Geresh: Un duel déséquilibré [Isíl]

Quatrième ennéade de Karfias, douzième année du onzième cycle.

La journée avait été organisée comme un jour de fête, un bon stratagème de Rauast pour que je me laisse guider vers une destination qui ne me plairait pas sans vraiment pouvoir rechigner. Il m’avait bien annoncé qu’il m’avait réservé une surprise, l’ennéade précédente, mais j’avais haussé des épaules, pensant que je pourrais simplement l’éviter. Après la routine de mon lever, cependant, je compris qu’il n’en serait rien. Emergeant sur le grand balcon qui surplombait les jardins intérieurs du palais, je vis un nombre trop important de regards tournés vers moi. Il n’y avait finalement que peu de serviteurs dans le lot, et ils servaient les convives. Mon visage s’éclaira forcément alors que j’étais le centre de l’attention, et je restai là quelques minutes. Je ne m’en détournai que pour rejoindre les festivités lancées en mon honneur en me dirigeant vers l’escalier le plus proche.

C’était en tout cas le plan, avant de me rendre compte de la horde de serviteurs qui m’encercla une fois que je fus hors du champ de vision de la foule du jardin. Certaines avaient les mains vides, d’autres des pièces de mon armure. Avant que je ne puisse objecter quoi que ce soit j’avais été entièrement déshabillée, et on commençait déjà à fixer mon armure. Mon père apparut alors, il avait au moins eu la décence d’attendre que je sois vêtue pour s’approcher, avec un sourire. « Tu vas t’offrir à Geresh en spectacle, j’espère que tu as pris au sérieux tous tes entraînements. » Il fit une petite pause pour admirer ma réaction et repris, fier de lui. « Tu vas certainement perdre le duel, mais personne ne doit s’attendre au contraire. Et tu t’es déjà montrée, tu ne reculeras pas maintenant. » Il s’amusait vraiment de la situation, mais ma fierté prenait le dessus sur une potentielle colère, et il avait certainement raison.

« Bien, j’espère que celui que tu as engagé est doué. » Je le laissai planté là, me précipitant vers l’étage inférieur. Ça avait tout l’air d’être une mauvaise blague, mais ce ne serait pas la première fois qu’il jouait de cette façon avec moi, et certainement pas la dernière. Quand personne n’avait d’ambition, il ne restait que ça, les mauvaises blagues, peu importaient les conséquences.

J’arrivai dans cette avancée qui surplombait les jardins aménagés pour l’occasion. Directement en dessous des deux escaliers qui partaient de ma gauche et de ma droite une arène temporaire avait été installée. La foule était directement en face du balcon et il n’y avait qu’une seule autre personne qui n’était pas un serviteur ou un esclave à mon niveau. Ses oreilles pointues laissaient entendre qu’elle avait du sang elfique. Pas une surprise du tout à Geresh, avec le conseil qui y régnait ou le Prince Marchand qui l’avait fait jusqu’à sa mort. Elle n’était pas très grande mais je l’identifiai aisément comme ma future adversaire. La concentration n’était pas mon fort et je me précipitai vers elle, curieuse, au lieu de me préparer mentalement à ce qui allait arriver.

Même avec une armure, même prête à me battre, j’avais tout l’air d’une gamine innocente, je lui demandai d’un ton candide. « C’est vous que mon père a engagée ? »