Des liens à reforger[Pv Maélyne][terminé]

2ème jour de la 4ème ennéade de Bàrkios, an 8 du 11ème cycle

Maélyne était rentrée au château la veille. Il était temps, non seulement son lit lui manquait mais elle n’en pouvait plus d’être aussi loin d’Aline. C’était donc décidé. Elle resterait quelques jours à Lourmel pour rester auprès de sa fille. Surtout que d’ici quelques jours, la Dame rentrera en contact avec Hangeard Kastelord qui se trouvait à Fort Norkan pour un éventuel échange commerciale. Elle avait donc besoin de repos et de temps libre avec le peu de famille qui lui restait.

En parlant de famille, La Dame se rendit compte que cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas communiqué avec sa tante et ses cousins et cousines en Missède. Elle se demande s’ils se portaient bien surtout vis-à-vis des évènements récents et de la conquête du Médian par le comte de Velteroc.

Alors que la fin de la matinée se rapprochait et que les servants préparaient le repas, un garde s’aventura dans le château pour annoncer une nouvelle plutôt urgente à la Dame.

« Ma Dame, un émissaire de votre cousine, la Dame de Laval vient d’arriver au château. Elle est en route pour Lourmel et devrait arriver d’ici peu. »

La première réaction de Maélyne était l’étonnement. Que venait donc faire sa cousine à Lourmel ? Pourquoi n’est-elle pas contente vous demanderez-vous ? Il faut savoir que la situation actuelle était plutôt tendue en ce moment. Cécilie était sans aucun doute sa cousine mais elle était également la musicienne à la cour de Jérôme de Clairssac. Hors actuellement, Jérôme était considéré comme félon par la noblesse Serraminoise. Même Maélyne qui était plutôt en bon termes avec lui avait de forts doutes à son égard. Son suzerain, le Marquis de Serramire était même partit à son encontre accompagné de plus que quatre mile têtes en Oesgard.

« Vous devez savoir que le convoi qui l’escortait a également été attaqué par des brigands et d’après l’émissaire, votre cousine serait blessée. »

« Quoi ?! »

La Dame se leva brusquement et avait complètement oublié cette histoire de conflit qu’il y avait entre le Baron d’Etherna et le Marquis de Serramire. Elle s’élança vers l’entrée du château, là où elle pouvait surplomber toute la cité de Lourmel ainsi que les plaines aux alentours. Elle guettait l’arrivée de sa cousine et fut rassurée de la voir franchir les grandes portes.

« Faites appel aux guérisseurs. Tout de suite !» Dit-elle à l’encontre du garde qui l’avait accompagné.

La calèche mit du temps à arriver au sommet mais lorsque ce fut le cas le cœur de Maélyne se serra de plus en plus dans sa poitrine. Sa cousine était blessée mais à quel point ? Elle fut soulagée lorsqu’elle vit descendre Rose et puis sa cousine. L’état de la calèche en disait long sur ce qui s’était passée et cela rappela à la Dame sa propre expérience dans la Malelande en compagnie du seigneur de Wenden.

« Cécilie… » Dit-elle à son encontre avant de s’approcher d’elle pour lui tendre ses mains.

« Tu es blessée ? Que s’est-il passé ? Des guérisseurs t’attendent, vient, rentrons. » Lui dit-elle avant de la guider à l’intérieur du château.

Les deux jeunes femmes, accompagnée de la petite Aline discutèrent de tout et de rien. Les sujets familiaux y passèrent, la pluie, le beau temps. Bref tout sauf les choses qui fâchent. Ils en profitèrent pour passer à table, tous ensemble. Maélyne, Aline, Cécilie et Rose prirent alors le temps de se sustenter.

Le repas arriva à sa faim lorsque la petite fille Lourmelloise montra des signes de fatigue. Il était donc l’heure d’aller se reposer un peu. Les gardiennes prirent alors le soin de s’occuper de l’enfant qui en avait déjà profité pour dire au revoir à Cécilie et à Rose.

La pièce devint tout d’un coup beaucoup plus calme sans les rires et les cris de la petite qui exprimait sa joie d’être auprès de sa mère et de son invitée.

Maélyne quant à elle afficha un léger sourire. Elle savait pertinemment que les deux jeunes femmes allaient devoir arriver à un sujet plutôt fâcheux. Mais pas tout de suite. Maélyne voulait encore profiter de la bonne humeur de sa cousine.

C’était donc un autre sujet que la guerre qui allait arriver sur la table même si ce sujet était tout aussi dangereux. La Dame attendit néanmoins que les valets débarrassent la table avant de se jeter à l’eau.

« Alors, dis-moi. As-tu reçu des propositions de mariages ces derniers temps ? »

Il est vrai que sa cousine était aveugle. Et que cela constituait un handicap surtout qu’elle était l’héritière du domaine de Laval. Certains hommes auraient peur que la cécité se propage aux enfants, il était donc d’autant plus difficile de trouver un homme sérieux et sincère. Mais Maélyne ne désespérait pas. Sa cousine avait droit à un mariage, arrangé, heureux, amoureux ou non. Elle avait le droit de goûter à la maternité ou même de goûter à la vie de couple.

« Qu’en est-il de la position de ton père ? Qu'en est-il des hommes? Y a-t-il quelqu'un qui t'intéresse depuis ton arrivée à la cour d'Etherna?»

Il lui suffit d’entendre sa cousine prononcer ce nom pour qu’elle se lève brusquement. Non elle n’était pas fâchée sur sa cousine car au fond, Maélyne n’y était-elle pas pour quelque chose si elle s’est retrouvée à la cour d’Etherna ? Non, en réalité elle en voulait à Jérôme.

Il fallait avoir suivi leurs histoire pour bien comprendre la rancœur qu’était née envers cet homme.

« Ne me parle donc pas de cet homme Cécilie. Et en ce qui concerne cette rumeur sache qu’elle n’a pas eu le temps de venir jusqu’à moi au sinon j’aurais déjà fait savoir mon désaccord. Tu mérites beaucoup mieux qu’un traitre comme époux. »

Peut-être y allait-elle un peu fort mais c’était le fond de sa pensée. De toute façon, elles devaient mettre le sujet sur la table. Les jeunes femmes n’auraient pas pu rester muette là-dessus bien longtemps.

La jeune Dame sentait son cœur battre de plus belle. La nervosité commença à gagner son corps pourtant elle resta là, debout et droite comme une branche, respirant normalement en fixant le paysage par la fenêtre. Elle dépensa une telle énergie à se contrôler qu’elle se demandait s’il ne valait pas mieux jouer cartes sur table et tout déballer. Mais au fond, était-ce une bonne idée lorsqu’on connait la position qu’a Cécilie auprès de Jérôme ? Peut-être avait il réussit à ce qu’elle retourne sa veste ? Ou pire, peut-être était-elle là pour espionner ? Pour connaître les positions de la Dame de Lourmel pour éventuellement préparer un mauvais coup?

Vous l’aurez compris, Maélyne était en train de se ronger de l’intérieur en se posant une foule de questions tout aussi farfelues les unes que les autres. Comme si sa cousine serait capable de tels actes

« Tu rejoins le nord, n’est-ce pas ? Tu vas le rejoindre ? Sais-tu néanmoins ce qui t’attend là-bas ? »

En réalité, la Dame n’était jamais retournée à Bastylle depuis le décès de Lyanna. La douleur était encore trop forte. Elle en voulait à tout le monde, jusqu’au moindre enfant. Allez savoir pourquoi pourtant ce sentiment ne la quittait pas. Et savoir que sa cousine, le seul être dont elle était très proche, se rende là-bas également. Là où ils avaient empoisonné Lyanna, là où ils l’avaient assassinée. La douleur était trop forte. Les larmes coulèrent silencieusement.

Elle les essuya bien vite à l’abri des regards ou plutôt à l’abri du regard de Rose.

« Cécilie. Choisit bien ton camp. Ne te fie pas à la gentillesse et à la bravoure de cet homme car au fond de lui se cache qu’une soif de conquête qu’il souhaite assouvir à n’importe quel prix.»

Maélyne écouta sa cousine avec attention, pourtant au fur et à mesure que des paroles sortirent de sa bouche, la Dame sentit de plus en plus la colère monter en elle. Toujours près de la fenêtre, elle s’était retournée pour écouter Cécilie mais décida de revenir à sa position initiale ne serait-ce que le temps de se contrôler.

Elle était en colère, mais très vite elle se mit à avoir un rire sarcastique.

« Tu me parles de lui comme si la Péninsule n’a connu qu’un seul brave et honnête homme. Tu me traitres de naïve qui ne se soucie pas de son peuple tout en vantant les qualités de Jérôme. » Commença-t-elle.

« Tu le dis mot pour mot : Je n'estimerai pas un homme qui préfère le pouvoir à la prospérité de son peuple. » Répéta-t-elle ensuite. Ces mots venant de Cécilie.

« Non mais, comment son peuple peut-il espérer prospérer alors qu’il n’est jamais présent dans ses propres terres ? Qu’il envoie ses hommes de guerre là où ils n’ont pas lieu d’être ? Qu’il perd l’appui de son propre suzerain, le marquis d’Odélian ? Et tu me reproche de ne pas penser à MON peuple ? » Dit-elle en insistant « Crois-tu que je m’occupe mal de mes gens ? Crois-tu que je ne fais pas tout ce qui est en mon pouvoir pour leurs offrir une meilleur vie ? » Continua-t-elle avant de faire une pause.

« Que connais-tu exactement du Nord, Cécilie ? Que connais tu donc ? » L’interrogea-t-elle.

« Ne sais-tu donc pas que Serramire sort d’une guerre civile qui dura plusieurs années, d’une guerre CONTRE Etherna et que maintenant, à cause des actes de Jérôme, le Marquisat repart une nouvelle fois en guerre suite à la déscision d'Aymeric de Brochant, Marquis et mon suzerain auquel j'ai fait mes vœux? Crois-tu normale que ce soit à Jérôme de rétablir le nord ? Et au nom de qui ? De la régente ?... Non.» Dit-elle sèchement sur la fin avant de prendre une pause. « Il a certes laissé la baronnie d’Alonna à la Dame de Broisieux et à son époux mais en échange d’un vœux de vassalité pour qu’il puisse avoir une main mise en Alonna. S’il voulait réellement réunifier le nord, ne laisserait il pas la liberté à ses dirigeants ? Que crois-tu qu’il va faire en Oësgard d’après toi ? Va-t-il également combler le trône par un pantin qu’il pourra contrôler ? Il avait en aucun droit de reprendre le nord au nom de la couronne. Et là-dessus je ne changerais point mon avis, tu connais mes positions par rapport à la régente et à l’enfant Roi même s'ils ne sont plus...»

Maélyne étant revenue près de la table elle avait déposé ses mains sur celle-ci pour prendre appuie.  Rose ne savait vraiment plus où se mettre et le malaise de la jeune femme poussa la dame de Lourmel à lui donner congé.

« A une époque j’ai soutenu cet homme, j’étais prête à le mettre sur le trône de Serramire pour que le nord puisse bénéficier d’un homme qui réclame la paix mais il semblerait que Jérôme souhaite plus que cela. » Continua-t-elle alors sur un ton qui se voulait plus doux. « Mais je me suis trompée sur son compte et dorénavant sa seule place est en Etherna, non pas dans le nord à jouer les chevaliers servants. L’Oësgard et l’Alonna ont échappés au contrôle de Serramire sous le règne de Goar Ier et de l’ancienne baronne. C’est à Serramire de récupérer ses terres vassales. » Conclu-t-elle.

« Nous avons mis du temps à redresser un tant soit peu le marquisat. La criminalité devenait un réel problème et alors que durant sa grande gloire Serramire arrivait à nourrir deux fois sa population nous étions arrivés au point à ne plus savoir nourrir nos propres gens. Certes nous n’avons pas pu réagir tout de suite lors de la mort de Goar mais cela ne donne en aucun cas le droit à Jérôme de s’allier à la couronne pour récupérer les terres félonnes. »

A peine avait-elle terminé de parler que Maélyne regrettait déjà le ton qu’elle avait employé. Après tous, les tensions qu’il y avait entre elle et Jérôme ne concernaient en rien sa cousine même si celle-ci semblait être venue pour changer l’idée qu’elle avait sur le baron.

Elle soupira alors laissant ainsi ses nerfs se relâcher lorsqu’elle expira.  Sa cousine se lança donc à son tour dans un discours que la dame écouta attentivement alors qu’elle s’appuyait encore sur la grande table en bois.

La jeune Missédoise tenta de lui expliquer les réelles intentions de Jérôme. Maélyne écouta attentivement. Lorsqu’elle prononça son dernier mot la Dame de Lourmel ne dit rien. Un silence s’installa. Un silence qui se faisait long car en réalité la jeune femme réfléchissait aux paroles de sa cousine.  Elle se dirigea alors vers un fauteuil dans lequel elle se vautra librement.

« Tu as raison. » Finit-elle par lâcher.

« Serramire ne se relèvera pas avant plusieurs années, peut-être même une décennie. Qui sait ce qu’Oësgard et Alonna aurait pu faire. Je suis d’accord avec toi sur le point qu’est d’unifier le nord. Nous en avons besoin et la preuve se trouve actuellement à Oësgard même. Nous avons tellement passé de temps à s’entretuer entre nous que nous n’arrivons même pas à repousser une menace extérieure. Nous nous sommes perdus dans des querelles incessantes et nous voilà face à un ennemi puissant et nous ne faisons pas le poids. »

Elle prit une pause, soupirant.

« La seule chose qui puisse nous sauver face aux noirelfes est de s’unir, non pas sous une même bannière mais sous une coalition. Encore faut-il que le peuple nordique le souhaite réellement. »

La Dame se releva et se dirigea vers sa cousine. Elle se plaça derrière elle et déposa ses mains sur ses épaules.

« Excuse moi de m’être emporté, les évènements récents me poussent parfois à ressentir des émotions que je n’avais jamais ressenti auparavant mais cela ne m’excuse en rien. »

Elle s’installa alors sur une chaise voisine à Cécilie.

« Il me sera nécessaire d’entendre ses paroles de sa propre bouche pour que j’accepte enfin de changer mon opinion. » Finit-elle par lui avouer.

Quel soulagement d’entendre que sa cousine ne s’était pas donnée à Jérôme. Même si au fond, cela ne concernait en rien Maélyne, la jeune Lourmelloise espérait que sa cousine ne fasse pas de faux pas. Elle qui aurait sans doute du mal à se trouver un bon partis.

Cécilie demanda à Maélyne si celle-ci avait d’autres choses à lui apprendre. Un silence s’installa à nouveau, non pas que la question gênait mais la jeune femme était encore plongée dans leurs ancienne discussion et était en train de réfléchir.

« Excuse-moi, que disais-tu ? » Lui demanda-t-elle après être revenu à elle.

La cousine répéta alors sa demande et Maélyne s’interrogeait sur le sens de sa question. Lui demandait-elle des nouvelles générales ou lui demandait elle des nouvelles sur une éventuelle conquête ? Maélyne ne savait pas trop et prit le temps de formuler sa réponse.

« Je suis contente que ces rumeurs soient fausses, je ne vais pas te le cacher. En ces temps troubles nous n’avons vraiment pas le temps de penser à cela. D’ailleurs je considère les hommes comme une distraction et je n’ai vraiment pas le temps de me distraire. » Elle fit une pause. « Plus généralement, Lourmel se redresse mieux que je ne l’aurais cru. Nous avons été les premiers à endiguer la vague de criminalité, j’ai d’ailleurs envoyé toute la populace qui encombrait mes geôles à la guerre. Nous avons signé un traité commerciale il y a peu avec le Comté d’Arétria et je m'apprête à partir à Fort Norkan dans les Wandres pour en négocier un autre. Mon but est de nourrir le fort ainsi qu'une partie des clans alentours nous évitant peut-être ainsi les attaques venant de l'ouest. Grâce à un hiver clément et à l’idée de génie d’un de mes agriculteur nous avons semé une nouvelle variété de blé ce qui nous a permis de récolter du blé en hiver. Nos réserves sont maintenant pleines. » Maélyne s’arrêta un instant.

Elle réfléchissait à ce qu’elle venait de dire et finalement se sentait fière du travail accomplis. Voilà ce dont elle était capable lorsqu’elle est entourée des bonnes personnes. Elle aurait espéré être dans cette situation lorsqu’elle était encore Marquise de Serramire.

« J’ai de plus grandes ambitions, Cécilie. Certes le peuple Lourmellois est content mais ce que je souhaite avant tout c’est que tout le peuple Serraminois soit dans la même situation. Or ce n’est pas le cas. » Elle fit une pause. « Je compte justement demander audience auprès de ma Suzeraine, je souhaites lui demander de m’accorder le privilège de devenir sa conseillère. Je considère que Mahaut fait un bon travail en l’absence de son époux mais je trouve également qu’elle se repose un peu sur ses lauriers. Mon but n’est pas de gagner les cœurs des gens. Mon but est de leurs donner l’opportunité d’avoir une meilleure vie. Pour l’instant, chaque noble s’occupe de ses propres terres mais lorsque l’un d’eux semble être en difficulté, les autres ne montrent aucun signe de vie. » Elle refit une pause. « Nos hommes sont partis à la guerre, j’estime que dans ces cas-là, nous devons encore plus nous entraider. » La Dame souffla, un peu désespérée de la situation actuelle de Serramire.

« Alors oui, effectivement, je vois très peu ma fille, je n’ai pas le temps de penser ou de négocier à un éventuel mariage, je ne rends plus visite à ma famille mais si je fais temps de sacrifices c’est avant tout pour le bien du marquisat. »

Elle prit la main de sa cousine, sa peau était si douce et si fraiche qu’un sourire apparut sur le visage de la Lourmelloise.

« Un jour nous y arriverons Cécilie. Nous arriverons à offrir un monde en paix à nos enfants, à notre peuple. »