[Geresh] Danses à Outrances. [L'Hirondelle]

Geresh, sa cité blanche et ses terres aux mille et une saveurs appartenait à la famille Akar’Demlir depuis de nombreux siècles. La ville était proie à des festivités. Le peuple célébrait les récoltes fructueuses alors que les nobles fêtaient le surplus d’argent que cela engendrerait.

Le prince invita bon nombre de ses amis ainsi que d’éventuels prétendant pour sa fille. Mais Eïnad était d’humeur maussade. Cela faisait quelques jours qu’elle ne s’était pas amusée, devoir donc se présenter face à des hommes qui n’en voulaient qu’à son argent n’était pas un divertissement qui lui plaisait. La demeure comptait désormais bon nombre d’habitants supplémentaires. Entre l’équipe domestique qui avait été renforcée, on comptait également des musiciens, des acteurs, des danseurs, des bouffons ou encore des acrobates maniant l’art de la magie. Mais aucun n’arriva à arracher un sourire de la belle.

La fête battait son plein, tout le monde semblait apprécier la soirée. Faisant la moue telle une gosse réclamant une glace en plein hiver la semi mit son père en colère. Celui-ci la congédia alors telle une gamine ce qui eut don d’outrer la belle rousse. Enervée elle se rendit alors à ses appartements.

De nombreux objets se mirent à voler dans la grande pièce, cassant ainsi statues et miroirs. La pression retomba alors lorsqu’elle se rendit compte qu’elle n’avait plus à supporter l’affut de prétendants. Se laissant tomber sur son lit elle fit appeler des domestiques qui virent nettoyer le carnage qu’elle venait d’effectuer.

Au final, n’était-ce pas une bonne chose de se retrouver seule ? Visiblement, non…

Tournant la tête vers la dernière servante encore présente elle lui dit d’un ton sec et autoritaire : « Trouves-moi une danseuse et sois discrète. Je ne veux pas que père soit au courant. Echoue, et je te coupe la langue. »

Les bras dorénavant au-dessus de sa tête, profitant de son lit bien moelleux, la belle rousse ferma les yeux un instant, sourire aux lèvres. De longues minutes passèrent, elle s’était endormit. Le bruit de la porte vint néanmoins la sortir de ses rêveries. La servante était revenue, et elle était accompagnée.

« Bien, personne ne t’as vu ? » Lui demanda-t-elle toujours sur le même ton. Eïnad n’eut comme simple réponse un hochement de tête négatif.  « Va-t’en, dans ce cas. » lui lâcha-t-elle.

Se redressant sur ses deux pieds, la semi approcha. Elle scruta l’être qui se trouvait devant elle.  La danseuse semblait être grande, de même taille qu’Eïnad. Rousse, aux yeux de couleur émeraude, tout comme elle. Elle était également tatouée. Toutes deux se ressemblaient sans pour autant être de vraies jumelles.  La semi tournait autour de la danseuse comme un chasseur tournait autour de sa proie. Ses doigts glissèrent dans sa chevelure sans qu’elle n’en demande l’autorisation, après tout, elle était là pour la distraire. De longues oreilles pointues firent son apparition, c’était un elfe sylvestre. Tout comme la mère d’Eïnad. Au fur et à mesure qu’elle scrutait la jeune femme, Eïnad leurs trouva de plus en plus de points communs.

« Hmm… je ne t’ai encore jamais vue ici auparavant. D’Où viens-tu ? » Lui lâcha-t-elle

La servante était finalement restée, ne serait-ce que pour lui donner une information primordiale. Eïnad la fusilla alors du regard, pinçant ses lèvres et serrant les poings. Elle aurait voulu lui faire du mal, elle aurait voulu voir couler son sang. Mais, alors qu’elle expira bruyamment, secouant un peu sa tête, elle lui répondit.

« Muette ? Je vois… Tu n’as pas encore été capable de me trouver quelqu’un de fiable à ce que je vois. Sort d’ici et aie espoir que je sois clémente… SORS JE TE DIS ! » Dit-elle à la servante qui ne s’attarda pas plus longuement dans la chambre, s’enfuyant en vitesse en sanglots. Dorénavant seules, toutes deux. Eïnad reposa le regard sur l’elfe, déçue de ne pas avoir de conversation. Elle lui sourit ce qui eut don d’agacer la semi. « Tu ne parles donc pas… Soit… alors je parlerais pour deux. Tu apprendras à m’écouter et à apprécier ce que je dis. Fait un seul geste de travers et tu ne danseras plus jamais. »

Elle s’installa à nouveau sur son lit, croisant ses jambes dénudées. Ses mains virent se poser derrière ses hanches, galbant sa poitrine, levant la tête et prenant un air hautain.

« J’espère que tu n’es pas timide, j’ai horreur de ça. Je compte sur toi pour t’exprimer et me divertir. »

La fenêtre était ouverte et une brise fraiche vint soudain calmer l’atmosphère en balayant les rideaux de soie. Eïnad ferma les yeux et inspira profondément sentant ainsi les odeurs de fruit frais. Elle pencha alors sa tête en arrière, les yeux toujours fermés. Une douce musique venant de l’extérieur vint alors la bercer. D’un coup elle se redressa, et plongea son regard dans celui de l’elfe. Son regard en disait long et pouvait être interprété de différentes façons. Pourtant un sourire vint se dessiner sur ses lèvres. Un rire vint briser le silence alors qu’elle balayait une mèche rebelle.

« Mais qu’est-ce que tu attends ? Tu crois que j’ai toute la nuit devant moi ? Danse et chante ! »

L’elfe se mit alors à jouer de son art. Portant ses lèvres à sa flute, laissant ainsi une douce mélodie envahir la pièce. Elle dansa également ; son jeu de jambe alors que son déhanché n’avait rien pour déplaire. Eïnad s’était installée plus confortablement, s’appuyant le dos, relevant ses jambes, un sourire joyeux vint baigner son visage.  Mais le temps ne passait pas, même avec cette distraction la semi se mit à s’ennuyer à nouveau.

Un sentiment que l’immortelle a du ressentir au vu de son acte. Celle-ci vint voler un baiser à la belle. Sa réaction ne se fit pas attendre. Eïnad se saisissant alors de sa dague, plantant ses doigts aux ongles taillés sur le frêle cou de sa danseuse. D’un geste qui se voulu brusque sans pourtant attirer de douleur, elle renversa l’artiste sur son lit. Son arme vint dangereusement menacer le visage de celle qui lui ressemblait tant.

« Qui t’a permis tel geste ? » Lui dit-elle alors, son visage aussi proche que possible de celui de la belle elfe.

D’ordinaire son cou serait déjà tranché, son sang recouvrirait déjà ses draps mais lorsque son regard vint croiser celui de sa prisonnière, un frison la parcourra et un drôle de sentiment vint s’emparer d’elle au point de lâcher son emprise. Laissant tomber sa dague de ses mains alors qu’elle reculait au fond de la pièce pour s’acculer contre le mur, elle respira rapidement.

« Mais qui es-tu donc ? » Lui demanda-t-elle, la tête penchée en avant, ses yeux fixant le sol.

Lorsqu’elle n’obtenu aucune réponse, elle répéta sa question en haussant la voix, s’avançant à nouveau vers son lit sans pour autant franchir la frontière qu’elle venait de placer entre elle et la danseuse.