Dans la gueule du loup... [libre]

"- Ong, tuk, dwe..."

Bardilin faisait le compte. Devant lui, dans cette herbe fraiche typique du mois de Bàrkios qui semblait danser frénétiquement sous les rafales de vents descendant de Haute-Virnée et qui balayaient désormais les plaines du Brissalion, les carcasses béantes de ses sangliers gisaient, et semblaient le contempler d'un air de défi. Voilà maintenant plusieurs lunes déjà qu'il se réveillait avec ce genre de carcasses, à quelques mètres seulement de sa petite ferme - une modeste demeure qui, dans la pure tradition de la région, s'enfonçait dans le sol sous plusieurs mètres. Les responsables ? Une meute de loups géants affamés, qui sévissaient dans la région depuis le mois de Verimios. Bardilin avait réussi à en tuer quelques uns, et avait même pourchassé les survivants à dos de sanglier, mais rien à faire, ils étaient trop nombreux, trop agiles pour un seul nain ; et les loups restant allaient se réfugier dans un bois, là où ils pourraient avoir l'avantage. Malgré son expérience du combat, il n'était pas assez fou pour s'aventurer dans un bois, seul, face à une meute sauvage prêt à lui bondir dessus à la moindre occasion, et à festoyer du mètre-quarante qu'il était. Ou, en tout cas, il n'avait pas encore eu le cran.

Celui que les siens surnommaient "le Sanglier enragé" suite à ses impressionnants faits d'armes lors de la bataille d'Almia était pourtant allé voir le Thane du clan, afin de lui demander de l'aide. Thoragrim Sanglier-Brun était un nain sage et respecté ; un Gromtrommi à la barbe blanche, bouclée ça-et-là, qui dissimulait un visage traversé par d'ancestraux sillions. Le vieux nain avait néanmoins répondu à la négative à ses sollicitations.

"-Ecoute, Bardilin... Tu vas devoir défendre ton bezek, ton bien, par toi-même... Les armées de l'honorable roi Thorgrel Poing-de-Fer et d'Œil-Tempête marchent vers Almia, et nous nous devons de protéger le village - face aux quelques hordes de gobelins qui continuent de parcourir ces plaines, mais aussi face aux nôtres... Mogar insuffle parfois aux combattants une rage dont il faut se méfier."

Bardilin ne le savait que trop bien. Il avait survécu au Voile. Il avait vu son peuple, ce grand royaume qu'était celui des nains s'entredéchiré, se diviser en deux. Il avait vu, et combattu de nombreuses exactions tandis que ces contrées étaient en proie aux flammes et au chaos insufflé par Mogar lui même. Ainsi, Bardilin n'avait pas d'autre solution que de défendre sa ferme par lui-même. Non pas qu'il n'en était pas capable ; après tout, il était un vétéran, il avait servi durant presque un siècle entier au service de la Nanie, et avait accompli un nombre impressionnant de missions en tout genre dont les innombrables cicatrices qui jonchaient son corps musculeux étaient autant de vestiges indélébiles. Non, ce n'était pas une question de capacité. C'était une question de volonté. La vérité, c'est que Bardilin ne voulait pas se remettre au combat. Il ne voulait pas. Il ne pouvait plus. Pas après Almia. En rêve, il revoyait encore les femmes et les enfants mourir devant lui ; il revoyait encore Karek Gransoif se faire trancher en deux... Il voyait des colonnes entiers de braves nains disparaitre sous les lignes ennemis, sous cette horde impie qui avançait inexorablement, sans s'arrêter, qui avalait tout sur son passage ; femmes, enfants, guerriers, la ville et ses gargouilles toute entière. Les loups n'étaient par le problème. Le problème, c'était le Voile. Dans les prunelles de ces loups enragés, Bardilin avait l'impression de voir miroiter les cendres d'Almia...

Mais il en avait assez. Il ne pouvait pas laisser son troupeau et son honneur subir les outrages de ces créatures de l'ombre. Laisser les sangliers se faire dévorer, c'était accepter une nouvelle victoire de Mogar... Ainsi, Bardilin chevaucha à dos de sanglier vers la lisière de la forêt, armé de sa fidèle hache à double tranchant, Azgrom. En haut, le soleil semblait le suivre dans sa course effréné. Encore quelques heures, et il viendrait à disparaître au loin du côté de la Basse-Virnée. Il laissa le sanglier, puis il s'enfonça sans craintes dans les bois. Après tout, il connaissait ces terres comme sa poche ; il ne pouvait se perdre. Ces bois, il les connaissait au moins aussi bien que les loups eux-mêmes. Il connaissait les moindres clairières, les moindres sentiers, les moindres racines. Combien de fois s'était-il en effet caché parmi ses arbres et ses feuillages, tandis que ses cousins Sanglier-Brun le cherchait lors des enfantillages de sa jeunesse ?

Soudain, il entendit un grognement. Par réflexe, il trancha la tête d'un énorme loup qui s'était jeté sur son flanc droit. Sur le côté et dans son dos, d'autres grognements se faisaient entendre.

Lorgrund faisait les cents pas dans ce bureau du palais de Lante, cette salle de vingts mètres carrés qui lui avait été octroyé en même temps que son poste, composée de quelques fauteuils aux ossatures de bois, a là chair de laine et a la peau de cuir rouge, le tout relié de fil doré... Trois de ces fauteuils faisaient face à un bureau en bois de chêne massif, où trônait cartes et parchemins en tout genre, rapports de mission, lettre de haut dignitaire et de divers Thane demandant l'aide des troupes restés en Lante pour protéger leurs terres de bètes sauvages.

L'une d'entre-elle avait particulièrement attiré son attention, tandis qu'il faisait les cents pas dans cette grande salle, les bras croisés dans le dos et l'esprit dans le vague, elle lui avait été amené expressément, elle avait visiblement été envoyé par un certain Thoragrim Sanglier-Brun , Gromtrommi de ce clan. Une lettre d'un personnage aussi sage se devait de passer devant les autres demandes,celle-ci faisait d'ailleurs mentions d'une meute de loups géants qui s'en prendrait à la ferme d'un éleveur local et vétéran, Bardilin Sanglier-Brun... L'Ongaraz, aussi appellé Première Hache qu'était Lorgrund, avait déjà entendu parlé de cet homme pour ses exploits durant la bataille d'Almia. Intrigué, il fouilla dans les divers rapports de bataille et retrouva celui en lien avec celle-ci, il se fournit en information à propos de ce Bardilin, en plus de celles fournis dans la lettre. Celui-ci élevait des Sangliers, dans un but guerrier, et pouvait fournir Lante en monture fiable et efficace sur plaine.

Lorgrund pesa le pour et le contre, le pour était assez simple, faire revenir un grand vétéran dans les rangs de cette armée qu'il devait aggrandir, et améliorer sans en écraser pour autant les finances du royaume, et, ou, gagner un éleveur qui les fournirait grassement en bêtes suite à l'aide fournis, le contre ? Tout aussi simple, il devrait se séparer d'hommes de valeurs, cela entraînnerait des coûts, et il n'était pas certain d'arriver à temps. En effet cette missive envoyé par Thoragrim était explicite, ce Bardilin était un débrouillard et pourrait tenté de se charger seul de ces bêtes. De risquer sa vie... Lorgrund finit par s'arrêter devant la seule fenêtre qui trônait dans son bureau, une immense fenêtre, faisant deux fois sa taille, donnant sur la place qui couvrait le devant du palais. Il observa celle-ci, et se dit, à lui même, étant seul dans cette pièce : "Qui serais-je à refuser mon aide à l'un des sujets de Thorgrel Poing-de-fer ? Cette Barbe pourrait bien nous être utile qui plus est." Pragmatique, il décida de rassembler un groupe de dix Nains, dont deux seraient des pisteurs, le reste serait composé de chasseur et d'infanterie légère. Il appella les gardes à l'entrée de la salle, tout en se redirigeant vers son bureau, déposant ses fesses sur sa chaise personnelle, taillée elle, dans du marbre et recouverte d'un oreiller en cuir de bouquetin.

-Yorri, Grumhilde ! Fit-il d'une voix autoritaire et sèche, tout en écrivant quelques runes sur un parchemin. Faîtes parvenir cette missive au fort Haldrek, au Sergent de régiment d'infanterie Lourde Hegandor. Qu'il rassemble les hommes nécessaire et dirige l'expédition en ce lieu.

-Ai, Ongaraz ,arm ek denekar anu, répondit Yorri tout en s'emparant de la missive achevé et cerclé d'un sceau de cire. Saluant l'Ongaraz avec respect dans un mouvement fluide et en synchronisation totale avec Grumhilde.

Spoiler:

Ces deux gardes du palais s'éclipsèrent alors, suite à un geste de la main droite de Lorgrund, cette missive serait déposée en temps et en heure, et viendrait alors un petit groupe Nain pour aider un frère dans le besoin. Mais Barilin n'était pas le seul à être dans le besoin, bien loin de là, bon nombre de problème était présent dans ce royaume, comme dans beaucoup d'autres, hors Lorgrund se remit au travail, cherchant une solution pour chaque missive et rapport qu'il recevait. Son geste pour Barilin serait le seul qu'il ferait, espérons que celui-ci saurait patienter.

Yorri descendait les escaliers quatre à quatre, se dépenchant de faire transmettre cette missive aux messager de la ville qui patientait dans la cour du palais... Il ne pris que quelques minutes pour descendre toutes les marches et traverser les couloirs pour s'y rendre. Arrivant enfin en bas, frais comme un gardon, il fit transmettre la missive, qui entre les mains de ce courreur expérimenté ne pris pas plus d'un quart d'heure pour traverser la ville jusqu'au fort Hardrek.. Cependant le jeune messager dû patienter quelques minutes avant que l'on n'accepte de lui ouvrir les portes, se précipitant à la rencontre de l'homme à qui il devait transmettre la missive, il dû traverser quatres casernes, se glisser derrière un régiment de lancer de hache en entrainement, et arriver à l'arêne des entrainnements de l'infanterie Lourde pour enfin trouver le Capitaine Hegandor... Celui-ci était un nain fort bien batit et d'une taille correcte avoisinant le mètre 40. Petit mais trapus celui-ci se trouvait au milieu de l'arêne, entrain d'entrainner deux trois recrues. Il menait le combat avec aisance, et démontrer aux jeunes leurs erreurs, nombreuses. Il fit cependant interpellé par le messager, plus jeune encore que les recrues. Soupirant il héla en direction des trois bleus :

Hegandor

-Vous avez encore bien des choses à apprendre les bleus ! Allez, faîtes moi un combat en un contre d'eux... J'vous jure que si Taldrak là haut me dit que vous n'avez pas été capable de toucher votre cible, vous me ferez une centaine de pompes ! AVEC MOI SUR LE DOS. Sa voix était grave, et portante, le sergent portait sa tenue de combat, et était armé de sa hache à deux mains.
Il se hissa jusqu'à l'extérieur de cette fosse qui servait d'arêne, s'approchant du jeune gaillard, celui-ci lui tendit la missive avant de partir en courant, après un salut militaire correctement réalisé, qui lui valut un hochement de tête.

S'emparant de la lecture de la dîte missive Hegandor passa sa main droite dans sa moustache, il allait donc se coltiner un voyage de plusieurs lieux pour aller aider ce Bardilin ?
-Ha, j'espère qu'il en vaut la peine... TALDRAK, Vient voir ici deux secondes... Lui dit-il, en agitant la main vers le caporal celui-ci accourru assez rapidement, se mettant au garde-à-vous.

-Oui sergent  ? S'empressa-t'il de répondre, toujours droit comme un piqué.

-Allez m'trouver deux pisteurs, quatres chasseurs, et quatres barbes de notre infanterie légère, faîtes valloir cette missive devant les capitaine des régiments d'infanterie Légère, et faîtes leur savoir que ces troupes devront se présenter devant l'arêne.

-Bien Sergent ! Celui-ci se mit une énième fois au garde-à-vous après s'être à son tour emparé de la missive, filant déjà vers les casernes d'infanterie légère.

Hegandor quand à lui soupira et s'étira dans son armure lourde... Celle-ci n'allait pas faire partie de ce voyage, il allait avoir besoin d'une tenue plus légère, et cela ne ferait que lui permettre d'être plus rapide. Hegandor savait bien pourquoi Lorgrund l'avait désigné, il était l'un des seules sergent de régiment qui a ce jour n'avait pas remplis son quota de mission de sorties, il soupira, se disant que le fait d'aller dans la haute-virnée n'aurait pas été un si mauvais choix après tout.

Deux heures plus tard la troupe entière était fin prête, ils s'étaient vu accorder des montures afin de rejoindre les territoires du Clan Sanglier-brun dans les plus bref délais et avaient reçus comme directive précises de laisser les dits au domaine Sanglier-Brun, dans les étables prévus à cet effet et de poursuivre le chemin à pied jusqu'à la demeure de Bardilin. Rejoindre le lieu-dit ne fut pas la chose la plus compliqué, en réalité le plus compliqué fut de retrouver Bardilin.. En effet il semblait être partis depuis très peu de temps quand arriva le groupe de nain. Les pisteurs parvinrent à suivre sa trace avec aisance, et ils tombèrent de ce fait nez-à-nez avec un groupe de loup géants prêt à bondir sur un Bardilin solitaire... Les chasseurs préparèrent leurs haches de jets, et les quelques pisteurs se mirent en arrière derrière les quelques quatres infanteries légères qui avaient été détaché sur place...
Hegandor haïssa alors le moment précis... Pourquoi Bardilin ne les avait-il pas attendu ? Ou du moins avait attendu quelques instants ? Car en effet, ces quelques nains ne semblaient pas prévus au rendez-vous, car lorsque Hegandor prononça ses ordres Bardilin fut aussi surpris que les bêtes qui voulaient s'en faire un steak.

La première volée de hache fit deux morts dans la meute de loups.. Le reste esquivant en sautant derrière les arbres et buissons de cette immense forêt, les quelques nains décidèrent alors de se rassembler autour de Bardilin, afin de commencer les présentations, quel meilleur moment qu'une escarmouche pour faire ça ?

-Sergent Hegandor du premier régiment d'infanterie lourde ! Désolé d'arriver en retard pour les festivités ! Hurla-t-il tout en formant un cercle avec ses compagnons aux côtés de Bardilin. L'Ongaraz Lorgrund Loraksson nous a envoyé vous aider à vous débarasser de cette vermine , Ragh !!  Dit-il tout en envoyant un coups de hache à deux mains dans la gueule d'une des bêtes qui s'approchait, lui déchaussant les dents et lui arrachant un couinement long et plaintif.

Les douzes nains ainsi rassemblés étaient certains de venir à bouts de cette meute, même assujettis aux pensées de Mogar, cela serait un jeu d'enfant ! ....C'est ce qu'il pensaient tous.