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 Siegfried de Mhizaar (MAJ)

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Siegfried de Mhizaar
Humain
Siegfried de Mhizaar


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MessageSujet: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeLun 11 Mai 2015 - 2:28

Siegfried de Mhizaar (MAJ) Itlj

Nom/Prénom : Siegfried de Mhizaar
Surnom(s) : Cheveux-de-Sang, (limité au Nordwald et au Landnörten) sobriquet donné durant les heurts qui opposèrent Krahof aux insurrections wandraises (entre les années 999 du dixième et 4 du onzième cycle), et Glaive, durant un brève passage dans les arènes de Thaar (An 10 du onzième cycle). Sinon l’Étranger, l'Épéiste, l’Humain ou d'autres surnoms un peu moins valorisants en Estrévent.
Âge/Date de naissance : Trente-six ans, Calimehtarus [3ème jour] de la cinquième ennéade du Bàrkios d'automne, an de grâce 981 du Dixième cycle.
Sexe : Masculin
Race : Humain
Faction : Péninsule (par affiliation d’origine, bien qu’il n’ait, actuellement, pas de point d’ancrage fixe)

Particularités :
- Une cicatrice en forme de fourche à double dents, réminiscence du dernier siège d’Amblère (An 8, opposant alliance humaine du Nord aux incursions Drows), lui lacère en oblique la joue gauche. (de la pommette à la commissure des lèvres)
- Sa chevelure ; ni rousse, ni châtain, elle tire sur un auburn terne aux reflets cuivrés. Une divergence peu commune dans une baronnie ou « exotisme » rime souvent avec « sectarisme ». On dit qu’une tribu barbare arbore cette même étrangeté aux frontières de l’Oësgardie.
- Porte une chevalière en argent (en chainette, autour du cou) l'anneau exhibe plusieurs entrelacs stylistiques enserrant trois têtes de chien dont les gueules se referment sur une petite maille en or. Ultime vestige attestant de son appartenance à la lignée des Mhizaar.
- Sang-mêlé wandrai, (branche maternelle), apparentée à la tribu des Vhaar qui furent, pendant plusieurs siècles, les principaux adversaires des Mhizaar.
- Cousin au premier degré d’Hagen de Mhizaar.
- Parle et comprends parfaitement l'Olliyan depuis son arrivé en Ithri'Vaan (An 10), mais maitrise approximative de l'Anedhel et de l'Ilythiiri, bien qu'il en saisisse les nuances.

Alignement : Chaotique Neutre (quoique le choix ait été compliqué ; esprit libre, indépendant, avec attrait à faire le « bien » selon ses propres notions. Mais présente également des caractéristiques d'éthique Loyale -méthodique, discipliné, responsable, et respectueux de l’autorité, tant que cette dernière restera en accord avec ses propres valeurs-, sur fond de neutralité à tendance Mauvaise lorsque ses raisons sont légitimées par un élément déclencheur -capable de maltraiter ou tuer un ennemi désarmé suivant ce qu'il représente pour Siegfried, détermination rancunière pouvant conduire à la vendetta, et aspect pragmatique qui ne le poussera pas à systématiquement endosser le rôle du paladin s'il est témoin d'une injustice-)
Métier : Noble en exil (Oësgard) - Mercenaire (épéiste / stratège militaire)
Classe d'arme : Corps à corps / À distance

Équipement :

Sur le plan vestimentaire, Siegfried est aussi bien capable de se parer de guenilles comme d’atours sophistiqués (pour autant que les moyens et la situation le lui permettent), le noir, teinté de rouge bismark ou de vert viride, étant les couleurs le plus souvent arborées. Si de Sgarde, il en aura conservé une vague diathèse, le caractère de Siegfried est suffisamment flexible pour moduler son style en fonction de son milieu. (tuniques exotiques, armures Péninsulaire, tenues de voyages, etc…) L’on en retiendra toutefois un certain soin apporté à l’esthétisme, mais toujours avec une certaine cohérence, sans pour autant basculer dans la forfanterie.

Au combat, Siegfried fait usage de deux épées (glaives oësgardiens de type cladio ; arme légère, à une main, d’une lame d’environ soixante-dix centimètres), qu’il manipulera de manière simultanée, ou en employant l'une d'elle en complément d’une dague ou d’une targe si la situation l’exige. Gaucher de base, l’épéiste a malgré tout su entraîner sa main droite avec assez de résolution pour friser l’ambidextrie.

Spoiler:

La première -et la plus ancienne des deux- demeure parfaitement équilibrée ; le pommeau et la garde sont recouverts d’une fine couche d’argent, ciselée de glyphes, tandis que de fins entrelacs en ornent la fusée d’ivoire. Surnommée « Sjel », l’épée possède une lame en acier oësgardien, et appartient à la lignée des Mhizaar depuis plusieurs générations. Siegfried en a hérité en 998 du dixième cycle, après la mort de son père, à l’épilogue de la première incursion Drow dans le Nord.
« Balmung », la seconde, lui a été offerte la même année par Brynjölf, son oncle. Forgée sur le modèle de « Sjel », son équilibrage et sa longueur lui sont identiques ; quillons et pommeau sont en bronze et gravés de fioritures distinctives du style nordien. La fusée est recouverte de cuire (lui aussi incrusté de gravures), et la lame, également en acier d’Oësgardie, aurait été forgée dans le même bloque que l’épée d’Hagen.

Enfin, si l’escrime reste son domaine de prédilection, Siegfried a également été formé à l'arc (modèle à double cambrure en possession), à la lance, et à une palette diverse d’armes de mêlée tels le fléau, la hachette ou la morgenstern. Enfin, même sans armes, il n’en demeure pas moins un redoutable pugiliste ; forgé par et pour la guerre dans un univers où la violence n’a cessé d’aller en crescendo.

Description physique :

Taille : 1m 88
Poids : 86 Kg

Siegfried est un contraste parmi les archétypes du Nord. Ses traits son fins sans êtres ascétiques ; une mâchoire élégante aux lèvres légèrement charnues, un nez droit, un tantinet creusé en son centre, et des pommettes hautes. Le regard, fixe et acéré, est profondément abrité sous une arcade aux sourcilles sommairement pincés. Implacable, comme celui d’un oiseau de proie, il lui confère une expression tendue mais fermée. Ses yeux sont d’un marron foncé, presque noir, et reflètent la nitescence abyssale d’un homme qui préfère garder ses émotions masquées. De grande taille, sans être un géant pour autant, sa silhouette est taillée en puissance mais pas en lourdeur ; si les muscles sont bien proportionnés, ils n’ont rien de l’adipose rustique du reître en armure -bien qu’il soit habitué à en porter-, mais tiennent d’avantage du bretteur. La démarche est ferme et équilibrée, et il en émane une assurance naturelle couplée à quelque chose d’animal. Enfin ses cheveux sont d’un acajou cuivré et ressemblent à du bronze liquide placés sous une source de lumière. Mi-long -jusqu’aux épaules- il les noue la plupart du temps en queue de cheval mais laisse souvent quelques mèches retomber négligemment sur son front.
Sa voix de basse est toujours calme, bien qu’elle n’ait rien de trainante ni hésitante. Au contraire ; la diction est travaillée et agréable à l’oreille, quoi qu’elle puisse parfois se montrer sèche ou impérieuse suivant la situation. Dans l’ensemble elle souligne plutôt l’image d’un homme qui n’a pas besoin de hausser le ton pour se faire entendre.
De légères ridules commencent à apparaitre sur son faciès -paupières et commissures des lèvres- suggérant à un physionomiste attentif que le cap de la trentaine a été passé, et son corps est cinglé d’anciennes marques de combats menés à travers toute la Sgarde -la plus importante lui lacérant le visage sur toute la partie gauche du visage, de la pommette au menton-.
Pour conclure, Siegfried reste quelqu’un d’assez soigné de son apparence, bien qu’il n’en fasse pas non plus une obsession, et sera toujours attentif à paraître présentable aux yeux d’autrui. L’un des principaux détailles étant qu’il se rase toujours de près- la barbe lui saillant guère depuis la cicatrice récoltée à Amblère-.

Description mentale :

Paradoxal serait très certainement l’adjectif le plus qualifiable dans la psyché de Siegfried.
De prime abord, l’on a à faire à un homme calme qui sait vraisemblablement se maitriser. Les passions sont camouflées sous les estampes d’un grand contrôle de soi, suggérant un sang-froid qui semble ne laisser que très peu de place à la sensibilité. De nature méticuleuse, Sieg ne laissera jamais rien au hasard et sait faire montre d’un sens aigu de l’analyse. Intuitif et sensitif, il sait interpréter les émotions d’un simple coup d’œil mais n’est pas spécialement porté sur l’altruisme, bien qu’il en soit capable -caractère désillusionné, versé sur un grand sens du réalisme-.
Si le regard, la voix, et les attitudes semblent dénoter un comportement tranché, ce n’est pas un homme obtus. Il sait se remettre en question, mais fait toute fois partie de ceux qui ont un credo qui leur est propre, et démontre facilement la proximité entre bien et mal. - capable du pire comme du meilleur, ou du meilleur en effectuant le pire si nécessaire -
Pragmatique, mais pas amoral, cela ne se fera jamais à l’encontre de ses principes ; la plupart de ses choix ayant été murement réfléchis à l’avance. Vif d’esprit, il fait partie de ces gens capables de prendre une décision instantanée en cas de crise -ou sur un champ de bataille-, et possède une volonté en acier trempé. Sa patience et son déterminisme animent la plupart de ses actions ; il ne supporte pas de ne pas avoir le dernier mot, mais aime pourtant qu'on lui tienne tête.
Curieux de tout, il est capable de comprendre que tout doit toujours être remis en question, et ne garde jamais pour acquis ce qu’il sait. Enfin, sa nature perfectionniste le pousse à faire les choses de manière cartésienne et efficiente.

Autre détail, s’il semble calme en apparence, Siegfried est quelqu’un d’extrêmement passionné, volcanique même, bien que la plupart de ses émotions soient, bien souvent, comprimées dans une sorte de « tabou souterrain ». Pouvant aimer ou haïr à l’extrême, il cherchera toujours à explorer une relation jusqu’à son aboutissement final, et n’hésitera pas à briser les codes, à pousser, porter ou déstabiliser la personne concernée s’il le juge nécessaire. Doter d’une excellente mémoire, il n’oublie jamais ce qui lui a été fait, a énormément de mal à pardonner, et peut mener la rancune jusqu’à une absence d’abnégation totale. -Parfois débridé jusqu’à l’autodestruction, bien que cela soit très rare, les conséquences dépendant surtout de la gravité des actes subis. -
À l’inverse, la réputation de Siegfried veut qu'il soit l’un des rares Mhizaar à être habité par l’empathie, pouvant pousser le dévouement et la loyauté -d’avantage envers une personne qu’une cause- jusqu’au sacrifice ultime s’il le juge nécessaire.
Pour conclure Sieg a un attrait singulier envers la confiance qu’il a du mal à accorder. Enfin, s'il est particulièrement réfractaire à l’engagement, il n'est pas contre le désir charnel, préférant les relations courtes mais passionnées à quelque chose de durable, susceptible de se faner avec le temps, ou de conduire à la perte ou à la déception. Son caractère jusqu’au boutiste, couplé à un sens des cordialités soigné en font un amant attentionné et sulfureux bien qu’imperméable lorsqu’il est question de se dévoiler. Sa nature dissimulatrice le rendant notamment complexe à cerner, les causes prenant hélas leurs fondements dans les décombres de son passé.

Mots clefs : Intuitif, cartésien, critique, patient, déterminé, passionné, perfectionniste, protecteur, profond, cachotier, rancunier, méfiant, exigeant, desillusionné, blessant, complexe, insondable.

Histoire :

Siegfried de Mhizaar (MAJ) V8ad

Prélude

Citation :
« Le temps est une gangrène, elle apparaît puis vous ronge à petit feu. Pour finir il ne vous reste plus que le présent pour vivre ; le passé demeure, et le futur ne vous intéresse guère. »

Chroniques, extraits des mémoires de Siegfried de Mhizaar.

Domaine de Krahof (Oësgard), an de grâce six du onzième cycle. Tariho (9ème jour) de la quatrième ennéade du Karfias d'été.

La nuit était sillonnée d’éclairs et vomissait des trombes d’eau qui ruisselaient dans les ténèbres comme des larmes opalescentes, devant lui il n’y avait rien…rien à part les derniers vestiges d’un paysages mort, ravagé par les prémices d’une guerre qu’il était encore trop jeune pour comprendre et qui le terrifiait. Kell avançait entre les arbres et les buissons, trébuchant de temps à autre au détour d’une futaie. Il avait peur, et ses souvenirs étaient encore embrumés par les images qu’il conservait du massacre. Les hommes étaient arrivés dans la chaumière de son père, leurs hautes silhouettes bardées de fer jetant des reflets scintillants sous la clarté des torches. Leurs mines étaient sombres et leur regard, dénué de vie, demeurait plus froid qu’un hiver sans étoiles. Le chef avait conversé un moment avec son père, réclamant de la nourriture et de l’avoine pour leurs chevaux. Il ne sut très bien ce qui avait pu se dire, mais au bout d’un moment, son père s’était empourpré et avait commencé à crier.
L’autre l’avait fixé un moment avant de tirer son épée. Kell s’était couvert les yeux et avait fui dans la pièce voisine lorsque les hurlements avaient commencé. Quelqu’un l’avait attrapé, il avait commencé à se débattre, mais une voix douce et chaude lui avait murmuré. « Calme-toi mon chéri, c’est maman. Maman est là. »
Elle souriait, mais des larmes inondaient son visage. Elle l’avait emmené dans l’écurie et l’avait installé sur Mentha, le vieux hongre de la famille. « Va jusqu’au château, va chercher l’Intendant. » Avait-t-elle dit en guidant l’animal sous le porche.

Tremblant sur sa selle, il était parti sans se retourner tandis que derrière lui, les cris et les appels à la pitié raisonnaient toujours dans la nuit noire.

Kell n’avait pas vu le Mhizaar aux cheveux de bronze lorsqu'il était arrivé au châtelet.
Des femmes s’étaient occupées de lui et on l’avait emmené aux cuisines. Mais il n’avait pas pu manger…il revoyait encore la lame se lever au-dessus du visage de son père et l’angoisse poindre dans les yeux de sa mère.
Lorsque la grosse dame s’était retournée vers les fourneaux, il s’était éclipsé dans les couloirs.
À présent il marchait seul dans la chaleur nocturne, arpentant les sentiers déserts vers la clarté rémanente qui baignait l’horizon.
Il écarquilla les yeux en voyant les flammes courir sur les toits en chaume de sa maison. Devant l’incendie se trouvaient cinq silhouettes.
Parmi elles, il reconnut Siegfried, l’Intendant de Krahof.
Il était immobile devant le brasier. Son armure semblait d’un noir lustré sous la lueur des flammes, et ses deux épées étaient plantées dans le sol, à ses pieds.

L’un des hommes s’avança.

« Allons, soit raisonnable Siegfried. Joins-toi à Odoacre. Au diable Hagen et ses serments stériles. Parlons d’un nouveau traité. »
Siegfried resta silencieux un moment, et un sourire froid ourla ses lèvres.
« Mais Odoacre connaît déjà ma réponse. Qui plus est, vous ne m’avez pas attiré ici pour parler. », dit-il en effleurant le pommeau de ses lames. « Vous l’avez fait pour me tuer. »
Ses mains tirèrent doucement Sjel et Balmung de leur fourreau de glaise.
« Je suis là désormais. Et je suis seul. »

Lentement, ils dégainèrent leurs épées. Et puis, alors que la maison en flamme s’effondrait dans un fracas d’étincelles flamboyantes, ils passèrent à l’attaque.
La scène se changea en pandémonium...

Chapitre I: Austérité

Siegfried de Mhizaar (MAJ) Pmfn

Château de Khrön, forteresse d’Edric de Mhizaar, nord-ouest de Krahof (Oësgard), an de grâce 992 du dixième cycle. Julas (2ème jour) de la sixième ennéade du Verimios d'hiver.

Derrière lui se dressait une forteresse grise et sinistre, entourée par les flammes et la fumée. Les bruits de la bataille remplissaient ses oreilles, et il se mit à courir, le cœur battant la chamade, la respiration haletante. Il jeta un coup d'œil derrière lui. Le fort était proche, plus proche qu'avant. Devant lui ondoyait le court régulier de la Vâmme qui serpentait à travers les plaines d'Oësgard. Elle miroitait et se dérobait, le narguant de sa fugacité tumultueuse. Il se mit à courir plus vite. Une ombre le recouvrit. Les portes de la forteresse s'ouvrirent. Il lutta contre la force qui l'attirait en arrière. Il hurla, supplia. Mais les portes se refermèrent, et il était revenu au coeur de la bataille, une épée ensanglantée dans ses mains tremblantes. Les tambours de guerre résonnèrent autour de lui, et une clameur embrasa toute la scène, recouvrant les hurlements d'agonie et le tintement des épées comme un grondement de tonnerre.
Soudain, quelque chose l’attrapa et l’aspira en l’air, dans une chute inversée qui l’envoya au sommet du donjon, et Dervila apparut, penchée au-dessus de lui.
Sa mère déposa un baisé sur son front, puis s’avança vers le muret pour se percher sur un créneau.

« Vole avec moi mon chéri. », lui dit-t ’elle.

Elle lui sourit une dernière fois.
Et se jeta dans le vide…

***

Siegfried de Mhizaar se réveilla en sursaut, les yeux grands ouverts sur les ténèbres d'un autre monde.
Un rayon de lune passait par sa fenêtre et éclairait le bureau recouvert de cuirs ainsi que l'assortiment de plumes, de pots d'encre et de vélin éparpillés qui y étaient répandu. La brise avait fait tomber quelques parchemins sur le sol. Sieg repoussa ses couvertures et passa ses jambes hors du lit. Comme toujours lorsqu'il émergeait d'un cauchemar, la tête lui tournait et le monde tourbillonnait dans une maestria de lumières scintillantes. L'adolescent se crispa en repensant aux images.
Peur...haine...douleur, et destruction sur fond de sang et de bataille. Il n'avait cessé de faire le même rêve depuis le crépuscule de ses dix ans, trois ans plus tôt. Les estampes, d'abord indistinctes, vibrionnaient dans son esprit pour prendre forme à travers un jaillissement de fureur. Devant lui se profilait une réalité, sale et sombre, qu'il ne parvenait pas appréhender et qui le terrifiait.
De toute façon tout était sale depuis la mort de sa mère. Les souvenirs qu'il gardait d'elle se perdait dans les brumes du passé, mais il se rappelait très clairement les fossettes qui creusaient le coin de ses lèvres à chaque fois qu'elle lui souriait, la chaleur de ses bras lorsqu'elle le serrait contre elle et la douce senteur épicée qui émanait de sa longue chevelure fauve.
Mais à travers les stigmates de son enfance, il se souvenait également des cris qui jaillissaient du grand hall lorsque son père revenait. À chaque fois, il quittait sa chambre pour rejoindre celle de Wulfric et finissait par s'endormir aux côtés de son frère, les mains plaquées sur les oreilles pour étouffer le bruit. Au fil des ans, elle était devenue plus silencieuse et moins souriante, la malice sur son visage avait disparu, et la joie qui faisait chatoyer ses yeux d'un noir profond s'était fanée, remplacée par le ruissellement des larmes.
Un jour, on avait retrouvé son corps au pied du donjon. Son père était venu les chercher, lui et Wulfric, et les avait traînés de force jusqu'à la dépouille ensanglantée.
La moitié de son visage avait été arrachée, et un œil pendait sur une pierre à côté d'elle.

« Voyez ce qu'est la faiblesse... », avait-t-il grogné. « ...je ne veux pas que mes fils deviennent des lâches. Jamais ! »

Siegfried frissonna et s’efforça de chasser les souvenirs.
Comme d’habitudes, ils ne s’estompèrent que partiellement.
La pièce était froide. Son père ne lui autorisait qu’un seau de charbon par semaine. Comme il ne lui restait que quatre morceaux pour trois jours, il avait décidé de ne pas allumer de feu cette nuit-là. Au lieu de cela, il avait enfilé ses braies en laines et une chemise de nuit avant de se mettre au lit. Le drap et les deux fines couvertures ne lui tenaient pas vraiment chaud, aussi y avait-t-il mis un lourd manteau en poile de cerf afin d’ajouter un peu de poids et de chaleur à l’ensemble.
Le jeune noble passa le vêtement autour de ses épaules et se rendit devant le foyer. Il y avait du petit bois et des bûchettes à côté du seau de charbon. La colère s’empara de lui. Edric de Mhizaar voulait qu’il s’endurcisse à ce qu’il disait. C’est pour cela que son fils avait froid l’hiver, pour cela qu’il se moquait de tous ses efforts, pour cela qu’il avait tué Thrall. Cette dernière pensée avait jailli malgré elle d’une blessure qui ne guérirait pas dans l’esprit du garçon.
Qu’est-ce qu’il avait pu aimer ce chien…
Et bien que huit mois aient passé, la douleur qu’il ressentait était toujours aussi vive.
Un accident avait dit son père, l’arbalète avait un arbrier défectueux, il s’était détendu et avait actionné la corde lorsqu’Edric avait voulu nettoyer l’arme. Le carreau s’était fiché dans le crâne du retriever noir. Sieg n’avait pas cru un instant à cette histoire. Enfant il adorait un poney noir que son père avait vendu. Ensuite, Thrall qu’il avait tué…
Puis il y avait eu les corrections, administré à chaque faux-pas. Elles s’étaient arrêtées à son treizième anniversaire, lorsque Wulfric avait débuté sa formation d'écuyer au service de Brynjölf de Mhizaar, son oncle et seigneur de Krahof. Mais il ne devait pas cette grâce à un élan de bonté, il en était persuadé. C’était d’avantage lié aux rhumatismes dont souffrait son père. Il ne pouvait plus dispenser le fouet comme autrefois.

Siegfried se demanda quelle aurait été sa vie si sa mère n'avait pas plongé du haut de la tour. Peut-être qu’alors, son père ne l’aurait pas autant détesté.
Un nouveau frisson lui parcouru l’échine lorsqu’une brise froide s’engouffra par la fenêtre sans rideaux. Succombant à une impulsion, il s’empara du seau à charbon et constata qu’il n’y aurait pas assez de combustible pour la nuit. La colère le repris, et avec elle, les graines de la rébellion germèrent dans son cœur. Il était l’un des héritiers de Krahof, un jour, il œuvrerait aux côtés d'Hagen pour assurer la pérennité du domaine. Et pourtant, il était aujourd’hui dans une pièce sans combustible, malgré l’énorme réserve de charbon entreposé derrière les cuisines.

Siegfried se leva et enfila ses bottes. Le seau à la main, il ouvrit la porte et s’engouffra dans les couloirs, il remonta les allées désertes, et sorti sans un bruis dans la nuit froide. Lorsqu’il arriva au tas de charbons, il remplit son seau avec une infinie précaution et retourna dans les cuisines.
Une silhouette sombre passa devant la fenêtre, et le garçon sursauta. L’homme avait l’air pressé et Siegfried n’eut pas bien le temps de voir de qui il s’agissait. Ce n’était pas un soldat…
Revenant sur ses pas, il pénétra dans le grand hall et vit que les portes d’entrées étaient grandes ouvertes.
Un sentiment de peur le gagna et il fila vers l’escalier qui donnait sur le donjon, là où se trouvaient les chambres. Il était à mi-chemin lorsqu’un hurlement résonna dans toute la galerie. Il y eut un fracas et une grande silhouette apparut en haut des marches. La lumière n’était pas bonne, mais Sieg reconnu les traits durs de son père. Deux hommes vêtus de vêtements sombres se précipitèrent sur le géant. Ils s’agrippèrent dans un déluge de coup et roulèrent au sol. Un autre homme se manifesta. L’adolescent vit une lame luire dans sa main.
De toutes ses forces, il jeta le seau de charbon au visage de l’assaillant. Celui-ci recula sous l’impact et Sieg gravit les marches quatre à quatre. L’un des adversaires vola à travers la pièce et il entendit son père crier.

« Misérable traître ! À l’assassin ! À l’assassin ! »

Mais aucun garde ne semblait venir.
Le garçon se précipita sur l’homme. La lame jaillit. Il esquiva le coup et se jeta sur sa droite. L’assassin était rapide et Siegfried arriva à bloquer un coup d’estoc avec son avant-bras. La lame glissa le long de sa manche, déchirant le tissu et lui entailla la peau. Une vague de chaleur monta dans la poitrine du jeune noble et enfiévra son regard. Il était terrorisé, mais dès que la peur s’emparait de lui, elle était aussitôt remplacée par de la colère.
Sieg sauta sur son adversaire, lui assénant un coup de coude au visage et enchaînant sur un coup de tête en plein nez. Le tueur poussa un cri et recula, à moitié assommé. Dans la même fraction de seconde, le garçon sentit quelqu’un derrière lui et il se jeta de côté. Quelque chose de lourd s’écrasa sur son épaule et une vive douleur lui traversa le dos. Armé d’un gourdin, le nouvel assaillant se rua sur lui, mais son pied roula sur un morceau de charbon et il trébucha à son tour. Siegfried empoigna le couteau qui scintillait sur le sol et, dans une grimace de douleur, sauta sur l’assassin pour lui enfoncer la lame dans les côtes. L’homme poussa un hurlement et, attrapant le garçon par la gorge, le fit pivoter sous son poids. Siegfried se débattit mais la poigne était trop forte. Et puis, quelque chose percuta l’arrière du crâne de son agresseur et le sang jaillit.
Presque aussitôt, l’adolescent se dégagea, haletant.

Son père se tenait devant lui, ses longs cheveux noirs cascadant telle une rivière d’encre autour de son visage aux traits marqués. Ses yeux, couleur tourmaline, observaient son fils sans ciller. Ils étaient froids et dénués de rémanence.
Le dernier assassin bondit en brandissant sa dague.

« Tyran ! Félon ! », hurla-t-il, « Soit maudits, espèce d… »

Le cadet des Sires de Krahof bougea si vite que le mouvement en devint presque flou.
Le poing s’écrasa sur le visage du malheureux, encore, et encore. Lorsque la dague tomba le géant la rattrapa au vol. Agrippant son adversaire d’une main, il l’attira violement vers lui.
Il y eux un bruit sec lorsque la lame s’enfonça dans sa gorge.
L’homme écarquilla les yeux. Il tenta de parler, mais ses paroles s’étouffèrent dans un gargouillis de sang.

Tandis que la garde arrivait, Siegfried se releva en titubant, les yeux rivés sur son père.

« Vous êtes blessé, Sir ? », demanda l’un des gardes en s’approchant du grand homme.
« Ce n’est rien… », répondit Edric de Mizar d’une voix glacée. « …je vois que l’un de ses misérables est toujours en vie. », dit-t-il en désignant l’homme que l’adolescent avait assommé. « Portez-le aux cachots, et allez quérir mon frère. Je l’interrogerais en personne. »
« Bien Sir. », l’homme jeta un coup d’œil au garçon. « Vous vous êtes bien battu. »

Siegfried le remercia d’un hochement de tête et se tourna vers son père. Il saignait à divers endroits, et son œil gauche était tuméfié.

« Faites venir l’apothicaire. », ordonna-t-il. Puis, il s’arrêta et regarda le tapis. Il se tourna vers son fils. « Je vois que tu me volais du charbon. Nous en reparlerons. »

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L’hiver fit place au printemps et les tensions s'intensifièrent au domaine de Krahof. Mus par la politique abusive du seigneur, plusieurs soulèvements eurent lieu. Taxes non payées, actes de sédition, vols et attaques se succédèrent. Pour la plupart, ces révoltes étaient les conséquences d'actes isolées et demeurèrent facilement réprimandables. Les choses ne dégénérèrent qu'après la seconde tentative d'assassinat, porté contre Brynjölf de Mhizaar (le père d'Hagen), deux mois plus tard. Les cadavres des reitres furent suspendus aux murailles du château, et l'on organisa des battus aux quatre coins du domaine. On dit que la purge se propagea jusqu'aux frontières wandrais, et que des villages entiers furent mis à sac durant les razzias.
Ce fut une année de sang et de massacre pour Krahof.
Pendant ce temps, Siegfried passa l'hiver confiné au château aux côtés d'Hagen, son cousin. Peu après la tentative d'assassinat, son père avait engagé un tuteur et un maître d'arme pour s'occuper du garçon, l'apprêtant aux futurs tâches qui lui seront un jour assignés. "Les fils de ma lignée ne deviendront jamais Seigneur...", lui avait-t-il confié avec sa sécheresse habituelle, « ...ce privilège reviendra à Hagen. Toi, tu assureras son essor, couvriras ses arrières, appuieras ses décisions et le conseilleras dans ses choix. Tu seras ses yeux lorsque la nuit tombera, ses oreilles au coeur de l'orage, son champion et son épée à chaque fois qu'on le défiera. Tu deviendras le bouclier de Krahof...sa vie passera toujours avant la tienne. Et il en sera ainsi jusqu'à ce que l’aîné de ses fils te succède. » Si les paroles de son père l'avaient touché, Siegfried n'en n'avait rien laissé paraître, il s'était assigné à ses nouvelles attributions avec cette économie de mesure qui l'avait toujours caractérisée.
Comme l’on s’en rendit vite compte, ce garçon avait manifestement un problème avec l'autorité...
Châtiment et privation se succédèrent au cours de ces longs mois d'austérité, néanmoins, Siegfried fit montre d'une grande force de volonté et d'un esprit extrêmement créatif. Fin bretteur, analyste et réactif il apprenait très vite, ce qui impressionna vivement ses précepteurs.

Un an plus tard, Edric revint au château avec Wulfric, la révolte avait été écrasée et leurs doges exécutés. Satisfait des progrès de son fils, Edric de Mhizaar l’autorisa à l’accompagner dans le Médian, à l’amorce des voyages commerciaux qui débuteraient au solstice d’été, ponctuant les fêtes de la grande Volée en Oësgardie. Le périple les ferait descendre d’Alonna, à Odelian, jusqu’en périphérie d’Olyssea où ils suivraient la route commerciale qui les mènerait en Eraçon, là où siégeait la Baronnie d’Ancenis.

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Baronnie d'Ancenis (Duché d'Erac), an de grâce 993 du dixième cycle. Panahos (4ème jour) de la seconde ennéade du Karfias d'été.

Le grand hall ondoyait doucement sous les jeux de lumières incandescents renvoyés par la radiance brute des torches. Des tapisseries aux teintes criardes courraient le long des structures internes de la vaste salle, tandis qu'un brouillamini d'étrangers magnifiques se profilait autour des tables chargées de victuailles...ça et là, le monde criait, chantait, jouait, riait et vibrait de vie à travers la vaste lie de la société Ancenoise. Des acrobates dansaient et virevoltaient au rythme des tambourins dans une sarabande infernale, tandis qu'un montreur d'ours faisait pousser des acclamations ébaubies au sein d'un petit attroupement. Un peu plus loin, une foule battait la mesure devant les frasques guillerettes d’un troubadour alors que caméristes et garçons de salle s’afféraient autour des tables pour y apporter leurs nouveaux lots de provisions à chaque passage.
Pour Siegfried, cette agitation semblait presque irréelle, chimérique même, à tel point elle contrastait avec l'impitoyable ascèse d'Oësgard. Chez lui, la féerie du rire, des danses et du spectacle, était remplacée par le ballet des lames et le tintement des boucliers que l'on retrouvait lors des joutes martiales de la Grosse Ordalie, de la Hérissonade de printemps, ou encore, à l'aune des fêtes de la Grande Volée. Les ménestrels étaient rares en Oësgardie, et les saltimbanques ne s'aventuraient qu'épisodiquement à travers ces plaines gangrenées par le pillage et les conflits.
Ses prunelles d'un noir profond embrassèrent brièvement la scène pour finalement glisser sur la petite broche en bronze qui scintillait au bout de ses doigts. C'était la réplique d'une targe, en osier, et adroitement sculpté avec des fils en argents entremêlés.
Un pâle sourire coula sur ses traits, et il se souvint du périple qui les avait fait quitter Krahof, trois mois plus tôt.
Au fil des ennéades, d'autres caravanes s'étaient jointes à la procession d'Edric. Pour la plupart, il s'agissait de marchands itinérants ayant profité du solstice d'été pour voyager à travers les provinces du royaume, mais elles comptaient également leur lot de baladins et d'artisans. Trop occupé à la gestion du convoi, son père l'avait laissé tranquille et il s'était mis à flâner entre les caravanes. L'une d'elles avait tout particulièrement retenu son attention ; celle d'Alastor, le ferronnier. Les femmes prisaient les broches et les bracelets qu'il confectionnait, les hommes s'émerveillaient devant les poignées d'épée et les boucles de ceinturon qu'il forgeait dans le bronze et parfois même l'argent. On disait que son fils, Gabriel, était doté d'un talent similaire voir même supérieur au sien. Mais on disait également que son apparence difforme repoussait le plus humble des négociants.
L'enfant était né infirme, les jambes étrangement atrophiées par rapport au reste de son corps.
Parfois, lorsque le soleil ne tapait pas trop fort, son père l'installait à côté de lui, sur le banc de l'attelage. On posait une épaisse couverture sur ses jambes chétives et inutiles, et le garçon se mettait à travailler. En général, tout le monde évitait la caravane d'Alastor lorsque cela arrivait.
Mais pas Siegfried.

Il trottait à côté de la roulotte et discutait avec Gabriel, fasciné par son talent et la finesse de ses créations. Au fil des semaines, les deux garçons avaient fini par devenir amis, ce qui avait ravi Alastor.
Lorsque le convoi avait atteint les frontières d'Erac, Gabriel lui avait annoncé qu'ils ne continueraient pas jusqu'à Ancenis. Son père bifurquerait au Sud-est, vers Langehack pour redescendre la voie pavée qui les mènerait droit à Diantra. La nouvelle l'avait attristé, mais une idée avait germé dans son esprit. Le dernier jour, il était venu à cheval jusqu'à l'attelage et avait proposé une chevauché à son ami. Le visage de Gabriel était devenu cramoisi.

« Ce...c'est une plaisanterie ? Pourquoi ferais-tu cela pour moi ? »
« Pourquoi pas ? », avait rétorqué Siegfried. « Tu n'as rien à craindre, j'ai adapté la selle pour toi. Je t'installerais devant, ainsi je pourrais te rattraper si jamais tu glisses. »

Gabriel avait fini par céder et avec l'aide de son père, s'était hissé tant bien que mal sur le dos de l'alezan. Siegfried avait lancé sa monture au galop, maintenant les rênes d'une main tandis que l'autre enserrait la taille fluette de son ami. Ils avaient chevauché toute la journée, s’éloignant parfois des sentiers battus, longeant bois et ruisseaux sans jamais vraiment perdre la piste de vue. À un moment ils avaient même aperçu un groupe de chevaux sauvages au loin. La harde avait pris la fuite à leur approche.

« Moi-aussi j'ai un cadeau pour toi. », avait déclaré Gabriel lorsqu'ils avaient rejoint le convoi au crépuscule. Il avait défait les cordons de sa bourse et avait tendu la broche en forme de bouclier au jeune noble.
« Je ne sais pas quoi dire... », avait murmuré Siegfried. « ...je te remercie, mais ce n'était pas la peine de me récompenser. »
« Ce n'était pas une récompense. », avait répondu Gabriel, tout sourire, tandis que la roulotte d'Alastor s'éloignait.

Pensif, l'adolescent fit glisser l'objet scintillant dans l'une des poches de son pourpoint.
Il y eut du mouvement au fond du hall, et de nouvelles personnes firent leur arrivée. Parmi elles, Aemon Ier d'Ancenis, le Baron du domaine, une foule de courtisans et d’hommes importants accompagnaient le noble aux traits marqués. À ses côtés, son frère Raymond, Eugénie et…Blanche.
Siegfried sentit les battements de son cœur s’accélérer tandis que toutes couleurs désertaient son faciès. Son état l'incombait...l'agaçait même car il ne parvenait pas à s'expliquer l'averse d'émotions qui le saisissait. C'était une sensation nouvelle, étrange même, qui lui faisait perdre tous ses moyens. Il l'avait éprouvé pour la première fois lorsqu'Edric de Mhizaar, et les autres représentants du fief de Krahof, s'étaient présentés au Baron. Tandis que son père se complaisait en profusions de bonnes manières, connivences mielleuses et autres cajoleries protocolaires, le regard du garçon était resté accroché à la nièce du Sir. À la fois intimidé et fasciné par le magnétisme qui se dégageait de l'adolescente. Un détail, une inaccessibilité, qui semblait-t'il, ne laissait pas les freluquets de son âge indifférents.
Blanche en revanche, aux antipodes de ce qu'elle dégageait, le demeurait parfaitement.
Indifférente.

Manifestement, le trouble de Siegfried ne passa pas inaperçu aux yeux de son père, qui parfois, aux grés d'une conversation, lui jetait des regard froids et inquisiteurs. « Ne t'avise pas de me faire honte. », disait ces yeux, « Ne nous fais pas honte. »
Il serra les poings et se retourna lorsqu'une main se posa sur son épaule.

« À quoi joues-tu ? », lui dit Wulfric. Le ton oscillait entre embarras et agacement. « Tu souhaites encore t'attirer les foudres de père ? »
« Je ne souhaite m'attirer les foudres de personne. », répondit Siegfried sur un ton plus sec qu'il ne l'aurait voulu.
« Alors cesse, c'est inconvenant et irréfléchi. », voyant la colère poindre dans les yeux de son frère il se radoucit. « Tu aspires à des rêves trop larges pour toi, petit frère. Leur sang bleu est plus pur que le nôtre. Leur héritage les prédestine à s'assoir sur une province ou un royaume. Pas sur les friches d'un petit domaine égaré dans le froid et l'aigreur des terres du Nord. »

« Et nous, à quoi sommes-nous prédestinés ? »
« Mais à vilipender au bout de leur laisse, voyons… », rétorqua Wulfric. Le ton était doux, mais ses yeux avaient quelque chose de sarcastique. « Nous sommes des pions sur l'échiquier du royaume, chacun tournant autour des sphères qui leur ont été assignées. Mais nous sommes également des Mhizaar, des Sirs de guerre. Destinés au commandement plutôt qu'à la chaire à épée. Nous sommes les Cerberions d'Oësgard... »
Siegfried fronça les sourcilles devant l’arrogance de son aîné.
« ...et nous ne valons pas autre chose. »

Nous ne valons pas autre chose.
Les mots l'étouffèrent dans un étau de glace.
Wulfric s'éloigna, et il porta une fois de plus ses iris couleur minuit sur le visage de Blanche.
Elle croisa son regard. Il détourna les yeux.

Nous ne valons pas autre chose.

Il avait du mal à croire à la véracité de ces propos...

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Les réjouissances se ponctuèrent par une kyrielle d'accords commerciaux entre Krahof et les sirs d'Erac. Siegfried ne revit plus l’aînée Ancenis au cours des dernières lignes de son séjour qu'il passa en discordance forcée aux côtés de son père. Si le garçon tentait d'aborder le sujet avec Edric, leurs discussions aboutissaient toujours sur de froides réprimandes ou de violentes abjurations.
Le retour à Krahof se fit dans l'amertume...
Ce fut une année orageuse. Fraîchement adoubé, Wulfric fut envoyé dans le Hortles pour y gérer un conflit aux origines absconses. Les rumeurs disaient qu'un groupe de déserteurs y sévissait, s'en prenant aux voyageurs et aux hameaux isolés, enlevant parfois femmes et enfants à l'épilogue de raids sanglants. Les attaques étaient rares mais néanmoins gênantes pour le commerce, accentuant le sentiment d'insécurité déjà omniprésent dans la région.
De son côté, Siegfried passa les deux dernières saisons sous l'égide de Taranis, le maître d'arme. Un homme étrange disait-t-on, au passé trouble et secret. Originaire de Naelis en Ithri'Vaan, le spadassin avait accompagné Edric à la suite de ses nombreux voyages outre-péninsule il y a vingt ans. Les quolibets allaient bons trains à son sujet ; certains le disaient lié par un serment d'allégeance aux Sires de Krahof, tandis que d'autres affabulaient sur un quelconque pacte obscur, passé en territoire neutre. Manifestement, Taranis s'en rendait compte et paraissait même s'en amuser. Ne réfutant aucunement la nature absconse de ses origines lorsqu'on le questionnait sur son teint basané.
Réticent au départ, Siegfried finit par s'accoutumer à la présence de l'épéiste, en venant presque à l'apprécier de temps à autre.
Presque...

Lorsqu'il eut treize ans, le garçon fut envoyé près des frontières wandrais, au septentrion des Monts d'Or, là où était stationné l'une des plus importantes compagnies de la région. Elle était tenue par Rolf dit "Le Noir", un homme brutal et capricieux.
À la solde de Brynjölf de Mhizaar depuis plusieurs années, l'homme avait tissé des liens étroits avec les Sirs de Krahof, combattant et sévissant souvent en leur nom. On lui confia la charge d'endurcir Siegfried, l'entraînant aux armes et à la stratégie militaire par des moyens aussi pédagogues qu’incongrus ; à la hauteur des mœurs oësgardien…
« Le garçon ne deviendra pas Chevalier, nous avons déjà Wulfric. », lui avait allégué Brynjölf, « Néanmoins, je veux que tu en fasses un tacticien et un champion, nous avons besoin d'un Conseiller Militaire. Au fait, mon neveu a…comment dire, un léger problème de discipline. Alors ne lésine pas sur les moyens, et tâche de réussir, ou je risquerais de reconsidérer certains de nos accords. »
Des paroles lourdes de sous-entendu.
Et le début d'un enfer pour le jeune Siegfried.

Chapitre II: Ascension

Siegfried de Mhizaar (MAJ) Tm5r

Fort Schorm (Monts d'Or - Oësgardie), an de grâce 994 du dixième cycle. Kÿrianos (1er jour) de la dernière ennéade du Karfias d'hiver.

Le fouet mordit profondément dans sa chair, mais il ne cria pas. Il ne voulait pas « lui » offrir cette délectation. On l'avait forcé à confectionner l'objet lui-même ; le cuir avait été enroulé de façon serrée autour d'un manche en bois, puis coupé en lanières assez fines, lestées à leurs extrémités d'une bille de plomb. Siegfried compta chacun des quinze coups prescrits. Lorsque le dernier s'abattit sur son dos ensanglanté, il s'autorisa à s'écrouler contre le piquet.

« Qu'on lui en donne cinq de plus. », fit la voix de Rolf.
« Cela dépasserait le règlement, Capitaine. », répondit Govannan. « Il a reçu le nombre de coups maximum autorisé pour un novice de treize ans. »
Siegfried tiqua aux paroles de son ami. Ses yeux se plissèrent et il serra les dents.
*Au nom du ciel Van, tais-toi.*
Comme toujours, Govannan laissait ses sentiments prendre le pas...au mépris des conséquences qui en résulteraient.
Rolf repris la parole, un sourire hautain étirant ses lèvres sous sa barbe touffue.
« Ce règlement ne s'applique pas aux vermines de son espèce. Peut-être que son titre lui a valu jusque-là une certaine somme de privilèges...mais ici il n'est rien, rien à part un jeune coq récalcitrant ! Comme tu peux le voir, il n'a pas souffert du tout ni n'a émis le moindre son. S'il ne sent rien, il ne criera pas. Cinq de plus ! »
« Je refuse d'obéir, Capitaine. »
« Tu es dégradé, Govannan. J'en attendais mieux de toi. »
« Et moi de vous, Capitaine Rolf. », Siegfried entendit le fouet tomber par terre. « Si un coup supplémentaire s'abat, je le rapporterai à mon père. Quinze coups étaient déjà beaucoup pour une incartade. Vingt seraient de la barbarie sans nom. »
« Ah oui...ton père, l'un des Vassaux de Krahof, n'est-ce pas ? Dans quel endroit officie-t-il ? ...Fort Schorm est bien loin de la juridiction de Brynjölf. Elle n'obéit qu'aux lois de la baronnie. À présent fait silence. Un mot de plus et tu souffriras de la même punition avant d'être renvoyé en disgrâce. Je ne tolérerai ni la désobéissance, ni l'insubordination. Toi ! », gronda Rolf en désignant un garçon que Siegfried ne pouvait pas voir. « Cinq coups de plus, je te prie. »

Sieg entendit le sifflement du fouet que l'on ramassait et essaya de se préparer. Ce n'est que lorsque le premier coup s'abattit qu'il réalisât à quel point Govannan avait retenu les siens. Quiconque tenait à présent le fouet le maniait de plus belle. Le troisième coup lui arracha un râle, ce qui lui fit plus honte encore que la punition elle-même, aussi mordit-t-il d'avantage dans la ceinture en cuir coincée entre ses dents. À présent, le sang coulait à flot dans son dos, venant inonder le haut de ses chausses. Au cinquième coup, un grand silence tomba sur le camp et ce fut Rolf qui le brisa.

« Maintenant, Govannan, tu peux aller écrire à ton père. Détachez-moi cette raclure ! »
Trois soldats s'élancèrent pour défaire les cordes qui retenaient Siegfried, et Rolf observa la scène les bras croisés sur sa poitrine massive.
*Un garçon surprenant.*, songea-t-il en regardant le trio traîner le novice vers l'infirmerie. *Surprenant, mais naïf et indiscipliné. *

Il se souvenait très clairement des quelques jours qui avaient précédé son arrivé, lorsque les premières neiges avaient parsemées la cime des monts, et que l'hiver était tombé. Un adolescent aux traits calme et policés, mais au regard étrange, en totale dissension avec la tranquillité sereine qui miroitait sur cette gueule d'ange. Il y avait quelque chose dans ces yeux sombres, quelque chose de sauvage…qui couvait sous la surface. Quelque chose qu’il était curieux de voir se réveiller un jour.
Rolf soupira...
Le garçon avait fait montre d'un talent rare, plus doué que ses camarades au combat, plus vif d'esprit, imaginatif, et ingénieux. Mais il était également un esprit libre, parfois candide, insoumis et révolté.
Il était imprévisible… Rolf avait eu du mal à le cerner.
Et puis, il avait compris.
Govannan était arrivé au fort peu après lui, mais n'avait pas joui des mêmes privilèges. Discret et réservé, il était mauvais bretteur et un peu trop prompt à se laisser piétiner par ses camarades. Avec le temps, il était devenu la cible de Sören, l'une des brutes du Fort. Plus large, et plus imposant que ses camarades, c'était le genre de garçon à mépriser la faiblesse et à l'écraser lorsqu'il en avait l'opportunité. Un jour, il était allé plus loin dans ses brimades, et avait forcé Govannan à se dénuder en public. Si Rolf avait vent de ces concussions, il fermait volontairement les yeux, les jugeant nécessaires à l’endurcissement.
Après tout la politique, si simple...si élémentaire, restait de mise à Fort Schorm .
« Nulle place pour la faiblesse. »

Mais la situation avait dégénéré.
C'était l'un des novices qui était allé le chercher. Lorsqu'il était arrivé dans la cour, il avait vu Siegfried aux prises avec la brute. Plusieurs officiers avaient tenté de s'interposer, mais Rolf les avait arrêtés d'un geste.
Il avait été étonné par la force du jeune homme.
Sieg était plus mince et faisait près d'une tête de moins que son adversaire, pourtant il cognait au-dessus de son poids, et ses coups étaient aussi précis que bien minutés. Ce garçon pensait à ce qu'il faisait et savait garder la tête froide en combattant...du moins l'avait-t-il cru au premier abord. Sören avait fini par mordre la poussière. Tout le monde pensait que Siegfried allait s'arrêter là, mais le jeune homme s'était jeté sur son camarade et avait continué à s’acharner. L'un des soldats s'était interposé, mais avait reçu un coup de coude en plein visage, un autre s'était effondré, les mains crispées sur son estomac.
Il avait fallu trois hommes pour le maîtriser.
Le sauvageon avait été emmené au poteau et flagellé.
Plus tard, Rolf l'avait convoqué dans ses quartiers. Siegfried l'avait observé un moment lorsqu'il l'avait interrogé sur la nature de la rixe et un sourire inquiétant s'était dessiné sur ses lèvres tuméfiées.

« Pourquoi poser des questions auxquelles vous connaissez déjà les réponses ? », avait-t-il rétorqué du tac-au-tac. «…vous exigez le respect par la crainte. Je gagnerais le mien autrement. »

Rolf avait été sidéré par l’audace du jeune Mhizaar.
Le lendemain, il avait ouï dire qu’il s'était rendu auprès de Sören et l'avait entraîné à l'écart. Ils avaient parlé un long moment, et la brute avait marché jusqu’à Govannan. Il lui avait souri sèchement, avant de lui asséner une grande claque sur l'épaule. Tout le monde s'était figé, dans l'attente d'une nouvelle humiliation. Au lieu de cela, le gaillard s’était éloigné d’une démarche raide.
Conscient que Rolf les observait, Siegfried s'était tourné vers le capitaine et l'avait regardé un instant avant de s'éloigner.
Au fil des semaines, les trois garçons avaient tissé des liens étranges.

Rolf secoua la tête au souvenir de cet instant.
Il y avait de la grandeur chez ce garçon...
...de la grandeur, et beaucoup de naïveté.

La seconde conjecture finissant souvent par s’éclipser au fils des années.
Le temps et la douleur aidant…

Lorsqu'ils atteignirent l'infirmerie, Siegfried se retourna pour voir qui avait manié le fouet. Son coeur s'effondra lorsqu'il reconnut Sören.
Ses amis le portèrent à moitié jusqu'au lit de camp où l’apothicaire lui appliqua un baume et des sutures.
Le colosse s'assit devant lui.

« Tu t'es bien comporté aujourd'hui. »
« Alors pourquoi m'as-tu fais crier en public ? »
« Parce qu'autrement, il aurait ordonné cinq coups de plus, et cinq encore. C'était un test de volonté. Tu as un coeur brave, mais prend garde à tes émotions. Si tu les laisses te déborder, elles finiront par devenir une entrave...beaucoup ne partagent pas ton point de vue tu sais. », appuyant ses propos par une œillade austère, il fit demi-tour et quitta la pièce.
« Vingt coups pour avoir tenu tête à un officier. », commenta Govannan. « C'est injuste. »
« Il n'y a aucune justice à attendre de leur part, seulement de la souffrance. », répondit calmement Siegfried.
« Moi, ils ont arrêté de me faire souffrir. », fit remarquer Van en souriant. « Peut-être que cela ira mieux pour nous dorénavant. »

Siegfried ne répondit pas, sachant qu'ils avaient cessé de s'en prendre à Govannan parce que celui-ci acceptait de faire des corvées pour eux, nettoyait leurs bottes, leurs faisait des courbettes, agissait comme un histrion. Lorsqu'ils se moquaient de lui, Van se contentait de sourire et d'incliner la tête avec déférence.
Sieg avait réellement de la peine pour lui.
Oui il était craintif de nature et trop timide, mais ce n'était pas un lâche. Malgré la peur, il avait toujours affronté le mépris et la violence du camp sans jamais proférer aucune plainte. Sage et affectueux, il était doté d'une profonde gentillesse et savait détendre l'atmosphère lorsqu’il le fallait.
Mais il n'était pas fait pour être soldat.

Sa place aurait du être parmi les érudits, dans une grande cité. Pas dans la fange, le froid et les sévices d'un fort perdu au cœur d'une chaîne de montagnes inhospitalières.

« Je l'espère, Van… »
Murmura-t-il, tandis que son ami s’éloignait.
« …je l’espère sincèrement. »

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L'hiver passa, et Siegfried y gagna en popularité. Plus mûr, plus subtil, plus respecté, si bien qu'à quatorze ans, il devint l'un des plus jeunes caporaux de sa compagnie. Parallèlement, plusieurs missives arrivèrent de Krahof, dont certaines des plus intrigantes. La campagne des Hortles ne se passait pas comme prévue. Les attaques s'étaient intensifiées à la frontière, mu par une nouvelle menace ; Les Ausshors.
D'après les rapports, il s'agissait d'une tribu en exode qui avait fui les Wandres pour s'installer dans les massifs de la province. Avec le temps, la horde s'était dispersé, semant la terreur un peu partout le long des chaînes septentrionales. Wulfric et son Ost avaient très vite été débordés, si bien qu'on avait requis l'aide des compagnies alentours. Celle de Rolf en faisait partie.

Lorsque l'ordre de mission était arrivé, la troupe était remontée jusqu'à l'Anderwald et avait traversé l'Ambrie pour investir les Hortles par l'ouest. Les combats furent rudes...les Ausshors n'attaquaient jamais en masse compacte, morcelant leurs offensives par une multitude d'embuscades qui avaient fini par miner le moral des troupes. Au final, le bataillon avait été scindé en deux. Rolf et le gros de son armée étaient restés coincés en bordures des chaînes, tandis que Siegfried avait pu conduire son escadrille plus au centre, pour finalement se retrouver prit en tenaille dans une cuvette. La lutte fut acharnée...mais le Mhizaar finit par trouver une parade. Avec le temps, les éclaireurs avaient pu tracer les allées et venues de l'ennemi dans le vallon, et Siegfried envoya plusieurs patrouilles camper les points d'eau habituellement fréquentés par les barbares. La manœuvre consistait à épuiser l'adversaire, le forçant à orchestrer une charge frontale sur son détachement, d'avantage préparé à ce genre d'éventualité qu'aux saignées pratiquées par les Ausshors.
Ce fut le début d'une guerre d'usure qui épuisa les deux factions.
Le vallon fut sécurisé deux mois plus tard.

Siegfried de Mhizaar (MAJ) 2ipz

À la fin de la saison, la compagnie fut rejointe par les Ost de Wulfric et Edric en personne.
Le gros des forces Ausshors avait été repoussé jusqu'aux frontières Wandres, là où leur tribu s’était installée.

La bataille finale ne fut qu'un déferlement de rage et de douleur.


Dernière édition par Siegfried de Mhizaar le Lun 2 Sep 2019 - 18:52, édité 101 fois
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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeLun 11 Mai 2015 - 2:31

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Siegfried de Mhizaar (MAJ) Ofqe

Frontières wandraises, an de grâce 996 du dixième cycle. Calimehtarus (3ème jour) de la cinquième ennéade du Favriüs de printemps.

Un éclair fendit le ciel enténébré et s'abattit dans un craquement tonitruant sur la plaine grouillante, maelström mouvant d'ombres et silhouettes agitées où se mêlaient les cris des mourants aux hurlements de guerres poussés par les deux camps.
De l'extérieur, le champ de bataille ressemblait à un lac d'encre aux reflets cordiérites. Les épées scintillaient comme des étoiles, perdues dans l'immensité noiraude d'un ciel crépusculaire. Au loin, les flammes qui ravageaient les yourtes barbares irradiaient à l'horizon dans un dégradé de couleurs apoplectiques d'un rouge prenant, tandis qu'un vent du nord, doux et paisible, couvrait le bruit de la fureur.
De l'intérieur, il en allait tout autrement.
Les ordres braillés par votre supérieur vous martèlent le crâne alors que vous vous retrouvez, pris, malgré vous, au cœur du chaos le plus homérique. Impossible de faire marche arrière. Vous pouvez voir le visage de l'ennemi, convulsé, grimaçant, sauvage, silhouettes informes vêtues de peaux de bêtes, taillant et tranchant vos camarades en hurlant à la folie.
De l'intérieur, la bataille est une tempête de confusion et de panique. Du bruit des corps s'écrasant contre votre bouclier, si brutalement que vous vous retrouvez coincé...piégé entre la charge brutale de l'adversaire, et le plastron lourd du camarade qui vous précède. C'est le tumulte, des larmes, de la peur et de la rage, tandis que meurent ceux avec qui vous avez partagé vos repas, avec qui vous vous êtes entraîné, avec qui vous avez ri et plaisanté. Vu de l'intérieur, le combat était un mélange de terreur, de désespoir et de la certitude écœurante que le monde entier essai de vous tuer.

Siegfried évoluait au milieu de la débâcle, une targe renforcée fixée sur l'avant-bras, son épée dans la main droite.
Tandis qu'il combattait sur la selle de son hongre, des images de mort et de destruction défilaient dans son esprit. Il se souvenait des villages rasés, et de la puanteur qui émanait des charniers lorsque sa compagnie était arrivée à l'orée des premiers hameaux qui parsemaient la bordure des Hortles. Son frère, Wulfric lui avait souvent parlé de la mort comme un voile fugace, une image brève qui ne perdurait qu'un instant sous l'œil hagard, la première fois qu'on la contemplait, mais demeurait pour toujours figée dans le cœur du spectateur.
Siegfried avait souvent écouté ces récits, mais n'avait jamais vraiment réalisé la souillure véritable d’une telle authenticité.
Jusqu'à aujourd'hui.
Il avait d'abord ressenti de l'indignation et du chagrin.
Et puis il y avait eu la rage. Ce désire, simple et élémentaire, de rendre justice dans un tourbillon funeste d'émotions contradictoires, à un tel point enchevêtré que la frontière entre vertu et vendetta en devenait presque indissociable.
L'ennemi avait tué sans distinction. Homme, femmes...
...enfants.

Son faciès convulsé par la colère, Sieg tomba sur le premier sauvage. Le guerrier pointa sa lance vers sa poitrine et l’adolescent se dévissa sur sa selle, lui assénant un aller-retour de sa lame qui le toucha au niveau de la gorge, le décapitant sur le coup.

Les deux lignes, Oësgardiennes et Ausshors, se mélangèrent ; on taillait et tranchait de part et d'autre, des chevaux se cabraient et tombaient, hennissant de terreur lorsque les barbares à pieds, se jetaient sur les groupes de cavaliers. Siegfried se battait comme un forcené, se frayant un chemin à travers les troupes ennemis à grands coup d’épée, les yeux rivés sur le cœur de la mêlé, là où se dressait le chef Ausshors.
Une lance passa à côté de lui, il éperonna sa monture et alla tuer celui qui l'avait pris pour cible.
Un guerrier lui saisit la jambe, la délogeant de son étrier. Vif, le jeune homme lui enfonça son arme dans la gorge. L'autre tenta de crier, mais son hurlement s'étouffa dans un gargouillis. Il bascula en arrière, les mains crispées sur la lame qui l'empalait, entraînant son adversaire sur le sol lourd. Un autre wandrai chargea Siegfried tandis qu'il se redressait, et les deux hommes tombèrent à la renverse.
Le Mhizaar fut le premier à se relever. Il frappa l'homme d'un coup de pied en plein visage, ramassa son arme et lui transperça le cœur.
Un cheval sans cavalier se cabra à côté de lui et lui donna un coup de sabot dans l’épaule, le projetant une nouvelle fois à terre. Grimaçant de souffrance, le guerrier aux mèches cuivrés se redressa, agrippant la crinière de l'animal tandis qu'il bondissait, ses jambes passées au-dessus de son flanc.
Deux autres Ausshors se ruèrent sur lui. Il fit tourner bride à sa monture et affronta le premier. Leurs épées s'entrechoquèrent. La pointe d'une lance vint percuter son bouclier, ricochant dessus et lui arrachant un lambeau de chair juste sous la nuque.
Govannan apparut à ce moment-là et enfonça son épée entre les côtes du lancier. Sieg se baissa pour éviter un puissant coup de taille et éperonna son cheval pour fondre vers la mêlé. Piquant droit sur le chef Ausshor qui combattait au centre.
L'homme, plus imposant que les autres, maniait une hache à deux mains qu'il envoyait faucher en tous sens. Tranchant hommes et chevaux.

Siegfried galopait à bride abattue. Il allait bientôt atteindre l'homme de tête lorsqu'un javelot siffla à côté de son visage, puis un autre.
À côté du chef, l'un des sauvages l'avait pris pour cible. Plusieurs piques étaient fichées dans le sol, à ses pieds.
Le troisième javelot lui arrivait droit dessus.
Brandissant son épée, il arriva à dévier la lance. Le manche le toucha sur le côté et il laissa tomber son bouclier pour saisir l'arme au vol.
Son cheval était fatigué, mais il était désormais assez près pour voir le visage du chef.
Les souvenirs du village ravagé ressurgirent dans son esprit et la colère s'empara de lui.

Dans un hurlement de rage, il lança le javelot de toutes ses forces
La lance manqua le chef, mais alla se ficher dans la poitrine de l'homme qui le précédait. Le wandrai tituba un instant et fini par s'écrouler contre le grand guerrier qui chuta lui aussi.
Siegfried sauta de sa monture et fonça vers l'homme à terre.
Le chef se releva en agitant sa hache. Il était rapide et puissant, et la vitesse de son attaque surprit le jeune guerrier. La lame passa à un pouce de son visage, et Sieg fut obligé de reculer devant la férocité de l'assaut.
Mais toujours, l'image du hameau flottait dans son esprit.

Une dizaine de barbares formèrent un cercle autour des combattants.

« Il est à moi ! », hurla l'homme massif dans une succession de grognement hachés et gutturaux. « Je vais lui arracher le cœur ! »

Il attaqua de nouveau. L’adolescent esquiva le coup et envoya une riposte sauvage qui entailla l'épaule du chef. L'homme grogna et recula. C'était à présent Siegfried qui avançait, son épée brillait au clair de lune alors qu'il taillait et hachait à s'en rompre les bras. Son adversaire parait chaque attaque, mais plus âgé, il commençait à donner des signes de fatigue. Sieg, lui, sentait une énergie nouvelle courir dans ses veines et il se prépara à porter le coup fatal. Pensant que l'homme allait continuer de reculer...
...mais il fut surpris lorsque celui-ci lui sauta dessus. Sa lame entrechoqua la poignée de la hache, la fendant en deux. Le chef vint au contact et lui balança un crochet du droit fulgurant. Le coup était puissant, et Siegfried tituba en arrière. Lorsqu'il leva les yeux, ce qui restait de la hache lui filait droit dessus.
Dans un mouvement désespéré, le guerrier aux cheveux de bronze se laissa tomber à genoux et plongea, lame tendue, en avant.
L’épée transperça son adversaire de part en part.
Un sourire glacial au coin des lèvres, Sieg se releva, enfonçant son arme jusqu'à la garde dans les chairs du sauvage.
L’homme s’effondra contre lui, leur regard se croisèrent un bref instant, et le Mhizaar dégagea sa lame du corps du mourant. Ses yeux sombres se posèrent sur la silhouette ratatinée. Il leva son épée et l'abattit dans un arc de cercle foudroyant sur la nuque de l’homme.
Sa tête disparue dans la mêlé...
Puis, il se tourna vers les wandrais qui l'entouraient…

…mais les combattants reculèrent lentement et s'en allèrent.

La fureur s'estompa.
Les Ausshors refluaient vers le village. Au nord, il apercevait l'Ost de Wulfric qui avançait en formation. Au sud, une autre compagnie approchait.
À cet instant, il entendit un gémissement. L'homme qu'il avait empalé tout à l'heure vivait toujours.
Sieg dégaina sa dague et s'approcha du corps, arrachant la lance qui saillait de son dos avant de le retourner d'un coup de pied.
Il s'agenouilla et leva son arme.
Mais il découvrit le visage d'un jeune garçon aux yeux apeurés.
Il y avait quelque chose dans son regard, ses traits, quelque chose de familier au géant qu’il avait affronté.

« Où est mon père… ? », demanda l'enfant.
Le Mhizaar rengaina sa dague. Il y avait du sang sur la poitrine du garçon ; la lance l'avait transpercé de part en part.
« …où est mon père ? », répéta-t-il.
« Ton père. Est-t-il le chef ? », demanda Siegfried.
« Oui. C'est le plus grand de tous les Ausshors. », murmura le garçon tandis que son faciès livide s'éclairait à l'évocation de ses propres propos. « Où est-t-il ? »
« Un peu plus loin. », répondit le nordien en s'asseyant à côté du mourant.
« Tu peux l'appeler ? »
« Je doute qu'il puisse t'entendre. Quel est ton nom ? »
« Kayan. La nuit est déjà tombée ? »
Siegfried passa la main devant le visage du garçon, ses doigts glissèrent sous ses yeux...qui ne cillèrent pas.
« Oui, la nuit est tombée. Essaies de dormir… »
Le garçon ferma les yeux. Sa tunique en peau était maculée de sang, mais l'hémorragie s'était arrêtée. Son visage devint exsangue, et sa tête partit en arrière. Le guerrier posa ses doigts sur sa gorge et chercha son pouls. Le cœur palpita encore un instant, puis s'arrêta.
Siegfried sentit la honte l'envahir.
Il avait pensé que la colère s’estomperait à la fin de la bataille.
À présent, il lui semblait qu'une boule de cendre s'était formée au fond de sa gorge.

Lorsque l'aube pointa, il chevauchait aux côtés de son frère à l'est du plateau. Au loin il pouvait voir les corbeaux ripailler au-dessus du charnier, et le gros de leurs compagnies, stationnée autour du village, là où les rescapés s'étaient réfugiés.
On avait érigé deux campements de part et d’autre de la masse de yourtes compactes. L'un en bordures des Hortles, l'autre, à la limite des Wandres.

« Tu n'as pas l'air très joyeux, petit frère. », déclara Wulfric sur un ton neutre, concluant ses propos par une œillade appuyée.
« J’ai eu mon compte de massacres. », répondit Siegfried avec détachement.
« Dommage... », rétorqua Wulf. « La vraie tuerie ne fait que commencer. »

Comme pour arguer ses propos, il coula ses yeux sombres vers un promontoire, situé à quelques lieux de leur position.
On était en train de rassembler les enfants Ausshors.

Soudain, les soldats tirèrent leurs épées, et les hurlements commencèrent...

Siegfried plissa les yeux.

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Citation :
« Il n'existe pas joyau plus pur que le cœur d'un enfant. Rutilant sous la caresse d'un soleil de rêves et d'idéaux. Reflétant les éclats sommaires d'une réalité qui n'était alors pas alambiquée par la souillure morale et les principes complexes du monde adulte. L'univers n'ondoyait pas d'une subtile nuance de gris, il était d'albâtre ou d'ébène. Les rois demeuraient juchés sur leurs trônes dorés, fiers et lumineux, tandis que leurs chevaliers d'argent paradaient fièrement sur leurs montures gracieuses : éphèbes blonds aux yeux céruléens, brandissant leurs épées lunaires au cœur d'une pantomime de cris et de vivats.
En grandissant, l’enfant voit cette vision se morceler, et s'obscurcir, soulignant des détails qui n'apparaissaient alors pas clairement sur cette estampe. Les éclaboussures de sang qui maculaient le trône et les armures dorés, l'acier glacial, rutilant dans les prunelles du roi. Le sourire des paladins, mués en étranges rictus moqueurs. La peur dans les yeux du peuple... …jusqu'à ce qu'au final, les serres du mal et les fusains de la corruption aient achevé de dépérir cette toile. Laissant poindre en épilogue la terrible procession d'une armée fantôme sous l'œil figé d'un Sir crépusculaire.
À cette époque, l'enfance n'était plus qu'un vague souvenir rémanent qui pourrissait derrière moi. Elle avait plongé depuis longtemps du haut d'une tour, au cœur d'une forteresse stérile et amère. Mais il y avait des rêves qui subsistaient. Les notions d'équité et de justice, bercées sous un écrin de naïveté candide.
Un altruisme qui n'avait d'égale que l'absurdité superficielle à travers laquelle il avait été interprété.
En affrontant l'armé Ausshors, j'avais pensé répandre l'équité. Les images des hameaux flottaient dans mon esprit, aussi nettement qu'un brasier hardent, consumant tout sur son passage. Aveuglé par mes propres passions, j'ai laissé sourdre la colère au mépris de ma raison.
Et puis il y avait eu Kayan...
...les survivants barbares qu'on avait confiné et abattu dans leur campement...
...et le massacre des enfants Ausshors.
La grande vérité de l'esquisse du roi et de ses chevaliers. La corruption du cœur et de ses idéaux.
Il n'y avait pas eu de justice...seulement le mépris et la fureur nés de ma colère.
Et enfin, il y avait eu la prise de conscience. La douleur et la honte.
Je n'avais fait qu'être l'acteur d'une tuerie de plus. Je n'avais ramené aucune équité, sauvé nulles âmes si ce n'est entraîner de nouvelles souffrances.

Quel pardon existait-t-il à cela ? »


Chroniques, extraits des mémoires de Siegfried de Mhizaar.

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Plusieurs mois après la bataille des Hortles, la province d'Oësgard fut sujette à un nouvel émoi, l'abdication du roi Ultuant et la passation de pouvoir à son frère cadet, Trystan d'Erac. Une délégation est envoyée d'Oësgardie pour assister au sacre. Parmi elle, Siegfried et Hagen. Le voyage est morose, laissant poindre les débuts d'une tension croissante entre les deux cousins. Les origines de cette aversion furent brumeux, mais certaines rumeurs tentèrent à jeter le trouble sur Hagen, dont l’impétuosité et la jalousie seraient allés en crescendo depuis l’ascension de Siegfried, à l'épilogue des conflits Ausshors. Ayant eu vent du ressentiment de l'un, l'autre tenta de calmer le jeu sans succès, marquant l'incipit d'une rivalité qui perdureraient durant plus d'une décennie.
L'arrivé à Diantra se fit sous les nuages d'une tension qui ne s'amenuisa qu'à travers les dernières lignes de leur séjour. Durant les semaines qui suivirent, Siegfried en profita pour prendre le pouls du Royaume, s'informant sur les baronnies avoisinantes et leurs lots de cancans polychromes.

Il eut droit à deux surprises, la première fut marquée par ses retrouvailles avec Gabriel. Devenu orfèvres, le jeune homme avait réussi à étendre sa notoriété à travers la majorité des duchés du Médian. Aujourd'hui, les gens se pressaient devant les portes de son atelier pour assister à ses confections. Siegfried en fut heureux, mais sa joie retomba bien vite lorsque Gabriel le tarabusta sur les dernières nouvelles du Nord. Les paroles du Mhizaar furent brèves, presque procédurières. Il ne mentionna que partiellement le conflit des Hortles et la défaite Ausshors, se concentrant davantage sur l'expansion de l'influence de sa famille à travers la province. Le changement d'introspective n'échappa pas à Gabriel. Ni le caractère boréal qui semblait habiter son ami depuis son arrivé à Diantra.

La seconde fut la présence des Ancenis.
N'ayant pas oublié les accords qui liaient sa famille aux baronnies d'Erac, Siegfried passa la majeure partie des fêtes en compagnie d’Aemon, Wulfric et Edric, s'enquérant des évènements les plus récents qui avaient marqué le Médian depuis le passage de son père. La plupart des discussions furent d'ordre protocolaire, tournant autour du commerce et de la logistique. Le terrain fut stable et procédurier, même en présence de Blanche dont les souvenirs de la sublimité lui paraissaient lointains, et obtusément naïfs.
Ou était-ce lui qui avait changé ?
Les cris poussés par les enfants Ausshors, avaient été plus qu’efficaces. Anéantissant les derniers vestiges d’une innocence -ou d’une ineptie ?-  qui ne lui apparaissait plus que comme de vieux souvenirs d’une époque stérile.
Et quelle place aurait occupé l’ingénuité et les espoirs abêtis d’un jeune nordien à travers de tels rouages ?

Le retour à Krahof se succéda par l’adoubement d’Hagen. Siegfried, lui, fut promus à la tête d'une compagnie et devint l'un des plus jeunes capitaines de sa génération. S'en suivit une courte période de calme où l'on fortifia l'accointance du commerce, et la sécurité jusque-là relative du fief de Krahof depuis les raides Ausshors.
Une manœuvre qui n'empêcha pas le désastre d'arriver en ce début d'année 997 du dixième cycle.

Les Drows marchèrent sur Oësgard.

On dit que la bataille fut d'une violence inouïe, les morts se comptèrent par milliers, et la province, marquée par la perte d'une multitude de ses légataires.
Edric et Wulfric de Mhizaar figurèrent parmi les noms.

Grièvement blessé, Siegfried ne dû son salut qu'à l'arrivée des troupes de Veldrin, le Sénéchal de l’époque, et passa de long mois de convalescence confiné entre les murs d’Oësgard-la-Citadelle.

Un an plus tard, le jeune homme est rappelé à Krahof.

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Château des Mhizaar (fief de Krahof, Oësgardie), an de grâce 998 du dixième cycle. Arkuisa (5ème jour) de la seconde ennéade du Verimios d'hiver.

« Ainsi… mon père t’a finalement rappelé au château. » La nuit était tombée sur l’hiver de Krahof, nimbant les étoiles d’un linceul comédon sur les congères lactées des plaines Oësgardiennes. La forteresse était en effervescence malgré l’heure tardive, mais les deux hommes semblaient y faire abstraction. « Le neveu prodige est donc de retour. », murmura la voix chaude d’Hagen sur un ton narquois.

« Tu m’as manqué aussi, cousin. », lui répondit Siegfried, dont le timbre, calme mais glacé, avait quelque chose de profondément sarcastique. « …ta fatuité un peu moins. », ses iris, d’un bistre abyssal, observaient les flocons tomber en abondance à travers le meneau de la fenêtre. Derrière lui, il sentait le regard d’Hagen jauger les lignes hiératiques de sa silhouette, s’attardant ensuite sur l’acier rutilant de Sjel, posée devant l’âtre de la cheminé.
L’épée d’Edric de Mhizaar.

« Oh, mais que diable deviendrait ton sens de la répartie sans ma fatuité ? », lui vint la réponse d’Hagen tandis qu’il se détournait du ballet hivernal.
« Sans oublier ton sens de la modestie. », rétorqua Siegfried.

« Du cynisme ? Allons cousin…ce n’est pas toi ça. »
« Tu fais un bon précepteur. Mais dis-moi plutôt pourquoi tu es venu dans cette chambre. »
« Venu ? Mais ce n’est pas moi qui ai chevauché jusqu’à Krahof, voyons. »
« Je suis le vassal de ton père à présent. »
« Un vassal chanceux qui plus est. », il gloussa. « Et je ne connais aucun vassal chanceux qui ne ferait preuve d’autant de véhémence à l’annonce d’un titre, d’un fief, et de bonnes gens à régenter. Mon oncle mort, son aîné disparu…et c’est le puîné qui hérite, Tari a toujours eut un sens de l’humour des plus sordides. Enfin, l’infortune des uns fait la prospérité des autres, tu ne trouves pas ? »

Un sourire patient s’étira sur le visage de Siegfried tandis que ses yeux sombres détaillaient la silhouette élégante de l’homme crépusculaire qui lui faisait face. Hagen n’avait pas changé depuis Diantra ; toujours mielleux, toujours provocant. Bien que plus grand et plus large d’épaule que dans ses souvenirs, son faciès en lame de couteau arborait toujours cet air goguenard qu’il avait, successivement, apprécié, malaisé, et méprisé.
Un éclat prédateur miroitait désormais dans le bleu arctique de ses yeux pâles. Une partie de lui, pourtant, affectionnait cette débauche d’assurance chez son cousin…
…l’autre la haïssait.

Aujourd’hui, la balance pencha sur la mauvaise vétille.

« Certainement. Comme tu l’as deviné, j’ai toujours convoité la posture de mon père. Les plombes passées en salle du Conseil à entendre les chamailleries d’une bande de cireurs de pompes obséquieux. Les courbettes de circonstances face à un Sieur de Sgarde qui ne rêve que d’évincer son voisin -la plupart, en fin de compte-, et les mandements d’assignation au château de ton père, comme en cet instant précis par exemple, à écouter ce genre de petites fanfaronnades absurdes. », l’espace d’un instant, une pointe de colère perça dans le regard bleu pâle d’Hagen, mais fut bien vite remplacer par du contrôle. « Que la mort de Père et de Wulfric ne te touche pas, je peux le comprendre. Enfin qu’elle te touche ou pas n’est pas vraiment le propos. Si toi et moi sommes un jour amenés à faire quelque chose de cette… », il écarta légèrement les bras, comme pour désigner la pièce, les murs et toute l’étendue de la structure qui s’étendait au-delà. « …Seigneurerie, peut-être devrais-tu reconsidérer ta manière d’aborder les choses ? »

Le ton avait été doux, presque courtois, mais une infime touche d’irritation couvait dans le regard de Siegfried tandis que certains souvenirs, cette fois liés au cauchemar des combats, émergeaient des limbes de sa mémoires.
Le tintement des lames, les hurlements de rage et les râles d’agonie… Ce genre de platitudes que vous pouviez rencontrer sur un champ de bataille. Et puis la peur avait succédé… La peur quand Wulfric s’était effondré… La peur quand la javeline avait filé dans sa direction, l’étonnement quand son père s’était jeté sur lui, l’envoyant à la renverse, les bras serrés autour de ses épaules… Et la douleur cinglante, quand la pointe les avait empalés tous les deux. Il s’était réveillé trois jours plus tard, brûlant de fièvre, dans l’une des chambres de la métropole.
Pourtant, personne ne lui avait dit comment Hagen l’avait retrouvé, inconscient, sous la dépouille de son père quand les heurts s’étaient estompés. Personne n’avait parlé du moment où son cousin avait presque étranglé un apothicaire quand on l’avait exhorté à ne pas trop espérer sur l’état de Siegfried.
Personne ne lui avait parlé des nuits blanches passé à son chevet.

Il eut du mal à interpréter le sourire d’Hagen, couplé à la déception dans ses yeux froids.

« Peut-être devrais-tu, toi-aussi, reconsidérer certaines chose. »

Il soupira doucement.

« Mon père t’as réservé une autre surprise. », lentement il détacha son baudrier -et l’épée à une main qui le ceignait- puis déposa l’attirail sur le lit à baldaquin. « Elle s’appelle Balmung. Père la faite spécialement forger pour toi. », Siegfried détailla l’arme en silence. Une part de lui en admirant l’esthétisme, l’autre, se demandant par quelle présomption se sentait-on absolument obligé de donner un nom au premier objet venu, pour tant est qu’il ait une valeur symbolique. Hagen fit mine de sortir, mais se ravisa au dernier moment. « Ah, et au faite… Des fiançailles sont prévues avant l’ennéade prochaine. La fille d’un Sir d’Aetenach ; Brunhild de Cynn. J’aurais préféré te l’apprendre en d’autres circonstances, mais au moins, cela te laisse le temps d’accuser le coup. »
Toutes couleurs désertèrent le visage de Siegfried.
« Pardon ? »
« Fais de beaux rêves, cousin. », lui murmura t’il en s’éloignant vers la porte. Il lui lança une brève œillade, puis disparu dans l’embrasure, le laissant seul, parqué comme une Cocalse fraichement pêchée.

Chapitre III: Devoir

Siegfried de Mhizaar (MAJ) Bylr

Citation :
« Un suzerain n'a pas d'amis. Il n'a que des loyaux serviteurs et des ennemis jurés… et encore ces deux catégories peuvent-elle se révéler interchangeables. »

Chroniques, extraits des mémoires de Siegfried de Mhizaar.

Château de Khrön, forteresse de Siegfried de Mhizaar, nord-ouest de Krahof (Oësgard), an de grâce 999 du dixième cycle. Arcamenel (8ème jour) de la première ennéade du Karfias d'été.

Le soleil brillait dans son écrin de smalt, enrobant les vastes plaines oësgardiennes de cette tiédeur lumineuse si inhérente au solstice d’été, tandis que dans un vallon boisé, aux pieds des reliefs Hotles, se dressait fièrement Khrön. Plate silhouette de lœss et de granit, la forteresse avait tenu les frontières septentrionales durant plus de quatre siècles. Érigée par Turold de Mhizaar, frère cadet de Thanos, dis « le Fou » (Cf. fiche d’Hagen), elle avait été légué à Edric après l’accession de son frère au fief de Krahof il y a trente ans. D’ordinaire froide et austère, son âpreté était un paradoxe à la radiance festive qu’elle dégageait en cette chaude journée d’Arcamenel. On avait ouvert les portes au petit bourg qui s’étendait en circonvallation, sur toute la périphérie du château. Plus loin, sur les lices s’afféraient caméristes et garçons de salle dont les allées et venues contrastaient avec la marée invariable de convives. Certains étaient venus de loin pour assister au mariage ; d’Etherna à Serramire, jusqu’au fort de Jersada, dans la baronnie voisine, tandis que d’autres, la majorité en fait… avaient quitté leur tanière de grès et d’acier pour converger des quatre coins de l’Oësgardie jusqu’à Krahof.
De là où il était, Siegfried de Mhizaar pouvait embrasser toutes les subtilités de la pantomime ; la foule bariolée était en effervescence, les enfants dansaient en sarabande au rythme des trouvères, tandis que les jeunes filles allaient et venaient entre les damoiseaux en pamoison, la plupart avaient noué des rubans dans leurs cheveux et arboraient des robes aux teintes criardes. Un peu plus loin, il pouvait voir son oncle Brynjölf en pleine conversation avec son beau-frère, le baron d’Etherna, alors qu’Hagen se confluait en platitudes procédurières devant ses cousins.
Un pâle sourire ourla ses lèvres alors que ses prunelles détaillaient distraitement la fratrie des Clairssac. Ils ne s’étaient vu qu’en de rares occasions, néanmoins, elles avaient été suffisantes à Siegfried pour jauger la valeur de chacun ; comme toujours, Jérôme arborait cette mine radieuse au sourire pondéré, et dégageait une force tranquille qui incitait au respect… comme une brise printanière après la froideur de l'hiver, à côté, Guillaume écoutait sans grande conviction les palabres d’Hagen tandis que ses yeux clairs se posaient parfois avec dureté sur le groupe de damerets qui se pavanaient derrière Mathilde, la puînée du trio, tentant d’accrocher son regard comme des Actaels à l’affût d’un mets de choix…

Enfin, loin derrière tout ce vaudeville, on avait déroulé deux étoffes au-dessus des portes de la chapelle ; l’une arborant le Cerberion des Mhizaar, l’autre, frappée de la Mériale des Cynn.

Une pression sur les fibules de son col le tira de sa contemplation.

« D’ordinaire c’est aux caméristes qu’il incombe de m’habiller. », déclara t’il en se détournant de la fenêtre.
Une lueur espiègle chatoyait dans ses yeux sombres.

« Je peux bien faire certaines exceptions au vu des circonstances. », lui répondit la voix mélodieuse de Rhaena, sa cousine. Un sourire inonda son visage, mais Siegfried ne cilla pas, détaillant sans lubricité -le regard sombre et critique- ses courbes fines et ses longues mèches aile de corbeau.
Elle avait le teint pâle, comme son frère, et sa chevelure duveteuse tombait sans poids sur ses épaules ; ses iris étaient d’un bleu acier, à l’instar d’Hagen dont elle partageait presque les mêmes traits, mais adoucis, féminins. Elle possédait une beauté naturelle qui n’avait rien de comparable avec le charme froid et éthéré de son aîné. « Et bien, quelque chose te tracasse ? », s’enquit-t ’elle devant le regard imperméable de son cousin.
Siegfried sembla presque aussitôt se radoucir.
« À-vrai dire je pensais plutôt à Hagen, et par quelles caprices Néera a pu t’épargner son cynisme. »
« Oh, Hagen n’est cynique que lorsqu’il se sent bousculé, vois-le comme un baladin. Il a toujours pensé que le bluff restait le meilleur moyen de défense avant l’attaque. »
« J’ai parfois tendance à croire qu’il aboie plus qu’il ne mord… ce qui est plutôt véniel, venant d’un Cerberion. »
« Notre père est un bon précepteur. Il apprendra… », elle joua avec les boutons de son pourpoint. « …enfin, tu pérores sur mon frère, mais tu sembles particulièrement saumâtre le jour de ton mariage. Père a pourtant fait un effort pour effacer ce genre de saynètes. »
« Mariage…saynètes, quelle différence ? Ces deux-là ont toujours formé un tandem saisissant. », murmura t’il alors qu’il reportait son attention sur la lice, arquant un sourcil en voyant Sören claquer les fesse d’une servante, en contrebas.
« Vois les choses d’un œil optimiste, tu aurais pu tomber sur pis. Brunhild est loin d’être repoussante. »
« Brunhild est tout ce qu’un homme peut désirer. », lui répondit Siegfried, tandis que les images de leur première rencontre resurgissaient dans son esprit. Farouche et méfiante au premier abord, elle s’était souvent heurtée à lui durant les mois qui avaient suivi, et puis au fil du temps, la glace avait fondu, révélant une personnalité plus primesautière, et des angoisses qu’il avait mis du temps à apaiser. « Elle est franche, attentionnée, douce… »
« Oh moins tu n’emploies pas le mot serviable, c’est clairvoyant. »
Un sourire froid s’étira comme une ancre sur les lèvres du jeune homme, « Je sais où tu veux en venir. », déclara t’il après un bref silence.
« Tu as encore du mal avec le concept de mariage seigneurial ? Ceux du Médian n’en font pas autant d’histoire tu sais. »
« Non, c’est plutôt que je ne pensais pas m’y échoir aussi rapidement. »
« Certes… », lui souffleta Rhaena en se rapprochant. « …le mariage ; il n’y a que le petit peuple pour se targuer d’en faire une institution sacrée. Pour nous, il ne s’agit là que d’une suite de ïambes sur un vélin poussiéreux qui moisira jusqu’à la prochaine pantomime. », sa main glissa doucement vers la courbe, aux jointures de ses chausses, et son sourire devint provoquant.
Lentement, précautionneusement, elle effleura ses lèvres des siennes. « Autrefois, les nôtres ne s’embarrassaient pas outre-mesures…et les femmes n’étaient pas obligées de perdre leur nom de baptême. Le sang ne quittait pas la lignée. Les choses étaient plus simples. »
« Si simple… », rétorqua Siegfried alors qu’elle s’avançait à nouveau. « …je me demande si Thanos de Mhizaar a jadis embrassé le même point de vue ? » Doucement mais fermement, il la repoussa en arrière. « Ce qui est incroyable avec les déviance de la consanguinité, c’est qu’on ne sait jamais jusqu’où elle peut pousser un homme hors de ses frontières mentale. On dit qu’après avoir égorgé sa sœur sur le lit conjugal – ou était-ce sa femme ? ...les deux, sans doute. - , il aurait couru, complètement nu, à travers les couloirs de Krahof, une jarre de poix entre les mains. Arrivé dans le grand hall il se serait asperger le visage et les épaules en hurlant le nom de Tari. Et puis, il s’est approché un peu trop près d’un brasero...
…il était pris d’une crise de fou rire, dis-t-on, quand il s’est immolé devant sa suite. »
, il épousseta son pourpoint et tira sur ses manche, avant de reporter son attention sur le visage de sa cousine. « Allons ? », demanda t’il. « Tu as certainement assez étudié les registres familiaux pour connaître l’histoire de Thanos le Fou, fils d’un frère et d’une sœur, eux-mêmes enfants d’un oncle et d’une nièce, descendant de… »
« Suffit ! », s'emporta Rhaena. « Hagen a raison à ton sujet ; peut-être devrais tu, toi-aussi, reconsidérer certaines choses. »
« N’est-ce pourtant pas toi qui me suggérait de voir Hagen comme un baladin ? », rétorqua Siegfried, toujours aussi calme.
Il eut la très net impression que sa cousine allait le gifler.
Au lieu de cela, elle tourna les talons et s’éloigna dans les couloirs.
En contrebas, on poussait des cris et des vivats.

Brunhild l’attendait devant la chapelle. Sa robe, d’un bleu turquin, ondoyait sous la brise chaude du vent d’été. Elle avait été tissée dans cette simplicité si distinctive des us oesgardiens. Nul diadème ne venait parer sa longue chevelure d’acajou hormis une couronne de fleur dont la couleur contrastait avec la robe.

La journée ne paraissait pas si mal, finalement.

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Le mariage d’un jeune Sir et l’alliance de deux maisons dans le Nordwald ne furent pas les seuls événements marquants en cette année neuf cent quatre-vingt dix-neuf du Xème cycle. À l’épilogue d’une guerre civile qui prorogea à travers tout le Médian, Merwyn Séraphin, naguère Duc de Serramire, rallia à lui les bannières berthildoises et alonnannes pour envahir la province de Sgarde, encore alanguisse par les incursions Drow de favrius 997 (automne). On dit que le siège - pour autant que l’on puisse nommer cela un siège. - fut l’un des plus bref de cette fin de cycle. Les portes s’ouvrirent sans effusion de sang, et, à la suite d’un concile ménagé à la hâte, la baronnie fut déléguée aux Sirs de Nebelheïm. Une vétille qui ne fut guère accueillie avec allégresse dans une contrée où les victoires, comme les titres, se gagnent au fil de l’épée…
…il ne fallut pas plus de deux années pour faire chavirer les choses lorsqu’un jeune seigneur leva les bans pour mettre fin à cette parodie.
L’ascension de Norman d’Überwald, ne faisait que commencer…

En parallèle, d’autres aléas se déroulèrent sur la toile oesgardienne ; l’accession d’Odoacre au fief d’Hasseroi, la montée en puissance de l’Ithier au sud de la province, et le mariage de Rhaena de Mhizaar avec l’un des Seigneurs de Sybrondil, au Sud de la Péninsule.
La dernière vétille n’allant pas pour déplaire à son cousin.

Norman endossa le titre et les fonctions de Baron au karfias de la deuxième année du XIème cycle.

De leur côté, Siegfried et Hagen furent tous deux nommés à la tête d’une Ost et menèrent plusieurs incursions dans le Nordwald, tandis que les attaques wandrais redoublaient d’ardeur, débordant parfois des Hortles jusqu’aux frontières de Khrön.
Les Seidhs, les Gàth, les Panonnes…
…les tribus furent nombreuse à s’insurger.
Singulièrement, les journées, les ennéades, les saisons, firent fleurir un respect insoupçonné entre les deux hommes, et ce qui fut jadis une rivalité belliqueuse se mua doucement en une franche camaraderie. Peu à peu, chacun apprit de l’autre, l’estimant, le jaugeant, l’acceptant, jusqu’à échoir à une intime connaissance mutuelle.
Les wandrais affublèrent également Siegfried d’un sobriquet allusif durant cette même période.
« Cheveux-de-Sang ».

La fin de la saison fut également marquée par un événement majeur dans la vie du Mhizaar ; la naissance d’Eivind, le plus précieux cadeau que Brunhild eut à lui offrir.  
Dès lors, Siegfried nomma un capitaine à la tête de son Ost, tandis que son attention se reportait désormais sur un secteur moins agressif et paradoxalement bien plus alambiqué ; le fleurissement logistique de Khrön, et accessoirement, le rôle de père de famille.

Et c’est ainsi qu’au fil des ennéades, Siegfried devint un Sir respecté, veillant avec attention sur son domaine.
Une galéjade qui perdura un temps durant… Jusqu’à ce que les évènements politiques, et la violence, si inhérente des us oësgardiens ne viennent perturber cette tranquillité éphémère.
Les nombreuse révoltes, portées à l’encontre du Baron, dont les méthodes étaient parfois jugées trop expéditive…la naissance de tensions entre Norman et Odoacre…le soulèvement de l’Ithier, dans le sud…
…l’assassinat de la Baronne d’Überwald.

Les braises avaient été ravivées.

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Bourg de Khrön, nord-ouest de Krahof (Oësgard), an de grâce 4 du onzième cycle. Elenwënas (6ème jour) de la troisième ennéade du Barkios d’automne.

L’homme connu sous le nom de Taranis était assis tranquillement dans un recoin de la taverne, ses grosses mains noueuses refermées autour d’une corne de vin coupé d’eau. Son faciès aux lignes exotiques était caché sous un capuchon noir. Malgré les quatre fenêtres ouvertes, l’air de la pièce était vicié…
L’oriental distinguait la fumée des lanternes à huile qui se mélangeait à l’odeur de transpiration des soudards, à celle de la nourriture et de la bière éventée.
Il leva sa corne et la porta à ses lèvres, ne prenant qu’une gorgée de vin afin de la faire rouler dans sa bouche. Ce soir, le « Wandrai pendu » était bondé ; le bar était plein et la salle à manger, comble. Pourtant personne ne s’approchait de Taranis…
L’homme encapuchonné n’aimait pas la compagnie… et c’était un privilège qu’on accordait volontiers au vieux maître d’arme, autant que faire se pouvait dans un tel endroit.
Un peu avant le crépuscule, une dispute éclata au sein d’un groupe de laboureurs. L’estréventin posa ses yeux couleur minuit sur les cinq hommes qui se chamaillaient pour un verre renversé. Il les scruta un par un ; il vit que le sang leur était monté au visage et qu’ils se hurlaient dessus, aucun d’entre eux n’avait vraiment envie de se battre. Avant un combat, le sang déserte le visage, le laissant blanc et fantomatique. Puis il porta son attention sur un jeune homme près du groupe. Celui-ci était dangereux…
Son visage était pâle, sa bouche n’était plus qu’un trait fin, et sa main droite était cachée dans les replis de sa tunique.
Taranis regarda Osgeir, l’aubergiste. L’ancien soldat, toujours corpulent, se tenait derrière le bar et observait les hommes. Lui-aussi avait flairé le danger.
La querelle se calma progressivement – mais le jeune homme pâle s’adressa à l’un des autres, et les poings se mirent soudainement à voler. - une lame de couteau brilla à la lumière d’une lanterne, et un soudard poussa un cri de douleur.
Osgeir, un petit gourdin à la main, sauta par-dessus le comptoir et se jeta sur le jeune homme pâle. Il lui asséna d’abord un coup au poignet, le forçant à lâcher son couteau, puis un revers à la tempe. L’inconnu s’écroula comme une masse sur le sol couvert de sciure.

« C’est bon les gars ! », rugit Osgeir. « On ferme. »
« Oh, encore un dernier verre… », supplia un habitué.
« Demain… », répondit sèchement le propriétaire. « …allez, aidez-moi à nettoyer ce bazar. », les clients finirent leurs verres de vin et de bière. Quelques-uns soulevèrent le jeune homme inconscient pour le trainer au corps de garde.
La victime avait été poignardé à l’épaule ; la blessure était profonde, et son bras commençait à s’engourdir. Osgeir lui offrit une double chope de bière –d’Hausse-Porc, la meilleur qui soit disait -on… à moins que ce ne soit Andelheim ?- avant de l’envoyer chez un apothicaire.
Finalement, l’aubergiste pu fermer la porte et mettre le loquet en place. Son personnel ramassa les chopes, les gobelets et les assiettes, et redressa les tables qui avaient été renversées durant la brève altercation. Osgeir glissa son gourdin dans la poche du grand tablier de cuir qu’il portait et alla rejoindre l’épéiste qui était toujours assis, imperturbable.

« Encore une soirée paisible… », grommela-t-il en plaçant une chaise en face du maître d’arme. « Helga ! », hurla-t-il. « Apporte-moi un cruchon. »
La jeune caviste vida une bouteille entière de Carruw Hautvalois dans une cruche de grès, chercha un gobelet en étain propre et apporta le tout à la table.
« Pourquoi ne t’es-tu pas directement servi à la bouteille ? », s’enquit Taranis en regardant fixement l’aubergiste de ses yeux sombres. Osgeir gloussa.
« Le goût est meilleur avec le grès. »
« Foutaise… », l’épéiste s’empara de la cruche et la tint sous son nez. « …du Hautvalois… d’au moins six ans d’âge. »
« Sept.», le corrigea Osgeir en souriant de toutes ses dents. « Tu te souviens d’Edric et de ses voyages commerciaux dans le Médian ? C’était avant tout ce foutoir… », comme pour arguer ses propos, il écarta les bras, désignant la taverne. Taranis, qui avait saisi la métaphore, soupira. Malgré quelques conflits, l’époque était naguère plus clémente. Edric de Mhizaar avait ouvert plusieurs lacis commerciaux entre le Nord et le Médian, et le domaine de Khrön s’était enorgueilli d’une certaine abondance. Et puis... il y avait eu l’invasion Drow…les heurts Serramiro-oesgardiens…les incursions wandrais…
Aujourd’hui, c’était avec l’accession de Norman aux sphères du Nord que les tensions s’étaient mises à couver.
La province se morcelait une énième fois.
« Comment pourrais-je l’oublier ? Mais dis-moi, six ans d’âge… tu ne veux pas que l’on sache que tu es suffisamment riche pour en boire… », fit remarquer Taranis. « …ou cela nuirait à ton image ; l’homme du peuple ? »
« Riche ? Je ne suis qu’un modeste tavernier. »
« Et moi une danseuse voilée zurthane. »
Osgeir acquiesça en remplissant son gobelet.
« Tu devrais plutôt féliciter ton poulain, ce trou perdu n’a jamais été aussi florissant depuis la naissance de son marmot. »
« Je suis certain que ton Sir apprécierait le commentaire. », le taquina Taranis.
« Allons… Siegfried n’est pas Hagen, lui au moins a le sens de la tempérance. L’autre est un peu trop… imprévisible à mon goût. », déclara-t-il, vidant son gobelet d’une traite. Du vin coula dans les poils de sa barbe grise fourchue. Taranis sourit et repoussa sa capuche pour se passer la main dans ses cheveux clairsemés ; il serait bientôt chauve. « Mais dis-moi, quelles nouvelles de la Sgarde. »
L’oriental soupira.
« Les temps sont durs… l’Ithier s’est barricadé dans sa forteresse, et maintenant qu’Odoacre cherche noise à Norman, je suis sûr qu’une nouvelle guerre se prépare. »
« Une guerre de plus ou de moins… quelle différence ? Toi comme moi, nous connaissons bien cette contrée. Oësgard est pire qu’une épouse infidèle, elle change de Sir comme de gourdiflot. Il faut du caractère pour la dompter… pendant un temps seulement. » Il éclata de rire et se servit un deuxième verre qu’il descendit aussi vite que le premier. « Mais dis-moi, il y a un moment qu’on ne t’avait pas vu dans les parages. Siegfried sait-t-il que tu es ici ? »
« Il ne saura bientôt. », rétorqua l’épéiste en songeant au jeune garçon farouche qu’Edric lui avait un jour confié, et qu’il avait naguère entraîné. À quand cela remontait-t-il ? Onze, peut-être douze ans... C’était bien avant fort Schorm. « …oui très bientôt. »

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Siegfried posa sa plume sur l’encrier vide à côté de son étude. Des parchemins étaient étendus çà et là, et un capharnaüm décousu dépeignait à travers la vaste pièce silencieuse. Le jeune homme laissa son regard balayer le brouillamini de cuir, de notes, et de vélins éparpillés ; herbier, cadastres, histoires, cartes, manuscrits…
Avec un soupire, il referma le cahier de doléances et poussa le registre un peu plus loin sur le bureau, les doigts jouant sur sa couverture écaillée tandis qu’il ruminait ce qu’il venait de lire. La nuit était déjà tombée…
Il prit une respiration profonde puis se leva, souffla la bougie et quitta la pièce froide en baillant. En bas dans le hall, il trouva Eivind en train de jouer avec sa mère. L’enfant le vit et cria.
« Papa ! »
Il lâcha son épée de bois et trottina vers son père qui mit un genou à terre pour le prendre dans ses bras. Il le lança en l’air avant de le rattraper. Eivind gloussa de plaisir, et Siegfried le serra contre lui.
« Tu veux bien faire le Kerkand, maintenant ? », demanda le petit garçon.
Sieg regarda l’enfant de ses yeux sombres.
« Ah, et que fait le Kerkand ? »
« Il tue les gens ! »
« Fascinant… », il eut un sourire espiègle tandis que sa main enlevait doucement le petit casque de la tête de son fils, ébouriffant son épaisse tignasse d’un rouge cuivrée. « ...ne pourrais-je pas rester papa encore un moment ? »
« Non ! », cria le gamin de quatre ans. « Je veux tuer le monstre ! »
Siegfried le posa doucement par terre.
« Tu peux essayer… », dit-il en découvrant les dents et en poussant un rugissement de stentor. Eivind cria et courut se réfugier derrière sa mère...
...puis il ramassa sa petite épée de bois et fonça droit sur son père.

***

Des fossettes naquirent sur le visage de Brunhild tandis qu’un sourire serein ourlait le coin de ses lèvres…

Son enfance durant, elle s’était souvent demandée par quelle billevesée Néera allait préluder son avenir.
La plupart des fillettes de sang bleu avaient été couvées dans cette nasse virginale où piété, vertu, et bienséance leur était enseigné au truisme des us péninsulaires. On leur apprenait à être de bonnes épouses et à s’acquitter de leurs devoirs maritaux sans la moindre aménité. Et, sommes toute, à suivre les normes du conformisme dans le respect de la tradition…
Son père, Wiland de Cynn, avait mis un point d’honneur à faire suivre cet usage ; dès son plus jeune âge, on l’avait initié à la lecture, à l'écriture, à la récitation des fabliaux, au chant, à l’art de la fauconnerie, et à toutes ces frasques qui rendaient la vie d’une jeune noble aussi pédante qu’ennuyeuse. Pourtant il y avait des choses…d’infimes vétilles… que son père ignorait.
La nuit, il lui arrivait parfois de se lever pour rejoindre les écuries et chevaucher en douce à travers les landes d’Aetenach après avoir sellé Snorri, le destrier de son frère. Elle rentrait quelques heures avant l’aube et escaladait le lierre sinueux qui ondoyait sous le meneau de sa chambre. Quand son père quittait le domaine familial, elle s’entraînait au tir à l’arc derrière le corps de garde, et passait ses journées à flâner dans les venelles du château. Bien sûr, il arrivait qu’elle se fasse prendre, et que ses excursions s’achèvent en de sévères réprimandes, mais les fois où ces infimes gestes de rébellion passaient inaperçus la confortait dans ses convictions ; personne ne régirait complètement sa vie…
Elle y avait cru, s’y était rattachée dur comme fer, jusqu’à ce qu’un jour, à l’aube de ses dix-sept ans, son père ne lui annonce la nouvelle tant redoutée.
« Dans cinq lunes, nous serons conviés au fief de Krahof. J’ai conclu un accord avec Brynjölf de Mhizaar, j’espère que tu feras honneur à ton nom et te comporteras en Dame, comme il sied à ton rang. », ses paupières s’étaient plissées en prononçant ces derniers mots. « Tu seras présentée au neveu du Sir, Siegfried de Mhizaar. Je ne tolèrerais ni faux-pas ni esclandre, me suis-je bien fait comprendre ? »
Les paroles lui avaient fait l’effet d’une douche glacée…

Elle s’était montrée froide et distante durant les premiers mois qui avaient succédé aux fiançailles. Comme tant d’autres, elle n’ignorait pas la réputation des Mhizaar, les chiens de guerre comme on les appelait. Ils étaient orgueilleux, comme la plupart des hommes, veules et tellement convaincus par la prééminence de leurs ambitions qu’ils en oubliaient souvent la bienséance.
Elle détestait leur culte voué à Tari ; cette valétudinaire fiévreuse pour la mort et la guerre, et méprisait leur manque de lucidité…
Et c’était avec tous ces a priori qu’elle s’était présentée à Siegfried.
Elle lui avait fait subir ses crises et son dédain, pourtant le jeune homme n’avait pas manifesté le moindre fiel. Il s’était toujours montré doux et prévenant à son égard, et au fur et à mesure, les choses s’étaient mises à évoluer…doucement…lentement…subrepticement…
Avec le temps, les craintes avaient été douchées par la franchise directe, fière et dévorante d’un homme qui savait exactement ce qu’il voulait, et qui avait assez d’honnêteté pour le demander, tout simplement ; un homme assez fort pour s’ouvrir à elle sans crainte, ni honte.
Bien sûr, leur union était un mariage arrangé, et les attentions qu’il lui portait tenait davantage de l’affection que de l’amour.
Qui plus est, il n’était pas parfait ; sa méfiance le rendait parfois froid, à cela s’accouplait une certaine tendance au sarcasme, et il pouvait aussi se montrer cachottier, sauf que ses défauts étaient largement compensés par d’immenses qualités. Sa joie de vivre, son rire qui efface tout, l’extraordinaire générosité de son esprit et sa dévotion passionnée, non seulement pour elle, mais pour les autres aussi.
Lorsqu’il était parti dans les Wandres avec Hagen, il lui avait laissé la liberté de gérer Khrön à sa guise, là où d’autres auraient nommé un intendant. Bien sûre, la nouvelle n’avait pas ravi Brynjölf, mais elle avait fait front.
Quand il revenait, il la traitait toujours en égal et ne l’avait jamais rabaissé aux mœurs sgardiens, souvent jugés plus archaïques qu’au Médian, voir même quelque fois moqués dans cette partie de la Péninsule.
Et puis il y avait eu Eivind.
Son amour pour son fils était différent de tout ce qu’elle avait connu à ce jour. On eût dit qu’il était attaché à elle par des cordes invisibles. Chaque fois qu’elle le quittait, même pour une journée, elle sentait en elle une douleur sourde. Un hiver entier sans lui serait insupportable.
Quand les rumeurs de la guerre étaient parvenues jusqu’à Khrahof, elle avait senti la panique poindre en elle. Elle avait peur pour lui. Elle craignait les traîtres, les espions, le poison, et les dagues dans la nuit…
Son regard balaya l’enfant, et l’homme puissant à côté de lui. Ils étaient tous les deux échevelés, comme s’ils s’étaient roulés sur le sol, et semblaient très occupés par quelque chose qui se trouvait par terre, entre eux. Eivind désigna quelque chose du doigt, un insecte sans doute, et leva la tête vers son père, l’air interrogateur. L’expression d’amour et de tendresse sur le visage de Siegfried lui fit l’effet d’un voile tutélaire.
La panique la quitta.

*Il aime Eivind…*, se dit-elle. *…et il ne cessera jamais de l’aimer. Il le protégera jusqu’à son dernier souffle.*

Lentement, elle se détourna vers l’escalier lorsqu’un échanson fit irruption dans le hall. Il s’inclina, comme l’exigeait le protocole.

« Mon Sir, ma Dame, un visiteur attend aux portes du château. Il demande audience avec le Seigneur des lieux. », déclara-t-il devant la mine interrogatrice de Brunhild tandis que Siegfried se redressait.

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Nul ne pouvait retrouver son enfance, mais il existait toutefois des intermèdes où, pendant un temps seulement, on peut éprouver ce genre de sentiment que le monde est clément et qu’on est immortel. Taranis éveillait ce genre d’émoi chez Siegfried…
Les deux hommes s’étaient étreints comme de vieux amis – ce qu’ils étaient en réalité. - quand le vieux maître d’arme avait fait irruption dans le hall. Brunhild avait lorgné l’oriental d’un air circonspect tandis qu’Eivind était resté bouche bée devant son teint hâlé.
« C’est ça un Kerkand papa ? », avait-t-il dit dans cette subtilité si prompt à l’enfance. Brunhild s’était empourprée et Taranis avait éclaté de rire tandis que Siegfried soulevait son fils, le calant dans ses bras.
«Oh non, « ça », vois-tu… », dis-t-il en adressant un clin d’œil à Taranis. « …c’est un tout autre animal. Je t’en parlerais un jour. Mais pas ce soir, il est l’heure d’aller se coucher. »
Un peu plus tard, la nourrice s’était éloignée avec l’enfant récalcitrant, et le jeune homme lui avait présenté Brunhild. L’épéiste avait fait preuve d’une gouaille désarmante qui avait très vite mis la jeune femme à l’aise.
Au fil de la soirée, le couple avait longtemps conversé avec l’oriental qui leur avait apporté des nouvelles d’Oësgard, certaines de bons augures, d’autres un peu moins plaisantes ; Brynjölf de Mhizaar comptait se joindre aux forces Normanistes disait-t-on. La rumeur n’avait pas encore été officialisée, mais plusieurs pourparlers étaient en cours entre Krahof et Nebelheïm.
Et puis, la soirée cheminant, la discussion avait dévié sur les derniers évènements du Médian, le mariage de Rhaena, et l’adoubement d’Hagen. Brunhild était parti se coucher quand Taranis avait évoqué l’époque d’Edric de Mhizaar et les invasions wandrais, jadis bien plus pernicieuses, qui gangrenaient Krahof et ses abords.

T’a-t-on déjà parlé du mariage d’Edric et Dervila, ta mère… et de ses circonstances particulières ? »
« J’ai déjà tenté d’aborder cet énigme avec père, il y a longtemps. Maintes fois, même… il avait une certaine habileté pour détourner le sujet. »
« Cela ne m’étonne guère… », murmura tristement Taranis, ses doigts roulant sur les accoudoirs de son fauteuil. « …ton père n’était pas un homme porté sur le passé. »
« Mon père n’était pas un hommes porté sur les sentiments. », rectifia Siegfried dont l’esprit s’emplissait d’images venus d’autrefois. Un cadavre disloqué au pied d’un donjon…la main ferme d’Edric de Mhizaar, l’obligeant à regarder. Et les paroles, raisonnant comme un vent boréal dans la froideur de l’hiver ; « Voyez ce qu'est la faiblesse... je ne veux pas que mes fils deviennent des lâches. Jamais ! »
« Tu te trompes. », s’éleva la voix du maître d’arme, masquant le silence amer qui s’était installé entre les deux hommes. « Ton père a aimé Dervila plus que la vie. »
Ses yeux sombres coulèrent sur les iris crépusculaires de Siegfried. Il l’observa un moment, et soupira.
« Il existait naguère une tribu ; les Vhaar, qui furent pendant plusieurs siècles les ennemis des Mhizaar. Depuis le début, tentèrent à dire certains. Depuis l’ascension de Gunnar de Mhizaar. Le premier des tiens. Certains membres de cette peuplade étaient reconnaissables à leur chevelure cuivrée et à leur carrure massive. », il marqua une pause. Le visage de Siegfried lui faisait l’effet d’un masque de cire ; pâle et indéchiffrable. « Ils comptèrent parmi les premiers païens à s’insurger face aux invasions pentiennes, quand le Médian s’est imposé au Nord, il y a six cents ans. À cette époque, le clan s’était morcelé en deux factions. La plus importante était dirigée par Gaunnar, dont le regard était tourné vers l'avenir, l’autre par Elarad, son frère cadet plus conservateur. Gaunnar avait décidé de s’unir aux Pentiens, rejetant toutes les anciennes traditions Vhaar qu’il jugeait obsolètes. Elarad s’est opposé au changement…
Quand Gaunnar a abandonné son nom au profit de « Gunnar », plus péninsulaire d’un point de vue…hum…Nordien, Elarad y a vu une insulte, et a déclaré la guerre à son frère. Les deux factions se sont affrontées dans les Hortles. C’est l’aîné qui l'a emporté, contraignant les survivants à s’exiler au-delà des frontières. À l’épilogue de cette victoire, Gunnar s’est vu attribué des terres par Serramire dans une zone appelée « la région de Mhiz », au septentrion, et c’est ainsi que les premiers Mhizaar ont vu le jour. »

« Je ne vois toujours pas ce que cela a à voir avec ma mère. », rétorqua Siegfried, dont les traits fins demeuraient attentifs, mais suggéraient une pointe de scepticisme.

« Au fil des siècles… », poursuivit Taranis. « …la lutte a perduré entre les Vhaar et les Mhizaar. On affubla également Gunnar de toutes sortes de légendes pittoresques ; une épée lumineuse…un dragon… », il gloussa. « …je suppose que cela renforçait le mysticisme autour du personnage. Enfin, les tiens jouissaient aussi d’une tout autre réputation, bien moins reluisante, celle-là. Je suppose qu’on t’a déjà parlé des mariages consanguins, et de la tragédie de Thanos de Mhizaar, « le Fou ». Démence et grandeur sont les deux faces d’une même pièce, disait-t-on, et à chaque fois qu’un enfant Mhizaar venait au monde, les Cinq lançaient la pièce, tandis que Krahof retenait son souffle en se demandant de quel côté elle allait bien pouvoir tomber. En ces temps-là, les Vhaar s’étaient alliés à d’autres tribus lorsqu’un Duc serramirois a levé une expédition dans les Wandres. Son avancé a été stoppé au mont Sigolsheim et l’on n'a plus retrouvé la moindre trace de son armée. Seulement, la bataille a ravivé d’anciennes rancunes, et les attaques Vhaar ont redoublé d’ardeur à l’encontre de Krahof. Le conflit a perduré jusqu’au crépuscule du Xème cycle… lorsque ton grand-père ; Arnbjörn de Mhizaar, lassé des bains de sang, entama des pourparlers avec les Vhaar. Une première dans l’histoire de Krahof… », un sourire mélancolique ourla les lèvres du vieux maître d’arme. « …et ça a fonctionné. On disait que Dagda, le chef de la tribu, était l’un des rares wandrais à faire preuve de discernement. Comme Arnbjörn, il avait le regard porté sur l’avenir. C’était un visionnaire - un wandrai visionnaire… (rire ironique)- tu saisis ? Au terme de plusieurs délibérations, les deux hommes ont abouti à une issue commune. À l’instar d’Arnbjörn, Dagda était père de deux enfants ; Jezekeal, l’aîné… et Dervila. Il fut convenu qu’Edric épouserait Dervila avant la fin de l’ennéade, et les deux lignées s’uniraient à nouveau sous une seule bannière. Imagine le scandale dans la province, le fils d’une maison noble épousant une sauvage. De nombreux Sirs décrièrent le mariage, à commencer par Brynjölf, ton oncle lui-même. Pourtant, cela n’empêcha pas les choses de se faire, la paix s’installa progressivement, mais des tensions naquirent entre Brynjölf et son père. Arnbjörn mourut peu après la naissance de ton frère, au cours d’une partie de chasse. Une banale chute de cheval a-t-on dis, mais l’histoire oublia de mentionner la présence de Brynjölf, et l’absence de témoins quand l’accident a eu lieu. Le fils était avec le père à ce moment. Quelques ennéades plus tard, quand ton oncle endossait le manteau et les devoirs de suzerain, les Vhaar furent conviés à Krahof. La majorité des seigneurs de Sgarde étaient présents eux aussi, y compris ceux qui n’avaient pas adhéré au mariage d’Edric. La cérémonie se déroula sans anicroche jusqu’au moment du discours… ton oncle spolia les Vhaar, les déclarant ennemi de Krahof, et les choses dégénérèrent. Les agapes se terminèrent en bain de sang. », ses paupières se plissèrent, alors que les esquisses du souvenir -dont il avait parfois été l’acteur plus que le spectateur- se dessinaient clairement dans sa mémoire. « C’est Brynjölf lui-même qui a tranché la tête de Dagda. La majorité des doyens Vhaar furent massacrés cette nuit-là, mais Jezekeal et une poignée d’autres parvinrent à s’échapper. Durant les années qui suivirent on traqua les survivants… Jezekeal fut pris six mois avant ta naissance. Brynjölf l’a exécuté de la pire manière qui soit. », cracha Taranis, tandis que les hurlement du condamné lui revenaient à l’esprit alors que le bourreau le suppliciait à l’Aigle de Sang (*).

Siegfried ferma les yeux, digérant l’information, tandis que ses pensées se bousculaient dans sa tête. Il tenta de se rappeler la dernière fois qu’il avait vu sa mère, avant les estampes de la tour de Khrön et du spectacle obscène qui s’y déroulait en contrebas.
Il n’y perçut que de la souffrance.

« Pourquoi m’avoir narré tout cela ? », finit-il par dire.

« J’ai moi-aussi vécu dans une tribu similaire aux Vhaar, il y a longtemps, entre les frontières estréventines et la Zurthanie. Un jour, des hommes sont arrivés et ont massacré mon peuple. J’ai été emmené à Thaar, sur les estrades d’un marché aux esclaves. J’ai eu la chance de croiser la route d'Arnbjörn, ton grand père, mais j’avais également une sœur cadette… Je ne l’ai jamais revu. »


Dernière édition par Siegfried de Mhizaar le Jeu 29 Aoû 2019 - 22:15, édité 118 fois
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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeLun 11 Mai 2015 - 2:32

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Siegfried de Mhizaar (MAJ) H72s

Les ennéades filèrent comme une traînée de poudre, chassant les dernières esquisses automnales tandis qu’Oësgard sombrait une nouvelle fois dans une trame de chaos et de conflits. À l’aube de l’an 5, Hannegard Kastelord, et Brynjölf de Mhizaar joignirent leurs bannerets aux armées d’Überwald, quand Norman marcha sur Nulhadon. Siegfried fut quant à lui, assigné à l’intendance de Krahof.
Le siège dura plusieurs jours, et l’issue demeura longtemps incertaine…
Plusieurs évènements marquèrent la bataille, le premier fut l’ascension d’Hagen, dont la notoriété était montée en crescendo depuis le début de la guerre. La seconde, plus funeste, fut l’annonce de la mort de Brynjölf, à l’épilogue les heurts… Hagen accéda à la suzeraineté après la prise de Nulhadon. L’Ithier fut renversé un an plus tard… On dit que la tête du félon dansa toute la nuit au bout d’une pique, lors des agapes qui succédèrent à la victoire.

Cette même année fut marquée par le sang et les combats alors que Norman poussait toujours vers l’Est, se heurtant à de nouvelles poches de résistance.
Certains doges étaient restés fidèles à la mémoire de l’Ithier…

En parallèle, Siegfried reçut plusieurs missives de Gabriel, dont les rapports allaient toujours bon train. Le Médian essuyait une nouvelle tragédie depuis l’assassinat du roi, et l’accession du Sénéchal Aetius d’Ivrey à la régence du Royaume. De nombreuses coercitions étaient tombées sur Diantra tandis que des émeutes éclataient au sein du bas peuple, certains poussèrent même l’audace jusqu’à traiter le Sénéchal de régicide après le bannissement de Nakor, l’Archimage royal…
Gabriel compta parmi les contestataires, et son atelier fut mis à sac dans les ennéades qui suivirent. L’orfèvre et sa femme purent se réfugier à Caernyl où leur situation demeura précaire, et Siegfried leva une cohorte jusqu’en Etherna pour retrouver son ami, les plaçant sous sa protection, au château de Khrön.
Durant le trajet, Gabriel pu informer Siegfried des derniers évènements survenus en Péninsule, comme la rescision des anciennes alliances avec le peuple elfique à la suite d’une délibération particulièrement houleuse entre Aetius et Daenor, le seigneur protecteur de Daranovar. On dit que le régent poussa l’effronterie même jusqu’à voler l’épée du Sindarin, au cours de l’entrevue. Son mariage… et son divorce avec Blanche d’Ancenis après la perte de leur enfant… Suivit de nouvelles noces à Sainte-Berthilde cette fois, en convolution avec Arsinoë d’Olysséa.
Le voile de la discorde semblait manifestement général, au royaume de la Péninsule.

Le retour à Krahof se fit dans la fébrilité.

Au milieu de cette sixième année du XIème cycles, de nouvelles missives arrivèrent à Fort Khrön ; des missives frappées du sceau d’Hasseroi. Odoacre proposait d’engager des pourparlers avec le jeune Sir, remettant en jeu la position de Krahof dans le grand cycle des intrigues oësgardiennes, lui promettant un fief et de nouvelles alliances s’il trahissait Hagen.
Siegfried le reçus vertement.
Odoacre rétorqua par des raides sanglants aux frontières de Krahof.

Et les choses dégénérèrent…

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Domaine de Krahof (Oësgard), an de grâce six du onzième cycle. Tariho (9ème jour) de la quatrième ennéade du Karfias d'été.

Un coup de tonnerre s’abattit dans le lointain, striant la nuit d’une multitude de flash stroboscopiques.
La tempête faisait rage sur les plaines de Krahof.
Siegfried chevauchait à bride abattue, ignorant les appels de Govannan derrière lui. Naguère, il avait toujours aimé ce genre d’abandon ; sa monture devenait sa chaire. Le rythme des sabots sur le sol meuble, les battements de son propre cœur. Quand il montait, il arrivait à oublier les corrections d’Edric, sa mère, les enfants Ausshors, les hurlements poussés par une armée d’Elfe Noirs, et tous les malheurs du passé… La sensation, à nul autre pareille, lui permettait d’occulter momentanément ce genre de déconvenues. Il oubliait à peu près tout ce qu’on lui avait fait.
Et tout ce « qu’il » avait fait.
Mais pas aujourd’hui…
Aujourd’hui l’urgence et l’angoisse avaient remplacé ce genre de bagatelle. Il avait l’impression d’avaler un tas de gravier à chaque inspiration tandis qu’une colère froide lui vrillait les entrailles. Plus tôt dans la soirée, Govannan était venu le trouver dans le grand hall ; un hameau avait essuyé une nouvelle attaque, à cinq lieux de fort Khrön. C’était le fils d’un fermier qui avait donné l’alerte. L’enfant avait réussi à fuir le massacre, chevauchant seul jusqu’au château silencieux. Au loin, une lueur dépeignait sur l’horizon. Le hameau était en flammes…
Plusieurs silhouettes se profilaient dans la chienlit quand il mit pied à terre, et quatre hommes vinrent à sa rencontre. Silencieux, Siegfried dégaina ses deux épées, et les planta dans le sol.
Govannan et les autres ne tarderaient pas à arriver…

« Allons, soit raisonnable Siegfried. Joins-toi à Odoacre. Au diable Hagen et ses serments stériles. Parlons d’un nouveau traité. »
« Mais Odoacre connaît déjà ma réponse. Qui plus est, vous ne m’avez pas attiré ici pour parler. », rétorqua Siegfried dont la voix était dure et cassante comme du verre. « Vous l’avez fait pour me tuer. »
Ses lèvres s’affinèrent en un sourire sinistre.
« Je suis là désormais. Et je suis seul. »

Lentement, ils dégainèrent leurs épées. Et puis, alors qu’une maison en flamme s’effondrait dans un fracas d’étincelles flamboyantes, ils passèrent à l’attaque.
La scène se changea en pandémonium...

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Au même moment, au château de Khrön.

Arnhild était assis sur le flanc d’une colline et regardait sa compagnie se préparer à l’attaque…
Mais il ne pensait ni à sa mission, ni à la nature capricieuse de la guerre. Il pensait à ses petits-enfants. Depuis quarante ans qu’il était au service d’Hasseroi, il avait appris que souvent, devant un problème particulièrement complexe, il valait mieux penser à autre chose. Il avait donc revécu mentalement sa dernière visite à la ferme de son fils, la course-poursuite dans le bois, les garçons criant tandis qu’il faisait semblant d’être un monstre à leur recherche. Quand il avait attrapé son petit-fils, caché dans un fourré, le gamin avait éclaté en sanglots et avait crié, « Ne soit plus un monstre ! »
Arnhild avait pris l’enfant dans ses bras et l’avait embrassé.
« Ce n’est qu’un jeu. C’est moi, ton grand-père. »
Le cliquetis des armes chassa les souvenirs de son esprit et il repensa à la sinistre réalité qui l’attendait. Son instinct martial lui soufflait qu’il aurait été mieux avisé de rebrousser chemin, hélas, en tant que vassal d’Odoacre, il savait que la guerre était étroitement liée à la politique.
Odoacre lui avait ordonné de prendre la forteresse de Khrön et de tuer Siegfried et sa famille.
Son raide devait être combiné à une invasion conduite par ses lieutenants à cinq lieux d’ici. Un plan qui ne lui plaisait guère…

Réajustant les pans de sa cape, il tira son épée et donna l’ordre aux hommes de marcher vers le bourg.
Les paroles de son petit-fils raisonnèrent toujours dans son esprit, malgré ses efforts pour les conjurer.
« Ne soit plus un monstre ! »

De l’autre côté de fort Khrön, un jeune Sir, inconscient du danger, chevauchait hors des murs avec une cohorte de soldats. S’enfonçant dans les landes oësgardienne pour porter secours à un hameau attaqué, laissant derrière lui les murailles du château à moitié désertes.

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Eivind se réveilla en sursaut et se frotta les yeux de ses poings minuscules. Il s’assit et regarda autour de lui. Il faisait sombre dans la chambre, malgré l’unique chandelle qui brûlait bas. Il vit que sa nourrice n’était plus dans son lit. Il était seul…
Il se souvint avoir quitté sa propre chambre après un cauchemar et être venu se réfugier en pleurant dans la chambre de la vieille femme. Il avait tapé doucement à la porte, et elle lui avait ouvert, comme elle le faisait toujours, et l’avait gentiment grondée pour ses peurs. Puis, comme d’habitude, elle l’avait porté dans son lit et l’avait couché à côté d’elle.
« Dors, mon petit, tu es en sûreté… », avait-t-elle murmuré. « Je suis là. »
Mais elle n’était plus là !
Des sons étouffés venaient de l’extérieur ; à la fois de la cour et des escaliers, de l’autre côté de la porte. Il entendit des cris rauques et des bruits de métal entrechoqué.
À cinq ans, il n’avait pas l’habitude d’être seul dans le noir, et il était effrayé. Sa nourrice était toujours là quand il se réveillait, et elle l’emmenait aux cuisines pour le petit-déjeuner.

Il avança vers le bord du lit et se laissa glisser sur le sol. Il foula la pierre froide et les tapis douillets, puis tira un tabouret en bois vers la fenêtre ouverte. Il y grimpa pour regarder dans la cour. Il faisait sombre à l’extérieur aussi, mais il vit des feux et sentit de la fumée qui le fit éternuer.
Il voyait des hommes et des femmes courir partout en criant.

La vue des feux le fit penser au petit-déjeuner. Sa nourrice ferait griller le pain de la veille et le tartinerait de miel. Il descendit avec précaution du tabouret, ouvrit la lourde porte et se glissa dans le couloir.
Dehors, il y avait quelqu’un couché sur le sol. À la lumière d’une torche vacillante sur le mur, il vit qu’il s’agissait de la vieille femme. Elle était recroquevillée sur le côté, les genoux ramenés vers sa poitrine, et elle avait les yeux ouverts. Il s’accroupit un moment à côté d’elle, mais elle ne bougea pas. Il se demanda quoi faire, et lui tapota doucement la main.
« J’ai faim. », lui murmura-t-il à l’oreille.
À ce moment, il entendit un bruit de pas précipités dans les escaliers.

***

Tout le monde avait toujours dit à Brunhild qu’elle avait du courage. À cinq ans, elle était déjà tombée de son poney un nombre incalculable de fois. Sa mère soignait toujours ses bosses et ses égratignures, et même une fois, un bras cassé. Pendant qu’elle subissait ces soins un peu brutaux, elle la regardait dans les yeux et lui disait qu’elle était courageuse. Son frère souriait et la remettait sur la jument, et elle riait avec lui en oubliant ses blessures.
Quant à dix-sept ans, son père l’avait envoyé épouser Siegfried, elle avait été terrifiée.
Par sa belle famille… par la forteresse sombre où elle devrait vivre… par les périls de l’accouchement. Mais quand elle avait peur, elle se remémorait le visage de sa mère. Ses yeux verts fixés sur elle, et ses paroles.
« Sois courageuse… »
Maintenant, à presque trente ans, elle ne croyait plus en son courage. La force qu’elle avait possédée s’était tarie avec les rumeurs de la guerre, et les attaques d’Hasseroi menées sur Krahof. Depuis, rare avaient été les nuits où elle avait connu un sommeil paisible. Ses rêves étaient toujours hantés par des visions terribles d’attaques ; d’hommes faisant irruption dans la chambre, épées brandit, des cris d’Eivind qu’on emportait dans le chaos, de l’odeur des charniers.
Elle se réveillait en sanglot, et Siegfried l’attirait vers lui pour la protéger dans la forteresse de ses bras. Il lui répétait souvent qu’elle était en sécurité, qu’il veillerait sur elle, qu’elle n’avait rien à craindre.
Mais il se trompait…
Elle avait su que l’ennemi viendrait, avec une certitude absolue qui n’avait rien à voir avec ses peurs.

Entourée par ses gardes du corps personnels, elle était assise dans la salle du conclave, et écoutait le bruit des combats au-dehors, les cris de bataille et les hurlements de douleur. À travers les hautes fenêtres, elle apercevait la lueur des incendies. Tremblant de tous ses membres, elle serra les mâchoires.
Les hommes, tous choisis par Siegfried, attendaient autours d’elle, le visage fermé. Elle essaya de repousser la terreur qui la paralysait.
Un jeune soldat, couvert de sang, entra en trombe.
« Ils ont pris la tour nord, ma Dame ! », dit-t-il, le souffle court. « Les cuisines ont été incendiées. Le corps de garde est lui-aussi tombé. D’autres assiégeants attendent devant les portes du hall, ils ne tarderont pas à entrer. »
« Combien sont-ils, dehors ? »
« Des dizaines. »
« Et Eivind ? »
« Il est toujours avec sa nourrice aux étages supér… »
À ce moment, les doubles portes de la salle s’ouvrirent à la volée, et des soldats se ruèrent à l’intérieur. Son capitaine tira l’épée et se jeta sur eux, suivis par ses hommes. Brunhild savait qu’ils ne tiendraient pas longtemps.
« Fuyez, ma Dame ! Sans attendre ! », hurla-t-il.

Brunhild remonta ses robes et courut vers l’antichambre qui donnait sur les couloirs, à l’autre bout de la pièce.
Les hommes se battaient partout.
Elle rasa les murs jusqu’aux étages supérieurs et fila vers la chambre de son fils. Le cadavre de la nourrice gisait devant la porte d’entrée, et la terreur s’empara d’elle.
« Eivind ? Tu es là ? », murmura-t-elle d’une voix tremblante.
Puis elle s’arrêta. Elle vit une petite silhouette immobile derrière la porte. La mère et l’enfant se regardèrent un instant, comme pétrifiés.
« Elle… s’est endormie. », dit Eivind en désignant le corps de la vieille femme, à côté de la porte.
« Alors il ne faut pas la réveiller. », répondit doucement Brunhild. « Maintenant, il faut partir. Nous devons nous enfuir. »
Elle prit son fils dans ses bras et s’engouffra dans les escaliers. Si elle parvenait à atteindre les écuries, elle pourrait peut-être emmener Eivind dans la campagne et se cacher avec lui. Elle traversa les couloirs et déboucha sur la cour extérieure, mais elle vit un groupe d’assiégeants courir vers le bâtiment, des torches enflammées à la main. Serrant l’enfant contre elle, Brunhild bifurqua et courut pour atteindre l’entrée arrière des écuries.
Elle regarda par une fente, dans la porte.
À quelques pas, elle aperçut un robuste guerrier. D’une main, il tenait par les cheveux un jeune garçon d’écurie ; de l’autre, il brandissait une épée ensanglantée avec laquelle il lui trancha la gorge. Le gamin convulsa tandis que son sang s’écoulait sur la pierre. Le soldat le laissa tomber, et disparu dans une salle adjacente.

Étouffant sa panique, Brunhild attendit encore un moment, et ouvrit doucement la porte. Elle surveilla les deux entrées et recula jusqu’aux boxes ou un cheval noir s’agitait nerveusement.
Tapotant l’animal pour le rassurer, elle prit Eivind et l’installa sur le dos du destrier. Le cheval s’agita un peu, puis se calma. S’agrippant au crin, elle grimpa derrière l’enfant et lui murmura à l’oreille.
« Courage, mon chéri. N’aie pas peur. »
« Je te le promets, maman. »

L’entrée principale de l’écurie vola en morceaux, et les guerriers d’Odoacre entrèrent. Brunhild inspira à fond et s’accrocha à la crinière du cheval, lui talonnant les flancs dans un cri de guerre. L’animal banda ses muscles puissants puis fonça devant lui, ses grands sabots raisonnant sur le sol de pierre.
Les soldats hurlèrent en voyant la bête arriver. Ils agitèrent leurs épées pour tenter de l’effrayer, mais le coursier se jeta sur eux. Un homme eut le crâne fracassé contre une cloison, et un deuxième passa sous les sabots de l’étalon. Brunhild entendit distinctement un bruit écœurant d’os brisés. Les autres guerriers se mirent à l’abri, sur le côté.
Une fois sortie de l’écurie, la jeune femme fonça vers les grandes portes.
Quand ils comprirent qui chevauchait l’animal, les soldats s’époumonèrent. Une flèche siffla à côté d’elle, puis une autre, et une autre encore…quelque chose les frappa et elle vit Eivind tressaillir. « Courage… », murmura-t-elle sans remarquer le projectile empêné qui saillait de la poitrine de son fils. Les grandes portes étaient juste devant, au prochain tournant. Les sabots du cheval dérapèrent quand elle le fit pivoter. Derrière elle, quelqu’un cria.
« C’est elle ! La putain de Siegfried ! Attrapez-moi cette garce ! »
Elle talonna l’animal qui se cabra à demi, puis parti au galop. Brunhild dépassa les portes et le conduisit à travers les rues pavées du bourg. Elle sentit soudain un coup douloureux à la cuisse, et vit qu’une flèche y était enfoncée. Le choc de l’impact se transforma rapidement en une douleur cuisante. Puis elle vit une cohorte de soldats arriver au loin. À un moment, elle crut qu’il s’agissait de renforts d’Hasseroi, puis elle reconnut la bannière des Mhizaar. L’espoir enfla en elle, tandis que le coursier filait vers les hommes de son époux. Un groupe d’assiégeant sortit en courant des ombres, leurs épées au clair, et Brunhild claqua la croupe de l’étalon, le forçant à accélérer. Surpris, il partit à vive allure, et la jeune femme s’accrocha à sa crinière, les mains tétanisées. Elle aperçut les soldats du coin de l’œil, et sentit un coup sur le flanc, mais la pointe de la lance déchira sa chaire sans la faire chuter. Elle ignora la souffrance et se concentra sur les mouvements du cheval et le petit corps tiède blotti contre sa poitrine.
Le temps sembla s’arrêter tandis qu’elle passait les portes et arrivait à la hauteur des troupes de son époux.

Derrières, les soldats étaient trop loin pour la suivre.

Progressivement, elle fit s’arrêter la monture.
Siegfried la rejoignait au triple galop.
Brunhild leva la jambe et sauta de cheval, mais le sol se déroba sous elle. Eivind, étrangement calme, chuta à ses côtés sans pousser le moindre cri.
Des larmes perlèrent sur son visage sous l’effet de la douleur, tandis que du sang imbibait sa tunique à gros bouillon.

Elle se sentit sombrer quand des bras glissèrent doucement sous ses épaules…

Chapitre IV: Chaos

Siegfried de Mhizaar (MAJ) Bq5y

Citation :
« J’ai toujours fait de mon mieux…
Depuis mon enfance, chaque étape de mon périple fut placée sous le signe de ma notion du bien et du mal, du souci d’agir pour la justice. Pour la « Chevalerie ». Même lorsque j’ai failli, comme tout un chacun, ce fut en raison d’erreurs de jugement ou de simples faiblesses, jamais en me détournant de ce que me dictait ma conscience. Car c’est cette même conscience, je le sais, qui régit les principes selon lesquels nous nous rapprochons du but que nous avons choisi, de ce qui nous définit, de nos espoirs, et de notre compréhension d’un idéal.
Je n’ai jamais fait taire ma conscience, mais je crains qu’elle m’ait trahi.
J’ai toujours fait de mon mieux…
Pourtant, Brunhild est morte, tournant en dérision mes promesses apaisantes. « Je veillerais sur toi. », était devenue une litanie itérative -presque obsessionnelle- au fil des ennéades.
J’ai toujours fait de mon mieux…
Mais personne ne s’est interposé entre Eivind et la flèche d’Hasseroi.
J’ai assisté au suicide de ma mère, et à la fin de tous ceux que j’ai aimé depuis. Tout ce qui m’était cher a suivi le même chemin.
Existe-t-il une entité divine, quelque part, qui rit de mes inepties ? Existe-t-il une entité divine tout court, d’ailleurs ?
Ou tout cela n’est-t-il qu’un mensonge, ou pis encore, un mirage auto-entretenu ?
À l’aune de mes convictions, j’ai toujours fait de mon mieux. Et pourtant, je comprends aujourd’hui avec une acuité, une agitation, et une terreur grandissante qu’en définitive j’ai souvent fait des erreurs.
C’est, aujourd’hui, la seule exégèse qui m’a permis de traduire la somme de tant d’échecs.
J’ai appris l’art de la guerre. Sans ma science des armes et du commandement, je serais certainement un acteur mineur dans la réalité qui m’entoure, moins accepté, et moins respecté. Mon héritage et mon talent sont tout ce qui me reste aujourd’hui…
Ce sont les fondations sur lesquelles je compte bâtir un nouveau tronçon de la route tortueuse et étrange qui constitue la vie de Siegfried de Mhizaar.

Comme un prolongement de ma rage.
Comme l’expression de tous ceux que j’ai perdu.

Ces épées, « Sjel » et « Balmung », sont désormais mon unique définition, et Hagen est devenu mon seul compagnon de route.
J’ai foi en eux, et en nul autre… »


Chroniques, extraits des mémoires de Siegfried de Mhizaar.

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Non loin d’Amblère, sud d’Oësgard, an de grâce 6 du onzième cycle. Panahos (4ème jour) de la quatrième ennéade du Verimios d'hiver.

Le temps passait avec une lenteur épouvantable pendant que le massacre continuait sur la plaine. Pour Hagen de Mhizaar, les journées se ressemblaient toutes. Quand il faisait jour, il se battait aux côtés de Siegfried. Il n’y avait pas de place pour l’habileté, simplement pour une boucherie sanglante. La nuit, ils se reposaient où ils pouvaient, plongés dans le sommeil par l’épuisement, en dépit des gémissements des mourants et de l’odeur de charnier qui émanaient des fosses communes, creusées à la hâte.
Norman avait envoyé son Ost en patrouille jusqu’aux abords d’Amblère. La centurie devait avoir dégagé le terrain avant l’arrivée du régiment et des engins de siège. L’avancé avait été difficile, car l’ennemi possédait une connaissance approfondie du relief, et les batailles se résumaient souvent à des escarmouches, menées parfois à l’aveuglette quand il ne fallait pas essuyer une embuscade. Siegfried et sa cavalerie, les Cerberions, avaient été d’une efficacité redoutable ; les hommes chargeaient en masse compacte, dévastant tout sur leur passage, laissant ensuite le champ libre aux fantassins qui venaient terminer le travail. Plusieurs poches de résistance avaient été décimées de cette façon.
Le cinquième matin, le soleil était déjà haut dans le ciel quand il se réveilla. L’ennemi s’était replié dans un bosquet, mais n’avait toujours pas attaqué.
Mort de fatigue, il mena son cheval à côté de Siegfried, d’Eric, son écuyer, et du lieutenant Froward, un petit homme nerveux aux jambes torses, aux cheveux gris, et au visage ridé qui servait les Mhizaar depuis l’époque d’Arnbjörn.
Hagen se tourna vers son cousin dont les yeux sombres restaient braqués sur les guerriers amblerons, son faciès, sans expression, son regard, froid et perçant comme une flèche.
Quand il avait appris l’attaque, au domaine familial, il avait envoyé plusieurs missives à Krahof ; sa belle-sœur et son neveu avaient été tués durant le raide, et la petite communauté de fort Khrön était virtuellement détruite. En réponse, Siegfried avait levé les bans pour repousser l’envahisseur. Un peu plus tard, il avait appris la disparition d’Odoacre, et la confusion, omniprésente à Hasseroi.
Le félon avait pris la fuite, semblait-t-il…

Parallèlement, Goar avait trahi Norman. Se retranchant à Oësgard-la-Citadelle, il avait laissé un détachement pour ralentir les troupes de la coalition. La situation s’était envenimée, et Hagen avait fini par mobiliser Siegfried dans la pagaille. Son cousin était arrivé au début de l’hiver. Il avait perdu son bagout habituel et se mêlait peu aux hommes de Norman. La nuit, il se contentait d’attendre, à l’orée du camp.
Depuis, il se battait comme un possédé, semant la mort sur son passage. Sa compagnie le vénérait comme s’il était Mogar réincarné, et les soldats se démenaient comme des diables à ses côtés.

« Nous y voilà. », dit Siegfried d’une voix sans timbre.
Hagen se tourna vers le champ de bataille, où le contingent ennemi se mettait en formation. Au centre se trouvait la phalange ambleronne… elle était flanquée par une autre ligne d’infanterie, puis par la cavalerie.
« Infanterie et cavalerie à notre gauche. », dit Froward. « Il doit s’agir des dernières poches de résistances avant la cité. Mais je ne vois pas qui se trouve de l’autre côté… », il désigna une masse compacte, hérissé de pique.
« L’anti-cavalerie... », rétorqua Siegfried. « …ils s’attendent à nous voir virer sur leurs flancs quand mes hommes auront passé les premières lignes. »
« Et vous comptez leur donner satisfaction ? », demanda Eric qui avait du mal à masquer son air perplexe. Sieg lui décocha un sourire glacial et éperonna son destrier.
Hagen l’imita.
Froward se pencha vers eux.
« Un capitaine devrait commencer la bataille à l’arrière de son armée… », dit-t-il d’un ton fatigué. « …il ne peut pas juger du déploiement de ses forces s’il est en première ligne. »
Siegfried l’ignora, et alla se placer à la tête de ses Cerberions. Les nordiens l’acclamèrent, et Hagen vit qu’une partie de leur fatigue les quitta quand ils scandèrent le nom de leur champion.
« Siegfried ! Siegfried ! SIEGFRIED ! »
Eric regarda Froward et haussa les épaules, il tira son épée et s’apprêta à fondre dans la mêlée, mais le bras d’Hagen le retint. « Quoiqu’il arrive, ne t’approche pas de mon cousin. Arrange-toi pour rester avec le corps d’infanterie. »
L’autre voulu répondre, mais Hagen leva son épée, intimant aux fantassins l’ordre d’avancer. Il suivit du regard la silhouette de Siegfried ; furie filante de noir et d’argent au cœur d’une maestria tumultueuse, et secoua tristement la tête.
Il avait tenté de l’aborder à plusieurs reprises depuis son arrivé au camp, mais Sieg semblait hors d’atteinte. Il s’était montré sourd aux tentatives de réconfort, tout comme il dédaignait les éloges et les vivats.
Il y avait comme un abîme en lui, et ses yeux sombres étaient un intime contraste, oscillant étroitement entre colère et affliction.
Tout en lui exhalait la souffrance.
Quand il chargeait, les hommes prenaient, à tort, son fiel pour du courage et le suivaient dans la tempête, prêt à en essuyer les déconvenues à n’importe quel prix. Il avait l’assurance d’un empereur et l’agressivité d’un fauve…
…mais Hagen connaissait la vérité. Il la sentait.
Siegfried ne cherchait pas la gloire.

Il voulait simplement mourir.

***

Brandissant l’une de ses épées, Siegfried chargeait dans la nuée ambleronne…
Mais il n’éprouvait nulle satisfaction… le vent fouettait son visage tandis que, derrière lui, le bruit des sabots produisait un grondement de tonnerre. Il sentit un grand calme l’envahir, et les images refluèrent…
Brunhild était morte. Son fils était mort. Ses espoirs étaient morts.
Et son cœur était brisé.
Il avait tué les soldats d’Odoacre dans le petit hameau. Un peu après, la cohorte de Govannan était arrivée et avait rattrapé les fuyards pour les faire prisonnier. On les avait attachés à l’arrière-garde, et les soldats avaient rejoint fort Khrön, sans se douter du carnage…
…et puis il avait aperçu la colonne de fumé au loin, et les échos des cris de détresse, portés par le vent. Aussitôt Siegfried avait piqué des deux, entraînant avec lui Govannan et les hommes de têtes.
Il avait vu son épouse débouler en trombe à la sortie du bourg et chuter lourdement avec Eivind. Démontant à la hâte, Sieg avait couru vers eux et les avait pris dans ses bras.
Son fils ne bougeait plus, et elle, avait une terrible blessure au côté. Le sol autour d’elle était rouge de sang.
Elle avait ouvert les yeux, et un sourire avait éclairé son visage.

« Je savais…que tu reviendrais me chercher. », avait-t-elle dit.
« Je suis là. Repose-toi. »
« Je suis fatiguée… »
« Je t’aime. », lui avait-t-il murmuré.
Elle avait soupiré doucement.
« Un mensonge… si doux. »
Ç’avaient été ses derniers mots. Il était resté agenouillé en les serrant tous les deux contre lui.
De l’autre côté, les bruits de bataille s’étaient rapprochés ; Govannan et son avant-garde avaient repoussé les envahisseurs vers l’Ouest, en direction d’Hasseroi, et l’ennemi y avait livré son dernier combat.
Mais Sieg ne s’en était pas soucié. Il avait passé les doigts dans la chevelure de Brunhild, le regard plongé dans ses yeux morts. D’autres hommes étaient arrivés devant les portes et s’étaient réunis autour de lui. Finalement il lui avait fermé les paupières. Puis il avait ordonné que leurs corps soient rapportés à la forteresse, et il était allé à la rencontre de Govannan.

« Il y a encore quelques combats vers l’aile nord… », lui avait-t-il dit. « Leur capitaine, un homme appelé Arnhild, a néanmoins réussit à fuir avec une partie de ses aides de camps. »
Siegfried avait hoché la tête.
« Nous avons fait des prisonniers. L’un d’entre eux nous a dit qu’Odoacre et le reste de ses troupes n’ont pas bougé de leur fief. »
« Je m’occuperais d’Hasseroi. », avait-t-il rétorqué. « Toi, retourne au château et liquide les dernières poches. Tue aussi les prisonniers. »
Il avait appelé ses hommes et s’était enfoncé dans le bourg à la recherche de survivants.  
Les cadavres gisaient partout.
Il avait vu Osgeir, l’aubergiste, la tête écrasée. Gervin, son fils, avait été transpercé par une lance brisée qui l’avait cloué à la porte de l’établissement. Une jeune femme était couchée plus loin. Elle avait eu la gorge tranchée après avoir été brutalement violé. Elle gisait sur le dos, sa robe remontée sur la poitrine, les jambes écartées. D’autres femmes avaient connu le même sort avant d’être tuées. Plus loin, un homme était allongé à plat ventre sur la dépouille de son fils, et Siegfried avait compris qu’il avait tenté de faire bouclier de son corps pour le protéger. Sur la place du marché, les enfants étaient éparpillés. Les tout petits avaient été jetés contre les murs dont le sang en maculait encore la pierre.
Et puis il avait pensé au petit atelier dans lequel il avait installé Gabriel et sa femme.
Il avait marché à travers les venelles, et était entré dans leur masure.
Il avait d’abord vu le corps mutilé de son ami.
Du sang avait giclé sur les murs et les placards, et coulait sur le sol.
Un bruit avait émané de l’agonisant…
Siegfried s’était agenouillé près de Gabriel qui avait levé une main. Elle n’avait plus de doigts. Son visage avait été tailladé au couteau, et la peau pendait en lambeaux sur les blessures. On lui avait arraché les yeux.
Il avait sursauté quand Sieg l’avait touché.
« C’est moi, c’est Siegfried… », avait-t-il dit d’une voix douce. « …tout vas bien Gabriel, on va s’occuper de toi. »
Gabriel avait tenté de parler, mais aucun son articulé n’était sorti. Du sang jaillissait de sa gorge à gros bouillons. Siegfried avait regardé l’homme torturé. Puis il avait compris ce qu’il essayait de dire. Un mot.
« Mé…lia. »
Au milieu de ses souffrances, il demandait ce qui était arrivé à sa femme.

« Elle va bien. », avait-t ’il répondu calmement. Son visage était resté fixé dans la concentration, pourtant une larme avait lentement roulé sur sa joue, puis une autre. « Elle va bien. Soit tranquille. »
Gabriel s’était détendu à ses mots, et le jeune homme avait déchiré un pan de sa cape pour faire une compresse autour de ses moignons.
Il était resté avec lui jusqu’à ce qu’il rende son dernier souffle.

Sa femme gisait dans la chambre à coucher.
Elle aussi avait été violée.

Durant les ennéades qui avaient suivi, il avait chevauché jusqu’à la forteresse d’Hagen et avait rassemblé une Ost. Le contingent s’était scindé en trois pelotons qui avaient ratissé tout Krahof à la recherche des hommes d’Odoacre. Les combats étaient bref, sanglants, et brutaux.
Il n’avait pas fait de quartier.
Plus tard, Siegfried avait appris la destitution d’Odoacre et le chaos à Hasseroi. Manifestement, le tyran avait été évincé dans son propre fief.
Personne n’avait compris ce qui s’était passé…
Et puis, à la fin de l’automne, il avait reçu la missive d’Hagen.
Siegfried avait laissé une cohorte à Krahof, et nommé un nouvel intendant alors qu’il prenait la route du Sud avec sa cavalerie. La misère était partout… En chemin, il avait croisé plusieurs groupes de réfugiés qui remontaient les anciennes routes commerciales pour fuir vers Serramire, ou en direction d’Estrévent, à l’Est. Le brigandage était monté en flèche dans ces terres marquées par la guerre civile, et ses hommes avaient dû faire front à plusieurs reprises, quand des bandes d’écorcheurs s’en étaient prises aux charrettes d’approvisionnement.
Il était arrivé, maussade et fatigué à Dormmel, là où étaient stationnées le gros des armées normanistes.

Depuis il combattait dans une guerre qui n’était pas la sienne.
D’emblée il avait pu cerner Norman, quand Hagen les avait présentés. Il appartenait à cette catégorie d’hommes qu’il n’avait vu que trop souvent ; des hommes qui prenaient ce qu’ils prétendaient être légitimement à eux, par la force des mots, d’abord…puis, par celle des armes quand la verve ne suffisait pas. Des hommes pour qui le droit de naissance ne constituait qu’une méthode de contrôle, et non une garantie de justice. Des hommes pour qui la fin justifiait toujours les moyens…des hommes de l’engeance d’Odoacre, Brynjölf, et même Goar.

Des hommes à l’image de la métonymie sgardienne, en définitive…
Des hommes pour qui il n'avait jamais juré allégeance.
Seulement, il était loyal à Hagen...

...et Hagen était loyal à Norman.

Une flèche siffla à ses oreilles… puis une deuxième. Siegfried se baissa pour l’esquiver, chassant les volutes de ces sombres réminiscences pour piocher dans des images aptes à nourrir sa rage. Cela n’avait rien de difficile…
Il avait l’embarras du choix.
La dépouille de sa mère, étendue au pied d’un donjon. Le sourire de Gabriel après une chevauché en Eraçon. La dernière étreinte de son père, au cœur d’un champ de bataille. Un enfant aux cheveux rouille qui courait vers lui en l’appelant « Papa ». Et les paroles de Brunhild.
« Un mensonge… si doux. »
Elles l’avaient brulées comme des serres de feu.

Son cheval plongea dans le mêlé, piétinant corps et armures. Le reste de la cavalerie l’imita.
Et tout ne fut plus que souffrance et désolation.

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Siegfried de Mhizaar (MAJ) Yan0

Deux jours plus tard, la centurie était rejointe par les garnisons Normanistes. On installa trébuchets, mangonneaux, bricoles et pierrières, alors que l’Ours d’Überwald supervisait lui-même la suite des évènements. L’attaque se déroulerait sur trois fronts ; Fenrick de Courreaux, Sir de Dormmel, longerait la Vâmme pour assiéger Oësgard-la-Citadelle, alors qu’Arne Agning, un chef mercenaire notoire partirait à l’assaut d’Essenburg. L’attaque d’Amblère serait menée par les bannières de l’Ours et du Cerberion.
Les pertes furent nombreuses, et les combat s’éternisèrent. Plusieurs mutineries éclatèrent dans le pavillon, et le calme, jusque-là précaire, du Baron éclata lorsqu’une missive arriva d’Oësgard-la-Citadelle, après cinq jours de siège ; Fenrick avait trahi la coalition, acceptant les pots-de-vin du Sanglier ambleron pour rallier les contingents de Goar.
On dit que la guitoune de commandement trembla au rythme des invectives de Norman –et les Cinq savent qu’elles furent légion.- mais curieusement, la fureur de l’Ours sembla redonner du fiel aux reîtres qui redoublèrent d’ardeur.

Les portes tombèrent au crépuscule du dixième jour…
…et le siège vira au cauchemar.

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Amblère, sud d’Oësgard, an de grâce 6 du onzième cycle. Arcamenel (8ème jour) de la sixième ennéade du Verimios d'hiver.

Des centaines d’assiégeants étaient étendus sur la lice tandis que le feu dévorait les toitures des dernières habitations…
À perte de vue, l’enceinte était constellée de cadavres. Des défenseurs amblerons s’affairaient autour des corps, détroussant les morts, achevant les blessés. Un peu plus loin, une bannière usée claquait au gré du vent d’hiver ; elle était marquée du Cerberion hurlant des Mhizaar. Parfois, les hommes étaient tombés en groupe, et formaient de sinistres tumulus hérissés de lances et de flèches. Et, là-dessus, l’écho des lames, du fracas des boucliers, et des hurlements poussés par les dernières poches de résistance.
Les journées sanglantes s’étaient succédées ; une accumulation de tueries, de massacres interminables, d’agonies et d’escarmouches. Les guerriers normanistes avaient déferlé sur le terrain vague, devant les remparts, en menaçant à chaque charge de prendre les amblerons au dépourvus. Mais chaque fois, ils avaient été repoussés, et la ligne de défense avaient tenu bon. Lentement, les forts s’étaient démarqués des faibles… tant et si bien qu’au bout du sixième jour, il était facile de voir la différence ; seuls les vétérans étaient encore en vie. Plus de quatre cents homme – krahofois et normanistes comprit- avaient été soit tués, soit évacués du champ de bataille affreusement blessés.
Jours après jours, Norman s’était échiné au pied des remparts, refusant tout conseil de repos, défiant son corps épuisé de le trahir. Hagen aussi s’était construit une réputation ; par deux fois, ses attaques avaient failli percer les lignes ennemis quand les tours de siège avaient percuté les créneaux. Siegfried se battait toujours avec ses Cerberions survivants, qui n’étaient plus qu’une trentaine. Govannan luttait à ses côtés, sur sa droite, et à sa gauche il y avait Sören, utilisant une hache qu’il avait volé sur le champ de bataille.
Les nuits étaient rythmées par l’angoisse et les cris des mourants, tandis que la liste des disparus s’allongeait à chaque levé de soleil ; Eric tomba, la gorge arrachée par une dague dentelée. Froward fut retrouvé sous un monceau de cadavres, une lance saillant de sa poitrine. Quant à Taranis, le vieux maître d’arme Zurthan, il fut coincé sous les tours des remparts avec d’autres hommes qui poussaient le bélier, et mourut le corps criblé de flèches…

Au cœur de ce chaos d’épées qui s’entrechoquaient, nombre d’actes d’héroïsme individuels passèrent inaperçus. Un jeune soldat qui se battait dos-à-dos avec Siegfried vit un lancier ennemi se ruer vers le Mhizaar. Sans réfléchir, il se jeta sur la trajectoire de la pointe en acier, et mourut dans d’atroces douleurs. Du côté ambleron, un homme bondit dans une brèche près de la tour des portes et grimpa sur les murailles, où il attrapa le haut d’une échelle et s’élança avec elle pour la dégager du mur. Quatre normanistes qui touchaient au but moururent avec lui dans la chute, et deux eurent les jambes brisées…
Par deux fois, les assiégeants risquèrent des attaques nocturnes, mais payèrent chèrement leurs efforts à chaque tentative.

Et puis, au soir du dixième jours, les portes cédèrent enfin…
…et personne ne vit la riposte arriver…

Quand le bélier s’était retiré, les hommes s’étaient engouffrés dans la brèche. Les combats furent féroces, et la progression acharnée, enfin, quand Norman passa l’arche, il y eut du mouvement sur les remparts, et la herse s’abaissa subitement. Les archers, placés en haut du chemin de ronde, avaient criblé les hommes en contrebas, tandis qu’on incendiait des monticules de combustible ; bois, poix, naphte… placés stratégiquement sur les quelques points d’accès menant aux niveaux supérieurs. Progressivement, la lice s’était changée en un chaos homérique bercé par les cris de panique et les hurlements atroces des hommes pris au piège.
La formation s’était brisée, et Siegfried avait été séparé d’Hagen pendant la cohue. De nombreux soldats s’étaient réfugiés dans les bâtiments pour échapper au carnage, mais des traits enflammés avaient atteint les toitures, donnant naissance à de nouveaux foyers.
Sören et Govannan sur les talons, il s’était taillé un chemin à coup d’épées au travers de la débandade. Les hommes mourants autour de lui ; certains criblés de flèches, d’autres –ceux qui s’étaient cachés à l’intérieur des habitations- se jetant désormais par les fenêtres pour échapper aux flammes. Longeant les murailles, ils avaient trouvé une faille causée par un tir de trébuchet, et s’était rué à l’intérieur. Le trio avait évolué dans la forteresse, croisant parfois d’autres guerriers qui, eux-aussi, avaient réussi à s’infiltrer. Mais personne ne leur avait prêté attention.
Chacun essayait de sauver sa vie, à présent…
Les couloirs étaient déserts… tous les défenseurs se trouvant désormais sur les remparts, occupé à massacrer les assiégeant sur la lice.
Au fond d’une allée, ils débouchèrent sur une nouvelle brèche, creusée dans la muraille. Le boulet avait continué sa route à travers les pièces adjacentes et se trouvait désormais fiché dans une cloison, au terme d’une traînée de débris éparpillés.
À travers la hoche filtrait timidement quelque rayon de lune, et Sören se pencha dans la trouée pour jeter un œil à l’extérieur. Le silence était retombé dans la nuit froide, tandis qu’en contrebas, à peut-être cinq ou six mètres, courraient les eaux tumultueuses de l’Ambrie.

Il arracha ses spalières et tira sur les jointures de son plastron.

« File-moi un coup de main ! », dit-t-il à Govannan. Tandis que les rivets résistaient sous sa poigne.
« Tu n’es pas sérieux ? », répondit l’autre, les yeux braqués sur la vitesse des courants.
« Tu vois une autre solution ? »
« Il y a d’autres soldats, Norman et l… »
« Bougre d’imbécile, regarde donc autour de toi. La coalition est tombée, c’est fini…Goar a gagné ! Siegfried, dis-lui bon sang. »
Mais Siegfried demeurait silencieux, le regard figé en direction des couloirs désert tandis qu’un air brumaille dépeignait sur son faciès couvert de suie.
« Hagen est toujours sur la lice… », Sören leva les yeux au ciel.
« Hagen est mort bon sang ! », il avait parlé d’un ton sec, faisant fi du protocole à respecter lorsqu’on s’adressait à la noblesse. Pour lui Siegfried était toujours le camarade qui avait naguère évolué à ses côtés, à fort Schorm.
« Alors où est son corps ? », rétorqua le Mhizaar du tac-o-tac. Les paupières de Sören se plissèrent dangereusement, mais Siegfried conserva ses prunelles plantées dans les sienne. Et puis comme s’il se rendait compte de quelque chose, il se détendit et secoua la tête. « Hagen est mon cousin, je ne partirais pas sans lui, mais je ne vous obligerais pas à me suivre. Je vous libère de vos v … », sa phrase fut brutalement interrompue par un direct du droit.
Le Mhizaar s’effondra.
« Foutre ! Mais qu’est-ce que tu fais ? », s’exclama Govannan.
« L’héroïsme, franchement... Maintenant ferme-la et file-moi un coup de main. », dit-t-il en lui retirant son gorgerin.
« Il va te tuer. »
« M’engeuler plutôt, au mieux j’aurais son poing dans la figure. »
« Au mieux ou au pire ? »
Sören s’esclaffa, et se remémora fort Schorm.
« Bah… ce ne serait pas la première fois. »

--------------------

La forteresse d’Amblère était en effervescence…

De la fumée s’élevait encore des venelles du bourg, là où les combats avaient été les plus violents, mais plus aucune volée ne venait strier l’espace environnant. À l’extérieur, les amblerons observent silencieusement la garnison de Goar rassembler les prisonniers.
Le conflit était terminé.
Mais personne ne se congratule…
Et tandis qu’on menait Hagen avec les autres captifs, et que l’on fouissait le charnier en quête de la dépouille de Norman, il était des détails… d’infimes vétilles, que tous avaient ignorés.

Les pièces d’armures éparpillées dans un couloir désert.
Deux hommes tirant une silhouette inconsciente le long des murs éventrés.
Un plongeon dans les eaux glaciales du fleuve.

Des jurons, dans l’Ambrie…

…et l’absence de Siegfried de Mhizaar parmi les monceaux de cadavres éparpillés sur la lice du château.

On dit que le règne de Goar fut aussi bref qu’asthénique…

Chapitre V: Clair-obscur

Siegfried de Mhizaar (MAJ) 7e55

Citation :
« Il n'y a jamais rien de sûr dans la vie. Excepté la promesse de mourir. »

Chroniques, extraits des mémoires de Siegfried de Mhizaar.

Quelque part dans l’Andelwald (Oesgardie), an de grâce 8 du onzième cycle. Oglicos (7ème jour) de la première ennéade du Verimios de printemps.

Une brise printanière glissa sur les plaines oësgardiennes, chassant les dernières blennorrhées hivernales tandis que fondaient au soleil les vestiges ivoirins de la saison précédente. Le ciel nuageux était d’un gris tourdille, laissant filtrer, ça et là, quelques rayons timides alors que l’aube pointait doucement au loin, derrière les Monts d’Or. Au sommet d’une colline, un cavalier solitaire observait le spectacle évanescent de l’aurore, appréciant l’air glacé qui vint faire danser ses mèches sauvages autour de son visage. Elles étaient d’un bronze pur, presque andrinople…
Sous sa cape d’un beige bismarck rutilait une armure de plaques, et tout dans son attitude soulignait cette prestance farouche, si distinctives des hommes du Nord. Ses yeux sombres étaient froids et mélancoliques.
Le hongre piaffa sous sa selle, et Siegfried effleura sa crinière d’une main apaisante.
Lentement, il se détourna, menant sa monture en bas de la colline, là où bivouaquait le reste de la troupe ; une vingtaine d’hommes, tout au plus. Il lui avait fallu plus d’un an pour rassembler ce qui restait du Cerberion, après le traumatisme d’Amblère.
Il avait repris conscience sur les berges du fleuve, à quelques lieux de la forteresse, Govannan était étalé à côté de lui, mais Sören avait disparu. Les deux hommes avaient passé les ennéades suivantes à errer dans la fagne sgardienne. Deux mois plus tard ils avaient trouvé d’autres survivants, et peu à peu, la cohorte avait formé une fraternité soudée qui galvaudait à travers les plateaux du septentrion ; vivant du mercenariat, parfois de rapines quand la faim les poussait à jeter leur honneur aux orties.
Les nouvelles leurs étaient parvenues des rares voyageurs rencontrés sur les routes ; Goar s’était proclamé roi de Sgarde, et avait scindé la contrée naguère rattachée à Diantra, clamant une indépendance qui n’avait plus existé depuis les premières invasions pentiennes, six siècles plus tôt. La province s’était repliée sur elle-même tandis que ses lacis commerciaux s’effondraient, et ses habitants avaient dû réapprendre à vivre en autarcie. Le règne du Sanglier dura plusieurs saisons, avant de s’achever brusquement, au crépuscule de l’an sept, lors d’une croisade en Aduram. Ce fut son neveu Geoffroy qui monta sur le trône sous la régence d’Imbert VII, un cousin éloigné.
D’Hagen n’avait subsisté aucune nouvelle…
En corrélation, d’autres échos leurs étaient parvenues du Sud. Aetius d’Ivrey avait perdu la vie dans des circonstances brumeuses, et le Médian avait croulé sous les affres d’une énième guerre civile… Aux dernières nouvelles, Diantra était occupée par les troupes Hautvalloises et Velteriennes, tandis qu’à la pointe méridionale, on avait assisté à la montée en puissance du dragon Anoszia, qui gouvernait Ydril d’une poigne de fer, à l’épilogue d’un autre conflit interne. Pour finir, des troupes Etherniennes avaient mené plusieurs incursions dans le septentrion ; appuyé des garnisons d’Oschide d’Anoszia, Jérôme de Clairssac s’étaient emparés de presque toutes les forteresses du sud de la Sgarde.

Les métaplasmes du changement étaient partout.

Et puis il y avait eu autre chose.
Au cours de ses déambulations, la compagnie avait appris qu’une autre escadrille -constituée de renégats pour la plupart, ou de familles déchues après la victoire de Goar- sévissait dans le Nordwald. Elle était menée par Arnhild, un ancien lieutenant d’Odoacre qui avait, disait-t ’on, déserté Hasseroi après avoir supervisé le sac de fort Khrön.
Aussitôt, l’information avait fait remonter des souvenirs enfouit en Siegfried qui s’était intéressé de près aux agissements de cette bande d’écorcheurs. Ses hommes, dont la plupart avaient perdu des proches à Khrön n’y avaient pas vu d’objections, et ils avaient passé plusieurs saisons à traquer les survivants d’Hasseroi.
Par deux fois, les deux compagnies s’étaient affrontées. Siegfried avait même failli atteindre Arnhild durant la dernière bataille, mais lui et sa cavalerie avaient réussi à fuir.
Depuis, plus rien, jusqu’aux nouvelles venues d’Amblère.
Amblère.
Toujours Amblère semblaient-t-il…
…encore Amblère.
À peine la plaie s’était-t-elle refermée qu’une nouvelle infection était là pour la gangrener.

Les Drows étaient de retour.
Avec eux, la rumeur d’une coalition menée par Aymeric de Brochant et d’autre Sirs venu de toute la Péninsule pour affronter la menace.
Le bruit disait qu’Arnhild aurait rangé son escouade sous les bannières serramiroises contre une petite rémunération.

Il vit Govannan galoper dans sa direction.
« Les Cerberions sont prêt ? », questionna la voix calme du Mhizaar.
« Ils attendent leur capitaine. »
« Bien, il va falloir ménager les montures. Les hommes et les bêtes doivent atteindre Amblère avec la force de se battre. », il attendit un instant, mais le soldat ne se détourna pas tout de suite.
« Oui, Govannan ? »
« Tu crois qu’il y aura quelqu’un là-bas ? », demanda son second, l’air songeur.
« Tu préfères la vérité ou un mensonge ? », rétorqua Siegfried, dont le franc-parler semblait rébarbatif. Govannan lui lança un regard anxieux.
Il se radoucit. « Très franchement je l’ignore. On dit que le Nord est en train de rassembler une armée… mais ce ne sont que des ouï-dire, pour l’instant. », il resta silencieux un moment. « Qui plus est, certains échos suggèrent qu’Arnhild y aurait stationné sa division. Je tiens à en avoir le cœur net. »
« Il y aura des centaines de bannières là-bas, même une aiguille dans une botte de foin serait moins difficile à trouver. »
Un sourire étrange coula sur les lèvres du Mhizaar.
« J’extrairai chaque de brins de paille pour déloger cette aiguille, s’il le faut. »

Il avait prononcé ces propos sans colère, mais avec une résignation tranquille qui en accentuait la portée.
Ses yeux sombres se détournèrent de Govannan, et il leva le poing tandis que la cavalerie se rassemblait autour de lui. Dans un bruit de tonnerre, les coursiers se mirent en branle dans les landes sauvages du septentrion. Et tandis qu’il fixait une ligne située au-delà du visible, à l’horizon, Siegfried se laissait envahir par une froide neurasthénie.
Lorsqu’il avait rejoint Norman, deux ans plus tôt, il avait été convaincu de sa mort imminente. Loin d’être effrayé, il l’avait accueilli en son cœur, l’acceptant, la souhaitant même, tandis que les esquisses de Brunhild et Eivind planaient dans sa mémoire comme une bise boréale. Avec le temps la douleur s’était changée une créature glacée qui venait parfois lui souffleter des paroles de fiel et de désolation.
Il avait désormais dans le cœur une vielle voix, dure et morte, qui murmure « Tout meurt. »
Le jour, il ne l’entend pas ; un combat…une chevauché…un soupé au coin du feu avec Govannan, lui font même oublier qu’elle est là. Mais la nuit…
La nuit, les murs qu’il a érigés commencent parfois à se déliter. Il arrive qu’ils se fissurent.
La nuit, la créature de ses souvenirs s’insinue entre les failles et rampe jusqu’à son esprit pour lui murmurer ce qu'il a perdu, et ce qu’il perdra encore…
La voix lui rappelle, toutes les nuits, comment il a tenu sa femme, mourante, dans ses bras. Comment il a échoué à protéger son fils. À les protéger tous les deux. Elle lui murmure comment il a perdu Gabriel, Hagen, et tant d’autres.
La voix lui rappelle, toutes les nuits, qu’un jour il perdra Govannan. Qu’il perdra ses camarades. Et que tout est inéluctable dans les prédestinations éphémères, superficielles, et inhérentes à la race Humaine.
« Tout meurt…tout est perdu », lui souffla-t-elle.
* …peut-être. * , lui répondit Siegfried.

Fugacement, il se dévissa sur sa selle pour jeter un coup d'œil aux dix-neuf cavaliers qui le suivaient.
« Tout meurt…tout est perdu. »
* Peut-être… *
Le guerrier claqua les rennes, et éperonna sa monture.
L’étalon fila au galop.
* …mais perdu pour perdu, autant partir en beauté. *

--------------------


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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeLun 11 Mai 2015 - 14:36

Je préfère commencer la correction dès maintenant. Comme ta fiche est très longue, penses à mettre les modifications que tu apporteras d'une autre couleur s'il te plait.

Citation :
« Joins-toi à Goar, Siegfried. Au diable Hagen et ses serments Normanistes ! Parlons d’un nouveau traité. »

A l'époque, c'est à dire en l'an 5, Norman n'était pas encore en guerre contre Goar. Il l'était contre Ithier de Nulhadon, mais celui-ci se trouvait au sud et n'avait que le soutien des gens du sud, le nord était alors normanien.

Citation :
Au fil des semaines
On dit ennéades ici, les semaines n'existent pas Wink

Citation :
À ses côtés, son frère Raymond, Eugénie et…Blanche.
Juste pour la précision, Blanche avait 13ans à l'époque Wink

Citation :
Ce fut une année orageuse. Fraîchement adoubé, Wulfric fut envoyé dans le Hortles pour y gérer un conflit aux origines absconses. Les rumeurs disaient qu'un groupe de déserteurs y sévissait, s'en prenant aux caravanes et aux hameaux isolés, enlevant parfois femmes et enfants à l'épilogue de raids sanglants.

Il n'y a pas de caravanes par là-bas.

Voilà pour le moment, c'est tout :)
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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeLun 11 Mai 2015 - 22:53

--------------------

Siegfried de Mhizaar (MAJ) Txxo

(en cours d'écriture)


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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeVen 29 Mai 2015 - 14:28

Fiche terminée.
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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeVen 29 Mai 2015 - 15:36

Citation :
Ils comptèrent parmis les premiers païens à s’insurger face aux invasions pharétanes, quand le Médian s’est imposé au Nord,

Ce ne sont pas les invasions pharétanes, les peuples du médian sont différents des pharétans Wink

Citation :
Labib Ibn-Al’Mukhlis
Enlèves le Ibn qui veut dire fils en arabe Razz , on essai d'éviter les trucs traduits en différentes langues Wink

Sinon pour l'aigle de sang, enlèves al petite notice hrp Razz, c'est exécution wandraise normalement, mais étant donné l'assimilation ça ne devrait pas gêner qu'elle soit utilisé par les sgardiens.

Citation :
À l’aube de l’an 5, Goar d’Amblère, Hannegard Kastelord, et Brynjölf de Mizar
Goar n'a pas rejoint ses armées à l'ost normanien, il a plutôt investi les forteresses normanienne pendant que les hommes de norman s'en allait combattre.

Sinon durant l'an 2 à l'an 6, il y a eu ceci en Oësgard :
Spoiler:

et c'est en l'an 6 qu'Ithier est renversé. Mais entre temps il y a eu des batailles auxquels les Mizar ont participé normalement.

Citation :
Et tandis qu’on menait Hagen avec les autres captifs, et que l’on exposait la dépouille de Norman, le long des remparts, il était des détails…d’infimes vétilles, que tous avaient ignorés.
Sa dépouille ne fut jamais retrouvée.

Citation :
Goar s’était proclamé roi de sgarde, et avait scindé la contrée naguère rattachée au Médian
Rattaché à Diantra, ce qui est différent du médian

Citation :
clamant une indépendance qui n’avait plus existé depuis les premières invasions pharétanes, six siècles plus tôt.
Pas pharétane, pentienne (du culte pentien assimilés aux médianais)

Citation :
En corrélation, d’autres échos leurs étaient parvenues du Sud. Aetius d’Ivrey avait perdu la vie dans des circonstances brumeuses, et le Médian avait croulé sous les affres d’une ennième guerre civile… Aux dernières nouvelles, Diantra était occupée par les troupes Hautvalloises et Velteriennes, tandis qu’à la pointe méridionale, on avait assisté à la montée en puissance du dragon Anoszia, qui gouvernait Soltaar d’une poigne de mithril.
Les métaplasmes du changement étaient partout, mais ils n’étaient rien en comparaison des échos venues d’Amblère…
J'aurais bien aimé, mais non Razz. Pendant que Velteroc et Hautval faisaient la guerre à Diantra, Jérôme d'Etherna envahit la Sgarde et prend les forteresses du sud avec les ost arétrian, ydriains (des Anoszia) et une compagnie royale commandée par Oschide d'Anoszia
Au sud, guerre civile à Ydril où à la fin les Anoszia gouvernent Ydril d'une poigne de fer mais pas le Soltaar, le Soltaar est gouverné par la princesse Yssoise, Kahina.

Les drows ne rentrent en Sgarde qu'un mois après l'invasion de Jérôme.

Sinon, parfait :D
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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeVen 29 Mai 2015 - 16:54

Citation :
Ils comptèrent parmis les premiers païens à s’insurger face aux invasions pharétanes, quand le Médian s’est imposé au Nord,
Richis : Ce ne sont pas les invasions pharétanes, les peuples du médian sont différents des pharétans

J'ai donc rectifié "pharétanes" par "pentiennes".

Citation :
Labib Ibn-Al’Mukhlis
Richis : Enlèves le Ibn qui veut dire fils en arabe , on essai d'éviter les trucs traduits en différentes langues

"Ibn" retiré. (tu m'apprends un truc Wink c'est le personnage d'Azeem dans le Robin des bois de 1991 qui m'avait inspiré, ça, et le fait que la culture Zurthanide se rapproche beaucoup des peuples Mamelouks dans l'Orient médiéval)

Citation :
Sinon pour l'aigle de sang, enlèves la petite notice hrp :p , c'est exécution wandraise normalement, mais étant donné l'assimilation ça ne devrait pas gêner qu'elle soit utilisé par les sgardiens.

Notice retirée.

Citation :
À l’aube de l’an 5, Goar d’Amblère, Hannegard Kastelord, et Brynjölf de Mizar
Richis : Goar n'a pas rejoint ses armées à l'ost normanien, il a plutôt investi les forteresses normanienne pendant que les hommes de norman s'en allait combattre.

J'ai retiré le nom de Goar dans le paragraphe citant les alliés de Norman. (début du troisième poste)

Citation :
Sinon durant l'an 2 à l'an 6, il y a eu ceci en Oësgard ; Bien que les tensions étaient grandes lors de la prise de pouvoir des plus brutales de Norman, peu s'étaient dressés contre lui. Cependant, lorsque l'un des châtelains oësgardiens se souleva contre ce nouveau baron, remettant en cause son autorité et son droit sur Oësgard, la guerre fit rage, et après trois mois de siège, la forteresse de ce petit seigneur tomba. Le traitement infligé au seigneur, la pendaison, mort qui bafoue le droit ultime de la noblesse à mourir la tête tranchée, fit monter les protestations d'un cran, mais ce fut l'assassinat des vassaux du rebelle, qui pourtant s'étaient rendus, qui réveilla les braises de la fronde et la fierté du reste des seigneurs d'Oësgard.

On commença à conspirer et lorsque le baron imposa des travaux aux hommes libres, les châtelains profitèrent du mécontentement des bourgeois et des paysans pour se rebeller contre Norman. La crainte qu'il inspirait avait été dépassée par la haine que ses décrets avaient fait naître et croître. A la tête de cette fronde, Ithier de Vieldrain, fils du précédent seigneur de Nulhadon, rejoint par les villes et les châtelains.

J'en ai fait une vague mention dans le troisième chapitre, mais sans trop m'attarder. J'espère que cela convient.

Citation :
Et c'est en l'an 6 qu'Ithier est renversé.

Passage rectifié à la fin du troisième chapitre (troisième poste).

Citation :
Et tandis qu’on menait Hagen avec les autres captifs, et que l’on exposait la dépouille de Norman, le long des remparts, il était des détails…d’infimes vétilles, que tous avaient ignorés
Richis : Sa dépouille ne fut jamais retrouvée.


Rectifié, j'ai simplement dis que les soldats étaient à la recherche du corps. Ainsi, le mystère reste entier Wink

Citation :
Goar s’était proclamé roi de sgarde, et avait scindé la contrée naguère rattachée au Médian
Richis : Rattaché à Diantra, ce qui est différent du médian.

Rectifié.

Citation :
Clamant une indépendance qui n’avait plus existé depuis les premières invasions pharétanes, six siècles plus tôt.
Richis : Pas pharétane, pentienne (du culte pentien assimilés aux médianais)

"Pharétanes" rectifiées par "pentiennes", comme plus haut dans le troisième chapitre.

Citation :
En corrélation, d’autres échos leurs étaient parvenues du Sud. Aetius d’Ivrey avait perdu la vie dans des circonstances brumeuses, et le Médian avait croulé sous les affres d’une ennième guerre civile… Aux dernières nouvelles, Diantra était occupée par les troupes Hautvalloises et Velteriennes, tandis qu’à la pointe méridionale, on avait assisté à la montée en puissance du dragon Anoszia, qui gouvernait Soltaar d’une poigne de mithril.
Les métaplasmes du changement étaient partout, mais ils n’étaient rien en comparaison des échos venues d’Amblère…

Richis : J'aurais bien aimé, mais non Razz . Pendant que Velteroc et Hautval faisaient la guerre à Diantra, Jérôme d'Etherna envahit la Sgarde et prend les forteresses du sud avec les ost arétrian, ydriains (des Anoszia) et une compagnie royale commandée par Oschide d'Anoszia
Au sud, guerre civile à Ydril où à la fin les Anoszia gouvernent Ydril d'une poigne de fer mais pas le Soltaar, le Soltaar est gouverné par la princesse Yssoise, Kahina.

Les drows ne rentrent en Sgarde qu'un mois après l'invasion de Jérôme.

Passage remanié.

Tout les changement ont été sur-lignés en rouge. (je retirerais la couleur si tout est ok)
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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeVen 29 Mai 2015 - 16:57

On dit culture zurthane, et les zurthans sont un peuple noir vivant sur les terres stériles et servant de réserves d'esclaves aux drows et l'estrevent Wink

Sinon, c'est parfait je valide ! Tu connais ton chemin
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Siegfried de Mhizaar
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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeVen 29 Mai 2015 - 17:00

J'en prend note Wink

Merci pour la correction !
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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeJeu 25 Juil 2019 - 12:33


Fiche remise en présentoir pour mise à jour
Comme d'hab, ça nous facilite le boulot de revalidation si tu nous pointes du doigt les éléments changés histoire qu'on puisse les identifier plus facilement o7

Et rebienvenue parmi nous du coup :proud:

Ancienne fiche:

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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeJeu 19 Sep 2019 - 19:05


Bien le bonsoir o/

Comment s'en sort cette fiche ? Si tu as la moindre question, n'hésite pas à MP le Staff comme à venir discuter sur la Chatbox ou le Discord Siegfried de Mhizaar (MAJ) 315816

Un petit signe de vie suffira, sinon la fiche sera archivée le 26 septembre. Bien sûr, tu pourras la récupérer par la suite pour mettre à jour si le coeur t'en dit.

Bon courage !

EDIT : Signe de vie donné par MP, retour de la fiche dans le Présentoir !
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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitimeSam 2 Nov 2019 - 21:14


Bonjour !

Je viens à la chasse aux nouvelles!
Es-ce que cette fiche est bientôt terminée?
Si possible juste nous faire un petit signe de vie sinon la fiche sera archivée le 9 Novembre.

Bien sûr, tu pourras la récupérer par la suite pour mettre à jour si ça te tente.

Nous sommes aussi disponible sur Discord ou par MP si tu as des questions!


A bientôt Siegfried de Mhizaar (MAJ) 315816
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MessageSujet: Re: Siegfried de Mhizaar (MAJ)   Siegfried de Mhizaar (MAJ) I_icon_minitime

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