Une grande famille [pv Blanche]

Fin de la 5e ennéade de Barkios

Plusieurs jours passèrent depuis son arrivée à Diantra. La cité était redevenue une fourmilière où les messagers velteriens et langecins allaient et venaient sans jamais s'arrêter. Tous s'évertuaient à rétablir une certaine stabilité dans ce qui deviendrait le nouveau royaume du Médian. Encore fallait-il trouver un Roi, où même une reine. Oschide avait son idée là-dessus, ce pourquoi, il devait s'entretenir le plus rapidement possible avec le nouveau grand-duc d'Erac. Mais avant tout, il n'avait pas oublié sa discussion dans les latrines de Langehack et la demande de son père. Depuis son arrivée, il n'avait vu sa cousine que succinctement, et aucune occasion ne leur avait été donnée pour qu'ils puissent s'entretenir en privé. Mais à force d'en faire la demande, le duc de Langehack parvint finalement à obtenir une entrevue avec la baronne d'Hautval. Elle s'était faite discrète depuis leur entrée dans la ville, et ne s'était exprimée qu'avec des formules de politesse et des sourires en coin des lèvres, mais Oschide avait néanmoins retenu une attitude particulière, presque froide.

Leur rencontre devait se dérouler dans la grande notre dame de Deina, dans une salle adjacente. Lorsque le duc arriva devant l'immense temple à l'architecture parfaite, il se rappela son manque de dévouement pour la déesse. Etait-ce pour cette raison qu'on le punissait avec son épouse ? Après avoir traversé la grande salle, il se rendit dans le lieu où devait l'attendre Blanche, et sans surprise, elle s'y trouva bel et bien. Vêtue d'une élégante robe qui lui allait si bien, Oschide s'inclina pour la saluer.

-J'ai cru ne jamais avoir l'occasion de vous revoir très chère cousine. Il se redressa et se mit à côté d'elle. Mon père et mon épouse vous transmettent leurs salutations et espèrent que vous vous portez bien. Nous nous sommes faits tellement de soucis en apprenant le départ de l'ost royal sur vos terres qu'il était impensable pour nous de ne pas réagir. Puisque vous êtes notre cousine et que nous agissons dans l'unique intérêt de protéger les nôtres, vous pouvez compter sur nous.

Il regarde les quelques fresques murales qui composaient la salle dans laquelle ils se trouvaient. Ce petit temple servait à la haute noblesse lorsqu'elle souhaitait s'isoler du reste. A n'en pas douter, ce lieu avait dû maintes fois servir à l'ancienne régente qui passait plus de temps seul qu'accompagnée.

-Comment allez-vous, cousine ? J'imagine que le déclin de la régente et la victoire de Christabel vous ont réjoui ? En tout cas, il nous faudra régler la question de l'avenir du royaume dans les plus brefs délais, n'est-il pas ?

Blanche d’Ancenis faisait face à la statue de la Sainte Mère. Elle se contentait de prier en attendant son cousin. Les mains jointes, elle avait fermé ses paupières fardées et louait en silence. Un voile d’un bleu foncé couvrait son importante tignasse d’ébène et coulait jusqu’à son buste dissimulant son décolleté. Sa robe était de même coloris mais sa forme était quelque peu décalée. En effet à y regarder du plus près, ce n’était autre qu’une unique qui descendait sur un short se figeant à mi-cuisse. De hautes guêtres remontaient le long de ses jambes et n’offrait alors à la vue qu’un fin bout de chair. Ses pieds étaient chaussés de ce qui pourrait s’avoisiner à des babouches.  Sans doute était-ce le fruit d’un achat estreventin ou alors Blanche avait trouvé un nouveau couturier qui innovait. Lorsque sa silhouette fit irruption dans la salle, Blanche conclut sa prière et se redressa pour se tourner vers Oschide. Les billes bleutées fixèrent en silence. Dans un premier temps, elle le jaugeait. Finalement elle tendit sa main vers lui. Il n’allait tout de même pas manquer au baisemain.

« Sir Oschide d’Anoszia. Vous remettrez également mes salutations à votre épouse et votre père. Ainsi qu’un prompt rétablissement pour celle qui est chère à vot… Ou que dis-je, les hommes dans la noblesse n’aime point. Seul l’appât du gain compte. »

Elle ramena sa main contre ses lèvres et tenta de dissimuler un petit rire joueur. Bien évidemment, Blanche n’était pas seule. Le dos affalé contre un mur, Odeline surveillait. Elle suivait sa maitresse comme son ombre mais demeurait discrète. Elle mâchouillait quelque chose, sans doute une plante.

« Du soucis… Si vous le dites… Vous êtes arrivés bien tard dans ce cas. »

Ses mains saissirent le voile qu’elle releva. Blanche affichait désormais une petite moue face aux propos de son cousin.

« Nous étions seuls contre tous. Et nous avons mis en déroute la Régente, ma sœur et mon cousin, seuls contre tous encore une fois. On ne peut vraiment pas compter sur la famille. Vous ne trouvez pas ? »

La paume étouffait un nouveau petit rire amusé par la situation de jadis et par les aléas de la vie. Les paroles d’Oschide sonnait un peu trop faux dans les oreilles de Blanche mais elle gardait ce sourire taquin et folâtre à ses lippes imbibées d’un rouge sanguin.

« Oh vous agissez dans mon intérêt et pour me protéger, est-ce vrai ce petit mensonge, cher Duc ? »

Un doigt se glissait contre ses propres lèvres d’un regard interrogateur. Elle abandonnait finalement sa bouche pour entamer quelques pas réduisant la distance à quelques centimètres du Duc.

« Je suis maussade. Il est vrai que je souhaitais la mort d’Arsinoé. Et dire que cette dernière faisait partie de ma suite lorsque j’étais mariée à son frère. Hm… L’Avenir du Royaume dites-vous ? Je pensais que vous aviez déjà réglé cela avec Nimmio sans m’en parler. C’est très fâcheux d’être écartée de la sorte… Vous savez, je le prends très mal. Après tout, même si je n’étais pas sur les champs de bataille en raison d’affaires urgentes à Ancenis… J’ai contribué à la victoire. La force de mes hommes était là pour grossir les rangs. Et qu’est-ce que je reçois en retour ? Alors que je veillais à ce qu’Ancenis demeure neutre… Rien. Vous vous souciez donc de ce que j’ai à dire ? »

Les lippes demeuraient étirées alors qu’elle offrait ce minois sympathique à Oschide qui allait à ravir avec ce ton doux, enfantin mais qui contrastait avec le fond de son discours.

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Spoiler:

En écoutant parler sa cousine, Oschide nota sans grande surprise le cynisme de celle-ci. Cela lui importa peu, d’autant plus qu’il n’était pas là pour revenir sur la politique du Langecins et sur l’implication de sa famille dans la guerre folle de Velteroc, mais si elle le souhaitait, il pourrait répondre sans grande peine. Cette aigreur de la part de la Hautvaloise ne le surprit donc pas plus que ça, et il continua de l’écouter sans l’interrompre. A vrai dire, la douce voix de sa charmante cousine résonnait tellement bien dans cette petite chapelle à l’atmosphère mystique. Il y avait véritablement une sérénité qui s’en dégageait comme si rien ne pouvait prendre le dessus sur la relative quiétude du lieu.

Avec un petit rire lui aussi, il ne tarda pas à répondre.

-J’espère que vous trouverez en vous la force de nous pardonner cette arrivée si tardive. Mais nous étions comme qui dirait seuls contre tous dans notre si beau comté d’Ydril. Je ne vous l’apprendrais surement pas, mais vous devez sans aucun doute être au courant de l’emprisonnement de mon père, ainsi que de la guerre qui a frappé le comté et qui a presque manqué de décimer notre si grande famille ?

Voilà qui était dit. Il n’avait pas l’intention de surenchérir indéfiniment, il n’était pas là pour ça. Mais l’emmener sur un terrain qu’il maitrisait était un jeu dangereux. Après tout, son père lui avait confié une mission, mais il n’avait de compte à rendre à personne si ce n’est aux dieux eux-mêmes.

-Ainsi, vous devez également savoir que cette guerre s’est terminée par la mort de l’enfant Systoli ?  Une si triste fin… Je ne vous cacherais pas la déception de mon père suite à la mort de celui qui aurait pu épouser votre fille.

Il fit son signe de prière en direction de la statuette de Néera. Cela aurait pu paraître tellement vrai s’il n’avait pas esquissé un bref sourire.

-Vous êtes maussade et je suis fatigué… Son ton était devenu un peu plus sec. Pour ce qui est de l’avenir du Royaume, sachez que je n’ai même pas encore rencontré votre époux alors je serais peiné que vous vous sentiez mise à l’écart. Avant de parler d’un nouveau royaume, il m’a fallu régler les problèmes liés aux répercussions sur les terres royales, pauvreté, famine, pillages, mais je ne vous ennuierais pas plus longtemps avec ça, à moins que vous ne le désiriez ? Sinon, la guerre n’est pas encore terminée, et se joue actuellement dans la Sgardie contre les noirs-elfes, mais aussi dans l’Olienne ou le Langecins a engagé la guerre contre Scylla, et contre tout le Soltaar. Alors soyez rassuré, cousine, vous n’êtes plus seuls dans cette guerre, n’est-ce pas la seule chose qui importe finalement ?

Il tentait de percevoir son visage malgré le voile qui parsemait la tête de sa cousine.

-En tout cas, je suis présentement devant vous pour entendre ce que vous avez à dire, alors je vous en prie, cousine, je suis tout ouïe.

Face au presque stoïcisme de son cousin, Blanche était bien déçue mais n’en montra rien. Elle s’en accommodera. De toute façon, son fut était assez simple. Cela faisait des mois, années ? Que la Baronne n’avait point vu son cousin germain. Elle ne possédait comme échos de son caractère que les bruits du peuple et de la noblesse et de lointains souvenirs. Ses bras saisirent le sien tandis qu’elle se glissait à ses côtés pour l’entrainer dans une marche lente autours de la pièce des diverses chaises et bancs l’agrémentant comme mobilier.

« Je ne l’apprends pas. En effet, mais à ma connaissance, il me semble que vous étiez… On ne sait où lors de cette fameuse guerre. Ne vous arrogez pas le mérite des autres alors que vous n’étiez pas présents. Certaines personnes pourraient mal le prendre. Malheureusement, les femmes non pas leur place sur les champs de bataille, je le déplore fortement. »

Elle esquissa une petite moue en glissant une main à son épaule pour la tapoter avec légèreté. Blanche ne manquait pas de répondre mais ils auraient pu épiloguer durant de longues heures à ce sujet.

« Cessons à ce propos. Oui Alastein est mort. Le feu-Comte était promise à ma fille ainée, Alcyne. J’espère qu’il pleura celui qu’il disait considérer comme son fils lors de notre précédente entrevue. Un enfant ne devrait pas mourir si tôt. »

Blanche marqua une pause en écoutant la suite de ses propos. Il était devenu un tantinet agressif ce qui déplut très fortement à la noblesse qui vint pincer sans lui faire mal son flanc.

« Ne soyez pas si aigre. Je ne savais pas que vous n’aviez pas encore parlé à mon époux…. Je ne le vois que rarement. Il est occupé. Occupé. Encore occupé et toujours occupé. Depuis quand oublie-t-on la personne qui fut votre bienfaitrice et vous emmena là où vous êtes actuellement. Mon époux a tendance à oublier ce que j’ai fait pour lui. »

Ces paroles lui arrachèrent un soupire et elle reprit.

« Vous pouvez m’ennuyer avec tous les sujets qui vous plaira. J’aime parler. Régler les problèmes liés aux terres royales ? C’est-à-dire. Qu’avez-vous fait ? Certains rapports ne me seraient-ils pas parvenus ? Vous savez… Je pense qu’actuellement il n’est pas bon de débuter une autre guerre. Les drows sont une préoccupation davantage primordiale. Si les marches tombent. Nous tombons. De plus, il faut préparer l’hiver avec les moissons d’été et d’automne. La seule chose qui importe ? Que la guerre soit le lot de tous ? Je ne vous comprends pas. »

Blanche avait retiré son voile dès son entrée au sein de la pièce. Il pouvait voir ses traits bien dessinés ne souffrant d’aucunes cicatrices ou impuretés. Malgré son âge, elle était bien conservée. Ses magnifiques yeux à l’éclat cérulé était désormais célèbres pour leur beauté. On pouvait s’y noyer sans l’once d’un regret. Ses bras se resserrèrent plus encore sur le bras de son cousin tandis qu’elle se figea.

« C’est vous qui avez demandé à me voir. C’est plutôt à moi de vous écouter. J’ai déjà déchargé mon venin… Mais si vous adorez tant ouïr mes mots acérés, je peux continuer de mordre. Comme il vous plaira. »

Elle relâchait enfin son malheureux bras, enfin pas tant que cela puisqu’il était logé contre sa poitrine et pivota pour lui faire à nouveau face. Les poings trônaient désormais sur ses hanches et elle lui offrait une expression interrogative, le menton de biais, les sourcils arqués attendant qu’il décide.

Sa cousine lui avait pris son bras pour lui proposer une marche à l’intérieur de la petite chapelle. Toujours dans cette ambiance quasi-mystique, les deux marchèrent dès lors sous les yeux bienveillants de Néera. Aux premiers mots qui firent écho aux siens, il se raidit et eut presque l’envie de remettre sa cousine à sa place. Lui demander de ne pas s’arroger les mérites des siens parce qu’il n’avait pas été présent en Ydril, voilà qui était une belle erreur de la part de la dame. S’il y avait une chose qu’il ne supportait pas, c’était bien qu’on l’attaque sur un sujet comme celui-ci. Surtout lorsqu’il avait réuni mille cinq cent hommes pour faire route sur le comté en guerre. Mais voyant que sa cousine s’amusait vraisemblablement avec lui en disant cela, Oschide ne prit même pas la peine de relever et de surenchérir une nouvelle fois. Son père lui avait confié une tâche, il s’en tiendrait uniquement à elle et ne commencerait certainement pas une partie d’échec dont il savait qu’il sortirait tout bonnement vainqueur.

Par la suite, il n’écouta uniquement les choses qui pouvaient l’intéresser. Il apprit ainsi qu’un certain froid trônait entre son époux de Velteroc et elle. Il était vrai que depuis son arrivée à Diantra, il ne les avait jamais vus ensemble hors des banquets officiels. Ils n’étaient même pas couronnés, et voilà que la future reine et le futur roi incarnaient déjà l’union déchirée. A tous les coups, Néera verrait surement cela d’un très bon œil !

Sa cousine revint sur ses paroles, de toute évidence, elle avait mal compris.

- La seule chose qui importe ? Que la guerre soit le lot de tous ? Je ne vous comprends pas.

-Non, vous avez mal interprété mes propos. La seule chose qui importe maintenant est que nous soyons aujourd’hui réunis, Langecins et Médian. A moins que cela ne vous laisse insensible et que vous souhaitiez notre départ. Dit-il sèchement avant de reprendre. Vos morsures n’ont heureusement aucun effet sur moi, cousine. Celles laissées par la guerre et les batailles sont bien plus piquantes si vous voulez un avis. Mais soit, revenons à la principale raison de cette entrevue. Mon père m’a demandé de revoir avec vous l’union qui devait lier Alastein à votre fille ainée, Alcyne. Alastein étant mort, mon père souhaite unir son petit-fils, Arichis le Jeune, à votre fille.

Ils continuèrent leur petite marche sans réduire ou augmenter la cadence. Un refus catégorique de la part de la jeune femme serait certainement prit comme un affront pour son père. Si le Grand-Duc d’Erac avait l’art et la manière d’arrondir les angles et de contenter ses alliés, il fallait dire que son épouse pouvait avoir l’art et la manière de mordre où il ne fallait pas. Il ne restait plus qu’à attendre une réponse de sa part, mais avant, il prit soin de noter l’intérêt de la jeune femme concernant la politique de sauvetage qui avait été lancé.

Concernant les affaires du Royaume, je demanderai à mes hommes de vous apporter les dossiers importants. Si vous voulez avoir un œil objectif sur la situation qui touche les terres royales, allez donc faire un tour du côté d’Apreplaine, son baron Niklaus d’Altenberg se fera surement une joie de vous parler de tout cela.

Il pouvait être cynique lui aussi, même malgré tous les malheurs qui touchaient le royaume. Au moins, il lui avait indiqué la bonne route à prendre. Qui de mieux placé que le baron d’Apreplaine pour parler des problèmes. Malgré l’amertume qu’il retenait de son entrevue avec cet homme aussi froid et stoïque que lui, il lui avait reconnu certaines qualités qui pourraient certainement faire de lui un futur Grand, même si quelques défauts étaient venus s’immiscer dans son jugement et l’avait rendu méfiant.

Blanche secouait sa frimousse de gauche à droite.

« En quoi les ai-je mal interprété ? »

Elle arquait un instant sourcil.

« Le Médian et le Langecins sont en effet réunis. Votre départ ? Franchement, je n’ai pas vraiment confiance en vous. Vous semblez être une personne qui pense qu’à son profit. Et je pense que vous n’hésiterez pas à nous trahir si cela peut vous mener plus haut. Peut-être ai-je tout faux. Mais je préfère être franche. Vous savez les hommes de votre génération semble avoir oublier ce qu’est l’esprit chevaleresque et les idéaux de nous a transmis nos ancêtres comme la fidélité et la loyauté à leur suzeraine. Personnellement, je ne me suis pas soulevée contre Arsinoé car je suis félonne. Je me suis soulevée contre elle car elle a usurpé le trône avec son fils au détriment de ma fille qui est l’unique héritière de sang royal. Voila pourquoi je me suis soulevée. Mais mon mari ne partage pas les mêmes opinions que moi. Il dit que Aetius, mon feu cousin est un régicide. Il accorde plus de crédibilité à un vieux fou qu’à sa femme, vous le croyez ? »

Elle se détacha de son cousin et s’approcha de la statue de Néera devant laquelle elle s’agenouilla. Le visage se baissa en signe de soumission, si l’Anoszia n’était pas croyant, Blanche l’était plus que de raison.

« Comme je vous l’ai dit, Alcyne est l’héritière du trône royale. L’unique héritière. Pourquoi vous donnerais-je ma fille ainée et inestimable à votre neveu ? Vous ne croyez pas que la proposition est quelque peu inégale ? »

Blanche demeurait agenouillée face à Damedieu. Elle avait joint ses mains.

« Vous êtes généreux. Mais j’ai déjà un certain regard sur les dossiers importants. Mes généraux sont aux côtés de Nimmio. Ils sont censés être au courant de tout. A moins que Nimmio me cache volontairement des choses. Me cacherait-il des choses, Oschide ? » Elle marqua une simple pause et reprit. «  C’était déjà dans mes projets de rencontrer le baron d’Apreplaine, je souhaite rencontrer la plupart des seigneurs des domaines royaux. Une domination par la force est souvent sottise. »

Spoiler:

Oschide sourit en entendant sa cousine parler. Sans lui, le Médian était seul et pourtant la baronne de Hautval semblait persister à le voir comme un ennemi ou bien même comme un traître. Il manqua de s’étouffer à ce moment-là tellement la chose paraissait absurde. Lui qui avait engagé le Langecins dans cette guerre après les supplications de sa cousine, au nom de sa famille, aussi grande soit elle. C’était comme si les Maison-dieux se foutaient royalement de la charité. Une chose à retenir néanmoins sur sa cousine : Elle avait le mérite d’être franche, malheureusement, ça pouvait être une qualité comme un défaut. Heureusement pour elle qu’il n’avait écouté qu’à moitié.

-Ô, vous avez raison, la confiance s’acquiert. Mais si vous êtes franche, permettez-moi de l’être aussi. Peu importe ce que vous pensez être, vous n’étiez qu’une baronne félonne avec un époux félon et je vous ai rejoint parce que vous nous demandiez notre aide. Cracher sur notre aide présentement n’est franchement pas la chose la plus habile à faire de votre part, Blanche de Hautval. Une leçon de politique si vous me le permettez : Ne jamais refuser l’aide d’un proche, surtout quand la demande ne vient pas de lui. vous me comprenez ?

Pour ce qui est de votre fille, vous n’avez pas l’air de bien comprendre la situation, Blanche. Votre époux a fait sa guerre en clamant qu’Aetius était un régicide, ce que j’ai moi-même fait. Reconnaître votre fille, héritière du trône serait comme trahir sa parole. Peu importe ce que vous pensez, les choses sont comme ça et vous devrez faire avec.

Je souhaitais revendiquer le comté de Scylla au nom de votre fille. Bohémond disparu, le comté lui revenait de droit comme un héritage direct. Mais vous refusez mon aide, vous refusez de revenir sur la possibilité d’une union entre nos deux familles pour sceller l’alliance. Il la regarda fixement. Vous avez déjà peu d’alliés, faites attentions, cousine ! Contrairement à ce que vous pensez, je ne trahirai jamais le Médian, alors que d’autres le feraient sans hésiter. J’avais espoir de devenir votre ami, mais je constate que non, vraiment dommage…

Ha oui, une dernière chose. Evitez de dire à vos alliés qu’ils sont des futurs traîtres. En politique, on appelle ça « un incident diplomatique ».

Il se leva et lui fit une brève révérence.

-Mes salutations.

Puis, il quitta la petite chapelle avec une petite amertume. Il avait pensé que Blanche constituerait sa meilleure alliée à la capitale. La réalité serait tout autre maintenant. Il ne put que constater les ravages que la guerre avait pu avoir sur elle et sa « quasi » paranoïa d’avoir l’impression d’être perpétuellement trahi de tous les côtés. Quel dommage, conclut-il…. Quelle tristesse… En tout cas, il n’osait à peine imaginer la réaction de son père suite à ce refus... Quelle profonde tristesse...

Parler à un mur était l’impression qu’il lui donnait mais elle n’était pas mieux. Elle en avait conscience. Blanche encaissa chaque mot que prononçait Oschide ce qui ne produisait à vrai dire rien à première vue sur elle. Pourtant, elle avait parfaitement compris. Elle n’avait juste absolument pas la même vision de la politique que lui. Il était un Anoszia et une vague impression de preux chevalier résonnait dans l’écho de sa personnalité, un écho qui semblait être étouffé par le poids du patriarche. Ses yeux bleus exploraient en détail ceux de son cousin. Alors qu’il se levait et amorçait sa révérence pour prendre la poudre d’escampette, Blanche amorça un pas sous l’œil attentif d’Odeline qui soupirait en son for intérieur. Blanche entreprit quelques pas rapides pour venir attraper comme une enfant les étoffes du Duc. Elle nichait sa frimousse contre son torse prise d’un petit tremblement.

« Tu ne sais pas ce que je vis Oschide. »

Son prénom fut presque étranglé par une vague d’émotion remontant dans sa gorge. Oh Blanche se contenait. Oh oui. Odeline fronça un instant les sourcils. Elle se détacha de son pan d’ombre pour se presser et sortir de la pièce afin de les laisser seuls. Ses mains serraient un peu plus fort les étoffes du cousin.

« Tu ne sais pas ce que je vis ! Je n’en peux plus ! Chaque année, je me demande qui je vais perdre ! Mon premier époux, tous mes cousins ! Mes enfants ! »

Souffla-t-elle alors que les larmes commençaient à ruisseler contre ses joues. Elle redressait son visage rougi. Il pourrait se vanter d’être le premier à la voir fondre en larmes comme une Madeleine.

« C’est trop ! Je me suis fait trahir par les miens, ma sœur ! Ma sœur ! Imagine ce que ça te ferait ? Excuse-moi, Oschide, oh excuse-moi ! Tout cela me rend aigrie mais rends toi compte de l’horreur que j’ai vécu, que je vis. Tyra hante mes nuits, je n’en dors plus. Je suis fatiguée. »

Elle cachait à nouveau son minois larmoyant.

« Ne me sermonne pas, je t’en supplie… Juste l’ombre d’un instant, agis comme l’homme de ma famille que tu es et soutiens moi, je t’en supplie, juste un instant…. »