la mire marquée qui craqua sous l'impact. Il fut suivi de beaucoup d'autres, chacun l'ombre de celui d'avant. Les autres filles s'amusaient, sereines, à sautiller devant les cibles un instant avant qu'elles ne chancellent. Et la brune au centre rivalisait d'adresse avec la grâce d'une bourrasque tourmentée, tantôt mouvante tantôt figée. Le dernier couteau s'était fiché dans le bois du banc, à quelques pouces de l'entrejambe de l'amiral sous les rires étouffés des catins hilares.





    Un cri d'alerte fusa dans l'assemblée lorsque l'on aperçut le reflet du poignard entre deux passes agiles de la danseuse. On n'aimait pas trop ça, les armes blanches, au palais. Encore moins quand on ne les attendait pas, incongrues menaces portées par certains dont on ne savait rien ni des intentions ni du talent. Elle avait été fouillée pourtant, comme tous les saltimbanques qui foulaient ces planches, cependant les miettes de la coiffe gisant au sol et l'épaisse crinière libre enfin de prendre toute son ampleur ne laissaient guère planer de mystère quant à l'endroit qui avait été oublié par les mains des serviteurs. Sans doutes celle-ci furent-elles occupées ailleurs.

    Personne n'eut réellement le temps de réagir. La brune tournoya sur elle-même, croisant une nouvelle fois le regard de la duchesse qui s'était fait stupéfait, et lançant son bras avec une élégance toujours égale fit fuser son tranchant projectile. L'Amiral avait déjà commencé à sourire lorsque son petit crâne ruisselant fut cloué au dossier de sa chaise.

    Aussitôt la danseuse leva les bras en l'air, paumes vers l'avant, et tomba à genoux devant la duchesse. Les musiciens égrenèrent encore quelques notes disparates avant de faire mourir complètement l'accompagnement musical. Le grondement de la foule gonfla et on hurla à nouveau, cette fois d'horreur. Le sourire sanguinolent de Tribaldo était accompagné d'un regard vide toujours porté vers la danseuse, mais celle-ci n'eut pas la moindre once d'attention à son sujet. Elle s'inquiétait plutôt du colosse patibulaire qui venait de grimper sur l'estrade pour venir à sa rencontre.
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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeJeu 15 Jan 2015 - 23:35

Lorsque la danseuse changea de masque pour découvrir un visage plus froid et plus sombre, Kahina n’y crut d’abord aucunement. Il fallut les cris des convives autour de son amiral royal pour que l’idée fît son bout de chemin. Venait-elle de lui retirer l’épine qui gênait son talon depuis sa prise de pouvoir ?


Il lui semblait bien.


Consciente du danger, la brave ne fit pas mine de tenter s’échapper. C’était sans doute la bonne chose à faire ; si tant était qu’il restât quelque chose à faire pour sauver sa vie. Kahina en doutait et l’idée n’était pas pour la ravir. Morte, la danseuse la laisserait avec des questions sans réponses. Or, s’il était une chose qu’elle avait appris, c’était bien que de la connaissance venait le pouvoir, rarement l’inverse. Déjà, les premiers gardes se ruaient sur elle et, comprenant qu’elle devait agir vire si elle voulait éviter une vengeance dommageable, Kahina se leva et, de concert avec les tintements de mauvais présages des lames quittant le fourreau, ordonna de sa voix la plus forte : « Assez ! »


Le brouhaha faillit masquer sa voix d’adolescente et elle dut s’y reprendre une deuxième fois, ce qui termina de chasser la fatigue qui pesait sur ses épaules. La soldatesque avait été des plus promptes à réagir, néanmoins, et la danseuse se retrouvait dans une bien inconfortable position : entourée par deux hommes, immobilisée par la menace d’une épée contre sa nuque, elle était suspendue aux lèvres de Kahina.


« Vous tous, qui résidez dans le Palais du Soleil Blanc, êtes sous ma protection. » L’heure était grave, de fait : pour une raison ou pour une autre, la brune avait jugé utile d’être la première à faire couler le sang dans une institution encore bien fragile. Il fallait donc réagir vite, mais surtout il fallait réagir bien. Tous la regardaient, désormais ; elle regrettait amèrement de ne pas avoir sa coiffe. Sans elle et malgré sa fierté, elle se sentait bien petite. Il ne la regardait d’ailleurs pas de la même façon sans son accoutrement, que certains jugeaient pourtant ouvertement grotesque. C’était là la force des symboles et la raison pour laquelle elle avait créé de toutes pièces la Princesse des Deux Soleils. Réduite à n’être que Kahina l’espace d’une soirée, elle se retrouvait en une bien inconfortable position. Elle pouvait néanmoins réussir à tourner la situation à son avantage. Elle lança un long regard à la brune ; un regard d’avertissement, un appel au silence. Une promesse muette.


D’un pas lent, elle se dirigea vers le cadavre encore chaud et, dans un silence trop pesant, elle posa la main sur la garde de l’arme létale. Avec une détermination non feinte, elle la retira du crâne de la victime, non sans qu’un bruit de succion ne vînt perturber les estomacs délicats de certaines dames. Se retournant vers son audience captivée — et dégoûtée —, elle lâcha le couteau sur la table. « Qu’il soit connu de tous que le Soleil Blanc prendra ses responsabilités. Aussi, entendez-moi tandis que je vous dis : Tibaldo de Martirigi sera inhumé avec les honneurs que l’on réserve d’ordinaire à un Duc, dans la crypte des Soltariel. » C’était un beau pied de nez à ses prédécesseurs, tout autant qu’au défunt amiral. Ayant déjà visité les fameuses cryptes, elle savait déjà où elle l’y longerait… Il y avait un coin sombre où la moisissure proliférait à foison. « Il sera donné aux héritiers de cet homme de l’or et des terres et nous porterons le deuil trois jours. »


Elle posa son regard sur la brune, qui était maintenue silencieuse, sinon par Kahina, au moins par les soldats qui ne voulaient pas la voir intervenir. « Moi, Kahina d’Ys, Gardienne du Royaume, Princesse des Deux Soleils, te déclare coupable du plus honteux des meurtres. Tu seras livrée en pâtures aux chiens à l’aube, car ta mort se doit d’être violente et douloureuse. »


Se sentence prononcée, elle ne s’intéressa pas plus à la désignée coupable — la justice avait de cela pratique qu’elle reposait pleinement entre ses mains — et commença à s’éloigner. D’un geste, elle appela Morgane auprès d’elle. Une fois la sang-mêlé à ses côtés, elle murmura à son attention seule, dans leur langue maternelle à toutes les deux : « Débrouille-toi, mais assure toi que demain au crépuscule, celle-là attende dans mes appartements pendant que les charognards se disputeront ce qu’il restera de son cadavre. »


Au même moment, une idée lui venait et elle esquissa un léger sourire. « J'espère que tu n'as rien de prévu pour les prochains jours. »



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Morgane Arken
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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeSam 17 Jan 2015 - 10:53

Autre soirée, autre lieu, autre banquet. Si le faste n'était pas pour déplaire à Morgane, elle commençait à craindre que la nourriture trop riche n'entame sérieusement son corps. C'est qu'elle y tenait à ce corps. Et ce n'était pas les défis que lui proposaient les mages de Soltariel qui allaient l'entretenir. Ils commençaient à s'habituer, mais pour le moment elle restait trop exotique pour eux et ses méthodes décontenançait même les plus aguerris. Et puis elle trichait, avec son demi-siècle d'expérience là où l'observateur ignare ne lui donnerait pas plus de vingt-cinq ans. Combien c'étaient fait avoir par sa jeunesse ou par une œillade enflammée ? Elle n'en avait cure, pour le moment elle se permettait d'économiser ses réelles capacités.

Le banquet avait été organisé, pour ce qu'elle en avait compris, à l'initiative d'un des nobles de sa patronne, un amiral. Il était assis à quelques tables d'elle-même et suait à grosses gouttes ce qui importunait visiblement sa voisine au teint blafard, une pure représentante de la haute noblesse péninsulaire, probablement originaire du nord du duché. Leurs regards se croisèrent et Morgane lui adressa un grand sourire tandis que l'autre fronçait les sourcils et détournait les yeux. La sang-mêlée rit et revint à ses camarades de tables.
On avait jugé bon de placer les yssois ensemble, pas trop loin de la table de la duchesse mais légèrement excentré par rapport aux tables des grandes lignées. Si cela évitait que les deux mondes ne se collisionnent trop, rien n'empêchait les estréventins de se livrer à leur manière de faire la fête. Et elle était bruyante. Chants, rires, histoires drôles et poésies enflammées s'échangeaient entre les convives dans un désordre joyeux, abondamment arrosé du vin local qu'ils trouvaient tout à fait à leur goût. Tout cela dans leur langue maternelle bien sûr, car nul doute que cette châtelaine des monts du Bétis qui géraient quasiment tout l'acheminement terrestre de la Compagnie du Ponant n'aurait pas aimé savoir que l'on entendait les pieds de sa chaise plier d'ici ou que ce seigneur des environ de la ville n'aurait trouvé aucune flatterie dans la comparaison entre son regard et celui du porc rôti que l'on servait à l'instant.
Ils se calmèrent un peu tandis qu'on annonçait le spectacle principal, entre autre parce que quatre d'entre eux se lancèrent dans une partie de jeu de stratégie souvent très apprécié des cours d'estrévent entre autre parce qu'il en appelait à la ruse, au bluff et à la trahison, des qualités fort développée parmi l'élite de la confédération des châtellenies. Morgane suivit un temps le jeu mais s'en lassa pour contempler le spectacle, tout en échangeant avec son voisin des commentaires peu flatteurs, et bien souvent de mauvaise foi, sur la qualité de ce qu'on leur offrait.

Puis arriva la partie du spectacle que tout le monde semblait attendre. Les rumeurs sur l'artiste courraient dans toute la salle, même parmi les yssois qui se demandaient, si la promise était effectivement estréventine, qui cela pouvait bien être. Les noms de diverses saltimbanques et artistes avaient été évoqué, puis rejetés, puis ré-envisager sous une autre possibilité... Tout cela pour s'apercevoir que la danseuse, si jamais elle avait des origines estréventines, n'étaient pas connue. Ils en furent légèrement déçus et repartirent d'abord dans leur babillage incessant. Mais puisqu'ils avaient été intrigués, ils firent preuve d'un peu plus d'attention à l'égard de cette nouvelle venue.
Morgane appréciait tout particulièrement le spectacle, en amatrice éclairée de cet art. Si la danse n'avait jamais été son véritable terrain de jeu, elle s'en rapprochait par certaines aspect. Tout devint encore plus excitant lorsqu'elle se mit à jouer avec des poignards et les yssois se mirent à parier sur quelle cible elle choisirait : le porc entamé qui trônait toujours dans son plat, le dossier de tel ou tel noble, une tenture représentant quelque divinité... les pièces étaient jeté au centre de la table en annonçant la mise.
Puis le poignard fusa dans l'air et se planta avec un bruit sourd dans le crâne de l'amiral. Beaucoup crièrent, certains hurlèrent, quelques unes fondirent en larme, les yssois applaudirent discrètement la performance, sauf l'une d'elle qui était tombée dans les pommes et son compagnon qui essayait de la réveiller avec un peu d'eau. Se retournant ver sle petit tas de pièces au centre la table, Morgane s'adressa aux autres :

« Bon, et bien je crois que personne n'a gagné.
-On pourrait l'offrir à la famille.
-Ou le glisser dans son cercueil.
-Peut-être faire graver une petite épitaphe en ville ?
-Et si on le refondaient en une petite plaque pour décorer sa crypte. »
Un silence accueillit ses propositions trop sages, avant que Morgane, le sourire aux lèvres, ne propose :
« Et si on gravait la plaque « Merci pour cet étonnant divertissement, tu méritais bien de gagner notre pari. » ?
-Personne ne nous laissera faire ça
, parvint à articuler l'un d'eux en riant.
-Si on le grave au dos et qu'on monte la plaque sur un support en bois... »
Un temps de silence tandis qu'ils se regardaient en jaugeant l'idée :
«Vendu, je m'occupes de trouver l'artisan demain. »

Morgane remarqua à cet instant que Kahina lui faisait signe de venir, tandis qu'elle avait finis de juger le cas de l'assassine. L'avantage, présentement, c'est qu'on avait pas vraiment de doutes. La procédure avait donc été assez expéditive. Lorsque la sang-mêlée s'approcha, Kahina s'adressa à elle en estréventin, signe qu'elle ne souhaitait pas que n'importe qui la comprenne. A la demande Morgane haussa un sourcil. C'était inhabituel et pas vraiment son terrain de prédilection. A la deuxième question, elle répondit avec un sourire :

« Non, rien pour l'instant. On pourra peut-être en profiter pour discuter de ce à quoi sert un mage de guerre du coup ? »

La duchesse la congédia et retourna s'occuper de calmer le chaos qui était né en un instant dans la salle. Morgane pour sa part se demandait comment faire croire quelqu'un avait été dévoré par les chiens sans que ça ne soit le cas. Elle claqua des doigts en affichant un sourire. Il allait juste falloir écumer les bas-fonds de la cité et convaincre quelqu'un de l'aider.


Il faisait nuit noire, la Lune était cachée par les nuages et la seconde peinait à se faire voir par-dessus les hauts-bâtiments de Soltariel. Morgane avait encore du mal à mesurer toute la hauteur de la cité, vivant généralement dans ses niveaux les plus élevés, mais il y avait une infinité de ruelles dans les bas-fond. Même les bâtiments prestigieux comme le palais avaient leurs dessous. En l’occurrence, ils abritaient la nouvelle garde ducale, les prisons et certaines salles de « divertissement » qu'elle avait visité par curiosité à l'occasion. Elle n'avait pas connus les précédents propriétaires des lieux mais ils n'avaient pas l'air de gens très fréquentables.
Le désagrément de ces bas-fonds par contre c'était les innombrables canaux. Du dessus la ville en comptait déjà un certain nombre de belle taille, sur lesquels on croisait des barges de marchandises ou celles, rutilantes, des nobles. Mais ce qu'on prenait pour des bâtiments de plein pieds recouvraient en fait parfois trois ou quatre canaux secondaires. Pour qui savait se diriger dans ce dédale c'était un excellent moyen de se déplacer inaperçu. Morgane, elle, ne savait pas. Mais elle n'avait qu'à longer le palais ducal, alors elle n'avait pas trop de problèmes. La petite barque glissait à la surface de l'eau sans qu'aucun de ses trois occupants ne rame. Seule la mage de guerre, à la proue, faisait de lents gestes des bras comme si elle nageait. Derrière elle, il y avait une femme, grande, brune, trop maigre et abîmée par la vie dans la rue. Et encore derrière un homme mûr, un peu trop gras et qui se tenait un drap devant la bouche, non pas pour ne pas être reconnus mais pour lutter contre l'odeur d'eau croupie.
Finalement ils stoppèrent la barque contre un mur, en haut duquel se trouvait un soupirail. D'un bond agile Morgane sauta pour s'agripper aux barreaux et regarder à l'intérieur de la cellule. Elle était de petite taille, mal éclairée par quelques torches dans le couloir, mais l'on pouvait distinguer la silhouette de la danseuse assise contre un mur. Celle-ci regardait l'apparition, intriguée. Morgane lui fit signe de rester éloignée et se laissa retomber dans la barque qui tangua un peu. Elle frappa ses mains l'une contre l'autre, se concentra un instant puis les écarta brutalement. Juste après le mur s'écarta soudainement pour laisser un espace d'un mètre de large et d'un peu plus d'un de haut. Elle se glissa dedans avec agilité. La danseuse semblait encore un peu surprise. Morgane allait la neutraliser, juste par précaution, mais se rendit compte qu'elle était déjà enchaîné au mur. Elle se contenta donc de poser son doigt sur ses lèvres et de lui adresser un clin d’œil. Puis elle tendit l'oreille dans le couloir pour vérifier que personne n'arrivait. Pendant ce temps la femme dépenaillée était entrée à son tour avant de s'effondrer, à peine consciente, contre un mur. L'homme suivit et s'approcha d'elle, la redressant. Morgane, à peu près rassuré, lui chuchota quelques mots :

« Tu es certain qu'elle est encore en vie ?
-Absolument. Juste assez pour ce qui nous occupe.
-Bien, alors fais ta part du boulot.
-Il me faudrait juste un peu de lumière. »


Morgane fit apparaître une flamme dans sa main et se tourna de nouveau vers le couloirs, guettant tout dérangement. L'homme craqua ses mains, sortit une sacoche de cuir qu'il ouvrit au sol dévoilant tout un assortiment d'aiguilles, de scalpels, de pinces et d'autres outils du même genre, dégagea le visage de la mendiante des cheveux qui le gênaient puis se tourna vers la danseuse emprisonnée, lui faisant signe de se tenir bien de face. Et il commença son œuvre : il planta plusieurs aiguilles à certaines endroits du visage, marmonna de vagues paroles, passa les doigts sur la peau. Aussitôt et suivant les endroits celle-ci se raffermit, se creusa ou se bomba. Il modelait le visage comme de la glaise. A certains endroits il du utiliser un scalpel pour retirer un excédent. Parfois il se servit des pinces pour maintenir son œuvre en place le temps de la fixer. Il eut une attention toute particulière pour le nez. Lorsqu'il eut finit, il tourna le visage de la femme, qui n'avait pas réagit tout du long et fit signe à la danseuse de faire de même. Le même manège reprit puis il changea de profil. Lorsqu'il en eut terminé il retira toutes les aiguilles, rangea son matériel et prit quelques instants pour gommer toutes les traces éventuelles qu'il restait de ses soins.

« Voilà, c'est finis. »

Morgane se retourna et eut un hoquet de surprise. Les deux femmes étaient quasiment identique. Seul leurs vêtements, leurs cheveux et leur stature, malheureusement différents, les distinguaient encore. Mais elle allait déjà résoudre l'un de ses problèmes. Éteignant la flamme elle s'approcha de la prisonnière, attrapa la menotte qui la retenait et, tout naturellement, celle-ci s'ouvrit sans effort dans ses mains. Avant que la danseuse n'ait eut le temps d'esquisser un geste, Morgane lui avait enserré le poignet et passé l'une des feuilles de métal qui composaient ses propres bracelets.

« Bien, maintenant tu vas faire ce que je dis. Déshabille-toi. Ensuite tu enfileras tes vêtements à cette fille puis je te passerais ta nouvelle tenue pour que tu t'habille. »
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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeDim 18 Jan 2015 - 22:37

    La brune s'attendait à être malmenée, certes, mais elle fut étonnée par la rapidité de la sentence qui venait de tomber. Elle joua des épaules pour manifester sa frustration, puisque d'épais gants maintenus contre sa bouche l'empêchaient d'articuler le moindre mot, mais cela ne sembla pas attendrir la duchesse. L'un de ses suivants s'exprima cependant pour réclamer une explication, mais celle-ci balaya sa requête d'un revers de main, annonçant que la nuit serait longue pour la meurtrière et qu'à défaut de danser, elle chanterait avant que l'aube ne pointe au levant.

    On releva la brune pour l'entraîner ailleurs, dans les sombres recoins du palais, là où son odieuse personne ne saurait plus déranger les réjouissances nobliaudes - et encore moins tâcher de sang les riches étoffes de la haute-gente.

    La suite lui parut étrangement familière. Traînée le long de corridors suintant par de robustes silhouettes silencieuses, elle eut pour la première fois de floues reminiscences d'un autre temps, d'une autre vie. Trop hébétée pour réagir, elle ne cria pas lorsqu'on la projeta contre le sol d'une cellule. Elle attendit que le silence se fasse à l'extérieur puis enroula ses bras autour de ses genoux, frissonnante dans son costume trop fin.

    Ainsi elle se retrouvait précisément à l'endroit où elle aurait de toute façon échoué si elle avait obéit à son grotesque amant et maître. Quelle ironie. Etait-ce cela, le destin ? N'y avait-il donc aucune façon d'échapper aux griffes funestes de la grande Intriguante lorsque celle-ci semblait avoir jeté son dévolu sur vous ? Si tout ceci n'était qu'un jeu, alors la brune jouait depuis le début avec des dés truqués. D'abord l'auge des porcs, ensuite la maison de passe et maintenant les geôles ducales. Qui, par les Cinq, avait-elle bien pu être avant tout cela ? Etait-elle une mauvaise personne ? "Une pauvre fille, avait un jour dit la mère maquerelle tandis qu'elle massait énergiquement le dos abîmé de sa nouvelle recrue. Une pauvre fille qui a du se perdre bien souvent. Pourquoi sinon aurais-tu tout oublié ainsi ? On n'oublie pas les bons souvenirs."

    "Et une mère aussi... avait-elle ajouté après un instant de silence. Pour sûr, je ne m'y trompe jamais. Tes hanches ne mentent pas, la brune, ma main à couper que tu as déjà enfanté !" La pauvre fille en avait été estomaquée. Un enfant ? Cette pensée la rongeait depuis, mais elle avait appris à l'apprivoiser. Après tout, où qu'il soit, l'enfant ne pouvait pas être en pire endroit qu'en compagnie de sa mère. Surtout ce soir-là.

    La brune se recroquevilla davantage et demeura ainsi immobile dans l'attente de l'aubre prochaine et de la fin, enfin.

    On vint cependant la chercher plus tôt que prévu. Les bruits de pas dans le couloir l'alertèrent d'abord, puis ce fut la lueur d'une torche à travers le judas et enfin une paire de petits yeux en amande. Venait-on se moquer d'elle ? Le mur s'ouvrit, de façon parfaitement anormale. La brune mit quelques secondes à se rendre compte qu'il s'agissait de magie. Aussitôt qu'elle l'eut mesuré, elle sursauta et recula autant que le lui permettaient ses liens vers le fond de la cellule, tous poils hérissés. Les choses magiques avaient tendance à avoir cet effet là sur elle, aussi longtemps qu'elle se souvienne, sans qu'elle ne puisse l'expliquer.

    Ce qui suivit, elle ne put l'expliquer d'avantage. D'abord une petite femme aux cheveux nacrés, d'allure précieuse, puis une autre femme, qui ressemblait davantage à un tas de chiffons, suivie de près par un gras bonhomme qui lui rappela de mauvais souvenirs.

    Paniquée, il fallut la tirer sans ménagement par les poignets pour l'approcher de la flamme magique et elle sembla vivre l'intégralité de l'opération comme si sa dernière heure était arrivée - ce qui était plus ou moins le cas, à quelques heures près. Bien entendu, elle ne pipa mot. Tout d'abord parce qu'elle ressentait que ça ne serait pas tout à fait dans son intérêt d'alerter la garde à cet instant, ensuite parce le manège mis en place sous ses yeux lui coupa le souffle. Le final, surtout. La deuxième femme était désormais son double parfait. Ou presque. Où menait tout ceci ? Elle leva les yeux vers la magicienne, bouche entrouverte, formulant ainsi silencieusement toutes les questions soulevées par cette étrange manigance.

    Au lieu des réponses espérées, il eut des ordres, qu'elle suivit avec un empressement non feint. Elle n'avait toujours pas prononcé le moindre mot. A vrai dire, elle commençait à escompter une possible évasion, ou du moins un dénouement plus heureux que les canines canines qui lui avaient été promises. Rapidement, elle avait habillé la gamine avec la piètre excuse de vêtement qui lui avait servi de costume avant d'enfiler ce que lui tendait la magicienne. Tout s'était fait dans le silence le plus total, tandis que tous guettaient le moindre bruit en provenance de l'extérieur.

    Parée, docile, dans l'attente, la brune n'eut pas le moindre remerciement, ni la moindre question quant à ce qui l'attendait. Elle n'était que l'outil, le prolongement d'une lame déjà lancée, déjà fatale. Son devenir n'était plus entre ses mains depuis longtemps.
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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeLun 19 Jan 2015 - 18:58

« Pas bavarde hein ? J'espère que ça va changer parce que je doute qu'elle m'ait demandé de te sortir de là juste pour t'éviter les chiens. »

Remarqua Morgane en réponse au silence persistant de la prisonnière bientôt évadée. Elle avait de nouveaux vêtements, que la mage de guerre avait trouvé dans les affaires des domestiques du palais. C'était un peu petit mais personne n'y ferait vraiment attention et elle passerait globalement inaperçue. Quand à l'autre femme, elle l'avait fait se déplacer jusqu'à la chaîne et avait enferré son poignet. Elle recula un peu pour admirer le résultat : c'était presque parfait, elle ne l'aurait pas su elle n'aurait pas pu distinguer la femme qui se tenait en face d'elle de celle qui occupait la même place quelques instants plus tôt. Elle était juste un peu famélique mais personne ne le remarquerait, sauf peut-être les chiens.
Ils ressortirent tous de la cellule, d'abord le mage qui manqua tomber à l'eau en prenant pied dans la barque, puis la danseuse et enfin Morgane. Lorsqu'il furent installé, Morgane se replaça face au mur puis après quelques minutes de concentration plaqua violemment ses mains l'une contre l'autre. La pierre se referma pour reprendre sa forme d'origine dans un grincement sourd. La maçonnerie était beaucoup trop lisse mais elle doutait que quiconque inspecte vraiment les murs des cellules d'aussi près. Puis elle se tourna vers l'avant et reprit ses lents mouvements de bras. La barque commença à avancer, d'abord lentement puis en prenant une vitesse acceptable. Ils quittèrent bientôt les canaux secondaires pour déboucher à ciel ouvert dans un quartier plus salubre. Elles y déposèrent le mage qui disparut rapidement après avoir attrapé une petite bourse lancée par Morgane. Puis la barque fit demi-tour et revint vers le palais mais, plutôt que de s'engouffrer sous les arches, le longea pour atteindre l'une des entrées du personnel. Elle s'arrêta là et les deux femmes en descendirent. Personne ne les arrêta ou ne songea même à demander des explications. Morgane guida l'artiste à travers les couloirs jusqu'aux appartements qu'elle possédait.

« Bon, tu vas attendre ici toute la journée, pas la peine de prendre le risque que quelqu'un te reconnaisse alors que tu es censé te faire bouffer par les chiens. Et tâche d'en profiter pour te rendre présentable. Pendant ce temps je vais aller me chercher à manger, je meure de faim ! »

Le soir venu, alors que le soleil descendait vers l'horizon, Morgane et la danseuse traversèrent de nouveau le palais, cette fois pour rejoindre ses parties les plus nobles, puisqu'elles arrivèrent bientôt devant la porte de la chambre de la duchesse, gardée par un soldat que l'on avait du prévenir de leur arrivée puisqu'il les laissa toutes deux passer. Kahina n'était pas encore là, Morgane le savait, puisque ce n'était pas son fidèle sang mêlé qui servait de chien de gardes. Elle entra donc dans la pièce sans aucun soucis du protocole, suivis par la danseuse dont elle ne connaissait toujours pas le nom -ayant passé la majorité de sa journée à dormir pour rattraper tant le manque de la nuit que la fatigue causé par l'utilisation presque abusive de magie-, et alla s'installer dans un sofa tout aussi naturellement que si elle était chez elle. Elle ne donna guère d'explications mais il était assez évident pour la supposée morte artiste qu'elle attendait quelqu'un.
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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeMer 28 Jan 2015 - 21:39

Kahina n’avait jamais aimé la Péninsule qu’elle n’avait eue de cesse déconsidérer pour toutes les raisons du monde ; c’était d’ailleurs devenu un jeu en vogue à Thaar que de lui imaginer de nouveaux défauts. Dès qu’elle avait posé le premier orteil à Sybrondil, elle s’était fait un point d’honneur que de confronter tous les arguments qu’elle avait pu avancer dans sa jeunesse à la réalité qu’elle était bien obligée de côtoyer ; c’était non sans un plaisir coupable qu’elle les avait, au travers du prisme de sa mauvaise foi, presque tous vérifié.


Il était cependant une chose dont elle n’avait jamais eu connaissance, avant. Une perversité dont elle avait ignoré jusqu’à l’existence et dont elle s’était méfiée dès qu’elle était apparue sous son regard opale. Un véritable instrument de torture. Maciste avait bien essayé de la raisonner et de l’y convertir, elle n'avait rien voulu entendre et les avait tous fait détruire à la première occasion. Ça avait été une preuve supplémentaire apportée à ceux qui se défiaient d’elle, mais elle n’en avait eu cure. Elle descendait d’une lignée d’Empereurs — du moins c’était ce que lui avait assuré Li’Ssin — qui avaient su tenir les terres connues en respect, quand ils ne les avaient pas mises à genoux. Il avait, dès lors, été hors de question qu’elle sacrifia sa dignité pour conforter dans leur bétise une poignée d’irréductibles crétins.


Elle avait cru, naïvement, que les choses en resteraient là ; elle avait eu raison, jusqu’à ce qu’une catin aux allures de danseuse s’amusât à refroidir un de ses ennemis en public. Pourquoi avait-il fallu qu’elle voulût expédier ainsi l’affaire ? Il aurait été si simple de prendre son temps et de gérer la crise convenablement… mais c’était sans compter la fatigue qui, bien mauvaise conseillère, l’avait poussée à la faute.


Alors, certes, la victime avait eu plus d’hommages que sa méprisable carcasse n’en méritait réellement. Certes, il avait gagné une place aux côtés des défunts ducs et duchesses de Soltariel, bien loin de la pathétique crypte familiale qui l’attendait Kahina ne savait où. Certes. Mille fois certes. Mais aux yeux de sa cour, la sanction était tombée si vivement qu'elle ne pouvait être que coupable. En une nuit, le bruit avait couru.


Peut-être qu’elle était derrière tout ça, qu’elle avait jeté la danseuse aux chiens pour couvrir ses arrières. Peut-être. Une rumeur pouvait tuer, en Péninsule comme ailleurs. Kahina ne pouvait s’offrir le luxe de ne pas étouffer celle-là.


Alors elle avait cédé. Elle avait vu cela comme un geste de réconciliation. Une autre idiotie.


Et elle avait été torturée, une journée entière, sans que personne ne prît la peine de le remarquer. De quoi la convaincre de ne plus jamais recommencer.


Toujours était-il que Morgane et sa compagne de fortune attendirent plus de temps que prévu ; elles furent laissées seules, dans les appartements de la Princesse, sans rien pour s’occuper sinon échanger quelques mots. Puis, finalement, comme une tornade, Kahina entra en trombe. Le visage rougi par l’effort et les yeux agrandis par la peur, Aléandre suivit et Ryl’antar, qui comme à son habitude ne lâchait pas sa maîtresse, lança un regard à la mage de guerre avant de fermer derrière elles.


« Par l’Unique et ses Incarnations. Morgane, enlève-moi ça. »


Et Aléandre d’ajouter, comme si la chose n’était pas suffisamment évidente : « Le… le corset, je crois qu’il est trop serré. »


Avec tout ça, personne ne prêta réellement attention à la miraculée.



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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeVen 30 Jan 2015 - 17:42

Comme à son habitude, la duchesse s'était faite désirer. S'en était presque vexant mais la sang-mêlée avait appris à attendre. Pour passer le temps elle avait mis la main sur une amphore de vin pétillant et deux coupes qu'elle remplit sans radinerie avant d'en tendre une à la danseuse qu'elle avait du passer la majorité de la nuit à trouver comment sauver et à mettre le plan en exécution.

« Bon, avec tout ça je n'ai même pas eu l’occasion de faire les présentations. Moi c'est Morgane, et toi ? »

Réponse laconique : la Brune. Au moins elle ne risquait pas d'oublier bêtement son nom. Morgane but une partie de sa coupe tout en la jaugeant un peu. Elle semblait se demander derrière ses yeux jaunes si elle devait la croire ou pas. Elle se méfiait un peu de ceux qui ne se présentaient pas. Et comme Kahina ne se montrait toujours pas, la mage ne se fit pas prier et commença à littéralement assaillir de questions la mystérieuse danseuse : d'où elle venait, ce qu'elle faisait, où elle avait appris à lancer des couteaux, pourquoi s'appeler comme ça, est-ce qu'elle aimait le violet, Tibaldo était-il si mauvais amant qu'il le semblait, est-ce qu'elle avait vraiment visé le front, comment elle trouvait la ville... En somme une foule de questions dont elle se moquait presque éperdument de la réponse, tant que cela lui faisait passer le temps en attendant la capricieuse enfant qui lui servait de supérieure hiérarchique. Tout cela en vidant distraitement des coupes de vin, tant et si bien que lorsque la porte des appartements s’ouvrit enfin pour laisser passer Kahina, Aléandre et l'imposante ombre de Ryl'antar, elle reposa sur la table une dixième coupe de liquide et son regard semblait légèrement erratique.
Il lui fallut quelques instants pour comprendre tout le drame de la position de Kahina, compressée dans la carcan tortionnaire de ce qu'ils osaient appeler un vêtement. Elle se releva un peu trop vite, une bouffée d'alcool remontant au cerveau et elle attrapa sa coupe, la remplit à l'aide d'une carafe d'eau laissé là pour rafraîchir les éventuels invités et s'en aspergea le visage. Le liquide frais lui remit un peu plus les idées en place et c'est l'esprit clair qu'elle s'approcha de Kahina et essaya de lui retirer son corset. La tâche n'était pas aisée puisqu'il lui fallait d'abord venir à bout de la robe de deuil, pas exactement prévue pour s'enlever facilement.

« Ces péninsulaires et leurs fichus prisons ! Je ne comprends pas l'intérêt d'être aussi difficile à enlever, rien ne remet pourtant plus d’aplomb dans ces circonstances que quelques acrobaties. »

Elle ne se souciait aucunement de la présence juste à côté d'elle d'Aléandre, certes à peine moins jeune que Kahina mais éduqué à la mode de ces régions, et donc peu au fait de ce genre d'activités. Alors qu'elle s'acharnait sur un nœud qu'elle ne faisait que resserrer malgré tous ses efforts, Morgane soupira et porta la main à l'un de ses bracelets. Elle en décrocha une langue de métal qu'elle recourba et aiguisa sur un seul côté comme sans y penser.

« Ne bouge pas. Ça va sans doute être un peu froid. »

Elle glissa la pointe de la lame sous le tissu, au niveau de la nuque de la duchesse, lame vers l'extérieur. Et d'un ample geste, elle découpa robe, corset et toute autre vêtement de bas en haut, révélant le dos superbement tatoué de l'estréventine jusqu'au creux de ses reins. Le tissu libéré glissa sans plus de retenue le long des bras et du corps de la princesse des deux soleils mais Morgane ne s'en souciait déjà plus guère, remettant distraitement en place le morceau de métal à son bras gauche.
Elle s'approcha d'une table supportant une corbeille de fruit et attrapa l'un de ceux-ci, à la couleur rouge sang et à la chair juteuse qui se récoltaient déjà malgré la saison peu avancée, tandis que Kahina, aidée d'Aléandre, essayait de reprendre tant son souffle qu'un peu de dignité. La sang-mêlée croqua à pleine dent le fruit puis, comme si elle se rappelait d'un détail, désigna d'un doigt la danseuse et la présenta, la bouche à moitié pleine et un peu de jus coulant à la commissure de ses lèvres.

« Au fait, je t'ai ramené la danseuse. Elle dit qu'on l'appelle la Brune. »

Pas plus d'explication, si Kahina les voulait elle lui demanderait. Satisfaite du devoir accompli, elle se laissa tomber entre quelques coussins, fatiguée de se tenir debout.
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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeDim 1 Fév 2015 - 21:05

    Elle n'avait pas de nom, elle avait oublié, on l'appelait la Brune. Elle venait d'un bordel sur les rives de la Gavria à Pharembourg. De fait, elle vendait le plaisir de la contempler, de l'admirer, et de la posséder. Elle ne se souvenait pas d'avoir appris à lancer les couteaux, elle savait, voilà tout. Son surnom venait vraisemblablement de la couleur de ses cheveux. Elle n'avait rien contre le violet. Tibaldo avait fait des efforts. Oui, elle avait vraiment visé le front et elle n'avait pas vraiment d'avis sur la ville, n'ayant pas eu le loisir de la visiter avant la soirée.

    La brune répondit à toutes les questions de la jeune sorcière d'une voix basse, étrangement grave, avec un accent indescriptible qui s'attardait sur les sons ronds. Elle fut à chaque fois concise et précise, visiblement sans se préoccuper de de l'impact de ses réponses sur le jugement de son interlocutrice à son sujet. Celle-ci n'en démordit pas pour autant et continua son interrogatoire interminable qui se décousait au fur et à mesure qu'elle vidait les coupes de vin. La brune n'en réclama pas : elle n'avait pas soif, elle avait sommeil. Si elle en avait eu le loisir, elle se serait roulée en boule près de la cheminée jusqu'à ce que la petite duchesse la secoue par l'épaule.

    La fête, le meurtre, la cellule, l'évasion, le retour au palais et puis l'attente... Tout cela avait mis ses nerfs à rude épreuve, mais elle avait su puiser au fond d'elle-même cette sorte d'énergie stoïque. Elle mesurait parfaitement que la panique ne lui serait d'absolument aucun secours en cet instant critique. La panique n'était d'ailleurs jamais efficace compagne, Mélune et Crécerelle s'étaient chargées de lui inculquer cette douloureuse leçon. Depuis cette première nuit avec Tibaldo, alors que l'odieux personnage lui avait fait part de ses intentions, la brune avait concocté son propre plan dans l'intimité de ses pensées. Elle avait tracé la route telle qu'elle lui plaisait le mieux selon les diverses options qui s'offraient à elle, et même si celle-ci paraissait bien précaire et dangereuse, elle restait parmi toutes les alternatives la seule qui lui laissait une chance. Une toute petite chance.

    Alors elle inspira, expira et regarda droit devant elle. Le simple souvenir du regard ambigu qu'avait posé sur elle la duchesse l'autre soir suffisait à l'emplir d'une sorte de frénésie d'impatience et de crainte. Elle avait échappé aux chiens, mais ce qu'on lui réservait avec tant de mystère ne serait-il pas pire encore ?

    Enfin, alors que la somnolence avait commencé à sérieusement entamer l'attention de la brune, la porte de la chambre s'ouvrit à la volée. Kahina d'Ys fit irruption dans la pièce, plus petite encore que dans les souvenirs de la danseuse. Celle-ci remarqua à peine la fillette tant l'apparition lui retournait l'estomac. Ainsi son sort ne dépendait que de l'humeur de cette adolescente condescendante. C'était bien plus que ce à quoi avaient droit les autres de sa condition partout ailleurs dans le duché, mais la brune ressentit une sorte de pincement d'arrogance au fond du coeur. Elle aurait pu lui fendre le crâne, quelques heures auparavant.

    Son cas présentait vraisemblablement un problème moins urgent que celui du corset, ce qu'elle pouvait aisément comprendre - bien qu'assister à cette étrange scène ne manqua pas de la laisser perplexe. Elle se contenta de rester debout, droite et figée dans le coin de la pièce. Attentive, elle n'hésita qu'une seconde lorsque la magicienne mentionna sa présence : elle fit un pas en avant et s'inclina avec grâce - mais sans doute de façon bien peu protocolaire.

    - Duchesse.
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MessageSujet: Re: Bas les masques | Daneva   Bas les masques | Daneva I_icon_minitimeDim 22 Fév 2015 - 23:50

Dès qu’elle le put, Kahina inspira une grande goulée d’air ; dans sa précipitation, elle manqua s’étouffer et en fut réduite à crachoter péniblement. Elle tenta une nouvelle fois sa chance et l’oxygène trouva fort heureusement le chemin de ses poumons. Des taches sombres dansèrent devant ses yeux et, lourdement appuyée contre une table, elle resta quelques secondes immobile, le cœur au bord des lèvres. Une forte odeur de sel emplit ses narines et elle se redressa légèrement. À côté d’elle, Morgane était déjà passée à autre chose, mais Kahina ne l’entendait plus. La pièce s’effaça lentement et lorsque la Princesse des Deux Soleils chercha à fixer son regard sur le visage de Morgane, la vision d’un océan déchaîné s’imposa à elle. Le tout ne dura qu’une seconde, mais chaque détail de l’improbable scène que l’Unique déroula devant ses yeux fut irrémédiablement gravé dans sa mémoire.


Elle surplombait une mer agitée par une tempête d’une violence rare. Seule une île, au loin, inspirait un semblant de calme dans cette peinture apocalyptique. Sous elle, une impressionnante armada de navires luttait pour ne pas se laisser engouffrer ; ils n’abordaient aucun étendard, aucune bannière et Kahina ne savait pas s’ils étaient les siens ou ceux de ses ennemis. Elle penchait pourtant vers la seconde option, car entre eux et le paradis qu’il cherchait à atteindre se dressait un Dragon immense. Il était une magnifique incarnation de l’Unique, dans tout ce que cela avait de plus terrible et dangereux. Dans sa gorge, on pouvait loger un village entier. Quant à son dos, il était assez grand pour qu'on y construisît deux fois Soltariel.


Kahina aurait voulu que cet instant de grâce durât jusqu’à son dernier souffle, mais la voix chaude de la danseuse la ramena brutalement à la réalité. Sentant ses jambes flageoler sous elle, la Maîtresse du Sud chercha à faire bonne mesure. Elle était pâle, cependant, et tremblante. Aléandre, qui avait passé beaucoup de temps à ses côtés depuis la mort d’Alastein, lui attrapa doucement la main et la guida vers un fauteuil.


« L’Unique soit loué… » murmura-t-elle dans sa langue natale, la gorge nouée par l’expérience qu’elle venait de vivre. « Un peintre. Il me faut un peintre. Ce que j’ai vu… ce que j’ai vu, tous doivent le voir. » Elle déglutit péniblement et regarda autour d’elle ; le visage franchement dubitatif de la danseuse la ramena à l’instant présent non sans une certaine violence.


« Ce n’est peut-être pas le bon… commença la jeune ydrillote.


Sottise, la coupa Kahina qui essuya d’un revers de main les quelques larmes qui avaient mouillé ses joues. Cette femme est ici sur ma demande, après tout. »


Que cela lui semblait futile, cependant, après ce qu’elle venait de vivre. Elle était obsédée par l’idée de comprendre sa vision. Si la Brune, comme elle se faisait appeler, avait été présente au moment fatidique, c’était pour une raison. Il n’y avait pas de hasard, quand cela touchait à l’Unique. Ce fut donc un regard moins tranquille et assuré qu’à son habitude qu’elle darda dans la direction de son invitée.


« Tu peux m’appeler Kahina. Tu sais qui je suis, ce que je suis et ce que je représente. Tant que tu ne l’oublies pas et sais rester à ta place, nous n’avons pas besoin de nous encombrer de protocoles. » Le plus dur était passé et, déjà, son visage retrouvait des couleurs bienvenues. L’estréventine se redressa donc et s’approcha d’un miroir ; elle faisait vraiment piètre figure, avec sa robe déchirée, sa poitrine à nue et ses traits défaits. « Je crois que nous avons beaucoup de choses à nous dire, toi et moi. Mais avant toute chose, j’aimerai que tu me confies ton nom. »


Se détournant de son reflet, elle se campa face aux trois autres femmes. L’instant demeurait frais dans son esprit, mais n’en restait pas moins passé. Kahina était redevenue égale à elle-même.



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