Attention aux pièges! [Pv : Agnor]

Un autre jour venait de passer depuis que Zaahrian avait coupé court aux plans de Daeron en l’envoyant dans l’au-delà. Aucune mort n’avait été plus satisfaisante pour l’assassin que celle-là. Aucune autre ne l’avait amenée aussi près de sa propre mort également. L’empoisonneur s’était retrouvé empoissonné à son tour. Heureusement, la dose ingérée ne lui avait pas été fatale. Malheureusement, lorsqu’il se réveilla enfin de son coma, les apprentis les plus futés avaient profité du décès pour fuir avec autant de richesses qu’ils pouvaient porter de sorte que pour Zaahrian, cette mort lui était également la moins profitable monétairement de toute sa carrière d’assassin. S’il n’y avait eu que ça, les réserves de nourriture avaient également été grandement diminuées et ça aurait été pire si Guilin avait laissé faire. Tous les apprentis n’avaient pas fui et ceux qui restaient devaient aussi se nourrir. Tout ce qu’il avait réussi à avoir consistait à deux miches de pain si dures qu’elles semblaient avoir été pétrifiées grâce à une quelconque sorcellerie et trois pommes fripées et bosselées guères plus appétissantes. Inutile de spécifier que ça ne remplit pas vraiment un estomac. Heureusement, il était en forêt. Il pouvait donc espérer pouvoir chasser sa pitance moyennant une certaine dose de chance et de talent. Toutefois, il n’avait pas d’arc à sa disposition et Zaahrian ne s’imaginait guère se lancer dans un corps à corps avec un ours, un cerf ou un sanglier. La seule option qui lui restait était la pose de pièges qui feront le reste du travail pour lui.

Pour poser des pièges, Zaahrian ne voudrait certainement pas s’en vanter, mais il était plutôt doué. Il avait surtout beaucoup d’imagination quant à la façon de procéder. Ensuite, pour déterminer l’endroit idéal pour poser les pièges, c’était une autre histoire. Logiquement, plus il en posait, plus il avait de chance d’attraper quelque chose. Le semi-elfe se mit donc à la tâche avant que le soleil ne tombe complètement derrière l’horizon. Il commença par poser de simples collets dont l’efficacité n’était plus à prouver. Zaahrian espérait pouvoir attraper un lièvre bien charnu qui aurait au moins l’avantage de remplir son estomac malgré l’absence de carottes, de pommes de terre et d’oignons pour l’accompagner dans l’assiette. Cependant, il avait si faim que de se contenter d’un malheureux lièvre serait nettement insuffisant pour éviter qu’il finisse par mourir d’inanition avant d’avoir atteint la ville. Pour ne pas en venir à une telle extrémité, il devait viser une proie un peu plus consistante comme un sanglier bien gras ou un cerf. Évidemment, impossible de traquer ce genre d’animal avec de simples collets. Zaahrian pensa à creuser des fosses dont le fond serait tapissé de pics pour que l’animal s’y empale en tombant, mais il n’avait pas de pelle et tailler les pics sans le bois prendrait certainement pour la nuit.

Au final, ses options étaient grandement limitées…

Heureusement, Zaahrian avait une corde à sa disposition. Il l’avait trouvé en chemin, probablement abandonné par son précédent propriétaire en raison de l’usure de la fibre. Jamais il ne l’utiliserait pour escalader un mur, mais dans une situation aussi précaire que la sienne, il ne faut pas cracher sur les options qui se présentent à nous. Il pouvait peut-être en faire un piège. L’animal insouciant s’y prendrait une patte et, bang, serait aussitôt soulevé de terre, pendu la tête en bas, grâce à un système de contrepoids qui lui restait encore à mettre au point. Et même si la corde ne devait pas être capable de supporter le poids de la bête bien longtemps, sa capture ferait surement assez de bruit pour que Zaahrian le remarque et puisse fondre sur sa proie.

La mise en place du dispositif prit plusieurs heures à Zaahrian qui ne termina qu’une fois la nuit tombée. Le piège était très sensible et la moindre vibration risquait de le déclencher. Zaahrian s’était aussi arrangé pour que si la corde lâche, que la proie prenne en pleine gueule la grosse branche qui servait de contrepoids. L’assassin était plutôt fier de son coup, mais il avait hâte que l’épisode de survie en forêt se termine pour lui. Cette nuit encore il devait dormir à la belle étoile et jamais il ne s’était autant ennuyé d’un vrai lit.

Au milieu de ce champ de mines improvisé, le semi-elfe s’alluma un feu pour y voir quelque chose dans cette nuit particulièrement noire et entreprit de ronger la miche de pain qui lui restait dans l’espoir de tromper son estomac affamé. Malheureusement, non seulement il ne se laissait pas aussi facilement berner, mais Zaahrian faillit y laisser une dent. Son sourire n’aurait plus été aussi dévastateur avec un trou béant dans sa dentition.

— Je veux de la bière… Une bonne bière fraichement brassée avec… un mijoté de bœuf, des oignons, des pommes de terre, des navets et des carottes… avec du beurre qui fond sur les légumes encore fumants. Je veux un pâté de viande juteux… Une tarte aux pommes qui sort du four avec de la crème fraiche.

Zaahrian frotta son ventre qui criait famine en se promettant que s’il mettait la main sur un des apprentis qui s’étaient enfuis avec le magot, il allait lui faire payer son avarice. Après tout, il était celui qui s’était tapé le sale boulot et c’est ainsi qu’on le remerciait. Il y avait véritablement des gens dans ce monde qui ne pensaient qu’à leur propre petite personne… Égoïstes!